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Full text of "Archives historiques et littéraires du Nord de la France et du Midi de la Belgique"

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ARCHIVES 
HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES. 


—— 


IMPRIMERIE DE A. PRIGYET, RUES DE MONS, 9, A VALENCIRNNES. 


KLIKE BIBLIO 


MULLER 


DNRR7 EDR 


ARCHIVES | 


HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES 
du Mord de La France 


ef Du NAT de [a Belgique ; 


Par 4. DINAUX, de la Société nationale des Antiquaires de France; associé de l'Académie 
royale de Belgique ; membre des Sociétés d'agriculture, sciences et arts de Lille et de 
Douai; de celle d'Emulation de Cambrai ; de celles des antiquaires de la Picardie et de La 
Morinie; de la société d'histoire et d'archéologie de Châlon-sur-Saône ; de celle des 
sciences, des lettres et des arts du Hainaut ; de la société des bibliophiles belges ; de celle 
de l'histoire de France ; correspondant du ministère de l'instruction publique pour les 
recherches historiques ; vice-président de l’académie de peinture, sculpture et architee- 


ture de Valencienres. 


TROISIÈME SÉRIE. © ©. à À 
TOME 4e à 


VALENCIENNES, 
AU BUREAU DES ARCHIVES, RUE DE LA NOUVELLE HOLLANDE, 7 bis. 


1850. 


Digitized by Google 


À NOS LECTEURS. 


Ce Recueil, commence il y a22ans, avec la garantie de trois noms, 
alors peut-étre un peu nouveaux dans le monde littéraire, n’en porte 
plus qu'un seul aujourd’hui sur son titre. C’est peu sans doute: 
mais, des deux hommes qui débutèrent avec nous, l’un, M. Le Gray, 
continue dans le poste élevé où il est placé à nous tendre une main 
toujours ferme et secourable , et à nous aider de ses vives lumières 
qui éclairent notre marche, el de ses conseils aussi sûrs qu’excellents 
et désintéressés. Si, d’un autre côté, une séparation prématurée et 
fatale nous a enlevé notre regrettable et constant collaborateur, 
M. Aïmé Lenov, il nous reste de lui beaucoup de matériaux que 
nous nous altacherons à meltre en ordre pour les confier à la publi- 
cité. Nos lecteurs ne perdront de ses travaux que cette dernière main, 
ce poli, qu’il savait donner à ses œuvreset qui ne lui semblait jamais 
ni assez fini ni assez complet. Ainsi, ce que les Archives auront 
perdu en variété et en finesse de style, elles le regagnoront en unité el 
en régularité de publication. Une seule main qui dirige peut plus 
comme pouvoir exéculif que plusieurs volontés réunies méme lors- 
qu’elles sont bien d'accord: c’est là un axiôme prouvé tant pour les 
productions litléraires que pour les œuvres politiques, et deux années 
de République n’ont fait encore qu’en démontrer mieux que jamais la 
vérilé. 


Nous paraîtrons donc plus régulièrement : aussi bien n’asons-nous 
plus à craindre aujourd’hui que cette forme ponctuelle de publication 
nous altire l’attention du fisc qui n'a d'ordinaire pour la littérature, 
que des yeux dans le genre de ceux de l’Avare ne voyant que sa cas- 
selle. Nous n’avons plus besoin maintenant de chercher à rompre 
toule périodictié pour éviter, comme au début de notre œuvre, que 
l'autorité départementale, voulüt nous infliger la chaîne de la. gérance 
et la charge du timbre: c’est la seule marque d’attention que les 
gouvernements passés aient voulu donner à notre modeste recueil, 
qui, grâce à Dieu, ne chercha jamais à attirer sur lui l'œil de l'au- 
torité, et qui espérait bien passer ikaperçu du pouvoir, pensant, 
comme Figaro, qu’il nous fait toujours assez de bien Re à il ne 
nous fail pas de mal. 5 


Nous continuerons d'assurer l'exécution de notre plan primitif : 
pas de sciences exactes, pas de politique, rien de ce qui soit étranger 


— 6 — 


auæ contrées que nous habilons. Nous ne séparons point ce qu’unis- 
saient nos vieilles annales: le méme langage, la méme religion, les 
mémes mœurs el coûtumes; nous continuerons à mettre en pralique 
le libre-échange historique et littéraire que nous avons proclamé 
avec le midi de la Belgique depuis tantôt un quart de siècle, en dépit 
des barrières duuanières et postales, des traités et des congrès. Sur 
ce point, nous sommes d’un radicalisme éhonté, et nous continuerons 
à proclamer que la meilleure des Républiques est la République 
universelle des lettres. 


Déjà, dans nos ARCHIVES, nous avons décrit une foule de monuments 
etde châleaux de la France septentrionale et de la Belgique; fournides 
biographies rectifiées ou complétées, ou entièrement neuves, sur denom- 
breux compatriotes; produit un millier d'articles courts et légers sur 
les Hommes et les Choses de la contrée , et analysé un pareil nombre 
d'ouvrages publiés dans le pays. Cet ensemble forme déjà un vaste 
répertoire de faits, de notions historiques, de données littéraires; 
toulefuis notre tâche est loin d'étre achevée : les souvenirs glorieux 
de nos provinces sont si riches que la source n'a garde d’en étre 
épuisde; l’activité de production est telle, que les œuvres locales se 
succèdent rapidement et appellent plus que jamais l'attention ‘du 
public éclairé; enfin, le goût de la bibliographie s’est tant et si géné- 
ralement étendu, que nous serons encore amenés à réimprimer des 
pièces uniques ou rarissimes qui nous tomberont sous la main. Les 
recherches généalogiques, la numismatique, la paléographie, la 
gravure, la peinture, l'archéologie, en tant qu'elles se rapportent à 
nos localités, seront longtemps un fonds inépuisable pour nos publi- 
cations futures. Nous tiendrons plus que jamais à ne jeter sous les 
. yeux de nos. lecteurs que'des sujets neufs , ou peu connus jusqu'ici, 
afinque motre recueil ait du moins le mérile de contenir des choses 
qu'on ne trouverait pas ailleurs. La Variété qui repose l'esprit en 
le changeant d'objet, sera loujours notre devise: c’est ainsi que 
parfois l'érudilion, que notre siècle trop léger est très tenté de 
repousser, trouvera grdce devant nos lecteurs; ils aborderont peut- 
étre plus facilement un fond sérieux et grave sous le couvert d'une 
forme légère ou mondaine: le pavillon sauvera alors la marchandise. 
Rarement et seulement quand le sujet Vexigera impérieusement 
nous arriverons aux cialions latines, el nous prévenons qu’en 
faveur des dames élrangères à l’idiome du Peuple-Roi, et de ceux 
de nos lecteurs qui sont un peu femmes sur ce point, la traduction 
suivra de près le texte original. 


Nous avons souvent désiré donner à nos Archives une sorte 
d'illustration tinstruclive en reproduisant, par la gravure, les 


ae 


monuments anciens el détruits du pays, les traits des illustres morts, 
et les souvenirs les plus glorieux de nos provinces : notre zèle à cet 
égard s'est trouvétrop souvent en défaut par le manque d'artistes, 
dans la localité, pouvant reproduire avec finesse et intelligence ce que 
le temps a dévoré. Nous y avons suppléé quelquefois, d'une manière 
bien incomplète sans doute, par d'anciennes planches retrouvées et 
exhumées des cabinets des curieux. Nous continuerons ce genre de 
reslauralion, et nous espérons pouvoir y ajouler bientôt quelques 
eaux-fortes modernes dues à de jeunes amateurs du pays qui s’e- 
æœercent modestement et à huis clos, dont le talent grandit en silence, 
et qui rendront incessaniment au siècle présent, le bon office que MM. 

Alex. de Famars, de Pujol et le prince de Le rendaient aux 
mémes lieux dans le siècle dernier. 


Lorsque, il y a bien longlemps déjà, nous avons commencé la 
publication du recueil dont nous entamons aujourd’hui la troisième 
série qui vraisemblablement sera la dernière, les études historiques, 
les recherches archéologiques, l’amour du moyen-dge, l'attrait de la 
numismalique, de la science héraldique, et de tous les monuments 
de l’art, vieux souvenirs du passé, n’avaient garde d’avoir la vogue 
qu’ils obhinrent depuis lors; nous eûmes le bonheur et l'instinct de 
pressentir le goût de la génération nouvelle et d'aller au devant de ses 
penchanis : on nous en a su gré el nous avons trouvé parlout appui 
el sympathie. De nombreuses imitations de notre entreprise, les unes 
déjà fatalement échouées, les autres encore naissantes, ont surgi 
après nous et furent saluées de nos encouragements; ce fût là, nous 
Vavouons, notre plus belle récompense. La presse de toutes les 
nuances politiques nous a été favorable, les hommes d'intelligence de 
plusieurs pays nous ont tendu la main; ceux mémes que leurs fonc- 
tions éloignaient de notre genre d’étude, trouvèrent bon et utile 
de soutenir et de propager une œuvre toule d’intérét local, qui 
tendait à attirer la jeunesse vers les recherches sérieuses de l’histoire 
du pays, et à user cette ardeur et celte activité du temps présent dans 
des occupations douces et profitables qui avaient pour objet d’éclaircir 
les fails des temps écoulés et d’en tirer les leçons de l’expérience. 
Nous espérons que la méme faveur nous sera conservée dans l'ave- 
nir; que les hommes saturés de la politique si souvent vaine el 
décevante, fatigués des Révolutions, des insurrections et des élections, 
chercheront à se distraire soit par la lecture, soit par la collaboration 
d'un ouvrage qui s’offre comme un terrain neutre pour tous les partis 
et qui ouvre un refuge honnéle aux gens de loisir, aux amis de la 
bonne Flandre, et à ceux qui furent élevés dans Pamour du sol el 
des traditions anciennes. 


ne 


Une société d’antiquaires de nos environs [1] a dit avec justesse 
que c'était « un sentiment indélébile et indéfinissable qui attache 
Phomme au pays qui l'a vu naître. Ue sentiment es: un principe 
conservateur de la sociélé humaine. 


« Si l’amour dela patrie esichez les peuples sauvages l’instinct 
d’un intérét, chez les nations civilisées cet amour est un culte. Le sol 
nalal leur est moins cher par les fruits qu’il porte, que par les souve- 
nirs qu’il leur rappelle, moins cher parcequ’il a élé leur berceau, 
que parcequ’il est le tombeau de leurs pères. Le lien de la piété 
filiale qui enchaîne les générations les unes aux autres ne perd rien 
desson inlenstlé par la distance des siècles : Les peuples sont .ordinat- 
rement plus fiers de leur gloire antique que de leur gloire moderne.» 


Fatsons donc revivre nos illustres ancétres, ressuscitons les célé- 
brilés mortes, ranimons les gloires du passé, galvanisons les nobles 
souvenirs, et rappelons-nous ce que disait un ministre fun ministre 
a du bon quelquefois) : « Un des traits qui font le plus d’honneur 
au caractère d'un peuple, c’est le respectqu’il professe pour la mée- 
moire des grands hommes qui ont illustré son passé ! » 


À. D. 


(1) Société pour la recherche et la conservation des monuments histo- 
riques dans le grand duché de Luxembourg. 1846. (1'° année)in 80. p. 36. 


4 
MANUSCRITS 
DE LA BIBLIOTHÊQUE DE VALENCIENNES. 


po 


AVERTISSEMENT, 


Déjà nous avons publie dans les Archives du Nord de la 
France, etc. (1), l'indication sommaire des uss. des biblio- 
thèques de Lille et de Mons ; ces indications, nous ne le savons 
que trop, sont étriquées et réduites à leur plus simple ex- 
pression, par la nécessité de les faire entrer dans le cadre 
fort restreint d'un article de notre recueil ; mais, telles qu'el- 
les sont, elles suffiront peut-être pour donner l'éveil aux 
savants qui recherchent telle ou telle matière, et qui appren- 
dront ainsi qu’un de nos dépôts publics recèle un codex dont 
le contenu peut faire l’objet de leurs études: 


En attendant que nous signalions de la même manière 
les richesses que possède la bibliothèque publique d'Arras 
et celles d'autres villes de nos provinces, nous publions au- 

jourd’hui la liste des manuscrits qui reposent dans la bi- 
bliothèque de Valenciennes. Cette simple et sèche nomen- 
clature .a été faite par feu notre ami et collaborateur 
AIMÉ LEROY, qui avait presqu'achevé le catalogue lar- 
gement raisonné de ces mêmes manuscrits dont nous ne 
donnons aujourd'hui que les titres sommaires. Les Archi- 
ves ont déjà mis au jour quelques-uns des articles 
développés du catalogue dresse par notre regrettable 
ami (2) et nous comptons en donner plusieurs autres 
par la suile; mais nous devions d’abord publier la liste 
générale des manuscrits valenciennois, d'abord comme 
une sorte d'index du travail de M. Aimé Leroy, puis 
comme un devoir envers la ville qui a bien quelque 
droit de recueillir dans les travaux de son dernier biblio- 
thécaire, les titres réunis et classés par ordre de matière 
de tous les manuscrits du dépôt communal. Les disser- 
tations littéraires et les découvertes historiques sont du 
ressort de l’homme de lettres: le répertoire est l'œuvre 
rigoureuse du dépositaire et doit rester à la cité qui lui 
avait confié sa mission. Ceite liste porte : 1° l'indication 


(1) Voyez nouvelle série des Archives, 5° livraison du t. IL. p, 461- 
503. — Îdem, 1'° livraison du t. VI, p. 35-49. 

(2) Voyez nouvelle série des Archives, 4° livraison du tome III. p. 
445. — 4° livraison du tome V, p. 361. 


_ 10 — 


de la page du catalogue général de la bibliothèque ou le 
codex est plus explicitement décrit; 2 le titre sommaire ; 
el 3° Les lettres et chiffres à l’aide desquels on peut le 
trouver facilement dans les cases et rayons des salles. Ces 
annolalions suffiront aux initiés et aux savants; pour 
d'autres, même des explications beaucoup plus étendues 
seraient encore lettres closes. 


Il existe maintenant à notre connaissance trois catalo- 
gues des manuscrits de la bibliothèque de Valenciennes ; 
le plus ancien et le plus imparfait sans contredit, est celui 
qui se trouve disséminé dans le catulogue général des livres 
de la bibliothèque; là, les manuscrits sont mélés avec les 
#mprimés comme ils le sont malheureusement en fait dans 
les rayons des salles. Aux fautes commises par le rédacteur 
primitif de ce travail, il faut ajouter celles que le copiste a 
Cru devoir y joindre, ce qui forme un ensemble assez peu 
clair el nullement satisfaisant. Ce travail a été confection- 
né, il y a quelque trente ans par M. Hécart, lorsqu'il était 
secrétaire de la mairie, et à une époque, il faut le dire, où 
l’on était moins exigeant et surtout moins éclairé qu'au- 
jourd'hui à l'endroit des manuscrits. 


Le second catalogue raisonné est celui laissé par M. Aimé 
Leroy, presqu'entièrement mené à fin et dont quelques 
parties lotalement terminées font vivement regretter, comme 
nous l'avons dit, que l’auteur n’ait pu y mettre la dernière 
main, et le publier de son vivant. 


Le troisième catalogue complètement terminé, est dû au 
travail et aux laborieuses investigations de M. Mangeart, 
bibliothécaire actuel, qui dès sa nomination, s'est mis 
consciencieusement à l'œuvre el à fini ce lourd travail en 
moins de deux dns accomplis. M. Mangeart avait déjà 
publié, en 1838, deux brochures, adressées à M. V. Cousin, 
pair de France, dans lesquelles il analysait quelques-uns 
des 1 se manuscrits du dépôt qui lui est aujourd'hui 
confie. | 


Les manuscrits qui enrichissent la bibhothèque publique 
de Valenciennes sont au nombre de 805; ils proviennent de 
plusieurs sources. Les plus anciens, les. plus curieux, les 
plus considérables sous le rapport de l'exécution, de la ma- 
tière et des auteurs, tirent leur origine de la célèbre et 
antique abbaye de St.-Amand sur la Scarpe. D'autres 
viennent des Chartreux de Marly et Valenciennes, et des 
abbayes de Vicoigne, de St.-Jean, de St.-Saulve, d'Hasnon, 
de la bibliothèque des Jésuites, dont le vaisseau sert encore 


— {1 — 


aujourd'hui de salle principale au dépôt communal, et enfin 
de la collection particulière des livres des ducs de Croy, 
rassemblés aux châteaux de Condé et de l'Ermitage qui leur 
appartenaient. Il faut ajouter à ces fonds déjà Dr riches, 
les acquisitions faites depuis un demi-siècle, les offrandes 
particulières el une donation opérée au profit du Magistrat 
de Valenciennes par M. Crendal de Dainville, à la fin du 
siècle dernier. 


Cette réunion ue provenant de tant de sources 
différentes, était fort riche et fort nombreuse lorsque la ville 
de Valenciennes eut un siège et un bombardement à soute- 
niren 1793. L'artillerie de la place obtint la permission 
de s'installer dans la bibliothèque et d'y prendre les livres 
et manuscrits en parchemin qui lui conviendraient pour en 
former des gargousses.  « Dieu seul sait le nombre d'ou- 
« vrages précieux qui furent alors lancés contre l'armée 
« combinée qui investissait cette ville », dit M. le maïre de 
Valenciennes dans une lettre du 16 juillet 1839! « C’est une 
heureuse idée, sans doute [et Boileau nous l'a prouvé dans 
son combat de Lutrin), de convertir les livres en projectiles 
de siège, maïs il ne faudrant pas en abuser. » C'est le vœu 
qu'exprime fort plaisamment M. À. Le Glay, archiviste 
général du département du Nord, à l'article qu’il a con- 
sacré au dépôt communal de Valenciennes, dans son excel- 
lent Mémoire sur les bibliothèques publiques et les prinei- 
pales bibliothèques particulières du département du Nord. 
Lille, 1841, in-8°, pages 155-180, où l’on trouve un 
aperçu déjà très étendu sur les principaux manuscrits 
de la collection de notre ville. 


Les richesses bibliographiques de Valenciennes ont sou- 
vent aitiré l'attention des savants et des curieux ; outre les 
visites qu'elles ont reçues des Mabillon, des Montfaucon, 
des Durand et des Martène, lorsqu'elles gisaient sur les 
tablettes des abbayes des environs : nous pouvons citer, 
pour ne parler que des plus récentes, les investigations de 
MM. Hœnel, sir Philipps, Vitet, Von Fallersieben, Beth- 
mann, Le Glay, Félix Ravaisson, Buchon, Tailliar, O. 
Leroy, Decoussemaker, etc. qui tous y ont admiré nos vieux 
monuments litlérawres, et y ont trouvé chacun quelques 
curiosités dans le genre d'études qui les occupait. M. Von 
Fallersleben y a Fa et publié le chant de Ste-Eulalie en 
vers romans du IX° siècle : M.Bethmann y a trouvé sur 
une garde un fragment en roman du IX" entremélé de 
caractères tyroniens; feu M. Buchon y a découvert un 
premier jet des chroniques de Froissart qu'il s'est empressé 


= 19 = 


de publier ; notre concitoyen M. Onésyme Leroy y a exploré 
les magnifiques manuscrits de Gerson exécutés pur des 
miniaturistes fins et délicats des bonnes époques des ducs 
de Bourgogne; M. Vitet, aidé de M. Ramey, a pu y 
calquer due figures bizantines de nos plus anciens 
codex. Enfin, les explorateurs de l'histoire locale y trou- 
vent chaque jour des choses curieuses, intéressantes, pleines 
de charme, et portant ce cachet des lemps anciens, qu'on 
ne peut contrefaire quoi qu'on fasse. 


En terminant cet avertissement, nous émettrons, une 
fois de plus, un vœu souvent renouvelé, celui de voir tous 
les manuscrits de la bibliothèque communale réunis dans 
une seule et même salle et séparés des imprimés. La reali- 
sation de ce vœu a élé demandée par le ministre de l’ins- 
truction publique, par tous les lettrés qui visitèrent notre 
dépôt, c'était l'objet du désir ardent de notre ami Aime 
Leroy, et M. le docleur Le Glay s’en est expliqué assez 
neitement dans le mémoire cité plus haut. « Ce n'est pus 
chose facile, dit-il, que de faire des recherches dans cette 
bibliothèque. Les manuscrits y sont confondus avec les im- 
primés, et aucun catalogue spécial ne les signale à l’aiten- 
tion publique. Il faut, pour ainsi dire, les dépister dans 
les fourrés et les tallis où ils gitent ; aussi toutes les fois 
qu'un amateur met la maïn sur quelqu'une des raretés de 
ce dépôt, il croît avoir fait une découverte et comme Archi- 
mède, il s’ecrie : je l'aitrouvé! À force de soigner les cho- 
ses, on les cache, et le boisseau finit par éteindre la lampe. 


« Nous avons nous-mêmes ajoute-t-il, subi les embarras 
d’une telle position ; et ioul en rendant hommage au zèle 
conservateur ,et à l'érudition profonde comme à l'obli- 
geance du bibliothécaire de Valenciennes, nous devons dire 
qu'il ne nous a pas été possible d'aborder avec grand frui 
les trésors dont il est le gardien. » 


L'abus dont M Le Glay, apres tant d'autres, se plaignait 
à si juste titre en 1840 est encore existant en 1850. Le bien 
se faut si lentement partout ! Nous adjurons donc l'adminis- 
tration municipale de Valenciennes de meitre un terme à 
cet état de chose qui frise la barbarie, et, en attendant 
qu'il sépare physiquement nos manuscrits des imprimés, 
nous publions avec plaisir ce petit répertoire fait par le 
dernier bibliothécaire : c'est l'indication écrite de ce qu'il 
faudrait pratiquer matériellement : c’est enfin la realisa- 
tion sur le papier de l'opération à faire dans les salles. 


Anruur DINAUX. 


. CATALOGUE SOMMAIRE 
DES MANUSCRITS DE LA BIBLIOTHÈQUE PUBLIQUE 
DE VALENCIENNES, 


RANGÉS PAR ORDRE DE MATIÈRE. 


_ 
ee ES EE —— — 
À, 


De 


r ersions later de la Bible. 


Page, A. 1. 11. Biblia latina. — 5 v._in-folio m. 

. A. 4. 46. Eadem. — 3 v.in-f. m. 

. À. 4. 19. Ead. incompl. — in- -f. 10. 

‘A. 50. Ed. — Tv. in-f. m. 

A. 7. 52. Ead. — in-8. m. 

A. 5. 53. Ead. à Gen. usque ad Jeremium. — in- pe Ce 


où où te D pa 


Livres séparés de j Ancien Testament. 


P.2. A. 5. 54. Liber leviticus. — in-4. m. 
2. A. 5. 25. Isaias, Ezechias, etc.— in-f. c. | 
2. A. 5. 25. 12 proph. minores.— in-f. m. 
2. A. 


5. 55. 12 proph. cum epistaÿs Pauli y ete. — 
in-4. m. | 


Texte et versions du Nouveau Testament et dis livres 
séparés. 

. À. 8. 42. Evangelior. lib. — in-f. m. 

. À. 7. 41. idem. — in-4. m. 

“A. 8. 51. idem. — in-f mn. 

. À. 7. 88. Evangelia. — in-4. m. 

B. 5. 35 bis. Epist.B. Pauli, etc. — Non à porté au cata- 

logue, voir p. 24. 
5. A. 6. 12. Lib, Apocal. — in-4. mm. 


P, 


NES 


_— 14 — 


\ 


Harmonie et concorde des Evangiles, 


P.5. A, 1. M. Concordia 4 evang. = jo-f. m. 


a 


peer 


Histoire et fig. de la Bide. 


A. 5. 48. 
. À. 5. 56. 
A, 5. 50. 
A. 5. 26. 


À. 6. 44. 


Q 


Passion et traités de piété. — in . m. 
Thema de passione Domini. —.f. m. 
Épitres de Loesuelt. — in-f. c. 

Passio S. Stephani. — in-f. m. 

Hist. scholast. P. Cômestor. — in-4. m. 
HAPOSIRONSS super s cn peurs: — inf, m. 


I nterprélation des livres séparés de l'Ancien Testament. 


P.6. A 
” 6. A. 


6: À. 


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8. 44 
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45. 


. 48. 
. 27. 


» 55, 


___— in-4, m 
Moralià super Genesim, sise annota SS. pa- . 


Generis cum glossà. — in-f. m. 
Si Augustini libri x1r de Genesi ad litteram. 


Q 


trum. — in-f. m. 


. Moralia super Genesim coll. eme. SS.. P. 


— in-8. m. 


. Exodus cum glossA — in- f. m. 

. Explanatio super leviticum. — in f. m. 

. Pars levit: glossata. — in-f m.” 

. Lib. numeri cum glossà. — f. m. 

. Lib. Deuteronomi cum glossi. — in-f. m. 

. Expositio super 4 libros Regum. — io-f. m. 
. Super Psalterium glossæ. -< in- -f. m. 

. Explan. super psalmos. — in f, m. 

. Lib. Job cum glossa, — f. m. 

. Psalt, cum glossà — in-4.-m. 


Psalt. glossatum. — in-f. m. 


. Glosæ super 50 psalmos. — f. m. 


Explan. super 50 Psalmos yltimos. - — f. m. 

Exp. sup. Cant. Cant. — £ m. 

Jsaias cum glossa. — f, m. | 

Inecclesiasticum. — fc. 

49 proph. minores cum glossa. — f. m. 
Voir p. 40. B. 5, 52. 


+ 


r 


— 15 — 


Per Tnserprèles du Nouteau Testament. 


P. 8. "A6. 17. Ordo evangel. sec. cons. observ. Bursfel- 
densis. — in-4. m. 

5. 21. Evang. per tot. annum. — f. m. 

6. 16. Ordo epist sec. cous. obs. Bursfeldensis 
O0. S. B.— in-4. m. ; 

. Éxpôs. symboli etc. — f. c. 

. Ex postilla H. de S° Victore sup. evangelia. 
. in-16. €. 

8. À. 4 51. Nic. de Lyra sup. 4 CYRnBCHBIaS et pi: 
| | S' Pauli. —f.m. | 
8. À. 2. 17. Ejusd. in actos apos. epist. canon. et 
he apocal. (incomplet; il ne reste que 45 

feuil.) —f.m; 
. Lucas et Joan. cum glossâ. — in-f. m. 
. Evang. S. Joann. gloss. ettract. de div, 
_Officiis. —f.m. 
P.9. À. 8. 51. Expos. super: evang. S, Matthæi et nomina 
L: _ * summ. pontif. — in-12 m 
9. À, 1: 25. Ev. S. Matthæi gloss. — [.10. 
9. A.-5..47. Anselmi &losæ super Mattbaeum. — f. m. 
9. À. 5,'38. Commentarius i in epist. B. Petri et alia opusc. 
_theolog. (Ecriture de l'abbé N. Dubois). 
— f, C. , 

: #. 49 et 20. Epist. B. Pauli cum gloss. — © vol. f. m. 

6. Glose Gilberti super epistolas Pauli. — f.‘m. 

49. 

9. 


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ES 


 Epist, B, Pauli c. glossà. — f. m. 
29. Glossæ super Apocalypsim. — — in-4. m. 
24 . Haymonis expositio super Apocalipsim. — 
in-4. m. 


AS. 
A. 5. 
A. 5. 
À. 7. 
A. 6. 


vevee 


s 


| Phäologie sacrée. — Introduction à l'étude de r Ecriture” 
| ’ Sainte. : 


P.10. À. 5. 58. Scriptararum claves juxtä- traditionem se- 
niorum, —f. me. 


P.10. À. 6. 


P.11. A. 7. 


P.12. À. 3. 


19. À. 6. 


49. À. 5. 


44. À. 2. 
146. À. 6. 


14. A. 7, 


44 A: 8. 


44. À. 5: 


16 — 


28. Choïx de l'une des explic. de D. Calmet sur 
les Psaumes, par J. Debruyne. — in-4. ç. 
(Mettre ici M. 3: 41 de la p.287.) 


Liturgis. … 


35. Rationale divin. off. et martyrologium U- 
suardi. — pet. in 4. m. etc. (Voir p. 51, 
6. 417).. 
23. Roberti abbatis de div. officiis per circulun- 
| ‘anni. f. rm. 
6. Controversiæ theologicæ Rithovii. — f. c. 
(Appartient à la théologie). 
40. Quatuor evangelirtæ cum .glossà. — [AR 
(A placer en tête des interprètes du nou. 
Testament). 


” Liturgie de l Eglise romaine. 


39. Responsiale veius. fe w, < 
09. Antiquum responsiale;cum notulis. f. m. 


; +9. “Missale . — in-4. [+ 


. Missalé. — gr. in-8. m. 


Missale in promissæ volivæ et Præcipuæ con- 


- tinentur. — in-4. m. 


.- 28. Missale pro ‘toto anni tempore et pro Somhbts 


sanctis, cum picturis. — iU-4. M, 
. Missale. — Î. m. etc. 


nr Missale contitiens missas tam de tempore 


quam de sanctis sec. union. .Bursf. — 
in-f. m. (Voir p. 16. A. 6. 4. L.) 
ee Misssale, — f. m. il 
. Missale cum notulis. — f. m. 


à. _Missale cantinens missas votivas et de sanctis 


in-4. M.  . à 
15. Orationes et missæ . et quédam epist . S. 
Hierénimi. — in-4. c.'et m, 
26. Breviarium vétus. — [)' m. 


44. (sans lettre ni numéro). Livre d'heures. - in-16@. w. 


P,46. 


m1 


. 6. 40. Livre d'offices et orais. — gr. in 4. m. 


À. 7. 8t. J. Beleth. de div. off. præcip. festorum 


. À. 4. 90. 
. À. 8 36. Prosæper tot. anni circulum. — in-4. ©. 
, A. 7: 42. Prosæ per tot. annum. Ce titre est celui 


_ 


\ 


tot. anni. — pet. in 4. m. 


. 6. 91. Collectarium vetus. — pet. f. m. 
. 5. 8. Collectarium cont., omnes coll. etc. missarum. 


— f. m. 


. À. 6. 3. :Colleétarinm juxtà consuetüdinem uniouis 


Bursf, — f. m. (à la p.16, aprés À. 
. 8.4). 
Lectionale velus.” — t. m. 


. écrit sur le. dos et dans le catalogue, 
mais c'est une ist. des évéques de 
Cambrai appartenant à la page 468 dudit 


" catal.:— in-4, 0 


Liturgies partieulières. ‘. : 


À, 6 5. Ceremoniale. monosticum ad usum unjonis 


Brusfeldensis. — in- -4, C. 


. À 6.:22. Cerimoniæ nigrorum monach. ord. S B. de 


observentià Bursfeklensis . — pet. in-f. c. 


. A. 8. 1. Ordinarius divin. offic. patrum Bursfelden- 


. sium. — in-4. ç. (Mettre ici À. 8.5 de 
la p.15). 


A.,7. 25, Ordiuarius patrur Bursfeld . et ali Lu 


À 
A. 


—"in-4. c. 


. 4 6 4, Missale secundum observantium Bursfeld, — 


“fm. (Voirp.14. A. 3. 49). 


. À. 7. 22. Breviarium ad usum nostrum [Benedictino- 


rum]. — pet. in-4. m. 


, À. 7. 26. Processionale . Elnonensium quinque libris 


. partitum, — in-4. 65 


. 6. 4. Previar. abb. Rugonis. — pet. f. m. 
8. 353. Brev. ad usum ecclesiæ Tornacensis. — 


in, OC. 


. À. 6. 33. Petrus comestor. (Voir p. 8}. 


P.47. ie 


_ 18 — 


$&. 32. Anthiennes et faisons pdur la consécrat. 
des religieuses, ordre des Chartreusés, — 
in-12. C. 


17. À. $S. 9. Rituale continebs diversas benedictiônes. — 


” $ t. 
e 


gr. 8. cc. 


47. A. 8. 10. Exercitia pia et ‘devotæ orationes. — pet. 


(7. LY 


; * 
L ’; : 


P.18. 8. 


P.419. B. 


49. B. 


P.20. B. 


P.21. B. 
P.33, B. 


92, B. 


in-4. C. | 
8. 33. Orat. devotæ et piétatis exercitia. — in: 
52. Ce | 


Conciles généraux. 
6. 1. Septem ecclèsiæ sacramenta. (Appartient aux 


imprimés avec d’autres pièces imprimées) . 
— in-4., (PE 


Collection et eatr. des ss. Pères. 


7. 2. Excerpta quadam gx diversis dectorum bris. 

. — {a-12.0. 

7. 4. _Collecta varia ex maximè piis doctrinis s ss. 
..Patrum., — ‘pet. 4. m. 


Ourages ‘des SS: PP. grecs. 


8, 27. Diônisii areopagitæ liber cœlestis bieraréhiæ 

‘7 cum expositione Hugonis de S. Victor. — 
pet. in-f. m. 

5. 15. Gregorii Nazanzeni libri acto, — %n-4.m. 

3, 19, Decem primæ collat. Cassiani cum Chrysos- 

_ tomo de reparatiône lapsi. — Translatio S. 
Stephani. — in f. m. 

4. 25 bis. De la componction, trad. des. Ephrem. 
— 4. 


u 


S1S. PP. lie et qques daieurs ecclésiastiques. : 


P.923. B. 
23. B. 
23. B. 
23. B. 


6. 23. S. Cyprianus, S. Rufin. — 8. m. 
ÿ. . Lactantius, — gr. in-4, M. 

5. 44. Idem,.— pet. in 4. m. . ; 
5. Re S. Ambrosius” — pet. in£4. m- 


4 
À 
ui 


— 19 — 


P.23. B. 5. 21. Idem. — in 4. m. 
P.24. B.'1. 36. S. Hieronÿmus. — f. m. 
24. B. 6.61. Idem — in-4. € 
24. B. 5. 40. Ideh. —in-4, m. 
248. B. à. 34. Idem. — gr. in- 4. m. 
24. B. 5. 39. Idém.— in-4. m. 
24. B. 5. 35. Idem. — gr.in-4. m. 
B. 5. 35 his. A reporter à la p. 3; après A. 7: 35. 
24. B. 5. 41. Ejusdèm super cantica cant. et opusc. divers. 
— &. me | | 
2.f 38. S.-Hierony. et Beda. — gr. 4. m. 
. 36. S. Ilieronymus. — f. m. 


. 35. Idem. — f. m. 
. 37. Ejudem concordantiæ DL se ni À etc. 
., "1-46. me 
. 38. S. Hieronymi et aliorum sermones et home- 
liæ. — gr. f. m. 


P.25. 


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. 55.’ Idein.— in-4. m 
. 47, Idem.—f. m. 


as. B. 4. 37. Hieronymi’ quadripartitum plerun. = 
. gr. in-f. -m. 
25. B. 4. 41.5. Augustinus. = ib-f, 2v. m. 
P.26. B. 2. ne La cité de Dieu. + f. 2 v. c. 
26. B. 5. 49. S. Augustinus.— in-4. m. 
26. B. #4. 44. Idem.— fem. : | 
26. B. 6. 81. Idem.— in-4. m. ! 
26 B. 4. 43. Idem:—f.m. 
26. B. 5. 53. Idem.—in-4.m.. 
26. B. 5. 52. 1dem. + pet. ar m. 
P.27. B. 5. 54. Idem.—in-b. m.* 
27. B. 5. 48. Idem.—gr.in-æ&.m. . … 
27. B. G. 83. Idem.— pet. in-&. m. : © 
27. B. 6: 82. ddem.—in-4. m, 
27, B. 8. 80. Idem.—in-4. m. 
27. B. 4. 47. Idem.—in-f. m.  .. : Gi 
27. B. 5. 47. Idem.—f. m. 
P.28. B. 5. 51. Idem.—in-4. m. 
B. 5 
B. 2 


31. B. 5. 
31: B. 5. 
84, B. 5. 
P.52. B. 5. 
52. B. 3. 
52. B. 6 


593. B. 6. 
P.53. B. 4. 


88. B. 4. 
P,34. B. 4. 


Du 


— 20 — 


Idèm . ar nr: m. 


. idem.—tf. m. 

. Cassianus, et Postimianus.. MN TS 

. S. Fulgentins. —in-4. m. 

. Casslodorus.—f. m.. 

. Idem.—in-4, m 

. Béatus Gregorius et ali, — in-4. in. 

. $. Gregorics. — 3 v.in-f. m. 

. Idem: — 1. m. | 

. Hem. — pet.in-f. m. 

. Libri 5 testim. Patherii sunti PAS: Gregorio; 


— pet. 4. m. 


. Sententiæ S. Greg.— 4. t.. 
. Coll. quæd. ex S. Grég.— 4.c. 
. Jsidori solilog. hhri 2 S'RAAQIeSE S. Sebast, 


{ etc. — 4, m. . | de 


. Beda. — pet. f.m.. ; 
. Idem.— in-3..m. | 
. Idem. — pet. in-4.°m. 

. Idem. f. m. ; 

. Idem.— f. w. 

. Idem.— in-4. m. 

. 48. 


+ 


Liber forum. veuerab -Bedæ, etc. — vol. 
gr. in-f. m. "(Neure ici B. :5..88. 


p. 48). 


‘ Bedæ liber de ind rerum, etc. — in 4. m. 
. Aleuinus. — in-4. m. 


. Idem.— in-4. 
Gislebertus, Lvo ‘ alii.— 4. m. 


. S. Bernardus. — f. m. 
. $S. PP. et alif — pet. ins-{. m. : (Voir p. ga. 


B. 4. 92). 


. SS. Bonaventura,, Bernard et ali. =. 


in-4. ‘C. : 


. Petrus Lombardus. — f. m. 
. In PP. Lombardum. — f. c. 
. In div. Thomam,. -— f. €. 


— 91 — 


P.54. B. 4. 48. InS. Thomam. Aquin. — Le 
54. B. 4. 47. Ineumdem.—f.c. - A 
P.55. B. 6. 12. Tract. magi. Clarembaldi. — "pet. 4. m. 
| | (Voir p. 57. B. 4. 3). 
LA B. 6. 11. De trinitaté per Rich. canon.sS. Victoris, etc. 
. — pet: in-#. mn. 
58. B. 7. 199. De trinitate. — in. 8:m. (V.p.41.8B. 
. 7. 60). | 


Cours et traités Eu de théologie. 


55. B. 4. 49. Compend. Theol. — inf.c.etm. (Voir 
s LL 44. B. 6. 45). 


Traités sur les anges 8, ‘la grce, la prédest., le libre arbitre. 
_P.36. B. 4. 69. Lupus, de trib. quæstionibus. — f.c. 
Traités sur l'iñcarn., da passion et la mort dé J.-C. 


P.37. B. 4. 65. Boeti de Trinitate et de naturâ Christi. 
in-f. m. (Mieux à la p.55, avant B. 
GA). US 
Traités sur l'Eglise, les sacremts , le culte religieux, les cérém. 
ecclés., les superstitions. 
4. 73. De sacramentis. — f. m. ” 
4. 70. De sacramentis, etc: — 2 v. f. ms 
4. 73. Controy. de sacramentis. — f. c. 
4. 72. De sacramentis. —.in-f. c: : (. P: 40. B. 
: - B. 87). | 
P.58. B. 7. 4. De ritu induendorum novitiorum in mon. 
Einon. — pet. 8. c. particu- 


‘ Jière). 
Des à ee de l'homme, du paradis, du purgat. et de l'enfer. 
38. B. 6. 40. Sermones adventuales. — Les 4 fins dern. 


| en sermons. — pet. in-4. ©. (Ne 
serait-il pas mieux à Théol. parénétique ? — 
à la p. 44, après B. 6.43). 
P.38. B. 6. 44. Sermones de 4 novissimis. — pet. in-4, €. 
{ Même doute qu'au n° précédent, à la 
p. 44). 
9 


LL gg — 


Fe. Confessions. =" Cas dè conscience. | 
P. 40. B.5. 57. Traité du St.-Sacrem. de l'autel. —. s m. 


40. B. 5. 992. 


40. B. 3. 95. 


Traités moraux 


-P.41. B. 7. 60. 


48, 


P.45. 
45. 


45. 


- 
GR 


B. 4. 


RRFoce 


08. 
. 56. 


92. 


64. 
43. 
62. 


nr ED 
. 72. 


. 45. 


59. 


84. 
84. 


86. 


.. 47. 


_ (Serdit mieux aux Traifés des sacrements, 
p. 37, aprés B. 4. 72). 

De ous præceptis.— pet. in-f. e. (N'ap- 
_partient-il pas aux interprètes de l’Ancien 
Testament, p, 7, après 5.33 ?). 

Vie contemplative.— f. c. ( Appartient aux 
mystiques latins, p. 47, après B. 3. 94). 


sur les vertus et les vices, divertiss., etc. 


Perfections et propriétés de Dieu. — pet. 
in-12. c. (Alap. 35, après B. 7. 199)- 

Summa vitiorum. -— inf. M.  : 

Summa de casibus, — in-4.m. 

Epistélæ Stéphani. — 4. 1. (A la suite des 
SS. Pr. latins, 4 la p. 32, B. 6. 60). 


Théologie morale. 
(Prendre à la p. 47. B. 6.41). . 
Sermons. 
Omeliæ doctorum. — f. m. 
Evangelia et serm. de Dominicis-ab adv. 
* usque ad-pascha. — f. m. 
Documenta theolôgiæ et-notabilia libror. 
Salomonis. — pet. 4. m. (Appartient à 
la p. 35, après 7.B. 4. 49). 
Sermones Hilduini, etc. — 4. m. 
Sermones Langobardi..—- pet. 4. m. 
Sermones. — 4. m. 
Sermones. — 4. m. 
Sermones. — pet. in-f. m. 
Præceptorium H. de Primaria et sermones. 
— fc 
Sermones. — in-8. ce. (V. p. 47. B. 
"6. 48). nu | | 
Hom. cum sermonibus. — pet. f. €. 


| 


5. B. 6. 46. Sermones. — pet. in-4. € 


P.47. B. 


47. B e 


47. B. 


47: B. É 


48. B. 


48. B. 


48. B. 


48. R. 


48. B. 


49.8. 
49. B. 
P.60. B. 


de 
__. 
"we 


— 93 — 


_ Mystiques latins. 


: 89. Bonum universale de apibus.— 4. €. | (Quet- 


ques feuilles en vélin. V:. p. 45. B. 
3. 36). 


. 48. Sermons. — pet. in-4. c. (Appartient 


au chap. précédent. Après B. 6. 47). 


. 94, De vità contempl. , etc. — pel. in-f. c. 


{Voir p. 40. 8. 3. 93). 


. 44. De institutione laïca. — 4. m. (ADS EE 


5. ÿ6. p. 41). 


. 96. De formicarum proprietatibns.… — pet. in-f. 


: (A la p. 47, après B. 4. &9). 


. 85. De cansol. theologiæ. — gr. 4. c. 
. 83. De beatitudine. — inf.c. (Mettre ici B. 


4. 75 dela p. 49). 


é 88. Sententiæ Drogonis. —’f. m. (A la suite des 


SS. PP. latins, à la p. 34, après B. 
4. 48). 


. 77. Diadema monachorum . —f{. c. (A la suite 


du n° précédent), 


. 433. Meurs et perfections de Dieu. — in-12. c. 


(Doit être placé à côté de B. 7. 60. 
_P- 41). 
Mystiques français, ctc. 


4. 74. Miroir d’humilité. — f. m. 


4. 
6. 126. Anatomie de l’âme. — in-4. €. 
4. 


..69. Mariage de Dieu. — f. m. 
. 75. Forteresse de la foi. — f. c. (Appartient aux 


mystiques latins, après B. 8. 83. Brunet 
le place avec les Traités sur la vérité de 
da religion chrétienne). 
76. Lien du corps et de l'âme. — f. m. 


80. Directéur spirituel .— f. €. 


Exercices de piété . —-Méditations prépar. d la mort. 


P.541. B. 6. 418. Exercitiaspiritualia. — in-4. c. 
51. B. 4. 93. Miroir de la mort. — in-4. m. 


/ 


P.54. 
51. 


PF, 52. 


P.55. 


P.57. 


P.62. 
62. 
69. 
62. 


62. 
P.63. 


65. 


P.67, 
P.68. 


55: 


P.74. 


=" 94 
: ‘ « 
B. 6. 425. De arte bene moriendi:— pet. in-4. oc. 
B. 6. 117: Manuale collectaram, etc. — pet. in-4. m: 
. (Appaïtient ‘à la Liturgie, p. 14, après 
A. 7. 3), 


.… Vérités de la religion chrétienne. 
B. 6. 425. Veritas religionis. — pet. in-4. 0. 
Ouvrages en faveur de la religion çatholique. L 
B. 6. 124. Sur la religion chrét. — pet. in-6. €. 
Religion des mahométans. | 
Ms. arabe. — in-32. c. 
Droit des gens entre les nations. 


4. 407. Traité d’Aix-la-Chapelle. — f. e. 

&. 410. — des Pyrénées. — in-f. ec. 

4..123. Cartas del re de Éspana. — pet. f. c. 

5. 4351. Réf. pol. sur la France, l’Autriche., l'Esp. 
le Port. — gr. 4.c. (A la p. 458, 
après V. 2.29 ).. | 

B. 4. 427. Assemb;: de Calais. — f. c. 

B. 4. 109. Sur l’hist. d'Espagne. — f. c. (A placer 

| à l'histoire politique de ce pays, p.477). 

B. 4. 400. De jure militum. — f.e. (A placer au Droit. 

Voir p. 87). 


Droit R omain. 


(Mettre i ici D. 7.7. delap. 98). 

BB. 4. 125. In institutiones, etc. — f. c. 
B. 3. 421. Breviarium extravagantium de reg. jur.— 
gr. 4. m. (A lap. 102, après D. 7. 45). 


Droit français. 


B. 4. 105. TroubMes des Pays-Bas. — f. c..(A l’histoire 
| de ce pays, p. 477). 
C. 5. . Livre des métiers de Valenciennes. — pet. 
f. c. (Au commerce et industrie, p. 460). 


P.78, 


75. 


P.76. 
76. 
76. 


16. 
P:77. 
77. 


P.81. 


P.82. 


P.87. 


P.99. 


P. 95. 


> SœwN 


C. 


— 25 — . 


4. 44. Règl. sur Valenciennes. — f.c. (A l'hist. 
de cette ville, P- 467). 


"Droit coutumier. 


5. 29. Règl., elc., et du “os PoutUmIers — in- 
£. C. 

35. Cont. ‘de Valenciennes de 4534. — = jn-4. €. 

. Cout. de Valenc. de 4819. pet. in-4. 

23. Sur Valenciennes. — 4 vol. f. c. (A l’histoire 

26. de cette ville, p. 467, après les privil. de 

: Valénciennes; 3 v. in f). 

4. 4. Cout. dé Tournai. — f. c. 

6. 4 — deS:Amand. — in-4. c. 


nn rs 
to 
cr 


. ‘8. 28. Cartulaire du Haïnaut.— 4. m. (A l'histoire de 


cette province, p. 466, après J. de Guyne). 


. 2. 4. Sur lés décrètales, ete. — gr. in-f. c. (An 


droit ‘ecclésiastique, après D. 3. 55. 
p. 1400). 


Matières féodales. 


. 5. 8. De Usibus feudorum, etc. — gr. ne c. 


Droit criminel. 


Rapports et dépositions des témoins. — Mince 
in-f. c. 


J urisprudence militaire. 


 (Voirp. 65. B. 4. 100, à placer ici). 
6. 81. Gouvern. du royaume. — in-8. c. (Apparte- 
nant à l'hist. de France, p. 456). 


Droit étranger en Italie. 
4: 10. Marinus sanatus. —in-f. m. (Appartient à 
" l'hist. du Bas-Empire, p. 456). 
Droit Bgigique. 
7. 17. Gr. conseil de’Malines. — f. ©.’ 
3. 55. Dénombrement de Renty.— f. in. ppstiiane 


àl'hist. du Pas-de-Calais; P- 445, is 
V. 5. 26). 


97. C. 6 
P.98. D. 7. 
P.190. D. 7. 
400, D. &. 
400. D. 7. 
400. D. 7 
400. D. 3. 
400. D. 4. 


— 96 — 


. 25. Ordonnances du Limbourg. — pet. 4. g. 


7. Tractatus varii. —,in-f. c. (A placer aux 
Recueils de droû, avant B. #4. 125 de la 
p. 67). 


Droit ecclésiastique. .. 
8. Repertor. juris canon, :— f. €. 


32. Quæst. juris can. —f. c. 
9: Repert. j. oanon. —:gr. in-4. €. 


. 40. Disquisit. juris can, — pet. f. c. 
55. Glosæ clement. — gr.in-f. c. (Voir p.81). 


48. Elemnentarium Papiæ, — 2v. f. m. (Ap- 
partient aux Dictionnaires de. la langue 
latine, en tête de la p. 287). 


- 54. Decretales et element; — pet. 4. m. 
. 49 bis. Cora .. qu les clémentines. — f. m. | 
. 47. Sur les dégrétales. — gr.f. c. (A placer à 


côté de D. 3. 33..de la p. 100). 


* 45. In sextum decretaliam. — 2 v.f. c. (A la 


suite du précédent). 


. 48. Sur: les eonstitutions -de re :— ine 


f. G. 


, 46. Opusc. jur. canon. — gr.in-4. c. 


15. De spons. et matrimon. = gr. in-4. c. (Mettre 
ici B. 5. 494 de lp. 68). . 
43. Droits des abbés, elc. — pet. f. c. 


. 54. Decisiones rotæromanæ. — gr.f. c. 


. Statuts des ordres religieux. 


5. Landelin dé la Croix sur St. Amand. — gr. 
4. ç:. 


. 33. Regulæ monachorum S. . Benedict. — pet. 


in-f. C. 


. 52. Opuscula étioon. — pet. 4. C. (Aux 


traités théologiques). 


. 38. Collectarium. — in-f, m. ( Aux liturgies 


particulières), : 
14. Questiones jur. canon. _ pet. f.c. (A la 
p. 400, après D. 3. 32). 


fée 

(=) 

ac 
Anse an 


A Et mn 


"e 


= 97 — 


. #9. RegulaS. Basilit, éte. — in42, ce 
. In regul. $. Bened.— 4 c. 


4. Supèr eamd. regul. —4. m'. 
" In éadem reg. — 4m. 
1. Reg. S. Bened., etc. — in-4.m, 
90. Stat. monast. Lætiensis. — in-19. ec: 


: 28. Stat. otdinis caftusiensis ; etc. —+ ih=}, 6 
. #4. Stat.  Butsfeldensia . —"in# cs 31.1 


Philoëophes anciens. 


à 24. ‘Interpretat. Timai. — in-6. m. 


P.145.F 
P.446. F. 5. 5. Boetius, ett. — in-4v m. (A la moraïé). 
+ | Pioëgphes modernes … Ë , se 
P.148, F. 8. 4. | Margarita pbilosbphica. —in-8. m. (Ce n° est: 
é * pas ce que cé titre infique , ‘inaïs un mé- 
Mi ” tangé detHéblogte, politique, médédine et 
: | astronom, À | 
P. dE F. 5. 2. Mélanges d'ouvrages opere en une — in- 
P. 498. F5. 4. Caslod. denis. — feuillets in-£. m. cs 
me VA "Ja métaphystque. 
P.103: F. 1. 15. Métaphysique . uu Gn-fse. — 
P.425.'F. 2. 8. De aëlibus huüthamis, 0 0 : ‘:': 
. . \ : : ne | 
P.427, Fi d.. 5. Ethitques d'Atistule, à ga 4. 6: : (Voir 
|, p.287. M. 58.41). 
4197. F. 5. 18. Sur le 5° liv. “des Éthicques. 0 
P.129. F. 2. 43 De‘cælo, mundo,” gtheratione, ‘tortuptione. 
| -. { Ci. 
129. F. 4. 32. Liv. des bonnes mœurs. — in-4, c. 
129. F. 9. 20. Miroir des dames, æ f,e. © : :. 
P.130. F. 3. 22. Recettes de médesine et réflexions morales, 
—in-4. c. _ (Mieux à la médecine). 
| Sur lespassions, les vertus. , 
P.158. F. 2. 7. Traité de l'arHour. — f.c. | 


— 98 — 


p.138. F. 2. .6. de diversis virtutibus vel diadema monscho= 


455, F. 


P.458, F. 


P.144. G. 


. 81169. G. 


 . 


; io 


ms. KL. 


P.18$. E. 


. 8. 90. Art d'arbitrer en banque. — 4. c. 


.rum,.etc. — pet.f.m. (Pourrait être 
— _ placé aux- Recueils). | 
3. 43. (A méttre aux Recueils in=é, c.). 


Sur léturation. 


9. 23. Lettres de J. de Lannoy. = pet. f. €. 


3. 60. Instruction, ete. — pet. f. c. (Brunet le met 
à l’art militaire). 


Diplomatie. — Ambassadeurs. 


si. 48. Négociations dé Gertruidemberg. — 3 vol. 


in-f. c. (Voir p.62). 
. 4. 27. Correspondance de M. de or — Sv.pet. 
f. c. 


. 3 4, Relacion de. tas cartes. ete. fr. 


. $.. 2. Ralaçion de là negociado, etc. —f. c. 


. Finances. 


À 3. 9. Sdr les finances | de Franéé. Le 4. CG. — 


_Metiers, commerce, industrie. (Mettre ici 
 C. 4.4.p.74,et X. 6. 39. p. 469). 
5. 49. Commerce des hollandais, — in-4. c. 


Météorologie. | 


2. 6. Libri IV metheorum. — int c. (Manque). 


Histoire néturelle. 
ds 47. Plinius. — f. M. 


Eaux. 


— 


5. és Traité de plusieurs saux: — in. c. a la 
1 . médecine). 
Minéralogée. | 


7. 59. Indicat. minérälog. — 2 vol. pet, in-4. c. 


P.239. 


P.241. 
P.249. 


P.9245. 


_— D — 


Botanique. 


Diction. des noms des plantes, — 4, c. 
Même ouvrage augmenté. — in-4. c. 
Flora Hannoniensis. — broch. &. e. 


Coquillages. 
Coquill. des envir. de Valenc. — br. pet. 
4, C. 
Mollusques des env. de Val. — br. 4 c. 


Coq. du musée de Valenc. — pet. in-f. c. 
Catalogue de coquillages. — in-4. c. 


Mélanges d'histoire naturelle. 


. 1. 4, 58. 


. 1, 2. 14. 


K. 3. 14. 


De naturâ rerum.: — in-4. m. 
Médecine. | 
Choléra-Morbus. — broch. m-4. c. 


. Recettes. — in-4. c. | 
. Divers remèdes. — pet. in-8. c. 


Médecine vétérinaire. 
Traité des chevaux. — pet. in-f. c. 


Mathématiques. 


. Mathématique et astronomie de Bayart. — 


in-f. c. (A l'astronomie). 


Géométrie. 


. Mesure des lignes droites. — f. c. 


Arpentage, par Deleau,— in -4. c. 
Hydraulique. 
Machine de Boussu. — in-4. c. 


Astronomie. 


. Règles d’astrologie. — f. c. (A l'astrologie). 
. Principes d'astronomie. — in-4. c. 


4 


P.9247. 


247. 
P.948. 
248. 


P.249. 


P.254. 


P.257. 


257. 


P.258. 
258. 
258. 
258. 
258. 
258. 


p.259. 
259. 


259. 
259. 


259. 


GE di 


tnt 
APR ERE 


5. 45. 


2. 27. 


2. 15. 


=Læprsun 1 
(Je) 


— 30 — 


. Traités en latin de Pierre d'Ailly. — pet. in- 


f. c. et m. 

Traités de Bayart. — in-4. c. 

Tables de Prutenus. — in-f. c. 

Tabulæ belgicæ motuum cœlestium. — in- 
f. c. 


. Zodiaque et astrologie. — in-f. c. (Mettre 


le dernier ouvrage et K. 4. 144. p. 246, 
à l'astrologie, p. 267). 


Marine. 


. Mâture et manœuvre des vaisseaux. — in- 


4. C. 


Art militaire. 


. Feuquières. — in-f.c. (Voir M. 5. 14. 


p. 287, pour une table de Végèce). 


. Idem. — in-f. c. 


. Notes sur Ja guerre. — in-f. c.. 


Instructions militaires. — in-f. c. 


. Opérations de la guerre.— in-4. c. 

. Maximes pour les gens de guerre. — 4. c. 
. Règlement des rangs. — f. €. | 

. Ordres du Roi concernant la guerre de Flan- 


dres et sur la Moselle, — 5 v. in-f, c. 


Castramétation. 


. Camp sous Calais. — in-f. c. 
. Camps depuis Mastricht jusqu'à la Flandre. 


— pet. in-f. c. 


. Camps des Pays-Bas. — in-4. c. 


. Farrago. Lettres sur les campagnes de 1745 


et1744. — in-f. c. (A l’art militaire). 


. Marches, campements en Flandres, etc. — 


in-4. C. 


Fortification, attaque et défense des places. 


P.960. L. 2. 192. Discorsi di fortificazioni. — f. €. 


el 


260. L. 5. 19. Desfortifications. — in-4. c. 
260. . Pratique des fortifications. — pet. in-f. c. 
260. . Attaque des places. — 3v. in-f. c. 


Artillerie. 


Um 
= tw 
= Lt 
TU 


P.261. L. 4. 31. Extraits des mémoires d'artillerie. — in-4. c. 
361. L. 4. 8. Traité des armes, etc. — ïin-4. c, (A l’art 
militaire ). 


_ Tactique. 


P.962. L. 7. 47. Cantonnements des troupes de 691 à 94.— 
pet. in-4. c. (Aux Opérations mili- 
taires /. 

262. I.K.4. 26. Etudes de tactique. — in-f. c. 


Histoire des opérations militaires. 


fota. — Plusieurs volumes portés à l'art militaire appartien- 


nent à cette division. 
962. L. 3. 41. Campagnes de Condé. — in-4. c. 
962. L. 1. 31. Relation de Marsaille, Ramillies. — in-f. €. 


Alchymie. 


P.265. Remèdes, etc. — in-46. c. (A placer à côté 
de H. 4. 35. p. 215). 


Astrologie. 


(Mettre iciK. 4. 16. p.246, etK. 224. p. 249) 
P.967. L. 5. 99. Nativita de astrologiâ, ete. — Mince 
in-4.c. 


Sténographie. 
P.968. L. 5%. 41. Méthode de Thévenot. — in-4. c. 
Architecture. 


P,.274. Guide des étudiants. — Niveleau . —in-4, 
v. (Deux exemplaires} 


— 32 — 


Musique. 
P.276. L. 3. 3. Augustinus de musicâ. — in-4. m. 
276. Debaynin, messe des morts. —f. c. 
Equitation. 


P.278. L. 4. 29. Service de cavalerie, par Bottée. —in-4 €. 


Exercices militaires. 


278. L. 4. 42. Exercice de l'infanterie, par Bottée. — in- 
f. c. 


Belles-lettres. 


P.280. M. 4. 2, Catholieon.— in-f. m. (Aux dictionnaires 
latins). 


_ Langue hébraïque. 
P.282. M. 3. 34. Grammaire hébraïque. — in-4. €. 


Langue turque. 


P.283. M. 3. 22. Dictionnaire ture. —in-f. C. 


285. M. 6. 14. Grammaire turque et grammaire persanne 
en latin. — in-4. c. 
Langue latine. 
P.286. M. 6. 9. Epitome Prisciani. — in-4. m. 
286. M. 3. 7. Albinus in Priscianum. — pet. in-4. m. 
286. M. G. 49. Epitome Prisciani, — in-4. m. 
286. M. 6. 10. Ars gramm. Marii Victorini. — in-4. m. 


Dictionnaires. 


(A placer ici D. 4.48. 2 v. gr. in-f. de la p.400). 
P.287. M. 2. 44.*Vocabularium biblicum, et Bestiarius. — in- 
f. m. (Aux dictionnaires de la Bible, 
p. 11, avant la liturgie). 
287. M. 3. 20. Isiodori (S.} Libri xx etymologiarum. — 
pet. in-f. m. 
287. M. 3. 11. Tabulæ tres. — in-f. m. (A placer à la 
p.427, après F. 5. 18). 


295. 


P.207. 


297. 


P.304.. 
‘5014. 
804. 
P.302. 


302. 
502. 
P.303. 


P.305. 
805. 


2 2 


e # 


. 45. 
. 43. 


. 36. 


. 42. 
5: 19. 


. 4. 


ER < e 


Langue française. 

Vocabulaire d'argot.— Format d’Agenda. c. 

Patois. 

Dictionnaire Rouchi. — 5 v. in-f. c. 

Augiasiana. — Sv.in-42c. (Aux ana, 
renvoyer ici). 
Rhéteurs latins. 

De rethoricA et dial. — in-4. m.. 

Glosæ super Prudentium et tractatus div. 
gramm. —in-4. m. (A la langue latine 
_ à laquelle, à l’article des Poëtes latins 
anciens, il faudra renvoyer pour les gloses 


sur Prudence). 
Dialogus de retho. et dial.— in-4. m. 


| Orateurs latins. 


Ciceronis topica, etc. — in-4. m. 


: Declamat. in laudem monasterii Emonensis. 


pet.in-4, C 
= Poëtes latins: : 


.— 4, De arte metricâ, etc. — in-#. m: 

: De metris, etc. in-8. m: 

‘83. Virgilius, — gr..in-4 m. 

. 25. De 12 primnis versibus Æneid., etc. — in- 


4. m. 


. 45. Horatius.— in 4. m. : 
. 58. Horatius.— gr.in-8. m. 
8. 


Juvenalis et Persius. — gr. 8.m. 
Glosæ super.Prudentium. (Voir p.295. N. 
2. 43). . 


Poëtes latins modernes. 


ÿ. Monocolon carmen, etc. — f. c. 


55. Vertus in honorem B. M. Yirginis . — pet. 


in-8. C. 


P.306. 
306. 
506. 
306. 
806. 


P.6507. 
807. 


307. 


P,3509. 


309. 
309. 


P.310. 


31 0. 


310. 


P.3t4. 
344. 


P.512. 


P,313. 
314. 


P.316. 


2222222 
ai RO 1Ô 7 @ 26 


N. 


4 


10. Versus diversorum. — in-f. m 

4. Carmiaa Hucbaldi, — in-4. m. 
ÿ. Epigramm. Bald. Denys. — 8. c. 
4. Sententiæ Ciceronis. — pet. 4. c. 


44. Versusllertanii. — gr.in-4. ec. - … 
44. Sylva carminum Bertanii. — in-f. c..: 


24. Vers grecs, latins et français d'Henri d'Oul- 


treman. — in-4. C. 


&. 22. Triumphus Valencenatum. — 4. c. 


Poëtes français. — Collections et extraits. 


0. 
0. 
0. 


>= 0 


8. Alain Chartiet, etc.— pet. in-f. c. 


. 48. Recueil de vers. — ïin-4. c. 
. 37. Madrigaux et chansons. — in-4. c. 


Sottises d’Hécart. —in-8.€e 
Epigrammes, etc. dû même. — 8. c. 


Premier dge jusqu’ a V illon. 


t 


: 
she 


CA à 
7. Le cadrilogue, etc. — inc. c. (Aanettre 


avec les recueils de prose). 


Deuxième dge jusqs'à Marot. 


50. Comparaison des,5 dames, —:in-{..01: 


‘ mieux aux Collections et at 


Troisième dge jusqu'à Malherbe. 


. 28, Poëme d'Anne Bolen, étc.— in-f..c. (Serait 


49. Vers de D. Dorothée de see — in 4.obl.m. 


Poèmes en vers. 


Anagrämméanàa. — in-8. c. 


Les Arbres, par Hécart. — in-$. c. (Autre 


exemplaire braché]. 


. Chansons. 


58. Chansons de Ch, de Croy.. — 4. obl. e. 


316. O. 


P.518. O. 


P.391. 


P.322. ©. 


P.323. 


P.328. ©. 
P.329. ©. 
P.330. ©. 


P.541. O. 
P.345. O. 
P.354. P. 
P.55$. P. 


P.356. P. 


2. 


4. 


4, 
Re 
3. 


4. 


— 35 — 


341. Pièces satyriques sur l’histoire de France. — 
At vol. in-4. c. (Aux collections). 
Poëtes italiens. 

80. Il Dante. — inf. m. 


Art dramatique. 
Recherches sur le théâtre de Valenciennes, 
par Éécart. — in-4. c. 


ue 


Auteurs dramatiques latins. 


. 25. Terentius. — in-4. m. 


Traités sur l’art dramatique. 
Notes sur la bibliothèque du Théâtre-Fran- 
çais de la Valière.— 8. c. 


Auteurs dramatiques Français. 


24. Mystères de la Passion. — f, c. 
33. Cinnatus et Camma. — in-f. c. 
7. Coypel.— 8 vol. in-4. c. 


} 


Romans de chevalerie. 


3. Second liv. de la Toison d'Or de (ruillaume 
Filastre. — f. c. (Aux ménages et ex- 
traits historiques). 

40. Le roman de Parthenai et de Luzeignan, et le 
roman de l’Abrégement du siége MU 
etc. —f.c. 


Critiques latins. 


38. Exceptorium. -- in-4. c. (C'est un recueil 
d'extraits). 


Critiques français. 


. 45. Remarques curieuses. — jin-4. c. (Aux 


extraits peut-être). 
Satyres. 


. 42. Dialogue des morts. Contre Ie cardinal de 


Fleury, — in-4. c. 


130 — 


# 


Proverbes. — Esprile. — Anas. 


P.357. P.10. 68. 
Û 

357. P. 3. 21. 
287: P.3. 92; 
357. P. 3. 6. 
357. 
357. 
357. 

P.358 
358. 
358. 

P.359. P. 3. 48. 


Proverbes et sentences en latin. — pet. in- 
8.c. 

Memorabiles sententiæ. — 4. c. 

Exceptiones ex div. aut. — 4. c. 

Opera varia.— in-4. m.  (Serait mieux aux 
auteurs ecclésiastiques , suite des SS. PP). 

Capellaniana. — pet. in-4. c. 

Pictoriana. — in-8. c. 

Sculptoriana — in-8. c. 

Proverbes tirés de D. Quichotte. — 4 c. 

Trésor de maximes, — Pap. détachés. 

Proverbes de l'abbé d’'Humières. — 8 c. 
(Renvoi à l’Augiasiana, à l’Anagramméarnia, 
à l’Anagraphéana , ou bibliographie des 
anas, et à la bibliographie des proverbes). 


Polygraphes latins. 


Opuscula varia. — in-4. m. 


P.365. P, 2. 12. Pièces diverses en latin, en italien et en espa- 


gnol. — f. c. 


Collections et extraits d'ouvrages de différents auteurs. 


Mélanges et recueils de pièces. 


P.566. P. 2. 43. Mélanges tirés de divers auteurs.— f. c. 
P.367. 


Epitaphes diverses. — pap. volant. 


Epistolaires. 


P.569. P.10. 70. Epistolæ Stephani clerici.— pet. in-8. e. 
869. P. 5. 54. Epistolæ (8) Fulberti, lvonis, Carnotensis 


Episc.. etc.— in-4. m. 


Nota. — Les notes par moi réunies pour faire le catalogue de 
nos manuscrits s’arrètantici, je ne suivrai plus jusqu’à la fin que 
les indications fournies par le catalogue même de la Bibliothèque, 
sauf à rectifier le classement sur le vu des livres, en les plaçant. 


37 — 


Histoire. — Introduction. 
P.372. Q* 3. 12. Réflexions sur l’histoire et extraits. — f. ©. 
| Géographie moderne. | 


P.576. Q. 6. 46. Potanographie, sources, noms, cours des 
fleuves. — in-4. c. 


876. ‘ 3. 54.. Mémoire : SE nu as sur Empire: — 
" .’" 4&.c. 


Atlas. 
P.377. Cartes sur vélin, — in-f. c. 
Lu Voyages en Europe, Asieet Afrique. 


| P.583. Q* 7. 9. Voyage à Jérusalem de Pierre Leboucq. — 
; in-4. c. (Aux voyages en à Palestine). 


Voyages en Europe. 


P.583. Q* 3. 5. Voyage de Vial en diverses parties de l'Eu- 
rope. — pet. f. c. 

385. LE 5. 25, Voyage de Silhouette en Italie, Espagne et 
| Portugal. — 4. c. 


Voyages en Syrie, Palestine. 
P.589. Q. 5. 9. Voyage de la Terre Sainte de Jean de ne 
nay.—in-4. c. 
P.696.Q. 2. 15. Voyages de Franquet. — in-f. c. 
Chronologie. 


P.398. Q. 5* 7. Chronicon Eusebii. — in-4. m. 
598. Q. 4. 39. Chronologia, auctore J. Bayart. — in-f. c. 


Histoire univêrselle ancienne et moderne. 


P.400. Q. 1. 4. Trésor des histoires, — 2v.f. cc. 
400. Q° 5. 43. Cronica. — in-4. m. 
P.404. Q. 2. 18. Ms. commençant à la mort de Tibère, finis- 
sant à l'avènement de Philippe, roi de 
France, — c. 


P.408. 


— 38 — 


Histoire de l'Eglise chrétiènne. 


S. 4. 4. Historia ecclesiastica. — in-f. m. 
R. 5. 27.,Episcoporum Tungrorum, ete., res gestæ. — 
in-f. c. 
Histoire des papes. 
| (Y joindre les saints personnages). 
U. 2. 23. Vita S. Gregorii ; pastoralis ejusd.  VitaS. 
Fidis. — in-f. m. 
Histoire des religieux. 
T. F3 16. Beda de temporibus cum cathalogo et sr 
| ® S. Amändi. — 4. m. 
_S. 7. 38. Catalogus abbatum S. Amandi. = pet. 
Dis De es, In-4. 
S. 9. 36. Historia abb. S. Amandi, — 8. c. (Ouvrage 
‘ de Baudouin Dénis). 
T4, 10. Hist, abb. monast. Elnonensis de Landelin 
. de Lacroix. — f. ec. 
» T. 4. 44. Vita S. Amandi Baudemondi et Milonis.— m. 
. T. 6. 49. Ejusdem vita cum quibusdem opusc. Milonis. 
— in-4. m. 
S. 7. 34. VitaS. Amandi metricè.conscripta.— in-4. c. 
S. 7. 22. Vita S. Amandi et miracula abhatis Bonæ-spei. 
— in-4, C. 
T. 7: 37. Libell. de virtut. et vitiis Prudentii et vita 
S. Amandi metricè sed incumpleta. — pet. 
in-4. m. 
S. 5. 51. Priorum S. Salvii resgestæ.—f. ce. 
T. 4. 5. De fundatione cœnobii Hasnoniensis. — in-4. 
c.  (Ouvrage,de Jacques de Manville). 
T. 7. 42. Annales Viconiensis. — in-4. c. 
T. 4. 18. Hist. monast. Viconiensis.— f. 
T. 7. 29. Recueil de pièces sur bis del pat à de 


FioIene > — 4, 


29 2 


412. S. 7. 56. Chrotiéon canon. regular. S. Joannis Valen- 


D 4: tu %.  tién.; Antoni d'Oatremani. — in-4. c. 
P.413. S. 7.'39..'Histoite des Récôllets de Valenciennes. — 
4. CC. 


448. 5. 7.57: Vita. at tdosté Petri, — in-24. M. 
P.414. T.5.7.4: Mitacuhi Si tgihtiéi 2 nf ci 0. 
414. T. 7. 59. Réglement de lavonfrérie des Damoisaux à 

: Valenciennes. Fée 
414. T. 6. 2. Confrérie de Notre - Dame ‘du Ghapelet à 
tr — .fNalenciéhnesi 24, 0 tr ss. 
été. Te 6: <r. "5: Nicotss”* Vuleneïénnes.:—.%.. M. ‘ 


PT % : , | INTER) 
Vie des martyrs, des saints. 


(Mettre erisémble les saints, les maftyrs, lés papes et les persôfiha- 
ges éminents en piété). 
P.415. T. 7. 50. VitaS. Balduini. —in-4. c. 
LP: 416. T. 4. 25. Miracula e “Rictrudis et aliorum. — in- 
I ui 
416. T.S.7. 33. Passio SS. Christinæ et Marthæ. — in-4. m. 
“g46. S./' 9.1: €."Passio 95: “Suliariæ, Columbæ, cte. <.:in- 
8. m. 
. 446..5, 7. 59. Vie de S. Josse trad. par Jo. Melot.— in-8. 
P.417. S. 2. 21. Quinque libri legendarum sanctorüm . — 5 
LD mm ifols "inf, (me eos te 1 
417. T. 7. 41. Solitudo, sive vitæ patrum eremicolarum per 
| M? 1 "patrem D. Hiéronymüm. Joais jac. Honor- 
vogt, 263. —‘in-4. oblong. (C'est un 
recueil. de, 454 gravures compris 2 titres, 
sans le texte latin ; ; à la plupart des por- 
‘ traits-ôn'a joint une notice manwscrite en 
ftançais sut un feuillet End — - La 135° 
‘Hg. manque). ©. :. | 
417. T..4. 47. Liber qui dicitur Paradisus. — 4. m. 
417. S. 7. 52. Variæ vitæ, variaque miracula, etc. — in- 
. - &.:c, ‘(Pièces imprimées et manuscrites). 
P.418. s. 7. 26. VitaS. Mértinietsanoti Brixii. — Sulp. Severus. 
pet. in-4. m. 


— 40 — 


418. T. 5. 23. Chronici S. Martini papæ penitentiarii et 
capellani. — f. m. (C’est la chronique de 
Martin le Polonais, qu'il faut placer aux 
_ anciennes chroniques). 
P.419. T. 9. 4. listoiré de Ja chinoise.— in-8. c. (Roman). 
419. T. 6. 13. Quartus liber legendarum See — in- 
4, c. ë 


Histoire des lieux saints, cimetières, reliques. 


_ 


P.4au. T. 4. 19. Description de Jérusalem. —f.c. 

P.492. T. 7. 32. Vivifice ac venerandæ -crugis origo. — jn- 
4. c. (C'est un poème d'Herman Her- 
tain). 

- 429. T. 7. 40. Chapelle et confrérie de.N. _D, du Puy. — 
in-4, C. 
Associations secrètes. ANR RIT RS 


is it 


P.424. Mystère de la F,- -M.". par Hécart. — in- 
| . ; 4, C,. | 
424. . Instruction par les FF. de Van. IX: . —in- 
4e. | 


Histoire générale et particulière de DNsIeurE peuples anciens. 


P.425. U.10. 46. In Justini librum primum annottiones. — 
| 8. c. 
42%. U. 3. 27. Historiarum libri sopiem Ps Orosii. — in- 
f. m. | 


Histoire des Juifs. 


P.426. U. 1. 24. Flayius Josephus. —.f. m. 
426. U. 4. 22. Idem. —f. m. 
426. U. 5. 14. Hegesipus de bello judaico. — f. mn. 


Histoire romaine, 


P.430. U. 5. 4. Liber catilinarius cum tractatu de Afraailee 
etc. —— 4. m. So: j 


P.459. T. 


1.456. 


P.458. V. 
438. V. 


P.439. 
P.441. 


D .445. 
445. 


< < 
Co 


445. V. 


445. V. 
P.451. 


P.455. W. 


P.456. V. 


P.460. X. 
460. X. 


& < 


— üi — 


7. 25. Gesta Romanorum.— in-4. €, 
Histoire Bizantine. 


Marinus Sadutus. — in-f. m. (Voir D. 4. 
10, p. 95). 


Europe. 


2. 21. Mémoire sur l’Europe. — f. c. 
2. 22. Lettres sur les affaires du temps, — f. c. 
(Mettre ici B. 5. 31 de la p. 62). 


Histoire de France. 


5. 2. Mémoires des intendants.— 14 vol. in-f. c. 
. 24. Histoire de France jusqu’après Charles VI, — 
; f. m. 
. 20. Mémoires sur l’Artois.— f. c. 
. 26. Mémoires sur l’Artois.— f. c. (Mettre ici D. 
5. 53. de la p. 97). 

3. 24. Chroniques de France commençant à Charle- 
magne jusqu’à Charles VI. —f. c. 

4. 1. Chroniques de Froissart. — f. c. 

Correspondance sur la guerre de Hollande de 

14675 à 14677. — 79 vol. in-f. c. 


k9 


8. 9. Journal .de la campagne de 4744. — in- 


f. c. 

9. 6. Etats militaires de 1745, 46, 47 et 48. — 
6 vol. in-12.c. (Mettre ici C. 6. 34. 
p. 92. | 


Belgique ou XF II provinces. 


2. 15. J. de Guise annoté. — f. c. 

4. 24. Fragments des Mémoires d'Olivier de la Mar- 
che, etc.— f. c. 

4. ‘1. Troubles des Pays-Bas au XVI‘ siècle. -— 
f, c. 


_ 4 — 


P.464. X. 14. 21. — — in-f. ©. 
(C’est le deuxième volume de la traduction 


de J. de Guyse, dont le premier, placé à 
ja page 466, est coté W. 1.5). 


Flandres. 


P.464. X. 5. 5. Chroniques de Flandre et d'Artois. — 2 vol. 
inf. c. (La cote mise sur ces deux vol. 
est 3. 5. 5.6.) y 
464. X. 4. 1. Généalogie des Lalaing. — f. c. {Serait 
mieux à la noblesse). 
P.465. X. 3. 13. Livre de J. de Lalaing, par G. Chastelain. — 
pet. f.c. 


Tournésis, Cambrésis, Haynaut. 


P.466. X. 42. Jacob. Guysius. — pet. f. m. 
466. W. 1. 5. Jacques de Guyse.— 2v.f. c. Cotés sur le 
dos W.1.5.et X.1. 21. (Ce dernier 
à la p. 461. — Mettre ici C. 5. 25. de la 


p. 77). 

436. X. 5. 13. Livres de Jean de Sainte-Barbe. — 6 v. in- 
4. C. | 

466. {Renvoi à la p. 545). Recueil de pièces concernant Va- 
lenciennes. — 2v.f. c. 

466. Troubles à Valenciennes de 1562 à 1579.— 
in-8. C. 

466. Cartulaire de Maing. — in-f. ce. 

466. Assemblées du Haynaut à la fin du XVII 


siècle. — 2 v.in-4#. c. impr. et ms. 
P.467. X. 2. 19. Recueil des prévots, jurés et échevins de 
Valenciennes. — f. c. 
467. X. 2. 14. Fragment de Molinet. Abbesses de Fontenelle. 


etc. — f. c. 

467. Registre des choses communes de Valen- 
ciennes.— 7 v. dont 6 c. et le quatrièmé 
m.. 

467. Registre des choses communales. — 8 vol. 


in-f. C. 


467. Autre volume id. de juin 4670 à décembre 
1676, — f.c. 

467. X. 9. 13. Advenues en Valenciennes du 20 novembre 
1651 au 8 septèmbre 14657, écrit parS. 
Le Baucq.-— f. €. 

467 avec X. 1. 45. et 4. 29 de la p. 469. Privilèges de Valen- 
ciennes.— 2 vol. in-f. C. 

467. X. G. 41. Broef receuelle de la construction, etc., de 
Valenciennes.— pet. in-4. c. 

467. X. 9. 91. Spectacula in adventü Alberti ete. in Valenc. 
— pet. f. €. 

467. Magistrats de Valencieünes.— 2 v. in-f. m. 

467. X. 4. 41. Recueil de pièces sur les droits, privilèges et 
histoire de Valenciennes. — gr. in-4. 
m.etc.. 

467. X. 2%. 4. Inventaire destitres de Valenciennes. — in- 
f.c. (Nous avons deux doubles in-f. 
de cet inventaire). 


467. Recueil pour Valenciennes. — 3 v.in-4. c. 
impr. et ms. 
467. . Recueil des édits, déelarations, arrêtés, régle- 


ments et pièces diverses concernant prin- 

cipalement Valenciennes. — 23 y. in-f. c. 

impr. et ms. Titre imprimé. 

. 468. Monuments de S. Roch.— f. c. 

468. X. 4. 16. Cartulaire des rentes et fondations apparte- 
naut à l’église S. Géry —in-4. m. 

468. . Archives de la prévôté d’Haspres. — pet. 
in-f. c. 

468. X. 6. 20. Livre de preuves du chapttre de Denain.— 
in-4. oblong. c. 

468. X. 3. 8. Histoire de Condé. — f. c. 

468. X. 5. 4. —— de l’Hermitage. — 5v.f. c. 

468. X. 5. 52. Recueil des évêques de Cambrai. — in-4. 

| c. (Voir p. 15. A. 7. 42). 

468. X. 2. 19. Histoire ecclésiastique de Valenciennes. — 

inf. c. 


468. 


469. 


469. 


469. 


469, X. 4. 


469. X. 3. 


W. 4. 


. 29. 


. 16. 


. 30. 


. 51. 


. 81. 


. 38. 


. 29. 


45, 


21. 


— 4À — 


Recueil des épitaphes des églises de Valen- 
ciennes. — in-4. c. (Ce volume, qui 
vient de M. Tordreau (feuillet 84), ap- 
partient à l’histoire de Valenciennes. — 
Renferme des blasons et faits historiques). 

Contenu de la première construction et nais- 
sance de Valenciennes. — in-f. c. 

Les antiquités de Valenciennes.— 3 livres en 
2v.in-f. c. 

Brief recueil d'histoires concernant princi- 
palement Valenciennes. — in-4. 

Brief recoeul de la construction de la noble 
ville de Valenciennes. — in-4. c. 

Cartulaire d'Estreu, Saultain, Préseau. — 
pet. in-f. m. 

Catalogue des coquilles terrestres et pluv. 
des environs de Valenciennes. in-8. c. 
(A l'histoire naturelle, p. 213). 

Extr. des registres de la maison échev. de 
Valenciennes. — in-8. c. (Concerne les 
troubles de religion au XVI siècle). 

Brefs extraits des chartes d’anciens stils de 
Valenciennes, dépendant de la basse-halle. 

— pet. 8. c. (Aux métiers et industries, 
p. 160). 

Biographie valenciennoise, par G. A. d. 

Hécart. — pet. inf. c. 


. Extrait d’un ancien inventaire des titres de 


la ville de Valenciénnes.— in-4. c. 
et 4. 29. Copies des privilèges, franchises, 
lettres, missives, actes publics, etc., de la 


ville de Valenciennes. — 2v. in-f. c. 
(Voir, p. 457, privilèges de Valenciennes. 
D.) V. in-f.) 


Extraits des registres des choses communes 
de Valenciennes de 1619 à 4770. — 5 
vol. f. c. (Le premier volume commence 


. = 


: Par l'extrait du second registre, et le se 

cond par l'extrait du quatrième registre. 
Mio et 8 v."inef. te: "Nous ävons uñ double 
noue: de ces deux premiers volumes format in= 
f.plus grand, ils sont à gonserver à cause des 
tables. — A la suite du premier, on trouve 
A4 1 rois petits plahs/concerñant fes hiégés dél 
| Valenciennes de 1793et 1845 et quelques 
525 faits historiques écrits par un sieur Peinte. 
P.469. X. 4. 27. (Catalogus discipalorum: in- singulas classes 
distributorum . —f. €. (S'étend Fees 

D A 1682). 

469.'X. 4. "30! Pièces et‘ dérioribrement concernant Méri- 
9... court; Rôullecourt,-êtei = gr:‘in-4.c. 
he _X. 2. 14: Prémmier volumedés annales de Valenciennes 


», ts 


SR des. Le Bocq. EL è. Fo 
os Histoire d'Italie. . D Me à 
b. ans. x 2 5. Mémoire sw. V'üalies. — 2 v. get. iu-f. €. 
Por on UT Histoire à'Espagne LA ne 


(Mettre ici B. 4. 1409. de à D. 63, et B. 4, 105. p. 73). 
P.477. Ÿ. 3. 12. Mémoire sur l'Espagne. — 2 v. pet. in- 
f. he ee 
P. 479. X 3. 38. Fe de plusieurs 'Dlèces historiques ‘en 
: Rpeeiol italien, Jatin et allemand. — in 
‘{Serait peut-être mieux placé aux 
Ft ue Je 


PATRET un Lois oire d'AUrmagne: | 6.9 
P.482. YŸ. 4. 4. Mémoiré sur:l'Mteagne. — pet. in-f. c. 
(482. Ÿv'8.: 20: Méioité:bur! l'Aeraghe et l’Angletekre: — 

"pet.fin-f. cs: 
5 489) Y. 8!'1À Campagnes d'Allemagne de 1644 à #8 Ë — 
pet: ip: 4. "LA 
Histoire d Angleterre, 


TC CL OT DATE ETAT EE eo Hi CC. 
PRG: Vi. 41. Historia, Britagnorum, etc.— in-f. m. 
P.488. Y. 1. 2. Abrégé historique et généalogique de la mai- 
son d'Angleterre. — 2v.inf. c. 
9 


— 46 — 


“Histoire du Danemarck. 


P: 495, ‘Y. 3. 10. Relation de l'ambassade de Bonrepos en Dane: 
| marck de 4693 a 95.— pet. in-f. c. 


‘Chevdlerie. — Noblesse. 


P.506. Z. 5. 49. Le livre des ordonnances de la Toison d'Or. 
+, —i0-6. m. | 
8u6. Z 6. 2. Ordonnances de la Toison d’Or.— 4. m. 
506. Z. 3. 19. Statuts et régtements de l'ordre de la Toison 
. d'Or — f. m. 
506. | Triomphe d'Anvers pour la noble fête de la 
| Toison d'Or, de J, Le Boucq. — in-f. ec. 
806..Z..2. 41. Livre de généalogies. — f. c. 
. 806. .. : Mélanges généalogiques. — f. e. 
506. _. Recueil généalogique par M. de Sars de 
Solmon. — 42 vol. in-f. €. 
P 307. Z. 5. 4. Généalogies de rois et princes souverains os 
F4 divers pays.— f. c. 
807. Tournois de Compiègne et rois de l'Epinette, 
— in-f. c. 


Diplomatique. 


P.524, BB* 5. 4. Divers traités de diplomatique. — in-f. c. 
(Ce volume appartient à la diplomatie et 
, non à la diplomatique/. 


.… Bibliographie. 
P.529. Auagraphéana où bibliographie des anas.— 
Horn ee 3v.in-8. ©. 
-. 829 . Essai sur les fabulistes ee parties en un 
| volume .— in-8. c. 
.699.. : ; :, Bibliographie parémiographique. — in-4. e. 


Biographie.” 


P.558. BB. 8. 46. Gesta illustrium virorum et alia opuseula. — 
EE LE €. il #iographie valenciennoise, 


ÆExtraits historiques. 


P.539. BB. 2. 15. Manipulus exemplorum; à J. Defayt, cœnobi 
S. Amandi.— in-f. m. 
. 539. BB. 3. 1. Extraits historiques et. autres. — in-f. c. 
US (Manuscrit du commencement du XVII* 
| siècle. fort insignifiant): 4 
P.540. BB. 5. - 3. Flores historiarum Vinceati @ominiéani:— 
= : 10-40. . +9 
840. BB. 3. 6. Idem liber.— pet. in- f. m. 
#40. Y. 3. 11. Remarques sar diverses lectures et faits hisio- 
riques, par Bottée. — in-4. c. 

640. : Extraits historiques par le même {Bottéana®). 
— (Ce manuscrit manque : en revanche, 
nous en avons trois autres du même Bottée, 
non mentionnés au catalogue; mais presque 


_ 


“ | toùs les manüscrits de cet homnmié sont sdns 
: .. " auéuin intéret). SE 
Ammé Lenov. 
i 


+ 
+ 4 


Eæxphocation des: abréviations. RE 


Pour ne pas répéter à chaqué ovivrage la meution.de vé/i# ou papier, 
Suivant que le manuscrit cité est écrit sur l'une ou l’autre de ces matiè- 
res, M. A. L. a mis simplement un c. ‘(charta) quand l'ouvrage ést en 
papier, et mn ."m. fmembrana) . quand it est en: peau-vélin ou parehé- 
min. | 

Les abréviations des formats in-folio, in-xuarto, in-octavo sont con- 
nu2s de tous nos lecteurs. 

Le premier numéro de chaque article est celui de la page du catalo- 
gue général de la bibliothèque de Valenciennes; les lettres et numéros 
qui suivent indiquent les divisions, cases et rayons où se trouvent ran- 
gés les ouvrages cites, avec les mêmes indications placées sur le dos 


des volumes. A. D. 


PE A3. 18 
P.12. À 6. 6 
Pu42: À.:85. 40 
P.14. À. 2. 42 
P.15. A. 6. 3. 
P.15. A..7. 42. 
P.47. :A..6. 55 
P.47. À. 8. 53 
p.58. B.,7.; 4 
P.58. B. 6. 10 
P.59. B. #.°44 
P.63. B. 4.109 
P.73. B. 4.105 
P.74. B. 5. 4 
P.78. C. 4. 44 
P.76. D. 7. 23 
P.77. C. 5. 25 
P.92. C. 6. 51 
P.95. -D-'4. 40: 
8,97. D.,5. 6 
P.400..D.:4. 48. 


= 48 


? 


: DÉPLACEMENTS À FAIRE. 


. À placer aux Recueils ascétiques et mystiques. 
Appartient à la théologie. 

. Placé-après A, 4. 34 page 8. : 

. À placer avant A. 6. 1, p. 16. 

A placer après À. 8. 4, page 16... 


A l’église de Cambrai. 


. Petrus Comestor, à l'histoire ecclésiastique. 
Alapage 14 après le petit livre d'heures non 


‘" coté. 


| A placer à lap. 16, avant A. 7. 26. 
. À placer à lap. 44, après B. 6. 45. 
. À placer à la suite du n° précédent. 
. À placer à l’histoire politique de l'Espagne. 
. À l'histoire politique de l'Espagne. | 
. Au commerce et à l'industrie, 

. À l’histoire de Valenciennes. 

. 4 v. f. A l’histoire de Valenciennes. 

. À l'histoire du Hainaut. 

. Alhistoire de France. 

:-A l'histoire du Bas-Empire. Le 
. À l’histoire du Pas-de-Calais, 


- 


Aux dictionnaires de la langue latine. 


NOTICE BIOGRAPHIQUE. 


sur 


LE GÉNÉRAL DESPINOY.. 


Hyacinthe-François-Josephr, comte DESPINOY, lieutenant- 
général, grand'croix de l’ordre-de Saint-Louis, grand-officier de- 
la Légion-d'Honneur, est né à Valenciennes, le 22 mars 1704, 
d'une famille distinguée dans les armes et la magistrature. 


À seize ans (18 juillet 4780), après une éducation puisée dans 
les traditions et les exemples de ses aïeux, il entra comme cadet- 
gentilhomme dans le régiment de Barrois-Infantérie, qui devint 
pos le 91e de ions I y fut fait sous-lieutenant le 40 juillet 
1784. 


Le régiment de Barrois ayant été envoyé en Corse, le jeune 
Despinoy fut distingué et accueilli à Ajaccio par la famille Bona- 
parte. Napoléon ,- alors simple lieutenant en second au #°r 
régiment d'artillerie de La Fère, y était en congé. Les deux 
sous-lieutenants se liérent étroitement et vécurent dans la fami- 
Hiarité de deux camarades pendant tout le temps qu'ils restèrent 
ensemble dans l’île. | 


En 1789, M. Despinoy embrâssa la Révolution française avec 
toute l’ardeur et les illusions de la jeunesse; il vit émigrer le 
plus grand nombre des officiers de son régiment et ne quitta pas 
son poste. 


— 50 — 


Capitaine de grenadiers en 1792, il futenvoyé à l'armée du 
Var, commandée par le général Anselme, se distingua à la prise: 
de Nice, aux combats de Villefranche et de Montalban, et prit 
Une part très-aclive à l'invasion des Alpes-Maritimes. A la suite 
de cette première campagne de la Révolution, qui fut comme le 
prélude de nos conquêtes et victoires, et où il montra autant de. 
bravoure que de fermeté dans le commandement, ÿl fut promu, 
au commencement de 1793, au grade d’adjudant-général chef de. 
bataillon. 


L'armée du Var ayant enfanté l'armée d'Italie, on donna à. 
cette noble fille, appelée à tant de gloire, une avant-garde de. 
trois mille grenadiers, A cette.troupe d'élite il fallait un com- 
mandant d'élite : l'adjudant-général Despinoy fut choisi. 


Au milieu de ces braves, on le distinguait à sa haute taille, au. 
caractère fier et énergique de sa physionomie, à sa parole brève. 
et rapide, et à une éloquence guerrière remarquable surtout dans. 
les harangues qu'avant le combat il adressait à ses grenadiers. 


C'est à leur tête qu'il se signala à l'affaire brillante de Sospello. 
(14 février 1793), et qu'it concourut à l'enlèvement des camps 
de Péruse, Braws, Lignières, et aux combats de Lautosca et de 
Belvédère (les ker et 2 mars suivants). 


Ce beau commandement dont il s'était montré si digne, lui 
valut celui de l'aile gauche de l’armée d'Italie, qu'il exerça jus- 
qu'au moment où le général en chef Dugommier le nomma son 
chef d'état-major. 


Dans ce nouveau poste, ne voulant pas quitter l'épée pour la 
plume, quoiqu'il les maniât également bien toutes les deux, il 
fut chargé de la défense d'Utelle (à six lieues de Nice), pendant 
que le général Dugommier marchait au-devant d’une. division 
autrichienne, commandée par le maréchal Devins ; attaqué dans 
la nuit du 22 octobre, au moment où le général Dugommier 
rentrait dans la place, après son expédition, il soutint avec lui 
un combat de. onze heures contre un corps nombreux d'infante- 
rie et de milice piémontaise et le força à la retraite. 


Mais c'est au mémorable siége de Toulon qu'est écrite la plus. 
belle page de la vie militaire du général Despinoy. 


Le genéral Dugommier ayant été chargé par le comité de salut 
public de la direction de ce siége, ne voulut pas se séparer de son, 


— 5$ — 


chei d'élat-major, qui était devenu son ami et son frère d'armes, . 
et L'appela auprès de lui aux mèmes fonctions qu'il avait si bien 
templies à l'armée. d'Italie. Il fit plus : sûr de l'intrépidité de 
Despinoy et de la confiance qu'il inpirait aux soldats, il lui 
donna le commandement d’une des colonnes d'attaque destinées 
à enlever la redoute anglaise qui couronnait le promontoire de 
la Senne. Ce promontoire fut entgvé dans la nuit du 17 au 18 
novembre, après un combat des plus sanglants. Napoléon vit 
son jeune camarad ‘île de Corse grièvement blessé de plu- 
sieurs coups de feu, ert de-sang, le bras en écharpe, péné-- 
trer dans la redoute anglaise et l'enlever. 


Napoléon n'a jamais pu avoir-oublié ce beau fait d'armes, qui: 


contribua. puissamment à la prise de-Taulon-et sx Ha à l'adju-. 
dant-général Despinoy le grade de général de brigade. 


À. peine guéri de ses blessures, il se rendit: à l'armée des 
Pyrénées-Orientales, commandée par Dugommier. La fraternité 
d'armes et l'amitié les rendaient inséparables. Il le trouva au 
siége de Collioure, dont les Espagnols s'étaient emparés, et re- 
prit auprés de lui.les fonctions de chef d'état-major de l'armée 
assiégeante. Mais les jours de combat, on le voyait à la tête des 
colonnes; il commandait une brigade d'infanterie à la célèbre 
bataille du Boulou {1er mai 4794), où. l’armée espagnole, mise en 
déroute, repassa pour toujours les Pyrénées, abandonnant sou 
Camp, son artillerie et toutes ses munitions de guerre. 


Le fort de Bellegarde, cette clef du sud de la France, s'étant 
rendu à discrétion, après un blocus et une belle défense, le 
général Despinoy fut chargé de prendre possession de la place 
et de recevoir la soumission du gouverneur espagnol, le marquis 
de Villa-Santore. Il n’y trouva que des morts et des mourants, 
tant la famine et les maladies y avaient fait des ravages. Cette 
brave garnison n'était pas cependant encore au terme de ses 
souffrances. | 


Les représentants du peuple à l’armée des P yrénées voulurent 
faire exécuter sur-elle le décret de guerre à mort rendu.par la 
Convention nationale, cette loi de cannibales qui devait trans- 
former dans nos armées nos soldats vainqueurs en bourreaux 
et les vaincus en victimes immolées sur le champ de bataille 
témoin de leur valeur et de la fidélité à leurs drapeaux ; mais 
Qugommier, aussi humain dans la viçtoire que_braye dans lg 


— 58 — 


combat, repoussant avec horreur cet acte de barbarie, ne erat- 
.… &nit pas de résister à la toute-puissahce des proconsuis et voulut 
qu'il en fût référé à un eonseil de guerre composé de tous les 
généraux présents à Bellegarde. Il s’assembla, et, sur le rappcert 
aussi pathétique que raisonné du général Despinoy, les prison- 
niers espagnols, au lieu d'être passés. au fi! de l'épée, reçurent 
des vivres, des vêtements, et furent traités avec le respect dû à de 
fidélité et au malheur. 


Hénneue Éanoie aux braves mauve une hé Fa 
caractère français! Nous devons dire que le Comité de salut 
public approuva leur digne conduite. 


‘ La part glgrieuse que le général Despinoy avait eue aux vic- 
toires de l’armée des Pyrénées-Orientales, lui mérita l'honneur. 
de porter à la Convention les drapeaux pris sur l'ennemi. Le. 
3 novembre 1794, il se présenta à la barre de l’assemblée, et y fut 
d'autant mieux accueilli, qu'on ne s'attendait pas à entendre un 
brillant orateur. Quelques jours après, il s'y présenta de nou- 
veau pour remplir un triste devoir, il vint lui annoncer la mort 
de son ami Dugommier, tué d’un éclat d'obus au combat de st 
Sébastien, le 47 novembre 1794. 


« Citoyens représentants, dit-il, le vainqueur de Toulon, de. 
Collioure, du Boulou, le vainqueur du Midi, Dugommier n'est 
plus; il est tombé sur ses lauriers ; permettez à son ami etson 
frère d'armes d'élever sa voix jusqu’à vous. pour demander qu’un 
mausolée reçoive les dépouilles mortelles d’un de vos collègues, 
d'un soldat, d’un vrai philosophe, d'un sage, d’un ami de l’hu- 
manité. Ordonnez que dans le fort de Bellegarde, repris par. 
lui, s'élève un monument qui retrace à la fois sa brillante car- 
rière et sa fin glorieuse. Eh! quel Panthéon plus fait pour sa 
cendre que ce boulevard qu'il vient de rendre à la France, que 
ces monts superbes d'où il vient de précipiter le superbe Espa- 
gnol? Sil'on vit naguère, au tombeau de Maurice, des soldats. 
aiguiser leurs sabres et dès lors se croire invincibles, combien le. 
courage de nos guerriers sera-t-il encore plus excité à l’aspect 
du tombeau de leur général, qui fut toujours leur père. » 


Ce discours fut vivement applaudi par l’Assemblée, et le mau- 
solée fut décrété. Après avoir rendu si solennellement à son 
général les devoirs de l'amitié et de la reconnaissance, il retour- 
pa à l'armée des Pyrénées, où il fut investi du commandement 


= Ne 


de l'avant-garde du corps d'armée qui occupa la Cerdagne espa- 
gnole, et où il se signala par de nouveaux exploits. (Voir les 
Victoires et CRUE 


Lors du siége de Puycerda par le général on O'Donnet, 

il succéda, dans le commandement de cette place, au général 
Charlet, mis hors de combat dès le premier assaut tenté par les 
pssiégeants, ét, avecsix cents hommes, résista pendant dix heu- 
res à sept mille hommes d'infanterie et quatre cents de cavalerie. 

Après avoir eu la moitié de son monde tué, la plupart de ses 
afficiers morts ou blessés, atteint lui-mème d’une balle au bras, 
il fut fait prisonnier. 


La paix avec l'Espagne lui ayant rendu sa liberté, il fut appelé 
à l'armée d'Italie par le général Bonaparte, qui lui écrivit en ces. 
termes : 


a Mon intention, citoyen général, est de vous employer à 
» l'armée active, de manière à rendre essentiels à la patrie vos 
» talents et votre courage. Vous voudrez bien vous rendre sans 
» délai à Nice. | 


» Nice, le 9 germinal an 1v de la République, 
» BONAPARTE. » 


Le général Despinoy contribua au gain de la bataille de Mon- 
dovi, et fut cité, disent les auteurs des Victoires et Conquétes, avec 
cloge dans le rapport du général en chef. Le président dù Di- 
rectoire, Carnot, dans une lettre de félicitations, lui dit : 


« Le Directoire n'a pas oublié la manière distinguée avec la- 
» quelle vous vous êtes montré aux Pyrénées dans la dernière 
» Campagne, continuez à servir Ja République avec la valeur et 
» les talents qui vous caractérisent. 


» 42 floréal au 1x, 
» CARNOT, président. » 


Il fut investi tour-à-tour du commandement de Milan et de 
celui de la Lombardie, et comprima dans la ville de Milan un 
soulèvement général des habitants. Sa conduite mérita les 
éloges que lui donna Bonaparte dans son rapport officiel. 


Après la défaite des Autrichiens sur le Mincio, il fut chargé 
de diriger en chef les opérations du siége du château de Milan, 


qu'il emporta après onze jours de tranchée ouverte, et quarante 
huit heures. d'attaque régulière. Le général autrichien qui 
commandait le château assiégé est le mème Radetzki aujourd'hui 
feld-maréchal, qui vient de soumettre l'Italie, et remporter, à 
quatre-vingt-six ans, la bataille. décisive de Novare sur l'armée. 
piémontaise. 


La prise du château de Milan mérita au général Despinoy le 
grade de général de division, et les félicitations de tous les géné- 
raux, 


 « Je vous fais mon compliment, citoyen général, lui écrivit 
Bonaparte, de la prise du château. Témoignez ma satisfaction 
aux braves qui vous ont si bien secondé. Accordez une gra- 
tification à l’armée, et spécialement aux canonniers et aux 
sapeurs qui se sont distingués. Vous pouvez prendre, à cet 
effet, la moitié de la somme que vous avez trouvée dans le- 
château. 


5 Sy y» d y y 


» Je vous embrasse, mon cher général, avec l'estime que vous. 
» inspirez et l'amitié que je vous ai vouée: 


» Le 40 messidor an 1v de la République, 
» BONAPARTE. » 


« Bravo, mon cher général, lui mandait,le général Berthier ; 
je vous fais mon compliment bien sincère sur vos suctés. 
, Vous avez enlevé le château*de Milan avec une célérité qui 
donne bien de l’avantage. La prise de ce château est de la 
plus grande importance pour nous. Le général en chef est 
satisfait de voir le succès d'un général, son ami. Le général 
en chef se propose d'aller à Milan, où je me fais une fête de 
vous embrasser. 


SE EE y » 


» 44 messidor an iv, 
> BERTHIER. » 


La plus belle carrière, celle de Masséna, d'Augereau, de. 
Berthier, semblait être assurée au général Despinoy, lorsque 
tout-à-coup elle est arrêtée et fermée dans son cours le plus bril= 
Hant. 


Il s'était conduit aux combats de Lonado et de Solférino com- 
me à Toulon, au Boulou.et à Puycerda, et Bonaparte, dans son, 


— 95 — 


rapport au Directoire'exécutif, ne fit aucune mention de lw. 

Profondément blessé de ce silence comme d’un déni de justice, 
il lui éerivit une lettre virulente, dans laquelle il exigeait un 
désaveu formel sur le combat de Lonado, et le sommait de dé- 
clarer qu'il s'était trompé. La lettre était terminée par cette 
déclaration plus qu'énergique : 


« Pour moi, qui ai appris à professer la vérité. à l’école de 
» Dagobert et de Dugommier, et qui marchais constamment sur. 
» les traces de ces illustres amis, dût la foudre en éclats tomber 
». sur ma tête innocente, avec le mème courage que j'ai déployé 
» contre les ennemis de la France, l'on me verra combattre les 
» partisans du mensonge et dela calomnie, de quelque Dies 
» sance qu'ils soient revêtus. » 


Il communiqua au Directoire cette lettre empreinte de la 
frerté et de la véhémence de son caractère, car chez lui, le style. 
était hien l'homme. Le Directoire y vit une infraction à la 
hiérarchie et à la discipline militaire, et un arrèté du gouverne- 
ment, en date du 41 octobre 1796, lui déclara qu'il était mis en 
traitement de réforme. Itresta cinq ans dans une retraite pro- 
fonde où les arts et les sciences vinrent seuls le. distraire et le 
consoler. 


A l'avénement de Napoléon au consulat, ik en appela, dit-il, 
dans une lettre adressée aux rédacteurs de la Biographie des Hom- 
mes du Jour, il en appela hautement de l'injustice. du général 
d'armée à l'équité du chef de l'Etat, et sa voix fut entendue. 


Pour pre:nière réparation, Napoléon chargea le ministre de 
l'Intérieur Chaptal de lui offrir une préfecture. Sur son refus, 
il le nomma d'abord commandant de la place de Perpignan 
(arrête du 27 brumaire an x). Mais lorsqu’il eut conçu ke projet 
de faire de la vike et de la citadelle d'Alexandrie le boulevard de 
l'Italie française, il n’attendit pas que le général lui rappelât ses 
droits à un poste plus élevé, et ikle nomma, le 18 janvier 1803, 
commandant de cette place. 


Pour commander à Alexandrie, dont la garnison en cas de 
siège devait être portée à vingt mille hommes, et l'armement à 
cinq cents bouches à feu, il fallait un général expérimenté, dont 
la bravoure, les talents et la fermeté fussent connus de toute 
l'armée ; il fallait un administrateur intègre, versé dans toutes 


LS 


_— 56 — 


les branches de services, pour diriger et surveiller Femploi de 
vingt-cinq. millions que l'Empereur a dépensés aux fortifications. 

de cette place, dans l’espace de onze ans; il fallait un juge in- 

corruptible, aussi ferme qu'éclairé, pour présider le tribunal 

qui devait, dans tout le Piémont et la Ligurie, rétablir la sûreté : 
publique et privée, qui n'y existait plus depuis long-temps. 


La preuve que Île général Despinoy réunissait toutes les qua- 
lités nécessaires pour occuper une place aussi difficile qu'impor- 
tante, c'est qu'il a commandé à Alexandrie pendant onze ans, . 
jusqu'à la chûte de l'Empire: c'est que l'Empereur l'a soutenu 
coritre toutes les attaques et les dénonciations dont il a été l'ob- 
jet, au milieu de tous les conflits d’autorités, soit civile, soit mi-. 
litaire, et qu’il n’a cessé de lui donner des marques de son estime 
et desa confiance. Il fut admis un des premiers dans l’ordre 
de la Légion-d’Honneur, et c'est des mains de l'Empereur, sur le 
champ de bataille de Marengo, en présence de toute sa cour, de 
son état-major et de quinze mille hommes assemblés sous les. 
armes, qu'il reçut, en mai 4805, les insignes de commandeur. 


À son arrivée, en 1803, Alexandrie était le quartier-général 
du brigandage qui infestait tout le Piémont et les Etats de Gènes. 
A la tête de la bande la plus nombreuse et la plus redoutable 
était le fameux Maino, jeune homme dont l'audace et le courage 
égalaient l'adresse et la ruse. Il levait publiquement des contri- 
butions sur les familles riches du pays, et telle était la terreur- 
qu'il inspirait, qu'on s'empressait de les payer ou qu'on en- 
voyait des agents pour traiter avec lui. Les fonctionnaires pu- 
blics piémontais n'étaient pas exempts de ses réquisitions et y 
obéissaient. 


Il s'était créé de si nombreuses intelligenees dans Alexandrie, 
Soit par sa famille, qui habitait cette ville, soit par les recéleurs 
d'une partie de ses prises, qu’il échappait à toutes les poursuites. 
Cette impunité avait accru son audace et son insolence, au point 
qu'il se faisait appeler l'empereur des Alpes et le roi de Maren- 
90, et que, dans les grandes revues de sa troupe, il portait l'uni- 
forme complet d’officier-général avec tous les insignes de la 
Légion-d'Honneur, dont il avait dépouillé le général Milhaud, 
entre Novi et Alexandrie. Entre autres de ses coups de main les, 
plus hardis, il faut citer l’enlèvement d'un convoi d'argent de 
deux cent mille francs destinés à l’armée d'Italie, et celui de la 
chapelle de Pie VII, lorsque ce souverain pontife traversa le- 
Piémont pour aller couronner à Paris l'empereur Napoléon. 


— 57 — 


Le pape. était arrivé depuis quelques beyres à Alexandrie, et 

les troupes qui avaient été au-devant de lui. étaient rentréss 
dans leurs casernes. La route .n'était plus gardée, lorsque Maino, 
travesti en brigadier des douanes, se présenta, avec cinq des 
siens, douaniers comme lui, devant le convoi des bagages du 
Saint-Père qui était derrière ; il demanda la.cief, sous prétexte de 
des visiter, les ouvrit sans résistance, et emporta la chapelle, 
consistant en vases sacrés, pierrgries, ornements et vêtements 
d’apparat. :A la nouvelle de cet enlèvement, le cardinal Fesch, 
qui accompagnait Pie VII, s’emporta contre la gendarmerie et 
menacça de s’en plaindre à l'Empereur. « Et moi jele défendrai, 
dit le pape en riant ; le mal n'est pas si grand. qu'il ne puisse 
être réparé. Estrce qu’il n’y a pas à Paris un quai des orfévres 
et d’habiles ouvriers? eh bien! grâce aux brigands, j'aurai une 
Ne huit neuve pou une vieille. » 


: Maïino: ci eu le sort. Fe à tous “os het de 
JL fat atteint.par la gendarmerië au mois d'avril. 1806.:et, quoi- 
que surpris par ellé,:il se défendiît coômme:un lion,:tua.d'un coup 
de:carabine un lieütenant de gendarmerie , et'hlessa ensuite à 
eoups redoublés de stylet, en se précipitant. au milieu d'eux, 
sept sous-officièrs ou gendarmes. , Il était parvenu à s'échapper, 
lorsqu'un coup de carabine l'atteignit dans les reins et le ren- 
vèrsa. Entouré aussitôt par les gendarmes, il fut assommé à 
coups de crosse de fusil, son .corps .fut exposé pendant trois 
jours sur la Re d'Alexandrie. 


: Maino tué, sa bande se disipa: ou ver entre ee mains dé la 
gendarmerie, et la justice militaire, présidée :par le général 
Despinoy, en délivra le Piémont. Le département de Marengo 
devint aussi sûr et aussi tranquille que le plus paisible départe- 
mént de l'ancienne France. Le sous-préfet de Novi, dont l’ar- 
rondissement confinait avec celui d'Alexandrie, s'étant toujours 
ooncerté avec le général et ayant eu constamment avec lui des 
liaisons d'amitié et-de ‘bon voisinage, n'a pas peu contribué-au 
maintien de l'ordre et de la sécurité publique. de 
i | 

Le brigandage détruit, le général Despinoy eut à soutenir 
d'autres luites, d'autres combats. De nombreux conflits s'éle- 
vérent entrelui et les autorités civiles et militaires. Ils furent 
toujours jugés en sa faveur par le gouvernement, maisils ne 
désarmèrent pas la haine. Il'faut convenir que son commande- 
mént et son administration ont toujours excité et même provo- 


— 58 — 
a 

kjué l'envie et la jaloüsie. A Alexandrie, il n’y avait qu'un nom 
retentissant, une seule autorité imposante, c'étaient le nom et 
l'autorité du général Despinoy. Dé 1à la ligue de tous les fonc: 
tionnaires contre ne nn É 

Zélateur ardènt de là discipline militaire, il se fit d'antant plus 
d'ennemis puissants pour la maintenir, qu’il était plus sévèrè 
envers les officiers qu'envers les soldats. ‘Cètte sévérité, toujours 
juste, mais indispensable, souleva contrè lui dès hsînés ét des 
ressentiments qui ne sont pas encore appaisés- Dé à cette in- 
fâme calomnie, ‘éêtte apostrophe qu'on prétend lui-avoir été 
adressée publiquement par le général Bonaparte, contre laquelle 
fl'a hautement protesté, et qu'il a qualifiéé d'imposture et dé 
diffamation manifestes. 7 ns | 

» J'affirme, dit-il dans sa lettre aux rédacteurs des Hommes du 
Jour, ‘j'affirme, en mon âme et conscience, ‘et par respect pour 
la mémoire de l'Erapereur, qu'il ne m'a jamais tenu un seul 
propos dont la délicatesse de l'homme le. plus. susceptible püût 
s'offenser, et que, dans le cours de nos démêlés,. si quelqu'un a 
mis trop de raideur ‘etde violence, c'est moi, moi qui me suis 
porté accusateur du vainqueur d'italie, et qui n’ai point craint 
de choquer sa puissance quand, au milieu de ma carrière, je fus 
victime de ses injustes etaveugles prévéntions, de son crédit, ‘et 
de je ne sais quelle misérable intrigue. » 


Si quelque chose pouvait distraire et consoler le général 
Despinoy de tant de tribulations incessantes, c’est l’estimeet la 
confiance qu'il inspirait à toutes les classes de la population . 
d'Alexandrie. Dans tous leurs démèlés avee les militaires de la 
garnison, elles recouraient à lui plutôt qu'à leurs magistrats 
municipaux. Elles étaient sûres d'obtenir une prompte et pleine 
justice, et d’avoir en lui un protecteur centre les exigences du 
soldat! On le vénérait pour sa justice, on le chérissait pour son 
désintéressement et sa bienfaisance envers les pauvres. Ces 
sentiments étaient bien vrais, car le malheur leur appliqua sa 
pierre de touche. 


C'est au mois de mai 1814, après la chûte de FEmpire:.et du 
royaume d'Italie, lorsque le général Déspinoy quitta Alexondrie; 
c'est au moment où les Alexandrins n'avaient plus rien à crain- 
dre ni à espérer de lui, que les témoignages de la reconnaissance 
publique se manifestèrent de la manière la plus touchante. Les 


— 9 ES 


tegrèts furent unanïiines, et pour les perpétuer, en quelque 
sorte, ils furent consignés dans les archives de la ville. Le ? 
mai, le conseil municipal, présidé par le maire, le chevalier 
Bacciochi, proche parent de l'empereur, s'assembla spontané- 
ment. Après une délibération dans laquelle furent relatés tous 
les services rendus à la ville par le-général, il fut décidé, à l'una- 
nimité, qu'une députation, dont lé maire serait te chef, se trans- 
porterait chez lui, et lui remettrait ce témoignage d'estime, de 
regrets et de dévouement. Le 9 mai, il reçut du maire et du 
conseil municipal de Valence, arrondissement d'Alexandrie, une 
délibération empreinte des mèmes sentiments, 


Malgré l'ordre formel du prince Borghèsé, gouverneur général 
du Piémont, de livrer la place aux autrichiens, il attendit celui 
de 5. A. R. le comte d'Artois. Le gouverneur général le loua 
de sa désobéissance, en le félicitant de sa fidélité à Napoléon. 


Le jour de son départ fut un jour de deuil pour les Alexan- 
drins. Déjà, depuis quelque temps, . le préfet, la garnison et 
toutes les autorités françaises avaient quitté la place; il n’y était 
resté que le général pour régler les comptes des différentes ad- 
ministrations. La population le voyant seul et sans garde au 
milieu d’elle, redoublait ses marques de respect et d'affection. 
Aussi, quand elle sut l'heure de son départ, elle se porta en foule 
sur son passage, et lui fit les adieux les plus touchants. L'auteur 
de cette biographie le vit sortir de la citadelle, non comme un. 
général vaincu ou qui a capitulé, mais comme un ami qu'on voit 
s'éloigner à regret. Le corps municipal, les notables, mèlés 
avec le peuple, l'accompagnèrent jusqu'à la dernière porte, sous 
les yeux de la garnison autrichienne, élonnée et jalouse d’une 
si bienveillante démonstration. Cette conduite si honorable des 
Alexandrins est d'autant plus remarquable que, dans le même 
temps, le général Frésia, qui commandait à Gènes et qui avait 
fait preuve de la plus grande modération, ne sortit de cette 


ville qu'après y. quoi couru les da grands dangers pour sa per- 
sonne.  : 


Le général Despinoy fut favorablement reçu par le gouverne- 
ment royal. Créé chevalier de Saint-Louis et chargé du com- 
mandement de la ville et de la citadelle de Strasbourg, poste 
qu'il occupa jusqu'au retour de Napoléon de l'île d'Elbe, il fut 
fidèle à Louis XVHI comme il l’avait été à Napoléon ; il se démit 
de son emploi et le reprit à la rentrée des Bourbons. 


. Le 18,janvier 1816; il fut appelé au commandement de a fre 
division militaire (Paris), sous les ordres du maréchal Maison. 
et ensuite sous ceux du maréchal Pérignon Les circonstances 
politiques entouraient cet emploi d'immenses difficultés. : Après 
la bataille de Waterloo, Paris offrait l'agglomération de 30,000 
officiers indignés de la présence des étrangers, et blessés dans 
leurs sentiments et leurs intérêts personnels ; il était urgent de 
faire-rentrer au plus tôt dans leurs foyers ceux qui ne justifiaient 
pas de leur domicile légal dans la capitale : c’était un devoir 
pénible; mais impérieux à remplir ; il fallait déployer.une éner- 
gie, une sévérité qu'on a qualifiée de violence, mais qui n'était 
qu’une conséquence de la situation. Le général a rem 
plit de devoir. ; ou 


Le 2 mars 1816, ilreçut le titre de comte, et celui de comman: 
deur de Saint-Louis le 3 mai suivant. Mais, sous le prétexte et 
la qualification d'agent du pouvoir occulte, fiction révolution- 
naire que les ennemis dela royauté et si bien pois il fut 
mis en on Rate 2 janvier, 1819: ae 

Le 23 on 1824, il fut pommé commandant de Ja ?e. division 
militaire (Périgueux), d'où il-passa à:la 40° (Toulouse) et ensuite 
à la 42° (Nantes) ; il futen outre nommé, es 47 avril 1828, grand 
officier de la Légion PARRDERE D MP OR AE ct 

tata Te 

C'est à Nantes que la Révolution Fe 1830 vint, non ne le-sur« 
ronds cu elle était prévue. et: annoncée depuis long-temps; 
mais lui imposer de nouveaux devoirs. Là, comme à Alexan- 
drie, il fut fidèle au gouvernement auquel :l avait: juré fidélité: 
Attaqué à l'improvisté par un rassemblement armé, il repoussa 
la force par la force ,. et quitta Nantes pour éviter .unñëé nouvelle 
effusion de sang. Arrêté et transféré à La Rochelle, il y fut dé- 
tenu dans une maison particulière. Son frète, Eugène Despi: 
noy, accourut pour. rétlamer sa:liberté, et fut ässez heureux 
pour l'obtenir: ..Son neveu, le colonel Despinoy, ‘dont le noin a 
été si souvent cité dans les faits les plus glorieux de notre armée 
d'Afrique, à côté de ceux des généraux Changarnier et Lamori- 
cière, était aussi accouru:deToulon et ne quiitta Sdmioncte: que 
lorsqu'il l'eut mis en are; “Je général se séuveht He lui 
devait la vie. —. | io 

— | Hot RES 
F Par ordonnance du 5 août 1830, . il fut dE au ation de 
retraite, en récompense de cinquante-trois ans de’services, cam- 
pagnes comprises. 


Devenu likre enfin. de tout commandement, le général Despi- 
noy S'opCUpa exclusivement des arts et des sciences qu'il avait 
toujours aimés, mais auxquels, dans sa longue earrière militaire, 
il n'avait pu donner que de bien rares moments de loisirs. Sa 
riche bibliothéque, sa superbe galerie de tableaux , dont les 
catalogues sont en ce moment dans les mains des savants et des 
artistes français et étrangers, témoignent de la constance et des 
soins qu'il a eus pour rassembler tant de chefs d'œuvre. La 
brillante introduction qu'il a placée à la tête de son catalogue 
de tableaux, atteste ses connaissances profondes dans les arts et 
leur histoire. - 


Le général Despinoy possédait d'éminentes qualités qui n’ont 
fait ceperidant ni son bonheur, ni sa réputation; il était géné- 
reux, bienfaisant; il répandait l’'aumông à pleines mains. Les 
bureaux de bienfaisance d'Alexandrie et de Nantes peuvent dire 
les sommes considérablés dont, chaque année, il dotait leurs 
budgets. Son testament est plein de legs pieux aux pauvres de 


Paris, de sa paroisse, de son arrondissement, à M. le curé de . 


Saint-Sulpice, ‘à l'hôpital de Valenciennes, où il était né. I] laissa 
des pensions aux veuves de plusieurs de ses secrétaires. 


Aux qualités du cœur, il joignait un esprit profond, pénétrant ; 

il parlait avec noblesse, facilité et agrément; son érudition était 
vaste et variée. Il était, dit-on, incompatible avec les fonction. 
paires employés dans ses divers commandements; nous pour- 
rions citer beauconp d'exceptions, entre autres, celle de l'inten- 
miälitafre à Nantes, M. Robinet, qui a laissé de si honora- 

bles souvenirs dans cette ville et à Rennes, et qui a toujours en : 
avec Iui les plus agréables rapports. ‘Son malheur, la cause de 
plusieurs dé ses disgrâces, est de n'avoir pas su se faire pardon- 
nér ses taléntset sa supériorité par un commercs liant et facile, 

et par des © concessions qui souvent désarment l'envie. : 


Hi est mort au milieu des ses livres et de ses tableaux ; à l'âge. 
de quatre-vingt-aix ans, le 28 décembre 1848. Il repose au. 
cimetière de la paroisse de SaintSymphorien de Versailles, où. 
sen ie dla À ” habitait cétle ville et is Lo a. 


+ 


# 


D © 


_— 69 — 


survécti à peine cinq mois lui a fait élever un tombeau, dans 
lequel it repose lui-même. : . Modèles d' union etd ‘amitié Ie 
nelle, la mort ne SR Séparés. ‘ *. . 
ot D.R.B. 


à 


Note additionnelle. 


Le général Despinoy ne resta pas plus étranger aux belles-lettres 
qu'il ne l'avait été aux beaux-arts. Au commencement de ce siècle, 
à une. époque où les poésies d' Ossian ohtenaient une certaine vogue et 
lors ppême qu'on répandit le bruit que ce poète était l’auteur favori de 
Bonaparte , le général Despinoy tenta de le traduire en vers français. 
Ayant appris que Baour-Lormian faisait la méme entreprise, il laissa son 
travail enfoui dans son porte-feuille, mais bientôt voyant que Cathéluina 
n’était pas au nombre des sujets traités par le poète Baour, il n'hésita 
plus à publier un de ses essais qui parut sous le titre suivant : Cathélur- 
na, ou les Amis Rivaux , poéme imilé d'Ossian, et mis en vers français 
d'après la traduction en prose de Letourneur. . Par le général D***. 
Paris, Dentu, an 1x-1801, in-8° de 31 pages. + Par suite d’une er- 
reûr qu'il à rectifiée à l’aide de sa'table générale, le bibliographe Bar- 
bier, dans son Dictionnaire des anonymes (tome 1°", p. 161, n° 2132), a 
faussement attribué cet ouvrage au général Dupont Il est parfaitement 
établi et avéré qu'il appartient à notre conciloyen. A. D. 


CRE, à SRE RE SO EN ne. us CPS, ON RES LE 


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Socicte des ROSATI d'Arras. 
1778 - 1788 


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SOCIÊTÉ DES ROSATI 
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2 (ATI8- 1788-1797). 


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Robespierre. _ : Carnot. — Le Gay _ - Harduin. : — Bertin. 
di à — Les Rosati de Paris. — Mercier D Compiègne). 


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Si une réminiscence de anciens bus d'e amour peut être 
signalée en. Artois, c’est sans doute celle qui, à la fin du 
siècle dernier (le 19 juin 1778), : fit naître à Arras la Société 
Anacréontique des Rosati. C'était’ moins sans doute qu’une 
académie littéraire, mais c'était certainement plus qu’une 
réunion bachique.: On peut la considérer comme le dernier 
écho redisant les chants amoureux des Trouvères artésiens 
du XIII° siècle, assaisonnés de toute la galanterie et du 
savoir-vivre du siècle enrubanné de Louis XV. 


La société des Rosati d'Arras était consacrée à Chapelle, 
à La Fontaine, à Chaulieu; certes, des hommes d'esprit 
et de plaisir né pouvaient mieux choisir leurs patrons : 
cependant sans sortir de la province et en remontant de 
cinq cents ans plus haut, la nouvelle société aurait pu trou- 
ver des maîtres parmi ceux qui eux-mêmes inspirèrent 
Chaulieu, La Fontaine et Chapelle. L’Artcis n’entendait-il 


= Gi — 


pas résonner alors les chants de Quenes de Béthune, 
d'Adam de la Halle, d’Audefroÿ-le:Bâtard, de Sauvage, de 
Courtois d'Arras et d'Adam de Givency? Mais, au dix-hui- 
tième siècle, qui songeait aux vieux Trouvères, aux ptres 
de la poésie française, si fins et si inventifs? C'était A: 
tard ou trop tot pour y penser. 


Nous ne pouvons mieux faire connaître l’origine des 
Rosati que par la transcription exacte d’un Extrait des 
feuilles volantes de la Societé anacréontique que nous de- 
vons à la complaisance d'un fils de Rosati, qui possède 
beaucoup de pièces inédites composées et écrites par son 
pére. Voici la pièce qui nous à été obligeamment commu- 
niquée : . 


Lettre à M. l'abbé MÉnace (à Paris) en lui envoyant 
le diplôme de Rosati. 


« Monsieur, 


» Vous avez sans doute entendu parler de la fête des Roses 
et de Ja Société anacréontique des Rosati; la Renommée, 
il est vrai, n’a pas encore fait voler d’un pôle à l’autre le 
hom de cette société amico-poético-bachique, mais un Ro- 
sati résident (M. Charamond /, qui à l'honneur d'être vôtre 
neveu, ‘doit vous avoir dit qhelques mets de son origine et 
êu but qu'elle se propose. : 

‘» Dés jeunes géns réunis pur l’arñtié, par k goût des 
vers, des roséset du vin, partirent &n beau jour à cinq heu- 
res du fhafih ét se réunirent dans ‘en'jardin bien flettri, béen 
ombragé, bién ehampètre, sous un bercenu'ée troëe et 
d’acacia que réfléchissait le ruisseau le plus pur. Chacun 
fat sa pièce de vers analogue au local et aux mystères qu'on 
Gévait y célébrer ; des bouteilles de vin de Charnpagne ‘fu- 
rent apportées danis des raffraiéliissoirs de pyrceraine., in 
‘emplit les vérres. 


» Tout-à-coup, l’un des jeunes gens, fouillant dans ses 
grandes poches, en tira quelques centaines de roses frai- 


— 65 — 


chement cueillies. En un clin-d'œil, tout fyt empreint de 
teurs couleurs. Le berceau vert en fut lambrissé et pla- 
fonné ; des roses effeuillées rougirent la table, les bancs 
et le gazon. Le liseron qui rampait au bord de l'onde, 
fournit des couronnes où l’on fit serpenter Ia rose ; On but 
à la reine des fleurs; les im-promptu jaillirent avec la 
mousse du Chambertin ; et, dans un moment d'inspiration, | 
l’un des plus aimables poètes de la société s’écria: « Amis! 
». qu'un jour si heau (c'était le 42 juin 1778) renaisse tous 
» les ans et qu'on l'appelle la fête des Roses! » A: cette 
idée, on bat des mains, on emplit les verres, on épançhe 
quelques gouttes de Nectar sur les fleurs éparpillées et l'on 
‘triaque en disant : 


&« Profanes, loin d'ici! cet asile est sacré. » 


Telle fut l'inauguration du Berceau, ainsi commença la 15 
des Roses! ” ë 

x Prandre un hosaête nt s'éclairer des Fayons 
de la vraie philosophie, rire de l'ambition et de mille riens 
importants, faire revivre le ton simple et franc de nos an- 
ciens auteurs, en dépit de la préciosité et de la morgye de 
plusieurs célèbres du jour, voilà le principal but des Ro- 
sati; voilà pourquoi, Monsieur, les Rosati s'empressent 
de vous adopter; qui mieux que vous remplira leurs vues ? 


+ La cérémonie de votre adoption n'est ni grave, ni fati- 
gnante. Vous çueillerez que rase, vous la respirerez trois 
fois, puis F'attacherez à votre boutonnière, vous vuiderez 
d'un trait (notes cette circonstance) un verre de vin rosé à 
la santé de tous les Rosgti passés, présenis et futurs; en- 
suie vous embrasgerez, au nom de la Sogiété, une des 
personnes que vous aimez le miaux ; VOUS serez alors un 
vrai Rosati. » 


Rep Oerr 


Le but principal de la société des Rosafi fut donc Pétude 
de la gaïe science, et ses travaux abligés consistaient à faire 
l'éloge dela Rose, de la Beauté, du Vin et de l'Amour: ioutes 
choses fort agréables et peu difficiles à entreprendre. Les 


= 60 — 


sociétaires exercaient leur-culte sous un berceau de roses, 
detant les bustes des trois poêtes qui présidaient à leurs 
repas et à leurs chanspns tout couronnés de fleurs. Chaque 
couvert élait marqué par un bouquet de rôses. Les assem- 
blées commençaient au printemps, à l'épanouissement de 
la reine des jardins , et finissaient à l'automne, lorsque son 
règne était fini : on ne connaissait pas alors en France les 
roses du Bengile, celles dites remontantes qui fleurissent 
la plus grande partie de l'année; c'est bien dommage : si 
ce progrès horticole eût été fait un demi-siècle plus tôt, 
les sessions de nos Rosalti eussent duré l’année entière. Les 
récipiendaires recevaient un diplôme en vers et ÿy répon- 
daient par des couplets. Diplôme à part, les Rosati sem- 
blaient avoir calqué leur association sur celles des puys 
verds et des puys d'amour. Une philosophie toute épicu- 
rienne avait seulement fait écarter de leurs éloges obligés 
le nom de la Vierge Marie, qui, sous le régime des Trou- 
vères, ‘dominait souverainement presque tous les sujets 
poétiques. Les Rosati n’exclurent pourtant pas le beau 
sexe de leurs réunions, mais, pour des raisons.de conve- 
nance ; ils n'avaient que des associées étrangères à la ville 
d'Arras. On ne cite guère qu’une seule exception à cette 
règle rigoureuse ; ce fut la réception d’une. dame d'Arras, 
que nous voyons citée sous les initiales de madame Ch.., 
faciles à remplir par les habitants du pays, qui fut admise 
comme Rosata. Il paraît que son visage s’alluma tout-à- 
coup d’une couleur appropriée au titre qu’elle recevait, 
quand elle accepta la coupé de vin rosé, symbole de lini- 
tiation, et qu’elle se vit seule de femme au milieu d’une so- 
ciété d'hommes, couronnés de roses, qui chantaient le vin 
et l'amour. Aussi M. Legay, poète aimable et galant, 
Grand Chancelier des Rosati, ne pût-il s'empêcher de s’é- 
crier, dans un des couplets improvisés à cette réception : 


« Sur ton visage, 
» Quelle purpurine couleur ! 
» Permets-moi le baiser d’usäge, 
_» Je croirai reprendre la fleur 
: » Sur ton visage: » 


— 67 — 


Le Berceau de Roses, lieu des séances des Rosati, était 
situé hors des murs , dans un des faubourgs d'Arras, à 
Avènes, sur les borgs dé la Scarpe (4). La liberté la plus 
entière, mais sans indécence, régnait parmiles membres de 
cette société anacréontique qui se composait de magistrats, 


d'avocats, d’abhbés, d'officiers du génie et de propriétaires : 


de l’Artois. Au reste, la pièce suivante désigne le but 
qu'on se proposait d'atteindre, et renferme tout à la fois les 
statuts. de la compagnie et le programme de ses séances. 


LA FÊTE DES ROSES. 


Un des beaux jours du joli mois 
Qui rend aux arbres leur feuillage, 
La verdure aux gazons, aux oiseaux leur ramage, 
Et les fait deux à deux voltiger dans les bois ; ; 
Eveillés avant que l’Aurore, 
Fuyant son vieil époux, répande au sein de Flure 
Ces pleurs que Phæbus change en rubis éclatants, 
Quelques Anacréons dont pas un seul ne cloche, 
Bien gais et bien dispos, l’un de l’autre contents, 
: Bouquet de roses en main, et jolis vers en poche, 
-Courent loin de la ville et des sots importants 
Féter le retour du printemps. | 
“e __ Dans un cabinet de verdure 
De mille roses nuancé, te À | 7 
Près d’une source qui murmure En 
Se réunit le froupe dispersé, 
Sur un banc raboteux, Chancelant, mal posé, 
Nous nous plaçons à l'aventure. 
Ghaque bouquet bientôt, en couronne tressé, 
Presse nos fronts d'une fraiche ceinture. 
_ La nappe au même instant disparait sous les fleurs. 


\ 


(). Ce lieu était voisin de l'abbaye de Notre - Dasé- d'Avesnes , de 
l'ordre de Saint-Benoit, fondé âvant l'an 1123 en Artois, et établie près 
des murs d ’Arras, lorsque Philippe IT eut vendu à cette congrégation 
‘le château de Beljemotte de Marguerite de Marle, comtesse d'Artois. 
L'abbesse Anne de Warlusel, morte. en 1599, batit en ce lieu une 
église et un cloître réduits en cendres en 1634 par le marquis de Mon- 
dejeu, depuis maréchal de Schulemberg, chargé de défendre Arras 


k 


_— 68 — 


La couleur du vin qu'on varie 
Tantôt contraste et tantôt se marie de à 
: À lincarnat de leurs couleurs, 
: Le Dieu de la plaisanterie, 
Momus , vlent animer les propos des buveurs. 
On parle vers, amour, même plilasophie : . 
Tout en riant on apprécie | 
_ Les illusions de la vie, 
Les charmes d’une Belle, et l'esprit des Auteurs... 
Tout-à-coup le bruit cesse. Aux plus gentils Poètes, 
À tous ces paresseux qui chantèrent l'Amour, 
Aux Chapelle, aux Chawlion , nous buvons tour-à-tour. 
En répétant nos chansunnettes. 


Mais lorsque du soleil les rayons importuns, 
Introduits à travers la voûte de feuillage, 
Dissipent de nos fleurs les suaves parfums, 
Nous quittons notre Eden, en disant : « Quel dommage, 
» Quand le chagrin semble aHonger les jours, 
 » Que les instants heureux nous paraissent si courts! » . 


On voit assez par ce document, qui est pour ainsi dire la 
charte constitutionnelle des Rosati, que c'étaient de francs 
épicuriens , ne pensant qu'aux plaisirs, aux biens matériels 
de la vie et aux jouissances de l'humanité. Ces joyeux 
compagnons paraissent avoir tous possédé les qualités mé- 
morables que l’on accorde généralement au bon roi Henri IV. 
La majofité des membres étant composée d'officiers, ils 
avaient le triple talent de boire et de battre, et d'être verts 


contre le prince de Condé. Les dames d'Avesnes restèrent quarante 
ans à leur refuge d'Arras, jusqu'à ce que l’abbesse Jeanne de Trame- 
court, qui succéda à Marie-Thérèse de Montmorency, eut achevé la re- 
construction des bâtiments. Elles étaient au nombre de douze, et 
faisaient preuve de noblesse militaire, tant du côté paternel que du 
côté maternel, pour être admises dans là maison où elles vivaient pres- 
qu’en chanoinesses et sans être cloitrées. A l’époque de la fondation 
de la société des Rosati leur voisine, l’abbesse était Marie-J'eanne de 
Monchy : le même écho pouvait redire les cliants anacréontiques des 
épicuriens d'Arras et les pieuses hymnes des vierges de Saint-Benoît. 


N 


— 69 — 


galants. Lis en ajoutaient même un quatrième, celui de 
chanter, ce que ne Sn ce pas de faire- aussi le roi du 
Pont-Neuf. | 


‘Nous sommes parvenu à reconstituer à peu près complè- 
tement la liste des chevaliers de cet ordre bachico-littéraire : 
c'est la composition la plus étonnante qu'on puisse voir : 
ur abbé à côté d’un officier du génie; un peintre auprès 
d'un avocat- général ; un artiste contre un professeur de 
théologie ; le commandant d’une citadelle assis sur la 
basque de l’habit d’un avocat; un mince poète vis-à-vis d'un 
riche seigneur ; un ancien écuyer du Roi touchant du coude 
Maximilien de Robespierre : et tous ces gens d'états si va- ” 
riés, de conditions et d’habitudes si diverses, peu soucieux 
des choses de ce monde, gais et contents, chantaient, bu- 
vaient ensemble, faisaient vers et chansons, et menaient 
joyeuse et aimable vie quand les partis commençaient à 
s'agiter, lorsque la monarchie. et l’état social même trem- 
blaient sur leurs antiques fondements! 


Nous en demandons humblement pardon à nos graves 
lecteurs, mais nous ne saurions faire la monographie de 
cette société, plus galante que savante, plus bachique que 
littéraire, saris y entremêler beaucoup de pièces de poésies ; 
on n'y conversait qu’en couplets, on n’y parlait qu’en rimes : 
ce sera donc de l’histoire en vers. Nous ne pouvons mieux 
faire, pour peindre les divers personnages qui figurèrent 
sous le Berceuu des Roses, que de rappeler leurs propres 
discours, et ces discours ne sont que des chansons. 

; À 


On nous pardonneràa les détails dans lesquels nous allons 
être forcé d'entrer ; ils sont obligätoires pour faire bien 
connaître cet intérieur et ces hommes vus en deshabillé. 
C'est d’ailleurs une peinture de mœurs assez curieuse d’une 
époque déjà séparée de nous par plusieurs Révolutions, et 
il n’est pas sans intérêt de voir les distractions et de con- 
naître les jeux de personnages devenus, quelques années 
plus tard, fameux dans les lettres, les armes et la dicta- 
ture. 


— 70 — 


À tout seigueur, tout honneur : commençons notre no-. 


menclature par le Chancelier de l'Ordre, LE Gay, aimable 
auteur de Mes Souvenirs. C'est lui qui tint d'une main 
ferme et jusqu’à sa dissolution le Sceau‘de la Compagnie, 
représentant une rose à mille feuilles. Il fut le fondateur 
de la société dés Rosati, il en devint l’âme et le pivot. Ce 
charmant et fécond poèle d'Arras, est mort juge d'instruc- 
tion au tribunal de première instance de Béthune le 7 juin 
1823, après avoir été procureur Impérial au même siége. 
Lors de l'érection du Berceau des Roses, il n'était qu'avocat 
et chansonnier, et avait mérité le titre de Chantre de Myrtis, 
du nom d’une beauté qui revient souvent dans ses vers et 
‘qui avait semé le printemps de sa vie de trouble et d'agita- 
tion. 


} À : 

Le Gay inaugura par ces couplets la première session des 
fêtes de la Rose, à l'ouverture du printemps, époque an- 
_nuelle où les Rosati la eommençaient. 


Lève-toi radieux et clair, 
Soleil, viens parer la nature 
Vents printaniers , agitez l'air : 
‘Que Flore émaille la verdure : 
” Que tout favorise en ce jour, 
‘ La gaité, les vers et l'Amour. 
_: Que chaquetfrère en Apollon, | ; 
© Dans ce vallon, 
: Boive et chansonne ; 
Lierre joyeux, : 
Myrte amoureux, 
Soient enlacés dans sa couronne. 
Que tout, etc. . | 


La rose exhale son encens, 
Et du printemps 
Les fruits rougissent ; 
Le balancement des rameaux, 
L'ombre et les eaux * 
Vous raffraichissent. 
Mais ces plaisirs seraient trop vains 
Sans vos beaux vers, sans nos bons vins. 


… 


' M, es 


Ah, qu'il est doux sur le gazon,  : | 
De sabler la liqueur vermeille!  : :. 
. La bouteille suit la chanson ‘ | 

Qui nous renvoie à la bouteille, 

Que tout favorise en ce jour..... 

Non, non, ne parlons plus d'Amour. 


Ce Dieu cruel, je l'ai fété, 

De trouble il a semé ma vie ; 
Mais de Bacchus l'enfant gâté 
Vit sans trouble et sans jalousie. 
Tous les amans sont ennemis , 

Et tous les buveurs sont amis. 


Si HaRDuIN, le savant secrétaire perpétuel de PAcadémie 
royale des Belles-Lettres d'Arras, fréquenta la société des 
Rosati, ce ne fut que de loin en loin, lorsque ses douleurs 
physiques lui permettaient de le faire, et cela pendant un 
court espace de temps, car il S’éteignit le 5 septembre 1785, 
à soixante-sept ans. Cependant son nom retentit plus 
d’une fois sous le Berceau des Roses, ainsi que nous l'ap- 
prennent ces vers de Le Gay : | 


Harduin, queton nom vanté 

Se mêle à notre douce orgie; - . 
Permets que l’aimable gaité 
Boive à la santé du génie ; . 
Sowis aux fruits de nos loisirs, 
La gloire naitra des plaisirs. | 
Oui, je chanterai mieux Bacchus, 
Encouragé par ton suffrage ; 
Ainsi le regard de Phébus 

” Fait briller la fleur du bocage ; 

Ainsi sous l'abri du palmier 
S'élève un timide rosier. 


A côté d'Harduin et Le Guy, ces deux éclatantes étoiles 
littéraires de l’Artois, on voyait briller sous le Berceau des 
Roses, l'abbé Rowan, fondateur de l'Académie bocagère 
du Valmuse, de la société royale d'Arras. 


Sr 


. 7 — 


Voici le diplôme qui lui fut envoyé par Le Gay pour son 
introduction dans la société des Rosati; il le fera mieux 
connaitre sous le point de vue anacréontique qui nous ac- 
cupe. | 


Diplôme de Rosari à M. Roman. 


Nous, qui d'une voix importune 
Ne formons ni vœux, ni regrets, 
Et laissons sans courir après 
Passer le char de la Fortune ; 
Peu jaloux d’accrocher nos vers 

il Aux aîles de la Renommée 

Quand de cent trompettes armée 
Elle vole par l'Univers : un Li 
Nous , les seuls Rosarr du monde 

Qui de tout nous faisant un jeu, 

Dormant beaucoup, raisonnant peu, 

Voyons dans une paix profonde 
Tout aller comme il plait à Dieu, 

Et rions bien du sot qui fronde, 

(Quoique des sots tels soient les droits); - 
Nous susnommés, dans une orgle 
Où vingt fois la coupe rougie 
Demeura vide autant de fois, % 

* Vû les productions diverses 
Du Troubadour qu’'Anacréon 
Daigna lotir de son crayon, 

Sa haîne pour les controverses ; 
Sans que rien gêne notre choix 
Sans cabale préliminaire 
(Nonobsiant l'usage ordinaire 

À maint comité littéraire ), 
Avons choisi, tout d'une voix, 
Le gentil Roman pour confrère. 


\ 


_ Ce nouveau titre vous astreint, 
Quand le soleil sur la rosée 
Dont chaque fleur est arrosée 
Darde et laisse, un rayon empreint, 
À vous trouver sous le bocage 
Où des foyx dans la fleur de l’âge 


ss 


Le front de roses toutonné, 
Sablant J'Aï, le Versenai, 
-Invoquent l’asnt de Daphné 

Et le patron du persiffisge. 

Ainsi fait non loin des tisons, 
Dans la plus rude des sasoûs 
Auprès de roses eï péiriture, 

Lu le tout que nous approuvoss ; 
En foi de quoi nous apposons 
Près du scel notre signatare. 


Le Gary. 


Après le gentil Roman, comme dit le diplôme, . siégeait 
CarNorT, capitaine au corps royal du génie, en garnison à 
Arras, qui, plus tard, sous la Convention, organisa la 
victoire en jetant quatorze àrmées sur nos frontières enta- 
mées et menacées, mais qui, à l'époque que nous retraçons, 
se contentait de tourner un couplet, dé chanter l'Amour, et 
de sabler le Champagne. Les Almänachs des Muses du 
temps recèlent des poésies de lui extrêmement légères ; 
celui de 1791 contient (page 37) Le temps passé, dialogue 
burlesque entre madame Fagotin et M. Barbichon. Le 
recueil des Rosati renfermait plusieurs chansons du capi- 
taine Carnot, parmi lesquelles nous choisissons la meil- 
leure , celle qui eut autrefois quelque retentissement dans 
le pays et fit une sorte de FApUIAROE à son auteur (1). Elle 
est intitulée : 


_ nue he 


(1) Sous la Restauration, on a réuni une bonne partie des pièces de 
vers composées par Carnot, qui, alors en exil à Magdebourg, ne comp- 
tait pas sur ses productions poétiques pour passer à la postérité. Le 
Recueil dont nous parlons parut sous ce titre : Opuscules poétiques du 
général L.-N.-M. Carnot. Paris, Baudouin fils. 1820, in-8°. M. Saady 
Carnot, fils ainé du général, mort du choléra en 1832, a dù donner des 
soins à cette publication. M. Hippolyte Carnot, son second fils, qui 
fut ministre de l'instruction publique sous le gouvernement provisoire 
de la République, se proposait de publier les œuvres de son père, pré- 
cédées de Mémoires sur sa vie, et a même eu, dit-on, l'envie de faire 
une notice sur la Société des Rosati d'Arras. 


‘ _— 74 — 
JE NE YEUX PAS. 


D'où te vient cette fleur charmante ? . 

Elle est divine, elle m'enchante, 
Disait Lucas ; | 

Donne-la moi, belle Thémire ; 

—— Monsieur, cela vous plait à dire, . 
Je ne veux pas. 


— Une fleur est si peu de chose ! 
Peut-on refuser une rose 

À son Lucas ? 
‘ Prends donc pitié de mon martyre... 
Mais elle, 2’obstinait à dire : 

Je ne veux pas. 


Cependant Lucas par son zèle 
Comménçait à mettre la belle 
| Dans l'embarras : 
| Lucas,'dit-elle , je soupiré ; 
Mais ne croyez pas me séduire, 
Je ne veux pas. 


Lucas”ne perdant point courage, 
Prenait enfin tant d'avantage | 
Sur ses appas, | 
Qu'à peine à la pauvre Thémire 
11 restait la force de dire : 
Je ne veux pas. 


Mais on ne voulut point entendre 
Un refus fait d’un air si tendre, 
. D'un ton si bas. 
La belle connut son délire 
Quand il n’était plus temps de dire :, 
Je ne veux pas. 


Belles, de l'amant qui vous presse 

. Voulez-vous augmenter l'ivresse 
._ En pareil cas? 

Tout en faisant ce qu’il désire, 

‘ N'oubliez jamais de lui dire . 

Je ne veux pas. 


— 75 — 


Carnot composa encore pour les Rosati le chant intitulé 
Les mœurs de mon village, en neûf strophes, et plusieurs 
chansons bachiques, entr’autreë une où l’on voit ce couplet 
en l'honneur du vieux Silène : où 


* Chantant ribon-ribaine, 
Le bon-homme Silène, 
D'un grand verre nanti, 
Buvait comme une éponge, 
Et valait sans mensonge 
Le plus franc Rosati. 


Personne n'était plus zélé et plus ardent que Carnot pour . 
la gloire et l'illustration des Rosati : il porta son enthou- 
siasme jusqu'à nommer son fils aîné Saadi, nom qui ne 
figure pas au martyrologe, mais qui rappelle l'Empire des 
Roses, dans la littérature persane (1). 


Auprès de ces illustres membres de la société des Roses 
venait s'asseoir M. CHArAmoND, jeune avocat, joignant à 
l'étude de Cujas le culte d’Apollon, au nom duquel les re- 
cueils du temps ajoutent quelquefois celui de M. Syzva, qui 
fut sans doute un de ses joyeux collaborateurs. M. Chara- 
mond eut d’abord un désespoir amoureux qui lui causa un 
grand dégoût de la vie; Le Gay, dans une épiître , cherche 
à le consoler : il paraît qu'il y réussit, car ce jeune poète 
s'enrôla parmi les Rosati qu'il égaya souvent par des pièces 
de vers fort agréablement tournées. On peut citer la Vision, 
l'Embarras et plusieurs autres. 


À la révolution française, M. Louis-Ferdinand Chara- 
mond entra dans l'administration militaire ; fut commissaire 
des guerres à Arras, Hesdin et Poitiers; nommé commis- 
saire des guerres de la garde du Directoire, de celle des 
Consuls, puis de la garde Impériale , il disparut dans la 


ÿ 


(1) Voyez Gulistan, ou l'Empire des Roses, composé par Musladini 
Saadi, le prince des poètes persans, traduit en français par Du Ryer 
(1644), par D’Alègre (1704, 1734) et l'abbé Gaudin (1789, 1791). 


CE ps 
PRES or 


retraite de Russie, fin de 1842, ayant alors le grade de sous- 
inspecteur aux revues de la garde de l'Empereur. La fa- 
mille Charamond s'allia avec celle de LenGzer, d'Arras, 
autre membre des Rosati; le poète Gharamond à laissé un 
fils, né à Paris, qui exerce aujourd'hui les fonctions de 
juge - de-paix à Valenciennes, et qui jouit de l'estime 
générale. 


Ce descendant du spirituel membre de la société ana- 
créontique d'Arras possède un grand nombre de poésies 
inédites de son père, parmi lesqueltes on distingue : Le Jeu 
de Paume, poème didactique en quatre chants ; plusieurs 
brevêts de Rosati; des chansons patoises ; des fables, et 
d’autres pièces légères dont quelques-unes mériteraient de 
voirle jour. Ila écrit, en prose, une traduction de l’Eco- 
nomie de la vie humaine, de Robert Dodsley, et plusieurs 
discours qui font partie des Feuilles volantes de la société 
anacréontique. Son portrait a été gravé au physionotrace 
par Fouquet. | | 


Dusors DE Fosseux, successeur d'Harduin comme 
secrétaire-perpétuel de la société d'Arras, ancien Ecuyer 
du Roi et depuis maire de la câpitale de T'Artois, est un des 
hommes qui jetèrent le plus de lustre sur la société des 
Rosati. Il avait bien des droits pour y entrer ; instruit, 
aimable, jovial et écrivain ingénieux , il savait égayer un 
auditoire académique par la manière dont il traitait les 
sujets les plus scabreux ; c’est ainsi qu'il fit des dissertations 
Sur la langue des femmes, Sur leur tête, etc., etc., etc. II 
est aussi l'auteur de l'Éloge de Suger, de celui de JB. 
Rousseau et du Dauphin, père de Louis XVI. Voici son 
diplôme comme membre des Rosati, composé par M. Sylva, 
il le fera parfaitement connaître : 


Nous, le plaisant synode 
Etabli près d'Arras ; 
Nous qui, malgré la mode, 
_ Savons rire aux éclats, 
Et qui n'avons pour code 
. Que cette loi commode : 


RL RES 


ais CE QUE TU VOUDRAS; 
Nous, prêtres dé la Rosé, 
Buvant , eausant en prose 
Dans un charmant réduit, 
Ce soir avons pour cause 
Résolu ce qui suit : | 
Vü l'éloge funèbre, 

Et pourtant non menteur, 
D'Hanouin, cet auteur 

- Et modeste et célèbre ; 
Và le discours si beau 
Où sont vengés les mânes 
Du lyrique Rousseau 
Dont quelques mains profanes 
Violäient le tombeau ; 
Vü cent plaisanteries | 
Galantes et jolies | 
Sur un sexe aux yeux doux 
Qui nous plait, qui nôus brave, 
Et qui feint d’étre esclave, ,,.... 
Pour se moquer de nous ; 
Va l'atteinte assez vive 
Que Fosséux lui porta ; 
Vù la gaité naïve 
Dont Phæœbus le dota, 
Maïnte aimable missive 

* Qu'en rient il dicta, 
Maint rosier qu'il planta 
Et que sa main cultive, 
Avons ledit Fosseux 

. Englobé dans la troupe 
Des arch:-paresseux 
Du mont à double-croupe ; 
Avôns rempli sa coupe 
De Champagne mousseux. 

D'Et quand l'amant de Flore , 
Caressant les boutons. 
Fera partout éclore 
La fleur que nous, fêlons, 
De bon cœur l'invitons | 
A xenir dès l'aurore 
Sous nos brillants festons 

©” Qu'un doux carmin colore. 


ee 


C'est dans un jardinet L 
Qu'arrose une onde puüfe, 
Au fond d'un cabinet  * 
De fleurs et de verdufé}  : | 
C'est non loin du chätét 
Que l’on appelle Avène, 
Sur la route qui mène 
Au Valmuse immortel. 
Là, sa couronne est préle ; , 
Là, le jour de la fête, “ 
Espérons marier 

# Rose fraîche au laurier 
Qui verdit sur sa tête; " 
Lë, pour mieux l'égayet, 

:Entendons que l'on perté 

Le tonneau le plus vieux, 
Qu'en chantant on lui verse 
Ce nectar précieux ‘ 
Dont la vapeur difpersé ‘|: 
Les traits facétieux, 
Les in-promptu joyeux, , 
Et jette à la renverse 
Les mortels et les Dieu.‘ 


Ainsi fait sous la treille, 
Auprès d'une bouteille | 
Et d'un poulet rôti; 


Arrêté sans murmure, | | e. 5 1e 


Et signé, sans rature, 
Par tous les Rosaïi. 


Qui pourrait s'imaginer qu'on va trouvet au filieu de ces 
joyeux amis du vin et de l'amour, insoucieux et paisibles, 
innocents et calmes, Maximilien ne ROBESMERRE, avocat 
à Arras, qui depuis..... mais alors il étais Rosati? Oui, 
Robespierre, dont le nom seul fit twembler trente millions 
de français, et rappelle le règne: de da Terreur, dont le 
souvenir reste inséparable du sh: Robespiérre fut un 
chansonnier galant qui se méla à 11 jeunesse dorée et élé- 
gante d'Arras, pour fêter l'amour et le vin $oûs un berceau 
de Roses. Un de ses confrères en Apollon et en Bacchus 
dépeignaïit ainsi, dans un couplet, sa manière de chanter : 


8 


Àh ! redoublez d’attentiôn! 
J'entends la voix de Robespierre, 
Ce jeune émule d’Amphion 
Attendrirait une DAREIEex 

. 


LA ROSE, 


$ 


On ne connaît que trob les discoure de Robespierre, on 
ne sait presque rien. de ges chansons : nous avons retrouvé 
deux de ces innocentes œuvres chañtées devant la société 
des Rosati ; la première, pour ainsi dire improvisée lors de 
sa réception, est un remerciement à ses confrères ; elle a 
été publiée dans les mémoires de Charlotte Robespierre, 
qui en avait conservé une copie de la main de son frère (1); 
la seconde a été recueillie dans des feuilles volantes. 


” 5 
f 


Reucatitieiré à MM. de la Pr des Rbsart : 


Air : Résisté-moi, belle Aspasie. 


Je vois l'épine avec la rose, 


Dans les bouquets que vous m'offrez (bis); . 


Et, lorsque vous me célébrez ,. 
Vos vers découragent ma prose. 


Tout ce qu'on m'a dit de charmant, 


Messieurs, a droit de me confondre : 
La Rose est votre compliment,  : 
L'Epiné est la loi d'y répondre {bis). 


Dans cette fête si jolie, 
Règne l'accord le plus parfait (bis). 
On ne fait pas mieux.un couplet, 
On n’a pas de fleur mieux Choisie. 
Moi seul j'accuèe mes desäns : 
De ne m'y voir pas à ma plate ; 
Car la Rose est dans nos jardins 
Ce que vos vers sont au Parnüsse. 


À vos bontés, lorsque j'y penèe, 
Mù foi je n’y vois pas d'excès f0is) ; 


se _ est 


Æ. iRrr 
“ 


(4) Œuvres de Max. Robespierre, Paris, 1840. tome II. p. 480. 


: 
— #0 
men sé 
; 


Et le tebleau de vos sucsès. 
Affaiblit ma reconnaissance , 
Pour de semblables jardiniers,  . - 

Le sacrifice est peu de chose ;. … 
Quand Bu eit si riche en lauriers : e 
‘On peut bién donner uno Rose {bis}. 


CE À ke ' : de 
Ré dat Le Maxnmitien RosssPieuré; 


P] 


Le LACOUPE VIDE. 
“6 Dieu ! que vois-je, mes amis ? ‘ 
+ Un ériife trop notoire, 
Du im charmant de Rosatis' 
Va denc flétrir la gloire. 
0 malheur affreux ! 
O scandale honteux ! 
J'ose lé dire à peine, 
Pour vous j'en rougis, 
‘Pour moi j'en gémis, 
Ma coupe n'est pas pleine , 


Eh vite, donc, emplissez-la 
De ce jus salutaire, no 
Ou du Dieu qui nous la donna. 
_ Redoutez la cotète.” 
. Oui dans sa fureur 
Son thyrse vengour 
- S'en va briser mon verte. 
Bacchus de là-haut 
À tout buveur d’eau, : 
Lance un regard sévère. 


O mes amis, tout buveur d'eau, 
Et vous pouvez m'en crajre, 
Dans tous les temps, ne fut qu'un sot. 
J'en atteste l’histoire : 
Ce sage effronté 
Cynique vanté, 
Me paräit bien stupide ; 
O le beau plaisir 
D’aller se tapir 
Au fond d'un tonneau vide. 


“4 


Le même. 


= sl. 


Que cet avdcat-chansonnier ne s'est-il borné à rechercher 
les applaudissements de ses confrères les Rosati, à tancer 
les buveurs d’eau, et à ne pas devenir lui-même lé chef et 
le coriphée d’autres buveurs hiens moins innocents! Quelle 
distance, parcourue en si peu d'années, entre le Berceau des 
Roses, la Tribune nationale et l'échafaud du 9 thermidor !. 


Mais revènons à nos FA artésiens, sinon aussi 
célèbres, du moins plus aimables. — À la suite de ces gran- 
des illustrations historiques, on distinguait encore, dags le 
cercle des joyeix convives épicutiens d'Arras, le chevalier 
Duuénry, capitaine au corps royal du génié, ‘collègue de 
Carnot et son émule daus T'art de ‘défendre une place et 
d'attaquer uue belle. Voici comme fut libellé son diplôme 
de Rosati, #" énumère scs diverses qualités : 


Nous Rosari, | : _ Gais badges : 


Qui, sans parti _Verr à rafraips. 
Et sans système, ien des Misrives 


. Vivous joyeux, :. . es al vives 
vons de même Que la Beauté . 
(e lés Chaulleux, | Das ses, archives io “gi | 
‘7 aidons comme eux | Mota côté 2 
Dans maints orgie : Dés opuscules + DR 
.-Coupe.élargie,. 1: : D Catuiles ; . | 
::.: Coupe rouge: +, ei ee 
D'un nectar vieux; eee du ton gi 3; 
Fa poésie ._.  Sûr de gousplaire; , 


Nous exerçons, _ Narra comblen 


Par fantaisie ; 
Comme eux faisons 
Pour une amie 

_ Douce et jolie 
Quelques chansons, 
D'où nous chassons 
Les tristes sons 

De l'Elégie ; 
Vù que ces goûts 
Communs aux sages 
Logeant chez vous ; 
Vàù vos ouvrages... 
Id est quatrains, 


© En moins dérien ‘” 
Vous savez faire 


Compter de fois 


Sur tous ses doigts * 


Une Bergère ; À 


| Nous, susnommés , 
| Mos par ces causes, 


D'un verre armés 
Flairant des roses, 
Vous admettons . 


: Dans notre troupe ; 
. Vous invitons, 
Quand tes boutons 


$ 


— 52 — 


Pénchés en groupe __, À vous trouver 
Sur noire coupe | Au-berceau verd, 
Et qur nos fronts, , + Où chaque année 
Nous fôterons | Nous voyons fuir 
: Bacchus et Flore, | Unë journée | 
"Venus encore, : . Toute au plaisir. 


Par un élève d'Epicure . 
Ainsi composé sens rature 
| Le pramier jour de la.8aison . 
4 Où dass les bois, la tête nue, 
=... Saes.craindre rhgme üifrigson, + | 
| Venus danse sur le gazon | 
Parmi la cohorte ingénue 
Des jeunes Nymphes du canton, 
Ecrit en caractère rose 
Avec la plume d'un pigeon, ‘* ‘ 
Que l’on préfère loi pour cause : 
Le tout de notre sceau nanti 
Düment signés, Les Rosari. 


Le chef militaire de MM Carnot et Dumenil devait palu- 
rellgment trouver sa place : à cette table ronde; aussi M. ne 
CHamemorn, major du génie, chevalier de Saint - Louis, 
déjà membre de l'Académie royale d'Arras, y fut-il reçu 
avec acclamation.. Le jour de sa réception ; it répendit à 
des couplets faits par-Le Gay en son honneur, par ane chan- 
son sur l'air : Des fraises, des fraises, des fraises, dunt le 


refrair était : Des roses, des roses, des roses. Le chanteur 


de ses qualités avait dit de lui : | ; 


Avec profondeur et clarté 
Raisonner des sciences, 
Ne joindre pgs la vanité 
À tant de connaissances ; ; 
| ‘Savoir tout fort bien, 
# _ N'étre fler de rien, 
_ Ce mérite est le vôtre : etc. 


Sur 1 académique fauteuik 
Prouver.qu'en le mérite, 


me Mettre les jaloux ‘en grand deuil 


Per un discours qu'on cite, 


St 
Entre nous, c’est un 


Talent peu commun 
On sait qu'il est le. vôtre : etc. 


À propos dans un gai festin 
Pilscer le mot pour rire, 
Avoir en sablant le{bon vin, 
Mainte saillie à dire, 
Faire des couplets, 
Des versiculets ; | 
Ce mérite est le vôtre : etc. , 


La noblesse titrée, qui n’a jamais dédaigué ni les vers, 
ni le bon vin, ni l'amour, comptait aussi plusiours siéges 
sous le Berceau des Roses de lArtois. File y était représen- 
tée par le marquis Barzzer ne Vaucaanan?, major de la 
citadelle d'Arras, et par le comte de La Roque RocnEmonr. 
Le premier, déjà sur le retour, égayait les Rosäti par des 
souvenirs du bel âge. Un jour, quoique malade, il vint 
surprendre ses collègues assemblés, et leur chanta de char- 
mants couplets sur l'air : Chansons, chansons, auxquels il 
fut immédiatement répondu par Le Gay, qai fit un autre 
chant sur l'air: Du haut en bas. Le-dernier, le comte de 
La Roque Rochemont, reçut un des meilleurs diplômes de 
la société anacréontique qui savait en varier la forme tout 
en les resserrant dans le plan qu'elle s'était tracé. 


DJPLOME DE ROSATI. …. 
e * À M. le comte de la Roque-Rochemont. 


Nous Rosari, troupe gaillarde, CE 
Guerriers nouveaux, qui, pour-cotatde, 
Portons des roses en bouquet, en. 
_ Un grand verre au lieu de mousquet, 

Pour chef avons le Dfeu fotâtre 
Qui des autres Dieux se moquait; 
Nous, dont chacun sait comme quatre À 
Se signaler dans un banquet, 
Et même avec succès combattre 

: Une anrene à l'œil coquet ; 

-, Nous, qui fuyous en tout la gêns, 


Et) ou 


Et, loin d'initer Diogène | 
Vanté par de francs étourneaux, 
Aimons mieux, suivant no$ systèmes, | 
Loger le vin dans nos tonneaux . sd 
Que de nous y loger nous-méties ; : 
Nous. qui pourtant n ’abusous pass, 
Ne buvons point jusqu’à la lle. 
Et souffrous que vers la folie : 
La sagesse guide nos pas: 
| Nous, après deux mots de colloque, 
Avous décidé que La Roque 
__” Aura sa coupe en nos repas : 
ER Aveñtissôhs. pair’ des  — 
24. Les.Roswi dé PÜaivers ;: RC 
L _Qu'au #atent dé:tionner sut vers | 
+ Les formes les plus séduisantes. 
- Et de:briller dans les concerts, 
+, En mariant les tons divers 
: Sur les cordes obéissantes, + 
1 joint une vive gatté: 
. .*" Des passions craint la secousse. : 
* 'Préfére éu rang le plus vanté : 


_ Ea vololtre ebseurité :' : 7 : AR AT 
“i ‘4e soir, en petit comité. —: ni) PAST gi 
+ + Ju vid d'A sable la mhusse , + 5. + 41 
Et, -par. maint.bon mot répété, .: Bi os Sas 


, 


Tandis due d’une æiliade duuce 
Il distrait la j jeune beauté 

Dont le pied tinide, écarté, 
Partout retrouve à.son côté: | 
Le pied libertin qu'il rèpousse, 
En frémissant de volupté: 

Or donc, que Deugny dispose 
Un joli compliment en prose, 
Du vin des Dieux, fleurs à foison ; 
Et qu’au milieu d’une chanson ,# 
Gaiment sur la tête il lui pase 
La'couronned’ANACÇRÉON. 


Met en, faite la gravité, DD LU à. 


S'il était nécessaire de prouver que la société des Rosati 
d'Arras ne dépassait pas les bornes de la franclte gaîté et de 
aimable abandon que des gens honnêtes peuvent avouer, 


— 85 — 


scta serait suffisamnient établi ] par la présence dans sur sein. 
de M. Foacer pe Ruzé, avocat-général au Conseil d'Artois, 
celui que son 'PFOPrE diplôme désigne comme e 


y ."L'austère: apètre. ne RE 
| De la vérité, — : ES 
. L'orateur. vanté .. . . 
Comme un sûr modèle, 
‘Le sage fêté, 
Symbole fidèle 
- De l’aménité. 


Ce convive du Berceau des Roses était déja'avance daus la 
carrière de la vie, ainsi qu'il le dit lui-même au commence- 
_ment des couplets qu’il chanta lors de sa réception : 
À mou âge prendre une lyre! 
C’est là le comble du délyre, 
ie N'en doutons pas. 

Quoi ? DOUs célébrer une rose, 
Faat-il qu'on se MIÉAMOrDROESS F4 


. de Ruzé était déjà membre de Acad re d'lrree à 
laquelle il lat, en 1778, un intéressant Mémoire sur l'état 
des habitants des campagnes, en France, avant l'établisse- 
ment des seigneuries et des inféodalions, sujet bien différent 
des chansons des Rosati. nn . 


e , s: 4 L” 


Aux côtés d'un avocat général pouvait certainement 
s asseoir un abbé, surtout un abbé du siècle dernier : : l'abbé 
BerTue (1) ne $e fit pas prier pour se couronner de roses, 
et il dit dans sa chanson de Fcepaune 


Chacun est digne : 
De chanter le vin; ‘ 

Vive à jamais la vigne, 

Et vive le raisin ! 


LS : 
À Le à # d D & ; + 


(1) Toute la concession que cet abbé fit à son häbit fut de prendre 
uo masque en ansgrammatisant son vrai nom, qui était Herbet, en celui 
de Berthe qui devint son titre de Rosati, son nom de guerre anacréon- 
tique. 


f 


— 86 — 


Un professeur de théologie 4. plus de ménagements à 
garder ; ; aussi VOyons-nous celui qui fut reçu parmi les 
Rosali se cacher sous les. premières lettres de son nom, 
Dau8.... /Daubigny ? / et n'oser avouer entièrément l'en 


traînement auquel il se laissa alter de rire ét de boire avec 


d’aimables gens. Cependant, s'il faut en croire son diplôme, 
le professeur de théologie se tenait aussi bien à table qu’en 


| chaire. Le voici : 


Nous qui signerons, ” Mais ‘étonne ailleurs, 

_ Comme veut l'usage, | Par mainte saillie | 
Nos célèbres noms Toujours recueillie, 
Au bas de la page, Les plus gais raïllkeurs ; "4 
Après un festin . | Mois dans une orgie, 
Où ‘dix fois le vin | Dans un fin souper, 
Moussa dans nos verres, . Loin de s'eccuper 
Parmi les bons mots . De théologie, 
Coup sur coup éclos, : Bonnement jouit, 
Les chansons légeres, Et boit et fait: boire. 
Avons résolu _ Et de mainte histoire 
Qu’une large coupe. _ Nous fait rire et rit. 
Où les ris:en groupe 
D'un air absolu Pour de justes causes 
Font signe à Minerve S'il nepeut venir”  , 
De boire avec eux Avec nous s'unir 
Le jus que réserve Au bosquet des roses ; 
Bacchus pour les dieux, . Si, malgré nos vœux, 
Attendre sur table | La fraiche ‘couronne 
Dans notre banquet, Dé ce paresseux | 

” Auprès du bouquet : . N'y trouve personne nr: 
Le plus agréable, . Pont elle environne  : ° 
Un grand érudit | ‘Les flottants cheveux, 
Qui sait ce qu'il dit, VauLons qu'il.envoie 
Argumente en chaire Un joyeux écrit, 
Sur toute matière ; .. Afin qu’on y voie 


Qu'il approfondit Du moins son esprit. 
. D'une façon claire ; Fu 4 


Ainsi fait à Nemétocène, 
Le neuf du mois où fuit l'hyver, 
‘Où sous le gason demi-verd: 

a La violette nait à peine. 


— 87 — 


Pour que le tout soit regylier 
Ordonnons que le Chancelier 

Au coin de la présente appose 
Notre sceau formé d’une, Roge. : 

Uue société comme celle des Rosati ne pouvait se passer 
d’un peintre. Si elle n’en eut pas plusieurs, c'est que le 
pays n'en fpurnissait guères. Elle accapara dans son sein 
M. BenGAlGNE, jeune artiste ami de Le Gay, .et qui donnait 
les plus belles espérances. Tout en maniant délicatement 
le pinceau , il cherchait à se servir de la plume , et comme. 
bon gré mal gré il fallait chanter sous le berceau, c’est lui 
qui adressa ce couplet à madame Ch...., le jour de sa 
réception, en lui offrant la coupe de vin rosé : 


Air : Mon père étail pol. 
Ah! combien je crains désormais 
Pour nos vives orgies ! 
En vain brillera le vin frais 
Dans nos coupes roagles. 
À côté de la 
SarHo que vailà, 
De cette enchanteresse, 
Le vin restera : 
Elle nous fera’ : 
Bientôt changer d'ivresse; 


On comptait encore un membre bien modeste, assis sur 
le coin du banc de la saciété anacréontique des Rosati; 
c’est M. Pierre Cor, d'Arras, excellent musicien, devenu 
plus tard administrateur du district, et qui alors était connu 
comme auteur d’une fort jolie épître à Le Gay, son ami. II 
se défiait de ses forces, ne chantait qu'à son corps défendant, 
et tremblait en produisant ses conplets. Voici comment il 
termina sa chanson de réception : 


Audaces fortuna jweat , 
Et c'est pourquoi je chante. 
Mes amis, direz-vous vival 
À ma muse naissante? 
IL faudrait à Cor, 


Du joyeux Cannot 
Le séduisant langage ; 
” Car pour des chansons, 
Jamais de deux sons 
Je n'ai fait l'assemblage. 


Enfin, nous ne devons pas oublier de mentionner encore 
comme membre résident des Rosati, M. DESRUELLES, avocat 
d'Arras, qui mérifa, par ses jolis contes, ses vers faciles, 
quelques succès en-galanterie, et par sa bonne contenance . 


. à table, d'obtenir le bre 


rites : 


1 


Nous, iguorants en politique, 


Qui sur les Rois nous reposons 

Du soin de la barque publique ; 

Au lieu de traités ne faisons 

Le verre en main que des chansons 
Où revit la franchise antique 

Et la gaité des Hamiltoas ; 

Dans le court trajet de la vie, 
Chemin faisant, nous amusous, 
Ecartens du pied chaque vrtie; - 


” Mais d’un doigt alerte cueilions 


La rose incessamment fleurie, 
D’autres fleurs en d’autres saisons ; 
Nous, Rosari, qui connaissons 
Vos penchants conformes aux nôtres, 
Vos vers plus jolis que bien d’autres, 
Etqu'en chorus nous redisous ; 
Trente beautés par vous trahies, 
Pour prévenir leurs trahisous ; 

Vos contes légers, vos saillies , 

Votre sens froid dans-ies orgies 

Où vous tarissez les flacons ; 

Nocs, toutes les voix recueillies , 
Sommes.convenus, convenons, 

Que sur nos listes bien remplies, 

En rose, on inscrira vos noms. 


Dans notre salle académique . 
Où Flore, prodiguant ses dos, 
Forme les murs et les plafonds, 
Au mois de mai vous conduirons. 


/ 


vet suivant qui résume tous 585 mé- 


_ 


— 89 — 


Là, dane ua délire bachique, 
De roses vous couronneroné ? à DR 
Puis, au lieu dé Panégyrique,  * . "19 

- En votre honneur détotinerohs - 1 ‘ 

--Un couplet demi-poëtique: . 
Farf par l'un des bons compagnons ; : ” 2 
L'an, le Mon, le jour, ‘ikd'imperte. .. , | 
De votre scpau qu'on nous apporte , nn 
Scellé devant nous qui signons. 
FRE Le Gas. 


La socléfé eut encore quelques adeptes. dont la méticu= 
leuse pruderie fit cacher leurs noms sous des iuiliales peu 
transparentes; ainsi nous yoyons èiter Les... /Leducq? 
avocat); L. G. C., dont la présence sous le berceati des 
Roses fut fort bien connue dans le siècle deruier. Mais, ce 
qui était alors le sécret de la comédie pour toute la ville 
d'Arras, est devenu pour nous des énigmes dont nous 
laissons les mots à deyiner aux personnes. de la localité : 
il ny avait nas pas de quoi y metre tant de MYSIERSe 

‘ui y eut aussi aux | Rosati des membres étrangers, reçus 
comme correspogdants et visileurs.. Dans. ce nombre, nous 
devons citer tout. d'abord Bzrrroy De Rgigny, de Laon, 
plus connu sous ke nom de Cousin-J'acques, qui fil un assez 
long séjour en Artois en 1786 et 1787, es quitta cette pro. 
vince le 18 juillet de cette même année pour se rendre à 
Paris. Ce jovial écrivain voulut un jour mystifier les 
membres de la Société ; il. y fut reçu comme associé le len- 
demain, et w'en fut pas fâché, Dans une épître d’adieux, , 
on Jui disait, en faisant aHusion à son titre de Rosati : 

Si tu recherches les honneurs, | 0" 
Its pleuvent ici sur ta tête ; 
‘J'y vois la plus belle des fleurs (larose) 
Couronner en: toi le poète. 


S'il fut un poète en France qui mérüa d'être incorpoté 
dans le corps des joyeux .chansonniers d'Arras, ce fut assu- 
rément le chevalier de BerTIN, qui s'était fai si agréable- 

ment connaître, en 1782, par la publication de ses quatre 


. — % — 
livres d'élégies, intitulés les Amours. L'imaginatiôn la plus 
brillante y est animée par une poésie. gracieuse et pleine 
d'abandon ; les images. voluptueuses y sont voilées avec 
délicatesse et elles n'en sont-que plus séduisantes. Aussi, 
le Cénacle artésien s'empressa-t-il d'admettre dans son seiri 
l'ami, l'émule et le compatriote de Parny, surnommé le 
Tibulle français. Ce fut le 12 mürs 1787 qu'Antoiné BERTIN 
fut acclamé Rosati par l'organe du'poète Charañond. Mal- 
heureusement le récipiendaire passa peu de temps après à 
Saint-Domingue pour y épouser une jeune créole qu'il avait 
connüe à Paris; le jour même de ses nôcés, à l'issué dè la 
messe nyptiale , il fut saisi d’une fièvre ardénté qui l'enleva 
au bout de dix-sept jours, vers la fin de juin 4790, Le Ber: 
ceau des Roses ne put pas servir d'écho au charmant poète 
qui se peignait lui-même dans ces vers 4 : 
En amitié fidèle encor ‘pluë q’en hour" "0 
Le re cé a ia ‘mon cet , ‘il Faire plus d’un ue | | 
pt PA AT 1 4 L 
Acalots au nombre des membres étrangers à la ville, 
d'Arrds Loufs-Josèph Du ARQUEz, chanoine régétier d'Eau 
court, qui, er 1789, remplaça à TA Cadémié royale d'Arras, 
Marestot , officier du génie, devenu depuis péhéral de eeité 
arme. Dumärquez est auteur d’un recueil dé poésies inl: 
titulé : Les Délassements d'un paresseux,‘ à Pigritiopélts! 
{Douai ,; Wagrez:/ et Lille, Vanachère, 2790, in-18, qui 
renfermé plusiéurs pièces de vers éomposées par” l'auteur: 
pour Ja société dès Rosatt. L'oné d'elles (p: #8) est ane 
éplre, èn style famñlier, adressée à ses confrères, potit‘ 
s'excuser de ne pouvoir assister à Kà fête des Roses. Le bon 
chanoine la termine ainsj : | 
Malgré mon absence, : 
De votte fodier, | 
De façon durable, 
Je serai, messieurs, 
: Ji éotamhe ailleurs, " : " :  :  .… , ., 
” Mais surtout à table. | ; 
.… D'empritét de cœur, . | 
, Votre serviteur, | 
Dumarouez, bon diable. 


— D — 


Voici avec quelle verve le chanoine réguüliér d'Eaticourt 
‘chantait les plaisirs dé Comus et dé Bacchus, torsqu'il'était 
‘éonrôomé: de: roses, .S0ùs 1e Dee ahaéréontique des 

“Rosat. nu 4 | | 
SR 2 «D: sh sr NÉ ! Ps 


4 
_ 


M ? : Meéami, ne Un Ne 
DS ae . LAURE 
y .  Béntiesuave ot pétillant rosat; : ! ©. 55: 5 ‘>; 
Hu: A:8108 huilons da sh pri4ps aid ane na 
Eu. HU. 2e I LRRTE: 
| dx feux que e Phœbus va dardpr, | . : 
Opposons fa pa ue de sa divine sève. 
Buvons, amis, byvons, que. sans Lardei LUE 
L De ños berceaux ün btouiflerd frais s'élève, UE ME 
LE À vit Se ARE D Sp Se fs 
LU 2 : Atiné-hot ; Yäiltänt Chéramond "ts mi LtE 
ee étmbti PI TRE D CPR EEE SE 


ss 
Ur rs ' NES 


e. e 1: SVoissec de’ ldrgs et strbureux j#iabbn., ir) : 
ï, Laits . RS 
a 0 
nn. : Frenpes guerrier, que. FOUR 108 COUPS | PARENT 


Er. Son vaste individu dans un moñient éuccomhe 1 


Ut st ; ( TE do 
‘ Au bruit confus de cent jolis gloux-gloux, 

u ! Vois, Rosati, préparez- lui sa lornbe. . no 

ne. ist rt 4} L .- Fe ou CHE 


4 


us, S? Un nine ei ee AP ROUES 
"  . Mnilsmets f'Bos neveux ce ebrmbat sangü ire ; - : : 
/:__.Tamis qu'iférbet du œnlhbuïeitx hérôm 11,25 ")° 
.$. . ,. Pronomcora l'élogna fhnéraire., :,:4,. : . : .., 


Le Gay par de brillants cuuplets 
. De ces guerriers fameux flernise la gloire; . 
Fais que leurs noms enchaïnés pour jamais, 
: Volent ensemble au HAne dè mémoire, | 


‘Que sobjor contre lé vainqueur ! . 
Fer ktto un #6quisitotré ? : M RE te 
Mes éhers amis, Vous frémissbz d'horreur! 
Rassurez-vous, ilhe conclat qu'à boire.  : Des 


Le bon diable de Duinarquez , comme il s'intitute fui- 
même, qui chantait si bien et buvait mienx encore, était né 
au village d'Équerchin, près Douai, où il est mor en 1806. 


_— US — 


Un.mensieur M:.. D... Mormc...., de Lille, dont le 
uom ne se trouve pas. nine expliqué. fur aussi reçu 
parmi les Rosati, par un diplôme de Le Gay ; il venait en 
poste assister aux séances les jours de réynion. C'était un 


ami de P. Cot, d'Arras. L'abbé Ménace, de Paris, oncle 


du poète Charamond, M. Hauvouanp, lieutenant-général 

du bailliage de Bapmime, Ds CasriLHoN, Conser, sculpteur 

lillois, le médecin Tarancsr, mort Recteur de l'Académie 

de Douai, et Hoxorez, chanoine régulier de Yabbaye-d'Ar- 

rouaise, faisaient aussi partie de cette congrégation chan- 
tante doni ils avarent reçü les bulles poétiques. 


. La société anacréontique des Rosati correspondait avec 
ja réumion bocagère du ae. * Ces deux instiutiôns, 

à la fois galantes et littéraires, étaient bien faites pour se 
comprendre et s'enicndre. Le Falmuée, jolie maison de 
plaisance que M. de Wavrechia ;: riche propriétaire douai- 
sien, avait permis à M. Romande se bâtir dans sa terre de 
Brunemont, près de Douai, a obtenu une certaine célébrité 
par. l'association ‘singülière qte ce ‘gentil poète y avait for- 


mée (4). Chacun des Valmusiens et Vulmusiennes, qu'on 


appelait Bocagers ‘et Bocagères., avait, dans les allées du 


Valmuse, unsarbre qui lui était dédie et dont il prenait le 


nom. La poésie légère, la comédie de société, les jeux et 
exercices champêtres, la danse, la musique, l'équitation, 
la chasse , la pêche: et la botanique farent les principales 
occupations des membres ea derx sexès de cette aimable 
société. 


+ 
) 


Un jour le Valais envoya ‘âne députation aux Rosati, 
dont les chants anacréontiqués avalent retenti jusques sur 
les rives de la Sensée, pour jes inviter, en masse, à venir 
faire une excursion dans leur bocage. Les. députés étaient 
porteurs de diplômes qui conféraient à. chaque. Rosafi le 
titre de Valmusin. - Les remerciements ne se firent pas 
attendre; il étaient de Le Gay, et en vers : | 


, 


- (1) Vovér Particie Valmuse : Archives di Nord, 1r#‘ livraison du tomiê 
é, nouvelle série, p. 76-78. “a 


To > ———_.— 


— 93 — 


LP. 


Les Rosari aux VALMUSIENNES. 


En lettres d’or il est gravé 

Sur nos tablettes purpurines, 

Ce jour où des muses badines 
Chaque disciple s’est trouvé 

Le confrère de vingt Corinnes... 


Concevez donc notre plaisir, 

Quand vers nous députant sa muse, 
Roman nous a fait avertir 

Que nous étions tous du Valmuse/... 


Ah! que d’une aile plus rapide 

Le temps vole jusqu’à ce jour 

Où dans le plus charmant séjour 
Doit s'assembler la double cour 
Des Dieux du Parnasse et de Gnide |! 


Valmuse, alors nous te verrons ! 
Nous les verrons ces bocagères, 
Que d'avance nous admirons, 
. Méler leurs pas sur les fougères ; 
Et, rivales des Deshoulières, 
Danser au bruit de leurs chansons ! 


Je vous laisse à penser la vie que firent ces bons amis ré- 
unis au Valmuse ! On fut étincelant d'esprit : il y eut un feu 
. roulant de saillies, de couplets, de madrigaux et de mots 
galants qui se succédèrent jusqu’à la séparation des deux 
compagnies ; et c’est bien dommage qu'il ne füt pas de mode 
alors d’avoir dans ces séances légères un sténographe pour 
arrêter au passage et fixer sur le papier tout te qui se dit, 
se lut et se chanta, nous pourrions aujourd’hui en toucher 
quelque chose à nos lecteurs et surtout à nos lectrices qui 
seraient peut-être curieuses d'écouter un peu aux portes : 
quoiqu'il en soit, il reste prouvé, par le peu qu'on en a su, 
que tout le monde se sépara satisfait les uns des autres, et 
que l’on se promit de se revoir. Il devait en être autre- 
ment....... 


— 9à — 


Une des dernières grandes fêtes des Roses se tint à la 
fin de l'été 1787 ; il nous est resté une sorte de procès-ver- 
bal de séparation et d’ajournement au printemps de 1788, 

rédigé en vers par Le Gay: Cette cérémonie était ce que 
l'on appelait enterrer les roses. À Paris, dans les bals de la 
mi-carême, à la fin des plaisirs de l'hiver, toutes les dan- 
seuses se donnent aussi le mot pour enterrer les roses : elles 
doivent avoir toutes une robe de satin rose, avec une triple 
jupe de tulle rose, relevées de chaque côté par de grosses 
roses mousseuses ; au Corsage, aux manches, aux coiffures, 
la même fleur domine : à deux heures du matin, on détache 
toutes ces roses qui, réunies dans de vastes corbeilles, 
ornent la table du souper ; après le souper, on les vend au 
profit des pauvres, et l'enterrement des roses vient au 
secours des vivants. 


Voici, nous le pensons, une des plus récentes pièces 
lues dans la joyeuse confrérie des Rosati: Nous la publions 
comme un des derniers éclairs lancés par la pléïade des 
chanteurs artésiens pour illuminer leurs séances. 


Aux Rosari, 
À la dernière assemblée de 17817. 


Voici donc les dernières Roses : 

Voici notre dernier festin. 

Îl n'est qu'un tems pour toutes choses : 
Plaisirs, fleurs ont même destin. 

Tout ce qui rend l'âme énivrée, 

Les plus flatteurs enchantemens, 

Ne comprennent dans leur durée, 
Hélas ! que bien peu de momens. 


Ne nous plaignons pas du mélange 
Des biens et des privations : 

L'or plait mieux trouvé sur la fange ; 
L'ombre fait sortir les rayons. 
L'œil, sans dégoût, ne pourrait être 
Toujours sur des fleurs arrêté. 

De l'hiver qu'il fit disparaitre 

Le printemps reçut sa beauté. 


O6 


Ya fuite a décoloré Flore 

Gémissante aux pieds de Cérès. 

La moisson vacille et se dore 

Prête à tomber sur les guérôts. 
Adieu, ma Rose ; adieu, ma coupe; 
Mes chers amis, séparons-nous : 
Mais dans ces lieux, joyeuse troupe, 
Au mois de mai retrouvons-nous. 


Se sont-ils retrouvés en 1788? — Peut-être... mais les 
pièces officielles de cette année ne sont pas venues à notre 
connaissance. Cependant il existe un diplôme, un seul, 
qui porte la date de cette année : Le dernier reçu dans cette 
pléiade de chanteurs bons vivants, d’aimables épicuriens 
et de spirituels écrivains, fut le poète Feurry, de Lille, 
dont le brevet en vers a été écrit par M. Charamond, qui, 
ainsi que Le Gay, rimait avec une facilité et une variété in- 
croyables les lettres patentes d'admission de tous les néo- 
phytes de la société. Celles qui nomment Feutry Rosati 
débutent ainsi : 


Au déclin d’un beau jour l'an mil huit cent moins douze... 


Cette pièce nous prouve qu’en 1788 la société anacréontique 
fonctionnait encore. C’est tout-à-fait le dernier monument 
littéraire qui nous reste d'elle. Feutry ne jouit pas long- 
temps du doux nom de membre de la société des Roses ; 
la gaîté, la franche jovialité de ses collègues ne paraît pas 
avoir égayé son caractère, ni enchanté les derniers momens 
de sa vie. Il ne fréquenta pas assez ses confrères. L’au- 
teur du Temple de la Mort, du poème des Tombeaux, beau- 
coup trop imbu des écrits du docteur Young, et le cerveau 
affaibli par des pensées creuses et des idées sombres, se 
pendit l’année suivante. Le 27 mars 1789, Feutry fut trou- 
vé suspendu au plafond de sa chambre, au domicile qu'il 
occupait sur la place du Moulin à Lille. On trouva sur sa 
table ces deux vers tracés d’une main tremblante : 


Quand Dieu veut punir l'homme, il trouble sa raison; 
Je l'éprouve en osant implorer son pardon. 


— 96 — 


C'est le quos vult perdere Jupiter dementat des anciens. 
(Voy. la Biographie de Feutry, Archives du Nord, 1r° série. 
LA, p. 88-97). 


M. Le Gay fils, ancien professeur de rhétorique, qui a 
donné ses soins à la dernière édition de : Mes Souvenirs, 
par son père, Paris, Janet, 1819, in-48, avait promis, dans 
une note (p.112) que bientôt on formerait un Recueil des 
vers chantés ou lus sous le berceau des Roses, par les 
membres de la société anacréontique; cette promesse, que 
nous sachions, n’a point été accomplie, et, jusqu'ici, il ne 
nous est rien parvenu sur les travaux des Rosati pendant 
l’année 1789 ; nous doutons même que ces réunions, toutes 
de plaisirs et de poésie, aient été bien suivies dans ces 
temps : l'orage grondait au loin, les vers légers des poètes 
faisaient place à la prose acerbe des politiques, l'Amour, 
battu par la Discorde, rentrait dans sa niche, et le berceau 
des Roses a du être négligé et abandonné pour le forum. 


Toutefois, pendant une existence d'environ dix années, 
la soeieté des Rosati d'Arras à fait du bruit dans la contrée 
et y avait même répandu une sorte de goût pour la poésie 
légère, très en vogue dans le siècle dernier à Paris, mais 
assez rare en province. De même que cette réunion de 
chanteurs fut une émanation de la société littéraire d'Arras, 
de même elle engendra des poétereaux dans l'Artois. L’A- 
cadémie royale des Belles-Lettres, autorisée dès le 13 mai 
1738, avait rendu de bons services au pays, mais ne suffisait 
pas aux esprits du temps, énervés par la mollesse des 
mœurs, par la légèreté de la littérature de l’époque, et par 
le relâchement de la société. Il fallait aux Alcibiades élé- 
gants de la capitale de PArtois quelque chose de moins sé- 
vère qu'une réunion académique, tout en laissant à l'esprit 
et à l'imagination les moyens de se développer. Ils ne dé- 
siraient pas seulement que l’on passât du grave au doux, 
mais ils voulaient aller du plaisant au jovial, du courtois aw 
galant, du vin à la bonne chère, de la chanson à l'Amour. 
C'est pourquoi ils fondèrent les Rosati. 


9 — 


Nous ne nous dissimulons pas combien le genre de pro- 
ductions de nos aimables artésiens est vide et entaché de 
fadeur ; combien surtout il s'éloigne des compositions de 
nos contemporains : c’est à ce point qu'on pourrait croire 
que notre relation est une œuvre toute d'imagination, et que 
nous avons voulu créer une fiction en montrant nos Rosati 
et nos Valmusiens, si l’on ne se reportait à la fin du siècle 
de Louis XV, dont la société française avait si bien pris le 
reflet et retenu l'empreinte. D'ailleurs nous avons voulu 
aller au-devant du doute qui pouvait naître en publiant les 
pièces originales à l’appui de notre relation. 


Au reste , il existe encore en Artois des vieillards qui ont 
conservé un souvenir agréable des Rosati et qui se rappel- 
lent combien , sous leur règne, la société d'Arras était gaie, 
calme, aimable et badine (1). Ces militaires, avocats, 
abbés, magistrats, artistes, nobles et poètes, faisant de 
bonne heure de l'égalité et de la fraternité non commandées, 
chantant et buvant ensemble, ont donné à la vieille cité, 
dans les dix dernières années de l'antique monarchie, un 
air de gaîté et de bonheur qu'elle a bien vite perdu. Les 
arts, les lettres, les vers, les plaisirs tranquilles étaient 
alors à l'ordre du jour. La scène changea bientôt : les 
poètes se turent ; les abbés disparurent ; les nobles émi- 
grèrent; Carnot, de Marescot , allèrent au combat et de- 
vinrent généraux ; de Robespierre... passa du Capitole à 
la roche Tarpéienne ; et la ville d'Arras échangea ses fêtes 
joyeuses contre de bien tristes jours : la tendre couleur des 
roses n’était plus de saison, tout se rembrunit, et le sang 
coula à flots dans ces mêmes lieux où l’on n'avait versé que 
du vin. ARTHUR DINAUXx. 


(Exrrair d’un ouvrage inédit Sur les sociélés 
littéraires, dramatiques, bouffnnnes, 
galantes. gastronomiques, bachiques et 
chantantes). 


(1) D'ailleurs MM. Carnot, représentant , Le Gay, proviseur du lycée 
Bonaparte à Paris, Lenglet, conseiller à la cour d'appel de Douai, Cha- 
ramond, juge-de-paix à Valenciennes, etc., etc., tous fils d'anciens 
Rosati d'Arras, ont encore entre les mains des papiers et des poésies 
de leurs auteurs qui constatent tout ce que nous avons dit sur celte #i- 
mable et joyeuse association. 


— 98 — 
EPILOGUE. 


Lcs Rosati d'Arras ont eu des imitateurs ; pendant [x 
Révolution Française, il se forma dans Paris une nouvelle 
société du même genre et du même nom. Ce ne pouvait 
être que sous le gouvernement du Directoire, cette espèce 
de Regence révolutionnaire, qu’une telle résurrection dut 
se faire. En l'an V, les Rosati de Paris florissaient. lis 
joignaient aux travaux habituels de leurs anciens d'Arras, 
le passe-temps de couronner des Rosières. On comptait 
parmi leurs membresles plus remarquables, l’ex-génovéfain- 
Muzor, l'ami de Sylvain-Maréchal ; le fameux et fécond 
C. Mercrer (de Compiègne), poète, prosateur, typographe. 
et libraire. Le premier fit imprimer un Discours prononcé 
à la Société littéraire des Rosari de Paris pour le couron- 
nement des Rosières, en Floréal an V (mai 1797) ; le second 
composa une Épiître au citoyen Carnot, Rosati d'Arras, et 
depuis membre du Directoire exécutif, en lui envoyant en 
l'an V, son diplôme de Rosati de Paris, insérée dans le 
Furet littéraire, Paris, an VIII (1800) in-12, p.92. Voici 
le commencement et la fin de cette pièce : 


EpitRe pus RosaTi DE PaRis, 
Au citoyen Carnor, en lui envoyant son diplôme. 


À la troupe très pacifique 

De quelques Rosari gaillards , 

H sied mal, et c'est sans réplique, 
De troubler par une supplique, 
Dont le but n'est pas politique, 
Les travaux du Mentor de Mars. 
Mais aussi pourquoi Polymnie, 
Sous un double titre au génie, 
T'offre-t-elle aux amis des arts ? 
Tandis que ta prudence active 
Häte le moment où l’olive 

Va consoler tous les Français ; 
D’Anacréon pourquoi la muse 
Parmi les bergers du Valmuse, 
À-t-elle imprimé tes succès ? 


— 99 — 


Pourquoi toutes les belles choses 
Que tu fis au Berceau des Roses 
Ont-elles trahi tes secrets ? 
Nous, Rosarr, nouveaux confrères 
De vos aimables bocagères, 
De Le Gay lisant le recueil, 
Comme vous , de la Rose Apütres, 
À mêler vos grands noms aux nôtres, 
Nous sentons un tantet d'orgueil. 
En vain tu voudrais t'en défendre ; 
A soi l’homme public n’est plus, 
En lui chacun a droit de prendre 
Une part de ses attributs : 
Or,’ à la muse de l'histoire’, 
Au peintre hardi des combats, 
Laissant l'homme du Directoire, 
Car chez nous on ne se bat pas, 
(Si ce n’est parfois de la plume 
Pour avoir au Pinde le pas), 
Nous voulons l’auteur d'un volume 
Où l'on voit les Je ne veux pas (1) 

Pour diplôme prends cette épitre , 
Bonne ou mauvaise, elle suffit ; 
Ton nom seul est ton meilleur titre, 
Et nous en attendons le fruit. 
Une société qui t'aime 
T'a proclamé, malgré toi-même 
Unanimement Rosari. 

Ainsi fait, le vingt et unième 
Du mois où la rose a fleuri, 
L'an cinq où la paix a souri, 
Dans Eden dont la porte est close- 
A la haine, au chagrin obscur, 
Scellé de notre sceau de Rose, 
Et signé, ne varielur. 


Par C. Meragr, de Compiègne. 


A. D. 


D 


(1) Allusion à des couplets de Carnot dont le refrain est ; Je ne veux 
pas. 


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CEHEATHAU DES ÉCAUSSINES. 


0 l'heureux temps que celui de ces fables, 
Des bons démons, des esprits familiers 

Des farfadets aux mortels sccourables! 

On écoutait tous ces faits admirables 

Dans son ehâteau, près d’un large foyer : 
Le père et l'oncle, et la mère et la fille, 
Et les voisins, et toute la famille, 
Ouvraient l'oreille à monsieur l'aumônier, 
Qui leur faisait des contes de sorcier. 


. Vorrarns. Ce qui plaît aux dames, conte. 


Les vers de Voltaire que nous venons de prendre pour épigra- 
phe, et que l'on croirait ne pouvoir s'appliquer qu’à des temps 
bien loin de nous, sont encore de mise aujourd'hui en les rappro- 
chant du vieux château des Ecaussines, situé sur les confins du 
Hainaut, près de l'antique forêt de Soignies, entre Le Rœulx, 
Seneffe, Nivelles, Braine-le- Comte et Soignies. 


On arrive maintenant aux Ecaussines par le chemin de fer de 
Braine-le-Comte à Namur. La première station, dans cette di- 
rection, a été fixée à dix minutes du château. Sans doute qu'on 
n’a pas voulu faire battre les fondements de l'antique demeure 
féodale par le rail-way, expression la plus complète et la plus frap- 
pante des inventions modernes : le débarcadère a été tenu à dis- 
tance, de sorte que rien ne vient gâter l’harmonie du paysage qui 
accompagne et encadre si bien les vénérables donjons de l’ancien 
manoir. 


Sa vue ne rappelle que de vieux souvenirs : ce n’est point là une 
de ces gothiques habitations fées d'hier, où l’on s’est efforcé de 
Gbriquer du moyen-âge de convention, qui n’a ni la naïveté du 


— 109 — 


passé, ni le confortable du présent ; ce n’est point non plus une 
restauration rajeunie et brillante, ne formant qu'un style bâtard, 
sans âge comme sans couleur, qui offusque les yeux et que ré- 
. prouve le goût ; c’est tout bonnement un bon vieux et vaste chà- 
teau , fort par la nature et par l’art, irrégulier et sans aucuns de 
ces fragiles attraits modernes, laissé à peu près tel que le moyen- 
âge l’a solidement établi, sur des bases qui semblent impérissables. 
Rien n'y a été changé que les habitants : au lieu de chevaliers 
bardés de fer, la lance ou la dagne au poing, on n'y voit que de 
bons gentilshommes hospitaliers et pacifiques ; en place de fières 
châtelaines montées sur des palefrois, suivies de pages et d’écuyers, 
ce sont d’aimables dames qui remplissent une légère calèche ou 
un élégant coupé. La chasse au fusil à piston remplace la vénerie 
au faucon ; on y boit ke pétillant Aï ou le fin bordelais, là où l’on 
versait la vieille ale et l’antique cervoise ; et les échos d’alentour 
qui ont si long-temps répété les refrains surannés de Teinturier, 
de Nivelles, ou les accords oubliés de Roland de Lassus, ne 
redisent plus que les derniers accents de la musique moderne ita— 
lienne.  Telles sont les seules métamorphoses opérées dans ces 
lieux : le temps n’a marché que pour tout ce qui a vécu dans ces 
vieux murs ; le contenu est changé ; le contenant est toujours le 
même. 


Qu'on en juge: le château s’élève sur un rocher dont la base 
est baignée par un ruisseau limpide qui roule lui-même sur un lit 
de pierres. Un chemin, pittoresquement tracé au milieu d'arbres 
qui semblent jetés là par la nature , mais qu’une main adroite a su 
planter et conduire, mène, après plusieurs détours, à l’entrée du 
manoir, à laquelle on n'arrive qu'après avoir franchi un pont qui 
a pour sentinelles avancées deux lions en pierre, portant dans 
leurs griffes les blasons sculptés d'anciens possesseurs de ces 
lieux (4). La porte est dominée par une haute tour carrée con- 


(1) L'un des lions sculptés devant le pont tient l'écusson blasonné de 
la famille Van der Burch; l'autre présente les armoiries de la maison 
de Saluces-Bernemicourt, dont était sortie l’aieule du lieutensant-général 
comte Charles Van der Burch, propriétaire actuel du château des 
Ecaussines, 


— 103 — 


tenant une horloge. C'était de ce point que jadis la vigie, placée 
sur Ja plate-forme, sonnait du cor à l’approche des chevaliers amis 
ou ennemis, pour faire ouvrir la grille hospitalière, ou faire lever 
le pont de la forteresse. 


Des lierres séculaires, qui partent du rocher et cherchent à es- 
calader les murs épais du château ; des broussailles qui remplissent 
des fossés à demi-comblés : un jardin pittoresquement placé en 
dehors de l'habitation, dont les points de vue sont charmants; la. 
ferme du château , dont les portes flanquées de tours semblent la. 
livrée d’un tenancier du seigneur féodal; de vieux arbres, qui out 
vu passer des générations d hommes et des révolutions d’empires ; 
une eau qui tombe en cascade et dont l’écume va se perdre dans 
le frais gazon; des murailles, dont le ton bruni par les siècles at- 
teste l’âge, percées de fenêtres inégales, forment le fond du tableau 
extérieur de ce domaine, un peu décousu peut-être en apparence, 
mais par cela même plus pittoresque et plus original que toutes les 
constructions magnifiques par leur régularité. 

Dans l'intérieur, l'aspect change : le caractère de l’édifice est 
grave et sévère. On sent qu’on est dans un lieu qui fut destiné à 
la guerre, et qu’on a dû surtout y sacrifier l'agrément de la vue 
à la sûreté de la défense. La cour est grande, presque carrée, et 
pour ainsi dire entourée de bâtiments, parmi lesquels s'élève avec 
fierté la chapelle surmontée de son clocheton aigu. En entrant dans 
le corps de logis, on arrive, après avoir traversé un vestibule peu 
remarquable, à une vaste pièce, jadis salle des gardes, aujourd'hui 
salle à manger, de conversation , d’armes, de jeux, d’étude, de 
billard, galerie de tableaux, etc., etc., et cumulant tous ces offices 
sans effort et sans gène pour les serviteurs comme pour les maîtres. 
Ce singulier salon omnibus mérite à lui seul une description toute 
spéciale. 


_ Qu'on se figure une large pièce, éclairée de chaque eôté par 
deux grands vitraux d église, dont le plafond se compose de pou- 
tres en beau bois crû pris dans les plus forts et les plus hauts 
chènes de la forêt de Soignies. Huit intervalles de ces entre-poutres 
partagent la longueur de ce plafond : qu’on juge de la dimensiou 
de la salle! La grande difficulté état de garnir les vastes murailles 


— 104 — 


blanchies à la chaux d’une telle pièce. On y a pourvu fort ingé- 
nieusement. Soixante têtes de cerfs, parfsitement desséchées et 
blanchies par le temps, garnies de leurs bois et du pied de la bête, 
offert comme hommage à la personne la plus distinguée de la 
chasse où ces élégants animaux ont succombé, forment le plus 
noble couronnement en courant le long de la corniche. Des 
armures, Casques, cuirasses, lances et hallebardes, couvrent 
l'énorme dessus du foyer, dans lequel on a dû brüler des arbres 
entiers, dans un des bouts de la salle. Les armes de la noble 
maison de Croy, qui écartèle avec celle de Renty, et l’écu de la 
famille de Laïaing brochant sur le tout, sculptées en relief, ornent 
le bas du manteau de cette cheminée monstre, supportée par des 
colonnettes gothiques. Des chasses à la grosse bête, de grandeur 
naturelle, peintes par Snyders, des portraits de famille, des ta- 
bleaux du pays, les grandes batailles d'Alexandre, gravures co- 
lossales d’après Lebrun, des cadres de papillons, coquillages et 
minéraux, ont fini par remplir, jusqu’à un certain point, la nudité 
des murs. Restait à sauver l’immensité du parterre. On y a 
pourvu, à peu prés, à l’aide d’un dressoir pour la vaisselle, d’une 
grande table ronde à demeure pour les repas, d’une autre à dé- 
couper pour le service, d’un billard qui, placé dans un angle, fait 
l'effet d’un tabouret dans un salon ordinaire, d’uu piano à queue, 
d'un orgue, d’un meuble garni d'albums et d’atlas, d’une table 
à jouer et d’une autre à ouvrage, d’une vaste prussieune dans 
laquelle on met à la fois un hectolitre de houille et dont la buse de 
tôle va se perdre d’une manière imperceptible dans le vaste inté— 
rieur de l’ancienne cheminée que nous avons citée; nous ne par- 
lons pas de quelques douzaines de sièges plus ou moins vastes, 
de banquettes autour du billard, de paniers emmis le foyer pour 
recevoir les chiens favoris des châtelains, de deux meubles auprès 
dela porte pour appendre les coiffures et les manteaux , de deux 
pièces de canon sur leur affût qui figurent là comme deux jouets 
d'enfant oubliés, ni de plusieurs autres meubles, étagères ou ba- 
buts ; mais nous dirons seulement, pour l’acquit de notre conscien- 
ce, qu’outre ces objets placés, il reste de quoi former fort aisément, 
et sans rien déranger, trois ou quatre quadrilles dans la salle. 


Il faudrait un Walter Scott pour rendre la première impression 
que l’on ressent en tombant aw milieu d’un tel édifice en sortant 


— 105 — 


de nos maisonnettes modernes. Nous nous rappellerons long- 
temps que notre introduction y eut lieu un soir du mois de décem- 
bre, par un temps de frimat et de gelée. Malgré la clarté de deux 
brillantes carcellès et d’un foyer pétillant, les sept huitièmes de la 
salle restaient dans une entière obscurité. Le maître du lieu, 
aîné de l’illustre famille de Vanderburch, vénérable officier-général 
dont la neige des hivers commence à blanchir la tête, conversait 
près du feu avec l’aumônier du château qui, chaque jour, le matin, 
célèbre le service divin dans la chapelle. La châtelaine, de son 
côté, dernière dame vivante de la noble maison de Rodoan, ter- 
minait heureusement une partie de grabuge avec sa demoiselle de 
compagnie. De beaux épagneuls, jadis grands chasseurs, aujour- 
d’hui pauvres invalides chers encore à leurs maîtres, entouraient 
le foyer ; d'anciens serviteurs dont les pères avaient servi les ayeux 
de leurs patrons, introduisirent les étrangers avec cette bienveil- 
lance et cette attention qu'on ne trouve presque plus que dans les 
maisons d’origine ancienne, où les traditions hospitalières sont 
restées intactes et religieusement observées. Nous primes place 
au large foyer domestique, et peu à peu les yeux s’habituant à la 
grandeur de la salle, découvrirent les principales curiosites de ce 
monde ancien, devenu nouveau pour la génération actuelle. 


Les armoiries sculptées de la vaste cheminée attirèrent tout 
d'abord notre attention; nous remarquâmes les lozanges des 
Lalaing, ce qui indiquait assez que nous étions dans le principal 
château des Ecaussines ; car, sous ce nom comme sous celui des 
Estinnes, il existe deux communes qui se touchent, et deux 
châteaux qui diffèrent essentiellement ; les Ecaussines-Lalaing 
etles Ecaussines-Enghien. L'écu compliqué des Croy et des 
Lalaing est supporté d’un côté par un chevalier dont la partie in- 
férieure se termine en queue de poisson, et de l'autre par une 
Mélusine qui se peigne d’une main et porte de l’autre un miroir 
dans lequel elle se regarde. 


Ce serait ici le lieu de répéter cette antique et populaire tradi- 
tion de la fée Mélusine qui a dû être contée bien des fois, dans les 
longues soirées d'hiver, en face de ce large foyer au-dessus du- 
quel la figure de la fée est sculptée en pierre de taille. Nous n'en 


— 106 — 


elirons qu'un mot, parce que cette histoire se rattache tout natu» 
ellement à celle du château. 


Mélusine , fille d’un roi d’Albanie et de la fée l'russine, fut 
assez mal inspirée pour outrager sa mère qui lui donna sa malé- 
diction et la condamna à se transformer en serpent jusqu’à la 
ceinture tous les samedis. Cette terrible punition devait finir avec 
la vie de celle qui en était l’objet, si elle parvenait à trouver un 
mari qui consentit à ne jamais l’approcher ce jour-là. Mélusine 
rencontra une fois Raimondin, neveu du comte de Poitiers, dans 
une forêt sombre, s'en fit aimer, et l’épousa avec la condition 
imposée de ne pas être vue le samedi. Tout alla bien pendant 
quelque temps, mais Ja jalousie troubla le bonheur des époux. 
Raimondin, malgré les dons et privilèges dont sa fée l'avait com- 
blé, oublia un jour sa promesse et il vonlut savoir ce que Mélusine 
faisait le samedi retirée dans une obscure retraite. 11 se mit aux 
aguets et vit sa femme plongée à mi-corps dans un grand bassin, 
selon la pénitence qui lui était infligée, avec une queue de poisson 
qui faisait jaillir l’eau sur sa tête, pendant qu'elle peignait ses 
longs cheveux et se regardait dans un miroir. C’est ainsi que 
depuis on a toujours représenté la malheureuse fée. La curiosité 
de son mari a causé sa fuite et désormais elle doit rester éternelle - 
ment sous l'empire de son horrible transformation. Son immense 
malheur ne l'empêche pas de porter intérêt à sa postérité. Son 
ombre erre la nuit sur les tours des châteaux où vivent ses des- 
cendants, et, lorsqu’un malheur les menace, elle jette des gémis- 
sements funèbres que le vulgaire a nommés des cris de Mélusine, 
et dont il applique le sens à toutes les plaintes lamentables pous- 
sées avec énergie. 


C'est au château de Lusignan en Poitou, ou plutôt de Lusignem, 
dont le nom n’est que l’anagramme de Mélusigne, que la fée fit 
ses premières apparitions, tandis que les sires du lieu devinrent 
comtes de la Marche et d'Angoulême, et se Grent remarquer dans 
l’histoire des Croisades et du royaume chrétien de Jérusalem. Le 
château de Lusignan, dont on attribuait la fondation à la fée Mélu- 
sine, fut pris sur les Calvinistes, après quatre mois de siége, en 
1575, par le duc de Montpensier. Il fut rasé de fond en comble : 
« Ainsi fut détruit, dit Brantôme, ce château si ancien et si admi- 


— 107 — 


« rable, qu’on pouvoit dire que c’étoit la plus belle marque de 
« forteresse antique et la plus noble DÉCOFAHQNE vieille de toute la 
« France! » (1). 


La fée Mélusine partageait ses visites nocturnes entre les châ- 
teaux de la maison de Lusignan et de celle de Luxembourg ; des 
traditions bretonnes la font apparaître également sur les plus hauts 
donjons de l’Armorique. On regarde comme certain que le chà- 
teau d'Enghien, en Hainaut, noble demeure et antique domaine 
des Luxembourg, appartenant aujourd’hui à la maison d’Aren- 
berg, a aussi été visité par Mélusine (2). D’après les supports 
des armes de la grande cheminée des Ecaussines, ce manoir, qui 
passa dans les mains des Croy, des Lalaing, et de tant d'illustres 
seigneurs, alliés aux premières maisons du pays, a dû enregistrer 
parmi sestraditions locales, celle des visites nocturnes de la fée 
Mélusine sur la plate-forme de la grosse tour, pendant les nuits 
sombres, chaque fois qu’un membre de la famille allait de vie à 
trépas. Si on interrogeait les plus vieux du village, il s’en trou- 
verait peut-être en état d'affirmer qu'ils ont entendu jadis Îles cris 
de Mélusine. 


Cette grande et ancienne salle des gardes qui aujourd’hui a 
une destination si variée et qui reçoit sur ses larges murs, en même 
temps que les trophées de guerre et de vénerie, les portraits du 
vénérable archevêque de Cambrai, François Vanderburch, ar- 
rière-grand-oncle du châtelain actuel, ceux du comte de Bous- 
soit, père de la châtelaine, des Rodoan, des Vandergraft, des 
Renepont, des Ghistelles et des D’Assignies; cette immense salle, 
disons-nous, a exactement son pendant au premier étage et pré- 
cisément au-dessus. Là aussi, une cheminée colossale porte sur 


(1) La famille de Lusignan ne fut pas éteinte avec la ruine du beau 
château de ce nom. Deux marquis de Lusignan furent députés de la 
noblesse aux Etats-Généraux de 1789. Un marquis du mème nom a 
été nommé pair de France le 7 novembre 1839. 


(2) Voyez Archives du Nord, {te série, tome fer, Les hommes et les 
choses, p.6. — Histoire des seigneurs d'Enghien, par Pierre Colins, 
Baïlli, etc. Tournai, 1643, in-40, p. 728. 


— 108 — 

son manteau de vastes armoiries sculptées, représentant le blason 
des Croy, soutenu par Adam et Eve en costume du temps. Cette 
salle est ordinairement sans destination : mais, quand advient une 
circonstance contraire à celle qui doit faire crier Mélusine, quand 
on marie un enfant du château ou quand il y nait un héritier, cette 
pièce est convertie en salle de bal, et tous les parents, les amis, 
voisins ettenanciers, viennent s’y ébattre joyeusement. Quoique 
la compagnie soit alors bien nombreuse, il y a encore de la place 
de reste. 


Mais ce n’est pas seulement en d'immenses salles de ce genre 
que consistent les appartements du château des Ecaussines. Au 
rez-de-chaussée, de la pièce monstre que nous avons décrite, on 
passe, par trois portes, d'abord dans une des cinq tours du manoir 
féodal ; de l’autre côté, dans les chambres de service, les cuisines 
et la chapelle vaste et élevée dont maint village s’accommoderait 
avec joie, et, entre ces deux issues, on pénètre par une autre dans 
un salon de proportions restreintes, décoré de portraits de famille 
et de tableaux de prix, parmi lesquels on en distingue un d’Hu- 
bert Goltzius, représentant La Vue, qui a été gravé à Paris par 
Elizabeth Marlié Lépicié. D’autres pièces moins importantes 
complètent le rez-de-chaussée. 


Au premier étage, dont les détours rappellent un peu l'idée du 
labyrinthe que Dédale construisit en Crète, on voit la tour aux 
Archives ; l'appartement du châtelain; celui de la châtelaine, 
dont.le cabinet, qui lui sert de bibliothèque, est un ancien ora- 
toire de la comtesse de Lalain, sur la voûte duquel sont encore 
appliqués les écus armoriés de cette noble maison; les chambres 
de l’aumônier et des étrangers, et un long corridor dont la di- 
mension est telle qu’il sert de tir à l'arbalète lorsque le temps ne 
permet pas la promenade. De celles de ces pièces dont les hautes 
fenêtres sont ouvertes sur la campagne, la vue s'étend au loin sur 
la forêt de Soignies, le cours de la Senne, le rail-way, et les 
pittoresques carrières de pierres de couleur gris de perle, qui 
portent le nom d’Ecaussines et qui font l’ornement des grands et 
beaux édifices du pays. 


Un conçoit qu'une résidence de cette importance et de cette 
antiquité a dû servir d'asile à de hauts personnages; nous allons 
tenter d'en rétablir la série : la liste-en sera longue autant qu’il- 
lustre, nous en supprimerons tous les détails qui pourraient obs- 
truer cette curieuse filiation des puissants propriétaires de ce vé- 
nérable manoir. Il y a cinq à six siècles, ce domaine äppartenait 
à l'illustre maison de Rœulx, qui représentait une des pairies du 
Hainaut. Jeanne de Rœux, dame d’Ecaussines, porta cette terre 
dans la famille de Lalain en épousant, vers1350, Simon de La- 
laing, sire de Quiévrain, de Hordain, sénéchal d'Ostrevant, grand- 
bailli de Hainaut de 143558 à 14360. Ce personnage, second filé 
de Simon III de Lalain et de Mahaut d’Aspremont, dame héritière 
de Quiévrain, mourut le 13 septembre 1386, et fut enterré à 
Valenciennes, au couvent de Beaumont, avec sa moitié. C’est à 
dater de lui que ce château des Ecaussines, apporté en dot par sa 
femme, peut se distinguer par le surnom des EÉcaussines-Lalain. 


Son fils, Simon de Lalain, seigneur de Quiévrain, d’Hordain et 
d’Ecaussines, sénéchal d'Ostrevant et Grand-Bailli de Hainaut en 
1577, épouse Jeanne de Ligne. Ils meurent tous deux en 1588, 
et sont inhumés à l’abbaye de Crespin, près Valenciennes, où on 
leur élève une magnifique tombe sculptée. La devise de cette 
maison était : Lalaing sans reproche. 


Ils laissent un fils qui se nomme aussi Simon dé Lalain, et qui 
hérite des terres de son père ; il se marie à Jeanne de Barbançon, 
qui lui donne deux filles, dont la cadette, Marie de Lalain, dame 
de Quiévrain et d’Ecaussines, apporte cette terre en se mariant, 
après la mort de sa sœur Jeanne, à Jean de Croy, comte de Chimay, 
chevalier de la Toison-d'Or, Grand-Bailly du Hainaut, mort à 
Valenciennes en 14472, et enterré à Chimay, en la chapelle de Sté- 
Barbe de la collégiale. C'est vers cette époque que les armes de 
la noble maison de Croy furent apposées sur les vastes cheminées 
des salles des Ecaussines. La devise de ce seigneur était : Sou- 
vienne vous. 


Le troisième fils de Jean de Croy eut les Ecaussines en partage, 
du chef de sa mère; il se nommait Michel de Croy; seigneur de 
Sempy, fut ambassadeur en France près de Louis XII en 1545, ët 

9 


— 110 — 


en Angleterre près de Henri VIII pour Charles d'Autriche, depuis 
Charles-Quint. Il ne laissa pas d'enfant d'’Isabeau de Rotzelaer, 
sa femme, en mourant le 4 juillet 4516, et il gît aux Ecaussines 
en l’église de Berlaimont, dans la chapelle de Saint-Michel, son 
patron, où on lui éleva un ricne tombeau avec cette épitaphe : 


« Cy gist haut et puissant Monseigneur Michiel de Croy, 
» seigneur de Sempy, chevalier de l'Ordre de la Toison-d'Or, 
» tiers fils du comte Jean de Chimay, et de Madame la comtesse 
» Marie de Lalaing , fille héritière du seigneur de Kieurain et 
» Escaussines, qui trespassa l’an 1816, le 4 de juillet. Priez 
» Dieu pour s'’âme. » 


Michel de Croy étant mort sans postérité, la terre et le château 
des Ecaussines fit retour à la maison de Lalaing par le mariage de 
sa nièce, Marguerite de Croy, dame de Wavrin, Prouvy, Ecaus- 
sines, etc., fille de Charles de Croy, prince de Chimay, et de Louise 
d’Albret, avec Charles TI de Lalain, personnage considérable dont 
le tombeau se voit au musée de Douai, et qui fut Grand-Bailli du 
Hainaut, ambassadeur de Charles-Quint et Philippe IL, dont il con- 
clut le mariage, et chevalier de la Toison-d’Or. 11 mourut à 
Bruxelles le 21 novembre 1558, et sa première femme, Margue- 
rite de Croy, décéda le 2 juillet 4840. 


De douze enfants qu'ils eurent, Philippe, comte de Lalain, qui 
fit ériger leur tombeau, fut le seul qui sarvécut. Né à Valencien- 
nes en 1555, il y mourut dans son hôtel de la rue Cardon (qui 
existe encore au coin de la ruelle Bizée), le 24 mai 14583, tué par 
les ruades de ses chevaux. C’est lui qui se trouvait héritier des 
Ecaussines lorsque Louis de Guichardin voyagea dans les Pays- 
Bas et en fit une description, imprimée à Anvers en 1867, dans 
laquelle il signale le château qui nous occupe comme une des cu- 
riosités de la province de Hainaut. 


Philippe de Lalain n’eut qu’un fils mort en bas-âge, et deux 
filles dont l’aînée, Marguerite de Lalain, hérita de la terre des 
Ecaussines ; elle se maria à Florent, comte de Berlaimont, doyen 
de l'Ordre de la Toison-d'Or, gouverneur et capitaine - général da 
duché de Luxembourg, qui meurt en 1620. Sa devise fut : 


— iii — 


În adversis constans (constant dans l'adversité). Peu d'années 
après sa mort, sa douairière se défait des Ecaussines et vend ce 
domaine, en 1625, à messire Philippe Van der Burch, neveu 
de cetillustre archevêque de Cambrai, qui devint fondateur, dans 
sa ville métropolitaine , du bel établissement portant son nom et 
placé saus le patronage de Sainte-Agnès ; il suggéra l’idée à ma- 
dame de Maintenon de la maison de Saint-Cyr, et fut imité jusqu'en 
Russie. 


Depuis 4625, le château et la terre des Ecaussines restèrent 
daos la noble maïson des Van der Burch, dont les armes, commé 
celles des familles de Polinchove, de Roubaix et de Calonne, rap- 
pellent les hermines de l’écu de Bretagne. C’est Jean IV, comte 
de Montfort, duc de Bretagne, surnommé Le Conquérant, qui 
oetroya ce droit à Pierre Van der Burch, gentilhomme de la 
chambre de Louis de Mâle, en 1369, en récompense de ses ser- 
vices. Ses descendants se distinguérent dans les expéditions 
militaires avec les de Croy, les de Mailly, les de Béthune. En 
4408, Wiscard Van der Burch brille à l’armée de Jean, due de 
Bourgogne. En 1421, Pierre, chevalier de Jérusalem, et Jacques 
Van der Burch, se signalent à la suite de Philippe-le-Bon. En 
‘4620, Jacques II Van der Burch, lieutenant-colonel, meurt 
glorieusement à Pragues pendant les guerres de Hongrie. Adrien 
Van der Burch, ayeul de l'archevêque de Cambrai, se fait remar- 
quer dans les négociations et ambassades, et devient prèsident du 
grand conseil de Flandre, garde-des-sceaux de Charles-Quint et 
de Philippeï!l. Sonfils, Jean Van dér Burch, chef du conseil 
privé en 4595 , rapporte à sa mère le cœur de son père, mort au 
service de son Roi en Augleterre. Enfin, pour qu’il y ait de tous 
les genres de célébrité en cette maison, Jean Van der Burch, 
chanoine de Sainte-Marie à Utrecht, compose une histoire des ducs 
de Savoie et des comtes de Flandre, et, dans le siècle dernier, 
Ferdinand-Alphonse-Maximilien et Louis-Charlés-Benjamin-Joseph 
Van der Burch sont reçus chevaliers de Malte, le premier le 20 
avril 4733 et le second le 18 octobre 1786. 


La devise particulière de l'archevêque de Cambrai, François 
Van der Burch, était : Unitas libertatis arx (l'unité est le fort de 
la liberté), pensée vraie s’il en fut, de tous temps et même de nos 


— 119 — - 


jours. Mais la devise générale de la famille est: Libre et vail: 
lant de le Burch. C'est celle qu’on voit inscrite aujourd'hui au 
bas des armes des propriétaires et en plusieurs endroits du cha- 
teau des Ecaussines. 


La famille Van der Burch a de belles alliances ; ses armes s’ac- 
colent avec celles de Ghistelles, Oisy, Saluces-Bernemicourt, Ste- 
Aldegonde, Rodoan, Du Châtel, Renepont, Boussoit, Van der 
Graft, Colliers, Roisin, Croix, d'Assignies, Peralta, etc. Outre la 
terre des Ecaussines, elle posséda celles de Héravfontaine, Queveld, 
Aubry-lez-Valenciennes, et plusieurs autres très considérables. 
Depuis messire Philippe Van der Burch, acquéreur de ce château, 
qui y entra avec sa femme, Anne de Tournay, sœur du baron 
d'Oisy, Noyelles, etc., la terre des Ecaussines a toujours été oc- 
cupée jusqu’à ce moment par ses descendants directs. Aujourd’hui 
le chef de la famille qui l’habite est le comte Charles-Albert-Louis 
Van der Burch, qui, en 4850, était lieutenant-général, membre de 
la première chambre des Etats-généraux des Pays-Bas, gouverneur 
militaire du Brabant méridional, ex- président de l'ordre équestre 
de la province du Hainaut, commandeur de l’ordre du Lion Bel- 
gique, chevalier de Saint-Vladimir de Russie, etc. Sa femme, 
Marie-Charlotte-Josephe-Barbe de Rodoan, fille du comte de 
Rodoan de Boussoit-sur-Haïue, sieur d’Estrepy, de Brucquenies, 
etc., chambellan de l'Empereur, et de la baronne de Rochau, 
dame de l’ordre de la Croix-Etoilée, fut élevée au chapitre noble 
des dames chanoinesses de Nivelles; en 4814, la reine des Pays- 
Bas l’appela à la cour où elle remplit les fonctions de dame du 
palais. Ce couple vénérable a une nombreuse lignée. Le comte 
Alexandre Van der Burch, docteur en droit, auditeur au Conseil- 
d’Etat, a été chambellan du roi des Pays-Bas; d’autres suivirent 
Ja carrière militaire. Une fille a épousé M. Daminet, membre du 
Sénat belge, et habite le magnifique château de Seneffe, voisin des 
Ecaussines, véritable séjour princier. 


On doit facilement supposer qu’un château de la force de celui 
des Ecaussines a dû supporter plus d'un siége. Avant l'application 
en grand de l'artillerie , fort de son assiette sur un rocher solide, 
il soutint aisément les attaques des châtelains voisins et des rou-— 
tiers; mais depuis les grandes guerres, il passa, militairement du 


me me 


— 113 — 


moins, sous le joug du plus fort. - Nous voyons que le 19 jauvier 
1676, le maréchal d'Humières enleva aux Espagnols les deux forts 
châteaux" des Ecaussines (Ecaussines-Lalaing et Ecaussines .En- 
ghien). En 1693, l’armée du maréchal de Luxembourg s'en 
empara et campa tout autour. Dans les guerres de la Révolution 
et de l'Empire, on allait droit au but sans s'inquiéter des détails et 
les Ecaussines furent heureusement laissées de côté et ménagées : 
Le tout se réduisit à des lngements militaires. | 


1! nous reste à mentionner les visites de personnages importants 
que reçut dans les temps modernes ce vieux manoir féodal. Le 
prince Charles de Lorraine, gouverneur-général des Pays-Bas 
Autrichiens, s’y abattit quelquefois lorsqu'il chassait dans la belle 
forêt de Soignies. Le prince d'Orange, mort roi des Pays-Bas 
sous le nom de Guillaume Il, vint aux Ecaussines, dont il aimait les 
habitants, et admira la graude salle du château et le pittoresque 
de sa situation. Le duc de Kent, fils et frère de rois de la Grandé- 
Bretagne, et père de la reine Victoria, voulut y faire une visite. 
Le général espagnol Alava, connu avantageusement dans le monde 
diplomatique et ami du prince d'Orange, et plusieurs autres per- 
sonnages et touristes distingués, ne dédaignèrent pas de se dé- 
tourner des grandes routes ordinaires pour voir ce vieux type des 
habitations du moyen-âge (1). 


() Après avoir parlé, peut-être un peu longuement, du château des 
Ecaussines-Lalain, il serait injuste de ne pas dire un mot de celui des 
Ecaussines-Ernghien. 


Cette demeure, de construction antique, est flanquée de quatre tours. 
Elle paraît avoir appartenu, dès 1336, à un Hothon d'Ecaussines, sire 
de Ruesnes, qui eut pour successeur, en 1366 , Gille d'Ecaussines, sire 
de Ruesnes, accusé d’avoir aidé, avec Baudry de Roisin et Jehan de 
Verchain, sénéchal de Hainaut, à la mort du seigneur d'Enghien, et qui 
fut obligé de s’en excuser sur les saints Evangiles, pardevant le duc 
Aubert de Bavière, comte de Hainaut. Un autre Hoste ou Hotton d'E- 
caussines, revient de Prusse et reçoit les vins à Mons avec Ansiau de 
Trazégnies en 1387. Ii exerce les fonctions de châtelain d’Ath jusqu’en 
1419. Au XVIe siècle, c'est un sieur de Bièvre, de la maison de 
Rubempré qui occupe le château d’Ecaussines-Enghien, au dire de 


— 114 — 


Une seule fois cette ancienne habitation a été reproduite. On 
la trouve dans l'ouvrage intitulé: Foyage pittoresque dans le 
royaume des Pays-Bas, rédigé par M. de Cloet, orné de vues 
dessinées par le colonel de Pellaert et Madau. Lithographiées par 
Jobard. 1891-25, in-4° oblong (1). Cedessin ne rend que faible- 
ment, et par un seul côté, le manoir féodal. 


Pour le voyageur indifférent, pour l’homme sceptique ou positif, 
le château des Ecaussines-Lalain sera peut-être considéré comme 
un amas de pierres sans splendeur, comme une demeure peu 
brillante etirrégulière, montrant sur certains points sa. vétusté et 
parfois quelque chose qui approche du délabrement; mais pour 
les explorateurs des faits anciens, les rechercheurs des mœurs 
antiques, les amis des vieux souvenirs, ce gothique château, sur 
les murs duquel on peut encore trouver les blasons et les devises 
de ces grands seigneurs du Hainaut qui, pendant plus de cinq 
siècles, se succédèrent dans ce domaine ; pour ceux-là, cette de- 
meure aura toujours quelque chose de vénérable et en dira plus à 
l'imagination et à l'esprit que le plus neuf des édifices qui sort tout 
brillant des mains du bâtisseur. 


ARTHUR DINAUX. 


Guichardin, On croit qu'un René de Renesse, comte de Warfusé, 
l'habitait en 1620. En 1830, c'était un baron de la Bare qui le possé- 
dait. 


(1} N° 479 de la seconde centurie des figures. 


RSS SEEN ENV ORSe SSD CEE EEE 


à 


HOMMES ET CHOSES. : 


Obsiques de Cbarles-Guint, à Bruxelles. 


Les Belges, qui ont su, de tout temps, surpasser les autres 
peuples en jeux publics et marches triomphales, ne restèrent pas 
en arrière lorsqu'il fallut célébrer des pompes funèbres en l’hon- 
neur de leurs souverains. Ici leur zèle religieux venait s'ajouter 
à leur amour des représentations publiques et à leur habileté dans 
ces sortes d’exhibitions. Les funérailles somptueuses de l’archi- 
duc Albert, qui eurent lieu à Bruxelles en mars 4622, sont assez 
connues, mais celles de Charles-Quint, célébrées soixante ans plus 
tôt, et qui peut-être donnèrent l'idée des dernières, le sont beau- 
coup moins; aussi est-ce avec un grand plaisir que nous en avons 
rencontré une description gravée des plus curieuses (1). 


Le savant et ardent bibliophile Van Hulthem, qui avait réum 
tant de livres sur l’histoire des Pays-Bas, et notamment des ouvra- 
ges à figures et des recueils sur toutes les cérémonies, marches 
triomphales, fêtes publiques, jubilés, joyeuses entrées et obsèques 
royales, n’avait pas trouvé (du moins son catalogue n’en parle 
pas à l’endroit propice) la pompe funèbre exécutée à Bruxelles 
lors de la mort de Charles-Quint. L'ouvrage qui renferme cette 
représentation en estampes doit être peu commun, à en juger par 
son absence dans la célébre bibliothèque que nous venons de citer, 
dans d’autres collections non moins curieuses d'ouvrages sur le 


(1) On connaît aussi les obsèques de Guillaume-Louis, comte de 
Nassau, qui eurent lieu à Leeuwarde, le 13 juillet 1620, gravées par 
P. Harlingensis , Amsterdam, Claes Jans. Visscher; pièce en rouleau ; 
et celles de Frédéric-Henri , prince d'Orange, exécutées le 10 mai 
1647. François Van Beusekom, excud. 


— 116 — 


pays, et dans le Manuel si complet du savant Brunet. Il est 
cependant mentionné par plusieurs auteurs d'ouvrages sur la 
gravure , tels que Joseph Strutt, M. Huber et C.-C.-H. 
Roost. 


L’exemplaire que nous possédons de ce rare volume n’a point 
de titre proprement dit; il est de format gr. in-folio oblong, et 
contient trente-quatre pièces numérotées 14-34 (après coup selon 
nous), et trois pièces non chiffrées, ce qui porte le recueil complet 
à trente-sept pièces. 


Au bas du premier feuillet, représentant la chapelle ardente 
des funérailles, onlit: Henricus Hondius excudit 1619. Hagæ 
comit. Cette inscription, toute mercantile, pourrait bien être de 
la même date que les numéros, et avoir été placée sur les exem- 
plaires qui n’ont point été distribués ou vendus dans leur nouveau- 
té; car il tombe sous le sens que Charles-Quint étant mort dès le 
21 septembre 455&, ce n'est pas soixante ans plus tard que la 
pensée est venue de perpétuer, par la gravure, la mémoire des 
céremonies faites aux obsèques de cet auguste défuut. 


A l’aide de quelques recherches bibliographiques, d’ailleurs, 
on retrouve facilement la première main qui a tracé ces dessins 
lugubres mais intéressants pour l'histoire. 


La pièce n° 34 (la dernière chiffrée), représentant les insignes, 
armoiries et devises héraldiques du célébre empereur et roi, porte 
la date de 4558, que l’on ne doit considérer que comme un rappel 
de l’année de la mort du monarque. | | 


La pièce n° 2, représentant les seize trompettes et timbaliers 
tenant la tête du cortége, est signée des noms: Joannes à Duete- 
cum, Lucas Duetecum, fecit. Selon Strutt / Biographical Dic- 
tionnary of engravers, London. 1785, in-4° t. Ier, p. 265). les 
deux frères Jean et Lucas Duetecum ou Doetecum, auxquels il 
faut peut-être joindre un troisième frère du prénom de Baptiste, 
florissaient comme graveurs vers 4559. Au haut de la même 
planche , on lit les mots suivants qu’on doit regarder comme le 
titre de l'ouvrage : Amplissimo hoc apparatv et pvlchro ordine 
Pompa funebris Bruæellis à Palatio ad Divæ Gudulæ templom 
processit com Rex Hispaniarom Philipprs Carolo F. Rom. 
imp. parenti mæstissimvs justa solveret. 


Selon M. Huber et C -C.-H. Roost / Manuel des curieux et des 
amateurs de L'art, Zurich, 18014, in-8°; — Æcole des Pays-Bas, 
pp. 77-78), cette suite aurait d'abord paru en un long rouleau, 
formant une très grande frise en plusieurs planches et elle était 


— 117 — 


siguée : Hieronymus Cock invent. 1589. Tel fut sans doute 
son premier état. C'est à Jérôme Cock, peintre, graveur à la 
pointe et au burin, imprimeur et marchand d'estampes à Anvers, 
où il naquit vers 4510, pour y mourir en 4570, qu'il faut attri- 
buer l'invention de ces figures, d’antant plus qu’on avait déjà vu 
sortir de chez lui, en 1556, une suite de douze pièces sans le 
titre, représentant, sous la signature Âieronymus Curcius, les 
victoires et triomphes du même Charles-Quint, dont trois ans plus 
tard il décrivait la triste marche funéraire. 


C'est donc bien à 1539 que l'on doit reporter la confection de 
cet ouvrage. Henri de Hondt, le jeune, de La Haye, n’a fait qu'en 
réunir les cuivres ou les exemplaires invendus pour ea former un 
volume avec quelques autres pièces analogues au sujet. C'est 
encore lui qui.mit au jour la suite suivante qui rappelle l'entrée 
triomphale deCharles-Quint à Bologne: Pompa introitus Caroli F 
in vrbem Boloniam, figuris æneis à Henrico Hondio expressis. 
Hagæ comitum (sine anno)in-folio (Biblioth. Slusiana, p. 640). 


Si nous continuous à parcourir le recueil de la pompe funèbre 
de l'Empereur mort moine à Saint Just, nous voyons que la 
planche 8, plus grande que les autres, figure le vaisseau embléma- 
tique de l'Etat, pavoisé des drapeaux aux armes de toutes les 
provinces de la domination de Charles-Quint, et monté par les 
trois vertus théologales : la Foi, l’ Espérance et la Charité; cha- 
cune d’elles trône au pied d’un des mâts de ce somptueux navire, 
dont les flancs sont garnis de médaillons représentant les victoires 
impériales.  Dressées sur les flots mouvants, deux immenses co- 
lonnes d’Hercule, auxquelles sont attelés de monstrueux chevaux 
marins, suivent le vaisseau de l'Etat. En tête de la planche , on 
lit: Effigies navis exhibitæ Bruæellis in exeqviis cæs. Caroli T7 
quæ et in festivitate annali per vrbem circomvwehitvr. La pièce 
est signée au bas : Gillis Hendricx excudit .{ntwerpiæ. Cette 
figure a dû être ajoutée par Henri de Hondt au recueil qu'il a 
farmé. 


De la pièce 7 à la pièce 20 , il règne un titre courant en lettres 
colossales très-élargies, lesquelles, rassemblées, forment la légende 
suivante : Ordo fvit Pompæ fvnebris et iste paratvs cum Rex 
ivsta Patri solveret Hesperiæ. | 


Toutes ces planches représentent, en costume officiel , les sei- 
gaeurs d Espagne et des Pays-Bas et les grands dignitaires de 
l'Empire qui suivirent le convoi du mouarque. On y aperçoit 
Stephano Doria levant le grand étendard des couleurs; Philippe 
de Lannoy hissant celui de Flandre ; le sire de Maingoval, avec 
celui de Tolède; de Rassinghien, soutenant celui de Castille ; le 


— 118 — 


vicomte de Gand, portant le guidon; don Pedro de Ulloa et le 
sire de Vertain, conduisant chacun un des nombreux couraiers 
de guerre vêtus du caparaçon ; le comte du Rœulx, le prince de 
Sulmone, tenant l’un, l’écu de Bourgogne, l’autre, la cotte d’ar- 
mes de l’Empire ; les comtes de Boussu, d'Arenberg, d'Egmont, 
d’Arschot, le baron de Berlaymont , les sires de Melembais et 
de Courrières, le marquis de Berghes, suivaient tous en grande 
robe de cérémonie de l’ordre de la Toison d'Or ; le roi Philippe IL 
et le duc de Savoie, en grande cape de deuil, fermaient à peu près 
le cortége. Les figures, au nombre de deux cent-treize, sont 
tellement soignées pour l’âge, la pose, les habitudes et les costu- 
mes de chaque individu, qu’on dirait de petits portraits en pied. 
Les ornements, décorations, insignes, bannières, dais et capara- 
çons, sont exactement reproduits et fournissent de bons rensei - 
gnements sur les modes et les usages du milieu du xvi° siècle. 
C’est là qu’on voit ces énormes hampes à fer de lance d'un côté, 
et à poignée de l’autre bout, soutenant des étendards impériaux 
dans ces cérémonies solennelles, lances singulières par leur taille, 
que nous avons encore revues dans l’{rmeria real de Madrid, 
à côté de la modeste litière noire en forme de grande barcelon- 
nette, dans laquelle Charles Quint se faisait porter à dos d'homme, 
dans les montagnes du Tyrol. | 


Les trois dernières planches de notre recueil, non chiffrées et 
non signées, qui nous semblent appartenir à la manière de graver 
de Pierre Van der Borght, d'Anvers, ne représentent plus rien de 
la cérémonie des obsèques, mais elles reproduisent néanmoins des 
tableaux analogues au sujet traité. C’est une danse macabre, en 
trois feuilles ,; dans laquelle on remarque, comme d'ordinaire en 
ce genre de représentations, la mort aux prises avec toutes les 
conditions de la vie. Ce sont des groupes de squelettes couverts 
de casques de guerriers, de bonnets de docteurs, detiare, de 
mitres et de barettes , de couronnes impériale, royale et ducale, 
et, au bout de tout cela, une horloge au sable et un cercueil. Ces 
tableaux peu agréables, mais philosophiques, sont pleins de vérité 
et d'énergie. A. D. 


Caricatures historiques sur Arras. 


Les habitants de la ville d’Arras ont long-temps cru leur cité 
imprenable. Cependant le roi Louis XI la prit en 14477, les 
Bourguignons la surprirent quinze ans plus tard, Louis XIII la 
conquit en 4640. Cela prouve que l’opiuion des artésiens pouvait 
être celle d'excellents citoyens, sans être très fondée en raison. 


Ce Re 


— 119 — 


Quand les troupes de Louis XIII mirent le siége devant cette 
ville dans l’année 4640, les habitants, espagnols dans l’âme, 
firent, dit-on, graver cette légende sur une de leurs portes : 


Quand les François prendront Arras 
Les souris mangeront les chats. 


Un français ayant lu cette inscription après la prise de la ville, 
dit qu’elle pouvait rester et qu’il n’y avait qu'à ôter le P. du pre- 
mier vers. 


En effet, cette ville est restée à la France avec tout le comté 
d’Artois par la paix des Pyrénées. 


Le dystique fameux cité ci-dessus a peut-être pris naissance 
d'une gravure historique faisant partie du Recweil des Proverbes 
de J. Lagniet. Elle est intitulée : La Truye qui file devant 
Hesdin (catalogue Leber, t. 5. p. 202, n° 5975). 


Au bas de cette pièce est indiquée La célèbre enseigne de la 
Truie qui file, avec ces mauvais vers : 


Quand les François prendron Hesdin, 
Ceste truy aura fillé son lin... 1639. 


Cette petite enseigne, sculptée sur pierre, se voit encore incrus- 
tée dans une maison, rue du Marché-aux-Poirées, à Paris. Elle 
va bientôt disparaître par suite de l'agrandissement des halles. 
M. Bonnardot en a pris et publié le dessin. 


Le même recueil de J. Lagniet, si curieux comme document 
satyrique sur les mœurs et sur l’histoire du milieu du XVII: siècle, 
contient Le Charron, l'Esperonnier, le Teinturier, le Bonnetier 
espagnols, 1659-40, et autres caricatures sur les conquêtes de 
l’Artois. M. Leber, collecteur zélé de pièces sur l'histoire de 
France, possédait en outre : L’'Orgueil espagnol, pièce satyrique 
gravée d’après Tettelin, sans date (vers 14636), gr.in-f°, et le 
brave François opposé au sauteron espagnol, gravé par Abra- 
ham Bosse, in-f° (n° 5975, cat. de Leber). | 


Des recherches faites à Arras même ont été vaines pour retrou- 
ver les traces de l'inscription du dystique prophétique sur un des 
monuments ou des murs de la cité: ilreste donc des doutes sur la 
réalité de son existence sculpturale. Cette anecdote est piquante, 
mais elle pourrait bien n'avoir été gravée que dans la tête de quel- 
ques plaisants français. Harduin dit dans ses curieux Mémoires 
de 4763 (p. 25-941), qu’il n’a trouvé nul vestige de cette préten- 


190 — 


due inscription. [l connaissait toutefois une estampe rare (1); 

faite après le siége de 1640 etintitulé : La prise et déffaicte génc- 
rale des Cuarz d'Espagne par les RarTz françois devant la ville 
etcitéd'Arras. Patis, Jollain (4640), gr. in-folio en trav. 
Cette estampe représente un combat sanglant donné sous les murs 
d'Arras entre ces deux espèces d’onimaux, lesquels sont armés 
d'épées, de lances et de mousquets. On y remarque deux rafs 
énormes qui s'efforcent de pendre le gouverneur chat à un arbre; 
et ces vers se lisent au bas: 


C’est donc à cette fois que l'on voit accomplie, 
Messieurs les habitants d'Arras, 

Ce que tous vos ayeux tenoient pour prophétie , 

Vos chats étant vaincus par nos valeureux rats ? 


À votre barbe enfin de cette forte place 

Nous nous rendons les possesseurs, 
Puisque nos rats françois, méprisant leur grimace, 
Des chats d'Espagne sont demeurés vainqueurs. 


Vous les voyez ici par leur force et “oNfRes : 
Après un signalé combat, 

Garotter ces matoux, qui frémissent de rage 

De se voir prisonniers d’un simple petit rat. 


En vain demandent-ils, ayant fait résistance, 
Qu'on leur fasse quelque quartier : 

Ïls se verront tranchés tous à cette potence, 

Pour exemple récent à ceux de leur métier. 


M. Leber était parvenu à réunir à sa piquante collection une 
varissime estampe, la contre-partie de celle de la prise d'Arras, 
et qui, n'étant pas datée, ne peut être positivement appliquèe à 
tel on tel événement historique. Vaici comme Île sujet en est 
iudiqué : « Le fort des chats assiégé par les rats et les souris, où 
» ilest mort du temps jadis plus de dix-huit cens mil rats, dont 
» Jes chats, commandés par Rominagrobis, ont remporté une 
» grande victoire sur eux, leur ayant fait lever le siége, et les 
» ayant contraint de ne plus paroître. » ( Sans date }, pet. in-[°. 
— Cette revanche des chats espagnols, qu'Hardouïin ne parsît pas 
avoir connue, pourrait être une pièce faite pour la levée du siége 
de Valenciennes en 14636, où les français furent contraints de se 
retirer, et où le maréchal de La f'erté qui se trouvait à leur tête 
a été fait prisonnier. Dans le cas où notre supposition serait 
vraie, le Rominagrobis dont il est question pourrait être Don 


(1) Voyez catalogue Leber, 1839, in-80, t. I, p. 201, n° 5978. 
Siéges d'Arras, par À. d'Héricourt, 1845, in-8o pp. 181 et 199. — 
Almanach du Pas-de-Calais, 1840, p. 116. 


— 191 — 


Juan d’Autriche, qui commandait l’armée venue au secours de 
Valenciennes, ou le grand Condé qui l'accompagnait et qui alors 
suivait le parti espagnol. 


Le continuateur de la Cosmographie universelle ou Descrip- 
tion du monde par Davity, a eu la naïveté d'annoncer que la 
vieille prédiction sur Arras se vérifia lorsque Louis XIII s’en em- 
para en 1640, et qu’on vit alors une troupe de rats dévorer les 
chats. Un autre auteur prétend que le monument qui recélait 
l'emblême prophétique représentait la figure d’un cheval décharné 
au- dessous duquel on lisait : 


Quand les Français prendront Arras, 
Ce cheval maigre deviendra gras. 


Eatin une plus ancienne version encore, qu'on fait remonter au 
XV* siècle, rend par ce sixain gothique, le serment des Arrageois 
de s’ensevelir sous leurs murailles : 


Quand les rats mangeront les ras, 

Le Roi sera seigneur d'Arras ; 

Quand la mer qui est grande et lée large), 
Sera à la Saint-Jean gelée, 

On verra par dessus la glace 

Sortir ceux d'Arras de leur place. 


Cette vieille formule prophétique, plusieurs fois reproduite ét 
presque toujours rendue vaine par les destins de la guerre, a 
éncore été renouvelée par les Lillois pendant le siége fait par 
Louis XIV en 1667. Un plaisant avait mis au cou du cheval de 
bois qui servait alors de pilori aux prostituées, une botte de foin 
ornée de cette inscription : 


Quand le cheval ce foin mangé aura, 
Par les François Lille prise sera. 


Le foin ne fut pas mangé ; ce qui n'empécha pas que Louis XIV 
fit son entrée solennelle dans Lille le 28 août 4667: encore ün 
oracle qui fut menteur ! A. D. 


Bénézech de Saint - Gonové. 


M. Joseph - Marie - George BÉNÉZECH DE SAINT - HONORÉ, 
maire de la commune de Vieux-Condé, membre du conseil d’ar- 
rondissement de Valenciennes et de la Société d'agriculture, des 
arts et des sciences du même arrondissement, était issu, en 1794, 
d’one famille distinguée qui a fourni des hommes remarquables 


— 129 — 


dans les carrières des sciences et de l’administration. Son ayeul, 
le comte du Buat, mathématicien célèbre, avait acquis une bril- 
lante renommée dans un corps honorable. Son oncle, M. Bénézech, 
fut ministre de l’intérieur, à dater du 3 novembre 1795, lorsque 
tous les ministères furent rétablis, jusqu’au 17 juillet 4797, qu'il 
fut remplacé par François de Neufchâteau ; lors du rétablissement 
du Conseil d'Etat par Bonaparte, en 4799, il en fit partie et fut 
nommé préfet colonial à Saint-Domingue, où il mourut en 1802. 


Ces alliances distinguées et aussi une inclination naturelle por- 
tèrent Bénézech à rassembler des œuvres d’art et de science et des 
documents historiques. Quoiqu’habitant une commune rurale, 
il vint à bout, par une persévérance louable et par ses correspon - 
dances, de réunir une des plus belles bibliothèques particulières 
du département du Nord, et un curieux cabinet d’antiquités , de 
médailles, d’objets d'histoire naturelle et même quelques tableaux. 
Cette curieuse collection, qui renferme les plus beaux livres de 
l’ancienue et splendide fKibliothèque de l’évêque de Cambrai 
Louis Belmas, et beaucoup d’objets romains trouvés dans le pays, 
ne devait pas être disséminée : rassemblée avec amour par son 
propriétaire, il désirait la transmettre entière à un héritier qui en 
conserverait le précieux dépôt. Malheureusement, après avoir 
perdu une épouse chérie, puis une fille unique, il se vit enlever 
son gendre, M. 4d. Castiau, sur lequel il avait reporté toute sa 
tendresse. N'ayant plus de descendants directs, il écouta des 
conseils sages et désintéressés, et il fit une donation entière de ses 
collections à la ville de Valenciennes, en lui imposant des condi- 
tions faciles à remplir, et qui, même si elles n’eussent pas été pré- 
vues par le testateur, eussent été naturellement indiquées par la 
reconnaissance.  Aïnsi, la devise choisie par M. Bénézech et ins- 
crite par lui sur le fronton de sa bibliothèque : | 


L'esprit a des plaisirs immortels comme lui 


s’appliquera parfaitement désormais au dépôt littéraire qu’il prit 
tant de soins à former ; ce dépôt, devenu propriété communale, 
restera entièrement sauvegardé : les villes ne meurent pas. 


Par une attention intelligente, M. Bénézech n’a distrait de son 
cabinet que les archives de Château -l’Abbaye, long temps perdues, 
et dont il fit l'acquisition en masse il y a quelques années ; il lègue 
ces chartes et documents précieux au dépôt général des Archives 
départementales, si bien conservées par le savant docteur Le Glay, 
afin qu'elles aillent combler une des rares lacunes que ce magni- 
fique établissement compte encore. 


M. Bénézech ne se contentait pas seulement d'acheter des livres, 


— 193 — 


il savait s’en servir, et même il lui prit quelquefois la fantaisie d’en 
faire. Il tournait facilement un couplet, et il reçut, à l'occasion 
d’une de ses pièces de vers, une de ces lettres flatteuses que Bé- 
ranger sait si bien écrire. On doit à M. Bénézech : 4° un recueil 
de poésies qu'il fit paraître sous le titre modeste de Moins que 
rien, Valenciennes, A. Prignet, in-8° 28 pp. — 2° Trois 
Almanachs de Valenciennes, pour 1840, 1841 et1849 (dédiés à 
MM. A. Leroy et A. Dinaux), imprimés à Valenciennes, et à St.- 
Amand, Raviart-Thibaut, in-16. — 5° Etudes (7) sur l'his- 
toire de Hainaut, de Jacques de Guise, trad. par M. le marquis 
de Fortia d'Urban Valenciennes, À Prignet, 1841, in-8° de 99 
pp. enrichies d’une carte précieuse des villes et villages du Hainaut 
en l'an 14186. — 4° Promenades daguerriennes dans le départe- 
ment du Nord et la province du Hainaut. Valenciennes, A. 
Prignet, 1844-45, gr.in-8° figures(12). Ouvrage fait en société 
avec M. Castiau. 


M. Bénézech , outre qu’il appartenait à la société d'agriculture 
de son arrondissement, aux séances solennelles de laquelle il ne 
manquait jamais d'assister, était encore membre correspondant 
de la commission historique du département du Nord. Il se dé- 
lassait de la culture des lettres par celle des fleurs, et il réussissait 
tellement dans cette agréable distraction qu’une belle fortune lui 
permettait de pousser jusqu'à ses dernières limites, qu'il avait en- 
levé jusqu'à dix-sept médailles d’or et d’argent dans les plus belles 
expositions d’horticulture de la France et de la Belgique. Ces 
trophées glorieux, rapportés des concours, étaient appendus au 
fronton de sa principale serre comme des dépouilles opimes. 


La vie paisible, le caractère calme et heureux de Bénézech au- 
raient dû lui ménager de longs jours. Il n'en fut rien: il 
mourut prématurément. Voici des vers qui le peignent bien 
et que lui adressait naguèëres le poète Tricot, de Valencien- 
nes : 


Vous qui vivez en philosophe, en sage, 
Franc des soucis qui poignent les humains, 
Loin des rumeurs de la ville, au village, 
Dans un paisible et riant ermitage, 

Parmi les fleurs que cultivent vos mains; 
Vous qui savez, sans morgue et sans ivresse, 
Modérément jouir de la richesse 

Et des loisirs que vous a faits le sort, 

Oh ! permettez que ma muse inquiète 
Goûte aujourd'hui, lasse d’un long essor, 
L'ombre et le frais de la douce retraite 

Où vos plaisirs n’ont jamais un remords! 


/ 


— 19% — 


Las! le poète et le Mécèue sont morts à quelques heures dé 
distance! Bénézech a été emporté par une maladie de cœur, 
affection dont il portait le germe depuis qu'il avait fait tant de 
pertes successives. Cette fin inattendue ne sera que trop sentie 
dans la commune de Viéux-Condé, qu'il administrait en père. 
Faisant le plus noble usage de sa fortune, encourageant les arts et 
tout ce qui était utile , il était généreux et compatissant , bon et 
serviable. Lors de l'invasion du fléau pestilentiel qui décima la 
population l'an dernier, il fut une véritable providence pour les 
pauvres de son village auxquels il lègue un hospice. Décédé le 
47 avril 1850, à sept heures du matin, on fit ses obsèques le 19 
suivant, à onze heures, au milieu d'un grand concours d'amis, 
de voisins et de concitoyens. M. Æibert Lengié, sous-préfet 
de Valenciennes, qui perd en lui un des bons et des anciens 
maires de son arrondissement, s'est chargé de faire sur sa tombe 
un éloge qui a été d’autant plus apprécié , qu'il était répété 
par toutes les bouches et senti par tous les cœurs. A. D. 


La $ête des TDnnocents en Flandre. 


Le bon pays de Flandre est certainement celui où les enfants 
ont le plus de jeux et comptent le plus de fêtes : outre la Saint- 
Grégoire, solennité chère aux petites écoles; la Sainte-Catherine, 
patronne des jeunes filles; la Saint-Nicolas, fête des garçons, et 
la Noël , autre époque de distribution de gâteaux et de friandises 
aux enfants des deux sexes, il faut noter encore la fête des Inno- 
cents, qui se célèbre le 28 décembre, trois jours après Noël, et 
qui est, dans plusieurs localités de nos provinces , une occasion 
de singulières réjouissances et d’une antique et bizarre récréation 
pour l’enfance, à laquelle mème les grandes personnes prenneut 
part. 


Ce jour-là , le dernier né de chaque maison de ces bons bour- 
geois flamands qui ont religieusement conservé les us et coûtumes 
de leurs pères, commande en maître pendant toute la journée. 
Les serviteurs se pressent à son lever et viennent y prendre ses 
ordres pour le menu des repas, pour les invitations, pour les di- 
vertissements de la soirée. Afin de rendre cette royauté d’un 
jour plus respectable, on charge l'enfant à qui ellé est confiée des 
vêtements du maître de la maison, dont il porte aussi les joyaux, 
Les dentelles et les diamants. Ainsi chamarré, l'Innocent donne 
sés ordres et dispose du pouvoir suivant son goût et ses désirs. 


Te = — 


qe MUR De te ee qu 


— 195 — 


S'il faut:en croire quélqnes antiquaires, cet ‘ancien usage serait 
un vieil écho des saturnales romäines ; ; suivant d’autres, ce règne | 
de douze heures aufait été institué en mémoire du jour à jamais 
déplorable où les Fnnocents- furent massacrés à Bethléem et-aux 
environs, par ordre du barliaré roi de Judée Hérode, qui voulait 
ainsi atteindre plus: sûrement celui dont Ja naissance lui faisait 
déjà ombrage et qu’on disait lé Messie ; ‘le Désiré de toutes les 
nations., Des mères, s'attendrissant ad récit de cette horrible 
exéeation de tous les enfants au-‘degsdus de deux ans, convinrent 


entr’elles, dit-on, de rendre ce jour-là leurs derniers enfants plus. 


heureux que tous les autres jours.  Telles sont les deux explica- 
tions données de cette coûtume', adoptée dans maintes localités, 
mais plus particulièrement conservée dans les prourites flamaudes 
qui perpétuent avec un grand charme les vieilles traditions. Ces 
deux explications pourraient être fondées également en raison, : 
car on voit souvent dâus l'histoire que les croyances chrétiennes 
ont été ingénieusement eutées sur des traditions payennes dont 
elles ont pris ainsi plus facilement la place sans- -beurter dun vive- 
ment les habitudes des peuples. 


L'Eglise. solenñisait déjà la ménioire dés fSiséents märtyrs, . du 
temps d'Origène; le poète Prudence a-composé, à leur vuangé, | 
uge fort belle hymne que l'on chante dans la plupart dès diocèses. 
Au sein des nombreux:couvénts qui s'élevaient jadis dans les Paÿé- 


Bas, la fête des Innoeents se célébrait d’üne manière à peuprès 


semblable à cellè usitée dans lés familles. Ce jour-là", ta plus 
jeune des novices ‘recevait dès l’aurore l'entière autorité de l’ab-- 
besse'et commandait toute la congrégation. On. dif même que 
c'était une sorte de pierre ‘de touche pour éssayer le caractèré dés 
plus jeunes religieuses et paur savoir de quellé façon elles dispo- 
seraient dans l'avénir du pouvoir si'une élection serieuse venait à 
ut donner la-crosse. On prenait noté des taprices de l’abbesse, et 
plus d'une nomination manqua plus tard, dit-on, pat les réminis- 
cences de mémoires trop fidèles. . Les couvents des Ursulines cé- 
Hébrent.encore aujourd’hui , suivant l’ancienné coûtume, {a fête 
des Innocents : remarquons que les usages flamands ne ‘tenaient 
en rien des. farces et des bouffonneries que se permettaient les 
franciséains dont parle Gabriel Naudé ; chez eux, le 28 décembre, 
les frères-lais, vêtus d'habillements déchirés et tournés à l'envers, 
allaient s’asseoir sur des siéges destinés aux pères et faisaient l'of- 
fice en leur place ; ils tenaient leùrs.livres renversés et éridient à 
tue-tête en regardant un lutrin'à travers des lunettes dont D 
verres étaient” des écorcés d'érange. ne 
La célébration de ceite fête, . qui pat, paraitre. hizarre aujour- l 
ce tlamandes ; l’Innocent POS ‘dé bühne tre quelles étaient 
10 


A 


\ 


— 426 — : 


les difficultés de l autorité, ét, voulant êtré lui-même obéïi, il ebm- 
pril la nécessité d'obéir à son tour. Pour un jour de plaisir et de 
récréation, bien des parens vbünrent de Cents des années 
|eutièresdé travail . DU 

Madame Drésdordes- J'aimors, de Donsi : , qui a éouserté tes 
vieibes traditions de 14 Flandre, sa bonne mère, apublié une jolie 
nouvelle sur la fêté des Znnocents, dans le Musée des Familles 
(décembre 1849. 2° sévie, 7°vol. n°3, p. 67).—V. Cousin. Bist. 


de Tôurnay, IV, 260. — Roifenderg. none Archives. 1850, P. 
-A95. - 


7 = Une des dernières scènes joyeuses enfantées par la féte des 
” Innocents dans nos contrées, est celle arrivée, à Naur en 1751. 


Le joar des Innotents de cétte année, le sieur Gaùdine, chanoine 
* de la cathédräle de Namur, donnait à diner aux carines-déchaus- 
sés de cette ville. - Le vin fut généreux et abondant, Jes convives 
gais et sans façon; et, à la fin du repas, en mémoire de la solen- 
nité, les révérends pères proposèrent au chanbiné de le revétit en 
évêque. Ce dernier, agréablemént chatouillé par cette idée 
d'épiscopat, ème pour un jour, se préta à ce déguisement. 
Ce n’est pas tout :. on l'engagea à se. présenter au chœur avec ce 
- costume d’apparat. .Il s' y laissa conduire et entonua les: vêpres 
du ton d'un prélat qui n'aurait fait que cela tout sä vie. Les 


S bons pèr es, des ecclésiastiques présents, et d’ autres assistanis ne 
. purent tenir leur sérieux pendant ceite représentation inattendue 


de l’évéque des fois. Pour que la.fête fût complète, on-alia cher 
‘cher Les’ dévotés habituées de l'église, afin de les rendre témoins 
de cette facétie, et on les fit entrer au chœur par l’intérieur du 
codvent, Le divertissement fût parfait. Mais M. l'évêque de 
Namur ne prit pas la-chese en plaisantant. Il blama l’usurpateur 
de son titre et de sa miître, interdit la prédication à l’inventeur de 
ce jeu déplacé, et chapîtra d’ importance les chanoines ét religieux 
témoins d’une fête des innocents qui lui Paraissait” passablement 
coupable. Cet événement, comme on peut le croire, ft grand 
"bruit dans le pays, et, quoique les poètes fussent bien rares alors 
à Namur, il s'en trouva un qui voulut chanter l’épiscopat &i court 
et si mal terminé du chanoîne ambitieux. li sortit de cela une 
épopée burlesque en trois chants, intitulée: La Gaudinade, ou 


- l'Evéque du Mont-Carmel, poëme héroï-comique. Namur, 


chez P. Lambert-Hinne, imprimeur-libraire. M, DCC. XXXI, 
in-8° de 6 et 13 pages. L'auteur de cette production, devenue 


; oure nus fort rare, a cru devoir garder l'anonyme : ilr ne man- 


: que-ni ‘d'esprit ni de verve... La date de l'événement est consacrée 
par ün brillant ‘chri pianie, comme dit le poème : 
er s OùPoiivôit bn Si lots ”è ‘expritnez finement 
:_ De ee repab lmmêuxl'afinée et le moment:  …: 
lo Lo VIVat gaVDinVs bonefaCtor InnoCestiVM:: . k. D 


ns Jo nn 


RE, ES. ES SSSR RSS RERNEE, Ss CT SES ee é NSX 2 DS 


_ 197 — 


| £t Borinage. | 
 Rcrinage est le nom d’un canton de convention, situé entre 
Quiévrain et Mons, qu’on ne tronve mentionné dans aucune géo- 
graphie , ni délimité sur. aucune carte. Suivant le Bulletin du 
Bibliophile Belge; (tome V1,;:p.‘86); on appelle‘ Borinage, l'éten- 
due du territoire occupé par les communes de Jemmapes et de 
Quaréguot : on donne.ce: nom par extension à tous les villages 
du bassin howillier dumidi de Mons. Suivant le Dictionnaire 
Rouchi, par Hécart,_ c'est un camon des Pays-Bas qui comprend 
les villages en-deça de Mons: Boussu , Quarégnon , LE Lee 5 
Wasngs, Dour et Pâturages; nous y àjoutétons Elouges , Sra- 
meries, Cuesmés et toutés lés communes des environs où s'effectue. 
l'extraction de la houillé et où les habitants fétent, le 4 décembre, 
la Sainte-Barbe , patronne des mineurs. Car', selon nous. 16 
Borinage n’est pas un pays à frontières fixes , é’est un ensemble 
d'exploitations de mines de charbon de terre qui peut s'étendre 
ou se r'etrécir suivant des découvertes DS où des is du 
d'extraction. ; 


+ 
Quoique jusqu'ici on sit epliqué V'étymologie de: Horots et 
Borinage d'une manière assez satistaisante, nous nous permet- 
trons d'en mettre en avañt une nouvelle qui nous paraît plus 
rationnelte.. Nous croyons que Ces deux mots employés pour 
désigner l'habitant et la contrée dont nous venons: d'assigner les 
limites, viennent de celui de Bure, nom qu’on danne aux puits 
d’ extraction de houille dans le pays de Liège où ce combuskble à 
été découvert. - Dé Bure on. a fait facilgment Bowrain ; -Bowri- 
nage, où Borinage ; l’on a appelé Borain, l'homme qui travaille 
au bure et Borinage le territoire percé d'uné grande quantité de 
bures qui semblaient former un ensemble. Cette origine nous 
parait d'autant plus plausilie qu'en réalité on peut être habitant. 
d’un village situé au milieu des mines en exploitation sans être 
un borain ; on ne qualifie de ce titre que tout individu qui sé 
rättache d'une manière ou d’une autre à l'extraction charbonnière. 


Au premief aperçu, P'étymologie donnée par plusieurs savants 
et adoptée par M. Lévêque de la Basse-Moûturie, qui consistait 
à faire venir le mot Bofain du flamand et du hollandais Zoer, qui 
signifie paysan, ‘homme des champs, pouvait paraître süffisante s 
elle dévait même être très accueillie par un bourgeois de Moñs où 
de Valenciennes qui’était un-véritable citadin auprès d’un habi- 
tant de. Dour et de Quarégnôn ; inais en réfléchissant que-préci- 
sément Fhotñime des champs, des villagés que nous venons de citér, 
qui në touchait D rien ad. charbon, n'aurait jamais été qualifié 


ee 198 — 


de borain dans sa propre commune, il en résulte qu'il fant: cher- 
cher origine de ce mot dans l'occupation même du charbonnier. 
Alors; on ne trouve de rapprochement qu'avec le mot buré, objet 
principal et le plus visible du charbonnage. 


Il reste maintenant à trouver l'étymologie de Bure; c'est ici 
le lien de citer l'opinion de.M: Quivy,; de Maubeuge, qui faisait 
descendre les Zorains de Mons des Éburons, ou anciens habi- 
tants de Liège, qui vinrent exercer leur. industrie en Hainaut Lors- 
que. la houille y-fut découverte. Peut-être y aurait-il quelque 
connexité entre [eg nom antique des Liègeois et celui d'une indus- 
trie dont ils ontla gloire d’être les premiers inventeurs. 


Le Boftinage.est devenu un petit‘canton , faiblé par sa éuper- 
ficie, mais riche par sa population, son industrie et son activité. 
Le goût des charbonniers pour la boisson ést très remarquable ; 
nous ne signalerons pas le nombre des bouchers et des boulan- 
gers dé ce territoire, il est dans d’honnètes proportions , mais le 
chiffre des cabarets dépasse tout ce que t'imagination la plus Rardie 
pourrait supposer. On compte deux mille cabarets pour 12 
villages ; c'est 1 par 17 habitants pour Jemmapes, 4 par 22 pour 
Dour et Cuesmes, 4 par 24 pour Quarégnon , etc. — La première 
imprimerie du Borinage fut établie à PAturageë , par M. Pierre- 
PhilippeCaufriez , il y pèblia en 1844, un, journal hebdomadaire 
sous.le titre l’Echo du Borinage qui n’ent pa longue existence. 
M. Caufriez se vengea en faisant-paraitre un {manach-Borain. 
— En 41844, parut, à St-Ghislain (1), la Revue du Borinage, 
qui ne vécut pas plus que l’Echo ; ils moururent ensemble. — 
Wasmes ; autre village de ce canton , possède aussi depuis 1846 , 
ane imprimerie dirigée par M. Renuart- Fay. — Ce canton riche 
et industriel compte aujourd’hui plusieurs salles de spectacle où 
des artistes-amateurs représentent des vandevilles ‘et des pièces 
d’un goût parfois équivoque: le dimanche 90 avril 4880-, on a 
inauguré un nouveau théâtre établi dans la waste salle. de M. 
Buisserez , à Quarégnon. 


_ Sie Borinage compta au XUI° siècle un illustre trouvère . 
Renior de Quarégnon , il peut encore aujourd’hui se vanter 
d'avoir un écrivain très populaire : c'est M. C. Letellier , curé 
de Wasmuël , qui a mis quelques fables de La Fontaine en patois 
de Mons d'une manière aussi heureuse que paume C'est la ls 


k) M. Victor de Pape avait fondé, dès l'année précédente , un éta= 
blissement typographique à St-Ghislain. M. Pinguet ayant établi une 
imprimerie à Jemmapes . il y parut, en 14850 , le Penseur Borain, ré- 
digé pat J. B. Perrier. 


— 199 — 


œuvré parement litiéraire que nous sachions sortie de ce canton 
éminemment producteur et consommateur matériellement parlant. 


AD. 


EL teups de eur we LUert. 


Ce ne fut pas Je bon aps que celut de Jan de Wert: ce 
brabançon, l’un des plus célèbres partisans du 17° siècle, était 
né eh 1594 à Wert, petite ville du Brabant septeutrional, 
dont if prit le nom ; il quitta le métier de cordonnier pour celt 
de soldat et fit mentir le proverbe latin: ne sufor ultrd crepidam, 
car. il fit une brillaite fortune militaire, Engagé dans un régi- 
ment allemand qui passait à Wert, il dut à son couragé un avan- 
_cemeut rapide. Il passa® au service de la Bavière, puis après la 
mort d’Aldringer, il lui succéda dans le commandement des trou- 
pes bavaroises, et eut une grande part à la victoire remportée . 
par les impériaux à Nordlingen en 4654. A l'entrée de la-cain - 
. pagne de 4656, Jean de W'ert se présente devant Liège, et tout- 
à-coup, avec une armée composéè d’allemands, de hongrois, de 
polonais et de groates, il fond rapidement sur la Picardie laissée 

. sans défense, qui- crut voir se renouveler les anciennes invasions 
des barbares. Scarron peint en. quelques vers burlesques la sur- 
prise dés frontières du nord dé.la France : EN 


l 


à Ainsi quand“Corbie fut pris, 
.. On dit que quelques bons esprits . 
!:  Ordonnèrent qu'on fit des grilles.  : FE 
Pour se garantir des soudrilles 
ÈS Du redoutable Jean de Wert 
 * Qui lors les avait pris sans vert. 


} 
$ 


__ La panique gagna te cœur du royaume, Paris fut menacé, et 
des habitants effrayés se refugièrent dans les provirices, où ils 
portèrent l'épouvante’ Cependant Jean de Wert rançonnait la 
Picardie qu’il n’abandonna qu’en emportant un riche butin. il 
resta presque toute la campagne sur les marchés de la Picardie 
et de l’Artois, avec ses rettres et lansquenets qu’il jetait comme 
des volées d'oiseaux de proie sur les points les plus éloignés et au 
moment ou l’on s’y attendait le moins. Son nom était la terreur 
du pays, etla voix du peuple qui grossit toùt, en fitun croque 
mitaine affreux. Les Français qui chansonnent volontiers sur 
toutes sortes de sujets, ne manquèrent pas de composer des noëls 
et des cantiques sur le fameux partisan qui eut l'honneur de précé- 
ner Mariborough dans les refrains populaires. La muse du Pont- : 


Neuf s'empara de ce sujet palpitant d'intérêt, et redit-en couplets 
que la cour et la ville répétaient, les grauds faits ef les méfaits du 
fameux Jean de Wert. 


Mais voici que ce guerrier excite pion été la curiosité 
publique ! Il est fait prisennier en 4638 à la bataille de Rheinfeld, 
et amené d'abord à Vincennes où il est enfermé, puis laissé sur 
‘ parole dans la capitale qui hui servit de prison. Les parisiens, 
qu’il fit trembler d’effroi deux ans auparavant, refirent d’autres 
chansons pour féter. sa espture ; ila célébrèrent leurs . transports 
de joie sur un-air de trompette qui régnait alors et qui prit le 
nom de Jean de Wert. Cet air resta ‘plus d’un demi-siègle à la 
mode, et Melle L'Héritier met encore squs san . patronage sa 
romance insérée dans le Mercure galant de inai 4709. . 


La captivité de Jean de Wért en Frarite dura quatre ans, mais 
rien ne fut négligé pour la lui rendre agréable. Le Cardinal de 
Richelieu lui offrit, dans son château de Conflans, une fète dont 
le duc d'Orléans ne dédaigna pas de faire les honneurs. À l'ex- 
 emple du premiér ministre, toute la noblesse s’ empressa de pro 
curer chaque j jour de brillantes distractions au guerrier malheu- 
reux, qui, erf 4642, fat échangé contre le général suédôis Horn, 
fait prisonnier à Nordlingen. Jean de Wert reprit sur le champ 
son commandement, et battit à Tudfingen le brave Rantzau déjà 
mutilé dont a dit: 


a Et Mars ne lui laissa rien d'entier que le cœur. » 


“Après la. paix de Westphalie, Jean de Wert se retira dans une 
terre qu’il avait obtènue en Bohème pour prix de ses services, et 
y mourut des suites de ses blessures et de ses fatigues, le 6 septem- 
bre 1652 ,. âgé seulement de 58 ans. Son soutenir n'est pas 
encore éteint en Picardie et en Aïtois, dont les annales sont rem- 
plies d'anecdotes relatives à sés combats et il faut le dire à ses 
coups de main hardis. C'est ainsi que ce vaillant partisan, dont 
Je nom et la prise avaient fait un. bruit si éclatant, laissa en 
France une mémoire immortelle et que l’on nomma le temps où 
il avait vécu et vaincu tant de fois : Le temps de Jean de Wert. 

- : à À D. ; 


in Gibliophile brige. 


Cen 'est pas d'aujourd'hui seulement que l’on compte en à Belgi- 
que d’illustres et ardents amateurs de ss qui ont colligé de 
superbes et nombreuses bibliothèques : Guichaçrdin, Gramrmaye, 


— 131 — 


le bibliophile Lauis Jacob, Valère André, Sanderus : et beaucoup 
d’autres, nous en ônt laissé la liste; mais @œ qui ne/nous:est pas- 
resté, du moins pour les plus anciens, c'est le catalogue eowmplet 
de leurs collections, smausées avec tant de peines , de soins et dé 
dépenses. : L’inventaire d’une bibliothèque formée par un homme 
intelligent et éclairé est pourtant. une notion essentielle pour le 
bien connaître : c’est le portrait moral du propriétaire, qui trahit, 
par le choix de ses livres, ses goûts, ses opinions, ses qualités et 
ses faiblesses C’est ea même temps un tableau. de la httératurs 
d'un siècle, un thermomètre qui marque la hauteur des connais: 
sances humaines d’une époque, et un enseignement précieux sur 
les tendances dw pays où Îles matériaux qui le D LE ont été 
acrumulés. : 


- LS 


‘Un des catalogues les plus curieux de la fin, da: xvir° siècle est 
celui .qui porte le titre de Bibliotheca Slusiana. Romæ, ex 
typogr. Jo. Ja. Komarck, Bohemi, MDCXC. in-4° compage de 
700 pages, imprimé syr deux @ionnes. Il se vendait chez Jean 
Croxier, libraire, à l'enseigne de- Saint Louis. Ce vaste réper- 
toire eomprend les titres des ouvrages composant La. riche et 
nombreuse bibliothèque de Jean Gualter. de Sluse ou Sluze, 
cardinal de la Sainte Eglise romaine; né à Visé, petite ville de 
l'ancienne province de Liége, en l’année 1628.°. Le portrait et 
les armes de cet intrépide bibliophile, gravés par . N, Billy, se 
trouvent en avant du frôntispice du volume ,. qui a été rédigé et 
mis en ordre par François Deseine, bibliographe parisien, ct 
publié par les seins du baron Fierre Aloysius de iSluse, frère du 
cardinal , qui le dédia à Jean Gaston, prince d'Etrurie. Ce 
livre, imprimé en Italie, n'est pas très commun dans nos coutrées. 
La municipalité de Liége eat un jour le bon esprit d'en offrir uu 
exemplaire, en prix, à un petit-neveu du cardinal. On y lisait, 
sur la garde, le quatrain suivant : 


Slusius in toto studiis celeberrimus arbe, 
Nobilis ad palmam te vocal ingenii. 

Incipe, parve puer, doctos cognoscere patres ;' 
Patribus a doctis degenerare probrum. 


Ga consenre eücore cet exemplsire dans la famille de M. le 
baron de Stembier, qui poneee aussi un beau portEnl à l'huile 
du cardinal de Sluse. 


Mais revenons au catalogue : il contient plus de 20,000 titres 
| d'ouvrages, et il eat divisé en cinq parties, savoir : 4° la théologie ; 
2° la jurisprudence ; 5° la philosophie, la médecine et les mathé- 
matiques ;. 4° l'histoire ; et #° les belles-lettres et les mélanges. 
Ces grandes divisjons et teurs nombreuses SSH ce sont assez 


— 132 — 


bibliographiquement observées, sans égand aux différents formats 
que l’on séparait encgre en plusieurs lieux à cette époque. Les 
livres latins dominent, surtout dans les premières parties ; cepen- 
dant on y trouve une curiewse collection d'auteurs français, 
italiens, et particulièrement d'espagnols.. L'histoire des Pays- 
Bas y tient une belle place; on y rencontre aussi beaucoup d'ou- 
vrages à figures, principalement de ceux dits Livres d'émblèmes, 
qui forment à eux seuls une subdivision du catalogue. Les 
auteurs: liégeois ont Se obtenu les nonteurs d'un sous- 
titre. 


Le cärdinal de Sluse fut le neveu ou le filleul de Gualter du 
Château, né à Visé comme lui, secrétaire des brefs et de la cham- 
bre apostolique du pape Alexandre VIT; il attira à Rome son jeune 
parent, qui se fit bientôt remarquer par sa science et son aptitude 
au travail. 11 succéda à son oncle dans sa charge, et monta de 
grade en grade jusqu'à la pourpre romaine ; devenu prince de 
l'Eglise, il se fit un devoir, confie son oncle, de répandre ses 
faveurs sur les artistes de son pays qui venaient s'éclairer au soleil 
de l’Italié, et méditer sur les précieux restes de dé El que 
reçélait la-capitale du monde chrétien. 


C'est le 2 septembre 4686 que Gualter de Sluse fut promu au 


cardinalat par le pape Innocent XI, en même temps que de Furs- 
temberg, prince de Stasbourg, et le prince de Médicis et d’Este ; 
cette promotion fit naître un bizarre opuscule, rempli d’acrosti- 
ches et de chronogrammes sur le nom du nouveau cardinal lié- 
geois, qu'un pauvre poéte, fort bien nommé : Hermann q sancta 
Barbara, publia sous le titre de Carmelo-Parnaseus in cenium 
oblatus D. J. G. Slusio; ; Leodii, 1687, in-4” d'une quaran- 
taine de pages. Le cardinal mourut empoisonné, à ce F e disent 
des contemporains, cette même année, le 7 juillet, à l'âge de 
cinquante-neuf ans; il fut enterré dans l’église de l'AÆnima, où 
on lisait son épitaphe en latin. 11 suivit de près au toinbeau son 
frère aîné, l’illustre mathématicien liégeois René Sluse, dont 
M. Félix l'an Hulst a refait (après Villenfagne) la biographie. 
Liège, F. Oudart, 1543, in-8° de 72 pages. Cette famille était 
du nambre fort restreint de celles où l’on nu dre frères 
célèbres contemporains. ‘A. D, 


NA 


\ 


| L'imprimeur Jean de Œambrai, 


Lors de la découverte de l'imprimerie, les provinces des Pays- 
Bas, ‘très ayancées sous le rapport de la richesse et de l’industrie, 


ee 


RES ———————— — 


19 — 


furent des premières à s' emparer. de ee mobile puissant de l'intel- 
ligence et à l'appliquer pour eux-mêmes et pour les autres. Non 
seulement des imprimeries s 'établirent: de bonne heure daùs les 
villes principales de ces provinces, mais elles fournirent même à 
l'étranger une foule de typographes instruits et habiles qui allérent 
fonder ou perfectionner hors de chez eux des établissements dont 
la réputation est encore honorte aujourd’hui dans l'histoire des 
premiers siècles de l'imprimerie. C'est ainsi qu "Arnaud de Bru- 
æelles imprimait à Naples en 1475 et Gérard de Flandre à 
Trévise dès 1471; que Douai fournit Jérôme Commelin, décédé à 
Heidelberg en 1598 ; que la petite ville d’Assche vit naître J'osse 
*Bade,'mort à Paris vers 14536 ; qu’Arras s’honore d'avoir donné 
le jour à Jean Crespin mort de la peste à Genève en 1579, et 
que Lannoy, près Lille, a été le berceau de François Raulen- 
ghien, plus conuu sous le nom de Raphelengius, qui devint 
gendre du fameux Plantin d’Anvers, et qui inourut à Leyde en 
4597. Tous çes habiles tÿpographes sontbien connus, et, depuis 
longtemps, la presse reconnaissante a rendu à leur mémoire une 
partie des services qu’elle en avait reçus. Il est un cependant, de 
ces imprimeurs illustres de nôs provinces, que l'an a trop oubhé 
ét qui ne méritait pas ce dédain: C'est Jean Moylin, qui s’appela 
aussi Jean de Cambray, pour rappeler lenom de sa patrie. Né 
vers la fin du XV° sièch (en.1490 aù plus tôt) il alla s'établir à 
Lyon et y exerça la typographie comme le fit Josse Bade quelques 
années plus tard. Moylin par ses efforts et ses talents parvint à 
avoir un établissement à lui qu'il dirigea d'une manière intelli- 
gente et éclairée et dans lequel il mit en lumière les meilleurs 
ouvrages classiques, religieux, et scientifiques. 


Les principaux labeurs sortisqes presses de notre typographe, 
qui signait à la fin de ses po ours de ns aliès 
oylin, sont les suivants : 


e 


1520.— Un missel à usage de Rome. — Le n° 98 du câta- 
logae de M. lé marquis de Ch** Paris, Merlin, #627, in-8”, 
pe Les Canteles, Canon et Cérémonies de la messe; ensemble 
a messe, intituléé: Du corps de Jésus-Christ ; le tout en latin et 
en françois: le latin fidèlement extraict du missel à l'usage de 
Rome, impr. à Lyon par Jean de Cambray, l'an 1520, avec cer- 
taines annotations pour l’intelligence du texte (par P. Viret) Lyon, 
CL. Ravot, in-8° (très rare). 


4529. — Gulielmi Varignane medici pue Cagtai, J de 
Cambray, in-4°. 


41424. — Silva nuptialis ai. d. Jo. Neutzano allé L doc. 


44 — 


edita. M Lou D HE ; per re dE du as de PER 
in- 4°, | : = , ES È ee 


1531. — Opera Domini Fone de Figo in chirurgia. Ad- 
ditur chirurgia Marsani Sancti Barolitani Lo. de Vigo disci- 
puli. Lugduni, excusa, per Joannem de Cambray al's Moylin. 2 
volin-8°. — Je possède ces deux ouvrages qui pourraient être 
reportés à l'au 1532, la souscription portant: anno dom. 1551 
die vere 25 mensis fébruarü ; comme l’année finissaitalors à P4- 
ques on était déjà, 0e de la date, ra un mois et 23 jours en 
1553. x 


. 4559. —+ potri de Andbntass cousitia œumrepertorio. Lugduni. 
lo. Moylin aliàs de Cambray in-f° OR. Le la Bibl. de nr 
1836. Jurisprudence). 


1333 — T exlus Biblie. — = Trépe. ante Lugduni per Joanem 
Moylin als de Cambray. fn-fol° à deux colonnes, avec cadre et 
filet et planches gravées sur bois dans le texte. Bible gothique 
très suignée, très riche et très curieuse. Le titre est encadré de 
sujets analogues ä la matière : le texte eat révisé avec soin. | 


4534. — Concilia Steph. Bertrandi. Lugdaui. - lo. Moylin, 
aiàs de Cambray, 1554, in-P . (Cat. de Gand, n° 4436,  juris- 
prudence). 


Ces produits des présses du typagraphe be on gant loiu 
d’être les seuls ; des recherches an peu. étendues augmenteraient 
bien. vite cette liste ; mais les ouvrages qui le composent suflisent 
pour montrer l'exactitude, le soin, la supériorité apportés par 
Jean Moylin dans ses labeurs d'imprimerie. Ils sont tous en ca- 
ractéres semi-gothiques, avee tiffes en rouge et noir, encadrés 
d’ernements. Ses majuseules ordinaires paraissent gravées dans 
le goût d’Yolat, les plus ornées sont au milieu de petits sujets 
emblématiques et pittoresques. Suivant l'usage du temps, le texte 
renferme heaucoup d' abréviations, mais il est remarquable de cor- 
rection. Quant au papier employé par-nofre imprimeur, il est ad - 
mirable de force et de beauté et quoiqu'il ait trois sjècles et demi 
d'existence de plus que celui dont on se ss aujourd’hui, il vivra 
encore plus longtemps que lui. A. D. 


Léonart, graveur de Dunkerque. 


Présnue toutès les villes de Flandre, du Hainaut et du Brabant, 
comptent des graveurs qui ont laissé après enx des œuvres nom- 


_— 1356 — 


breuses figurant aujourd'hui dans toutes les collections: Les 
provinces des Pays-Bas sont celles où l’art de la-gravure a été le 
plus cultivé et ‘l'on supputeraît plus facitement les étoites au ciel 
que les pièces gravées de l'école Aamande, soit pour illustrer les 
livres, soit pour honorer Îles saints, soit pour perpétuer les vues 
des monuments, des marines et des paysages. Comme les autres 
cités, Dunkerque a ses artistes e0 ce genre, Jean-François Léa- 
nart, gravèur à la pointe et en manière nuire, naquit en gette ville 
en 4635. 11 apprit son art sous les maitres flamands et probable. 
ment à Bruxelles où il travaillait vers 4660. Là, il grava un grand 
nombre de portraits à l'eau-forte où à la manière noire d'après 
les grands peintres de l’époque. Nous citerons entr’autres: 


1° Portrait de Merstraten, syndic de la ville de Bruxelles, d’a- 
près Jan Dick. Signé: J.-F. Léonart fec. Bruxelles (Winc- 
kler, 3040). : | 


2° Portrait d'Isabelle F qu Auch, femme du précédent, d’a- 
près Pan Dick.. | Lu | 


3° Portrait d’ÆHubert Loyens, d'après Ph. de Champagne. 
J.-F. Léonart fec. Brux, S DE DURE le 


Ces trois njèses faisaient partie de la eolection de-gravures dé- 
laissées par Fan Hulthem. Catalague impr. à Gand (1806) in-8°, 
page 349, sous le n° 4 894. ne - A 


: Jean-François Léonart ne resta pas à Bruxelles. [1 voyagea en 
Italie et en Allemagne, et Bnit par se fixer à Nuremberg, ville où 
l’art qu’il exerçait était tenu en grande considération, etil mourut 
en‘4687 âgé seulement de 54 ans, après y avoir beaucoup tra- 
vaillé. On lui doit une suite de petits portraits exécutés à l'eau- 
forte, de format in-S°, représentant les hommes recommandakles 
de la ville de Nuremberg. Ils sont en buste,. enfermé dans des 
encadrements octogones; avec Jeurs armoiries au bas. Ou remar 
que dans cette suite Æartholomé Schwab, fameus négaciant 
Nurembergeois, mort en 1598, gravé en 1669 ; et Chrisfophe 
Loffetholz de Colberg, membre du sénat de Nuremberg, né en 
1372 et mort en 14619. Il fut gravé par Léonart en 4670. Ces 
portraits sont faits d’une manière porticulière à l'artiste Dunker- 
quois: les figures rendues.par un poirtillé très délicat, et le reste 
au trait et en bachures. | | a 
Strutt, qui, par une -apprédiation assez sévère des œuvres de 
J.F. Léonart, ne fait pas un grand éloge de ses produits, ditque 
l’on peut trouver de ses portrai(s dans l'Histoire de l'Empereur 
Léopold, publiée à Vienna ou Venise en 1674. Le même auteur 


— 136 — 


mentionne aussi un autre //enry Léonard, qui aurait travaillé 
pour le même ouvrage, et y’ aurait gravé: des. portraits signés de 
son hom en entier pour n'être -pas confondu avec Jean François 
Léonart. Il résida à er dit-il, et y'grava pour les libraires de 
pète ville, : ‘ : 5 


Jean François Léonart signait ses estampes de son nom en tou- 
tes lettres, ou bien’'des initiales J. F. L. soit en caractères ro- 
mains, soit en caractères cursifs J. F. L. 11 y ajoutait ordinaire- 
ment l’année et quelquefois le lieu où iltravaillait. Ses pièces ne 
sont pas communes en France; peut-être même n’en existe-t-il 
pas une seule à Dunkerque. | . AD. 


Jean Sébrat, de Bruxelles. 


. On peut dire que la ville de Bruxelles n’est restée étrangère à 
aucun genre d'illustration. Le dessin, la peinture, la sculpture, 

l'architecture, la gravure, la musique et la poésie ont compté 
d’éminents adeptes parmi les bruxellois. , Tous les arts ont été 
honorablement cultivés et exercés dans la capitale de la Belgique 

L'horlogerie compte égälement une célébrité qui a pris naissance 
et extension à Brpxelles. Nous toutons parler de Jean Hébrat, 

qui vivait sous le règne de l'archiduc Albert et de l’infante Isabelle, 

et qui exécutait des montres d’une recherche’et d'un luxe dignes 
des Rois. La fameuse vente des objets d'art qui composaient Ja 
collection de M. Debruge-Duménil , à Paris , faite en janvier, 
février et mars 1850, a révélé l'existence d’un précieux bijou 
sorti des mains de ce maître et signé de son nom. l'est annoté 
sous le n°” 1472 du catalogüe Debruge-Dumenäl. C'est une 
MONTRÉ de forme ronde, en or, décorée de sujets en.émaux de 


couleur, et d’émaux imitant les turquoises. Sur le dessus du re- . 


couvrement, on voit la Vierge et l'enfant Jésus, d'après un ta- 
bleau de Simon F'ouet ; sur le fond, une Sainte Famille; sur 
le pourtour, quatre sujets de l'Evangile , renfermés dans des mé- 
daillons. A l'intérieur, au revers du recouvrement, l'émail re- 
présente l'Annonciation; sur le cadran, la F isitation ; au fond 
de la botte, le Repos de la Sainte Famille en Egypte. La 
signature J £AN HEBrAT, BRUXELLES, soit comme émailleur, soit 
comme horloger, peut-être comme appartenant à un artiste qui 
réunissait les deux qualités, se lit sur ce curieux produit de Vart 
du XVIL° siècle. | 


Les dessins pieux qui décorent cette montre peuvent faire sup- 
poser qu'elle a été fabriquée pour lInfante Isabelle, que son 


PP eq nn qq, mr nt tr 


mé us 


ardente dévotion conduisait # n'avoir sous les yeux que des su 
religieux et à les mêler à taus les détails de la vie. Si çet 0 

de haute curiosité n’a pas appartenu à l'nfänté, : ‘il est ai 
dans le goût de l'époque et du pays, qu'il a dû appartenir à quel- 
que grand personnage de la cour qui, par une flatterie courtisa- 
nesque, étalait, à chaque heure du jour, sa sainte montre, comme 
un amoureux fanatique arbore les couleurs d'une maitresse : les 
courtisans sont aussi ingénieux que les amans. 


On conçoit tout ce que doit avoir de précieux un bijou de cette 
importänée exécuté dans nos provinces belgiques. Jean Hébrat, 
de Bruxelles; pouvait donc Intter, pour la confection des montres 
riches et travaillées, aveë Daniel Van Pilcam; d'Aisterdain, 
Mattheus Hallaycher, d'Augsbourg, qui vivaient dans le même 
siècle ; et peut-être a-t-il dépassé James Fantrossi, l'allemand 
Conrad Kreixer et Jan Jacobs, d’Harlein, qui l'avaient précédé 
de pres d'un demi-siècle. 


pa 


urnes be e billes 


Au ie il était assez . de donner is surnots 
aux hommes et aux lieux quelque peu mémorables ; c'était un 
genre.de mnémotechnie à l’usage des peupl:s pour leur rap- 
peler certains faits remarquables, une qualité spéciale, ou un 
événement digne de souvenir. A l’épaque où il n’y avait ni 
journaux, ni livres, il fallait bien classer dans le souvenir ce 
qui méritait d'y rester ; par un moyen iugénieux et pratique. 


Presque toutes les villes de nos contrées. avaient un surnom : 
il était ardinairement caractéristique, et il peignait chaque cité 
d’un seul trait. Valenciennes s'appelait la franque-ville ; ce sur- 
nom est tonte l'histoire de l'origine de la cité, où les franchises 
accordées à ses premiers habitants, y-attirérent de suite uné foule 
de colons qui prospérèrent et s’enrichirent. Le gentil chroni- 
queur sire Jehan Froissart se disait niatif de La bonne et franke- 
ville de Valenciennes (1). Le héraut d'armes de cette cité, qu’il 
s’appellât Morel ou autrement, prenait le surnom de Franqueville 
- où Franquevie. Après un an et un jour d'habitation à Valen- 


, - l 
= J * x …— 


(i) D'Oultreman Hist. de Valentiennes, p. 333. 


PE 
L 4 


135 — 


ciéunes, tout serf ou esclave étaif déclaréitbre. Ainsi se motivé 
la vieille épithète attachée à satte ville. 7 | ARS 


_ € { CN 


“Dans les provinces des Pays-Bas on disait: . ‘ 
À } » . : CE ; . r à + | 
. ‘Malines la belle ;:_ | 
&" * Anvérs la riche,"  " .  -. 
L Bruxelles la-noble , A+ 


Louvain la sage, 
Gand la grände, 
Bruges l’ancienne. 


#* 


A la suite de tous ;ces surnoms, un spiritéél voysgeur, M. 
Guillot de Märcilly, digait : « et moi j'ajonte : et tout ce pays là, 
le Pérou des moines » Il devient inatile. sans donte d’exphquer 
les motifs de ces qualifications. Malineb, à laquelle Guüicctäräin 
applique l’épithète de nitidissima, était rénommée pour sa splen- 
déur et saproprété, Anvers pour son commerce étendu, Bruxelles 
comme chef-lieu de Cour, Louvain à cause de: on université 
célèbre, Gand,pour ses larges dimensions qui faisaient dire à 
Charles-Quint qu'il mettrait Paris dans son Gand, et enfin Bruges 


pour son otigine et‘sa magnificence antiques. , 


+ F4 RL ; 

Les vil'es de la province de Picardie éurent aussi des surnoms 
qui les qualifiaient -d’une manière assez pertinente. Levasseur 
(Annales de Noyon, t. 2, bp. 475) rappelle qu'un Goÿen dé 
Noyon disait eñ 4658: OO oi 
.. Noyonlasainté, .. 

! St.-Quentin Ia grande, NT 

: Péronne la dévote, {et.aussi la pucelle) 


+ 


 Chouriy la bien-aimée, (alis la bien nommée) 
RE VU Pres 


Ham là Bien platée, | 
Bohain la frontière , US 
.. Nesle la noble, ne À 
,  Athie la désolée, | | 
Le surnom de Noyon lui vient de l'antiquité de sou siége épis- 
copal et de la gloire que S1.-Eloi a jetée sur son église. Célui de 
St.-Quentin lui est venu, ou de son étendue, ou bien du gran- 


_ diose de sa collégiale ; on prétend que Péronne mérita long-temps 


le titre de Pucelle pour n'avoir point été prise ; est-ce. que. 
Chauny serait.la bien-aimée parceque cetté petite ville aurait eur le 
titre de chèteau-royal ? Quant à Ham, son nom lui vient.de sa 
situation au bord de la Somme, en un lieu qui domine tout le 
marais qui l'environne. Bohain fut effectivement : à l'extrème 
frontière jusqu’au moment où Louis XIV recula de ce côté les 
limites de la France ; Nesle étant jadis le premier et le plus beau 
marquisat de France par le nombre prédigieux des fiefs qui en 


A 


mit, “on |: 


- 2 à mm 


EEE Ne age mm = 


Se ; | l ae ( | # n 
relevaient, put à juste titre recevoir te.sutnom de noble, lorsqu'il 
appartenait à la maison de Mailly ; et pour Athie, sa faiblesse et 
sa situation sur une frontière trop souvent attaquée et dévastée, 
n'ont dû hi apporter que des, larmes et la désolation. 


Ces surnoms pittoresques furent aussi quelquefois appliqués 
aux habitants de ces mêmes villés; c'est ainsi qu'on disait : 


Les friands de Noyon, , 
_Les yvrognes de Péronne, 
Les beyeurs où curieux de St.-Quentin ; 
‘Les corbeaux de La Fère, 
Les larrons de Vermand, 
Les singes de Chauny, 
Les dormeurs de Compiègne , 
- Les besaciers de Senlis, . -  “- - - 
Et les chiens de Meulan. . ..  , 
lei Fimpertinence se montre un pet trop ouvertement, : et l’on 
doit ePoire qu’une rivalité de voisinage ou une satÿrique disposi- 
tion d’esprif « présidé au ehoix des épithètes données fort gra- 
tuitemerit à une partie descitadins de la Picardie. (On doit toutefois 
priver de toute mauvaise intention celui qui le premier appela 
singes les bons habitants de Chauny ; ve surnom leur venait uni- 
quement d’une fort laide figure d'Orang -Outang peinte sur 
l’étendart des arquebusiers de cette ville. *. A. D. 


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°° 4 


BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 


236. — Variétés bibliographiques et littéraires, par Auguslé 
de .Reume, capitaine d'artillerie, membre. de l'Académie 
d’Archéatogie de Belgique: de la Société des Antiquaires de la 
Morinie, de la Société de littérature et beaux-arts de Gand, etc., 
etc. (Avec cette épigraphe) : « Livres nouveatülx, livres vieilz et 
antiques. » ETIENNE DoLeT. Bruxelles, imp. de la Soc. des 
Béaux-Arts. 4. Dewasme, 1848, gr. in-8° de 204 pages, ûé. 
en bois gravées par E. Keym ue M. ide Reunre. 


Ce livre fera palpitér le cœur de tout bon bibliophile ; en n effoi , Sept 
à huit cents titres de livres curieux; l'histoire , les devises et les em- 
blèmes gravés de quatre-vingts imprimeurs ; une exécution typogra- 
. phique luxueuse et soignée ; voilà bien des motifs pour A 2 toute la 
sollicitude des vrais amis des livres vieils et antiques, suiVant la fin de 
l’'épigraphe de l’imprimeur Etienne Dolet, dont il ne faudra rabattre que 
le premier membre, car pour de la nouveauté littéraire, iln’yen a guères 
dans cet ouvrage, et c'est, à vrai dire, ce qui en faitle chârme. L'idée de 
réunir les -mblèmes et devises des premiers et des plus illustres pères 
de la science de l'imprimerie dans nos contrées, ést une idée heureuse ; 
on’ voit par là les goûts, les tendances, l'esprit, le mobile, la pensée 
fixe de chacun de ces typographes. C'étaient alors des hommes par- 
faitement éclairés, qui honoraient leur état, et des rangs desquels on 
vit surgir des illustrations européennes : est-il besain de citer d’autres 
noms que ceux des Bade, des Commalin, des Plantins et des Elzeviers ? 
M. de Reume, qui a placé le chiffre 1 sur son fauxk-titre, parait avoir 
l'intention de donner une suite à cette première partie ; qu'il continue 
cette louable entreprise , elle mérite d’être secondée par tous les ama- 
teurs de bibliographie et d'histoire littéraire. Pour nous, tout en 
l'encourageant du geste et de la voix âutant: que notre éloignement peut 
nous le rendre possible, nous ñous permettrons de formuler un vœu : 
celui de voir un ordre quelconque, soit chronolegique, soit géographi- 
que, soit alphabétique, régner dans l’arrangement des matières. Nous 
voudrions aussi que l’auteur entrât quelquefois dans certains détails 


— 14i — 


complémentaires que le lecteur attend. Ainsi, par exemple, p. 11, 
il dit que le graveur ordinaire de l'imprimeur Mathias Hovius, signait : 
L. C.L.; pourquoi ne pas expliquer de suite ces initiales par les mots 
incidit Christophus Jeghers, qui dénotent que ce graveur allemand, 
établi à Anvers, a travaillé pour les imprimeurs du milieu du XVIIe 
siècle ? Pourquoi ne pas dire également, p.141, que la fleur adoptée 
par Salenson, de Gand, est le seneçon, par rapprochement avec son 
nom et pour faire des espèces d'armes parlantes , au-dessous des mots : 
. in principio erat vEnBuM (et non sermo comme on l’a imprimé par erreur)? 
On aurait pu aussi contester que la devise Sub ambré alarum tuarum 
protege nos, donnée, page 139, à Martin Van Bossuyt, appartint à cet 
imprimeur; Rutger Velpius s'en servait à Bruxelles, en 1590, lorsqu'il 
imprimait les ordonnances royales à l'enseigne de l’Aigle d'Or; il la 
conserva, étant associé, comme imprimeur de la Cour, avec Hubert 
Anthoine, et les descendants de ce dernier, qui ajoutèrent à leur nom 
celui de Velpius, la conservèrent ainsi que l'emblème de l'aigle 
éployée avec le crucifix. M. de Reume ne donne (p. 99) qu’une seule 
marque de Michel Hilenius, d'Hoochstraat, à l'enseigne de la Rave, 
nous lui en connaissons au moins trois: Il prit d'abord l'aigle double 
impériale, portant un écu sur la poitrine : onen voit dès1519,; on trouve 
sur une comédie latine de l'Enfant prodigue, imprimée en 1550, la 
figure du Temps, mais bien différerte de celle dont il se sert en 1539 ; 
son premier Temps a la figuré jeune ; il tient une faucäle d'une main et 
une couronne de l’autre; il marche sur des nuages. L’émbléme dés 
Mommart (Jean), de Bruxelles, qui furent plusieurs peut-être, puisque 
- ce nom se trouva pendant soixante ans sur les livres, n'est pas suffñ- 
samment expliqué et la devise manqué : c'est uñ faucon encapuchonné 
avec ces mots: Post tenebras spero lucèm. Enfin, uous aurions désiré 
voir (page 181) la devise de Jean Olivier, de Louvain, accolée à celle 
de Corneille Coenesteyn, de même que les noms de ces deux impri- 
meurs se trouvent réunis en 1635 en tête des Fasti academici. Olivier 
par une sorte d’allusioh à son nom, avait pour emblême un cœur d’où 
sortait un olivier avec ces mots : Pax et amor ; cette âme était accostée 
de deux figures, l'une portant un cœur, l'autre une brauche d'olivier, 
et autour on lisait : Paæ Christi éœultet in cordibus vestris. M. de Reume 
comblera ces petifes lacunes dans sa seconde partie, où probeblement 
il insérera lestrois ou quatre emblêmes différents dontse servait le fa- 
meux Josse Lambert, graveur et imprimeur à Gand, et où nous verrons 
figurer celui de Jean de Meerbaeck, de Bruxelles: le globe reposant 
sur un livre et un glaive, uvec: His nititur orbis; celüi de Philippe 
: Dormael, de Louvaiu : un Pégase à fond de train, et ces mots * quo 
- fama vocat, 1624 ; l'emblèmo d'Etienne Wauters et de Jean Bathen, 
de Louvain, un Ÿ autour duquel jouent des enfants, avec la devise : 
Humanæ vilæ speciem præferre videtur ; et une foule d'autres marques, 
simples ou piquantes, fines ou ordinaires, spirituelles ou philosophi- 
ques. M. de Reume fera un recueil amusant et instructif, et fort re- 


cherché en ce siècle d'images. À. D. 


257. — Les Domiworters de Dantan Jeune. — Paris, rué 
St.-Lazare cité d'Orléans — janvier 1848. — Des presses 


11 


- 142 — 


de P. Levéque, Place au Bois, à Cambrai (Nord). Grand 
io-4° composé de 54 figures et texte non chiffré, plus une épttre 
de 41 pages signée Louis Jousserandot et datée de Paris, 45 
février 1848, impr. à Paris, E. B. Delanchy. 


. Ce charmant album représentent l'élite de la classe la plus inoffen- 
sive de ce bas-monde , celle des joueurs de dominos, n’est pas dans le 
commerce. Tiré à 70 exemplaires seulement [le nombre exact des 
membres de la. société des Dominotiers dont les traits sont reproduits 
avec malice par l'artiste et le caractère décrit avec finesse par lepoéte)] 2 
cet ouvrage a été délivré à chacun des interessés, et il n’en reste pour 
aucun profane. 54 planches dont plusieurs portent deux têtes, offrent 
les portraits des joueurs légèrement chargés par le spirituel Dantan. 
Des vers, la plupart par Henry Berthoud (de Cambrai), dépeignent à 
larges traits les mœurs et l'esprit du sujet représenté. .Ce sont des 
énigmes assez faciles à déviner du reste, et pour les conceptions lentes 
et paresseuses les noms sont écrits en caractères lilliputiens dans un 
des coins de la page. 


Le frontispice représente les deux auteurs de ce livre rare / Dantan 
jeune et H. S. Berthoud) en double médaillon, lithographié avec art 
par Fabritsius, d'après un joli dessin d'Ed. Renaud. Le Dieu ou le 
génie du domino est au haut de l'estampe, des gueules de chimères 
laissent échapper pèle-mêle des dominos : d'un côté on lit : Folie, Sa- 
gesse, Raison ; de l’autre : Joie, Bonheur, Le titre de cette pièce est: 
à nos amis les auteurs. C’est une galanterie faite à MM. Berthoud et 
Dantan : ici les tètes ne sont pas chargées, c’est la seule page sérieuse 
du livre. 


Toutes les célébrités sont bonnes à connaitre : on ne sera peut-être 
pas fâché de savoir les grands noms de France qui se distinguent dans 
l’art du double-six. Les dominos ont leurs maréchaux, comme la litté- 
rature, comme l’armée. Nous avons remarqué parmi ceux inscrits dans 
ces annales si luxueusement illustrées . les noms de MM, Alphonse 
Karr, Jacques. Mathieu, banquier ; Louis Huart ; le docteur Lalle- 
mand ; Levaillant, commandant de Philippeville ; le marquis de Turgot 
pair de France ; Ed. Renaud, architecte de S.-Cioud, auteur du fron- 
tispice ; Proyez, référendaire aux sceaux ; Delegorgue, de Douai, 
voyageur intrépide ; Æd. de Larac; de St.-Laurent, secrétaire du con- 
servatoire ; Pilvois, financier ; trois Desrousseaux [des Ardennes] ; 
Dupetit, adj. major au 34e de ligne, à Valenciennes; À. S. Berthoud , 
Dantan jeune; Levéque, imprimeur à Cambrai, etc, Jules Janin brille 
par son absence. 


Ce monument, quidoit faire passer à la postérité la renommée des 
grands dominotiers de France, s'élevait au moment où la royauté 
s’écroulait. L’épitre est datée du 15 février 1848, huit jours plus tard 
une monarchie de quatorze siècles n'existait plus! La société modeste 
et calme des dominos n’en poursuit pas moins le cours de ses succès ; 
elle dure encore, elle durera même toujours ; ses membres se succè- 
dent sans fin: uno avulso non deficit alter ; et, même au milieu de nos 


— 143 — 


misères civues, il y aura toujours quelqu'un qui comme l’homnie 
ferme d’'Horace, poursuivant son but avec tenacité, posera son doubie* 
six sur les débris de l’uaivers. 

À. D». 


258. — GLOSSAIRE TOPOGRAPHIQUE de l’ancien Cambrésis, suivi 
d’un recueil de chartes et diplômes pour servir à la topographie 
et à l'histoire de cette province, avec annotations et remarques, 
par M. Le Glay, correspondant de l’Institut (Académie des 
Inscriptions et Belles Lettres, des Académies royales de Belgi- 
que, de Turin, de la Société d’Emulation de Cambrai, etc. — 
(Avec cette épigraphe) : ÆAnfiquam exquirite matrem.  Virg: 
Æu. III, 96. — Cambrai, Fénélon Deligne et Ed. Leane, 
impr. de l’Archevêéché. 1849, in-8° de xxij, LxIx et 214 pp. 
plus une carte de la province et un plan de l’archidiaconé du | 
Cambrésis. 


Ne nous étonnons pas que cet ouvrage ait contribué, pour une part, 
à faire obtenir à son auteur une mention très honorable de l'Académie 
des Inscriptions et Belles-Lettres : c’est un livre qui doit aller aux vrais 
érudits, aux archéologues, aux antiquaires, et à toute cette milice 
savante dans les choses de vieille date, parmi laquelle l’Académie des 
Inscriptions se recrute et se viviñie. Qu'un Dictionnaire de géographie 
ancienne de toute la France, dressé sur le modèle du glossaire topo- 
graphique du docteur Le Glay, serait un chose précieuse et utile! 
Combien il économiserait de temps et de recherches! Quel fanal il 
serait pour le voyageur qui cherche aveuglement sa route dans les 
ténèbres du moyen-âge ! Dutemps des Bénédictins on aurait pu ob- 
tenir uv tel travail; aujourd’hui que l'on ñe compte plus que de très 
rares descendants de ces investigateurs patients et érudits, il n’y auré 
plus qu’uu petit nombre d'arrondissements qui seront explorés à fond 
par eux. Celui de Cambrai a eu le bonheur de trouver son Dom Bou- 
quet, et voici un livre qui jetters un grand jour sur toute la contrée. 


En effet, uous y voyons non-seulement un glossaire qui explique 
toutes les vieilles dénominations de lieux, de fiefs, hâmeaux, châteaux, 
manses, fermes et ruisseaux de l’ancien Cambrésis, ce qui permet de 
lire les vieilles chartes, chroniques et légendes avec fruit et lumière, 
mais nous y trouvons encore une série de 76 chartes de l'an 911 à 
4240, la plupart en latin, quelques-unes en langue romane, toutes bien 
collationnées et présentées avec ordre et méthode. Parmi elles, nous 
y distinguons la Loi d'Esne donnée en 1193, par Arnoul de Landast ; la 
Confirmation de la commune de Cambrai en 1215; la Loi de Niergny, 
donnée en 1259 par Rainier ; celle d'Haucourt, par Renaut, seigneur 
du lieu et Ade sa femme en 1250 : ces deux dernières en roman. Suit 
un inventaire des principaux diplômes cambrésiens publiés et des re- 
marques, comme M. Le Glay sait les faire, sur les chartes précédentes. 


— 144 — 


Ce sont des mélanges de faits diplomatiques curieux, nous y appré- 
nons que la célèbre terre d'Oisy, située à dix kilom. environ de Cam- 
brai, peut se glorifier d’être une des souches de la maison royale des 
Bourbons, par une filiation qui commence à Hugues Ier et finit à An- 
toine de Bourbon, père d'Henri IV ; nous sommes heureux aussi de voir 
dans ces annotations le cas que l’auteur fait des mémoires publiés à 
l'occasion du différeud survenu entre l’archevèque de Cambrai, M. de 
Choiseul, et les prévôts et échevins' cambrésiens, mémoires pleins 
d'interêt et renfermant des pièces historiques dignes de remarque. Pour 
finir d'un seul mot cetté trop courte analyse, nous dirons que ce nou- 
veau travail de l’archiviste de Lille est en tout digne des précédents 
ouvrages de ce savant. A. D. 


259. — HISTOIRE DU PARLEMENT DE FLANDRES, par M. G.-M.- 
1. Pillot, conseiller à la cour d'appel de Douai. Douai, Adam 
d'Aubers, imprimeur-éditeur, 1849-50, 2 vol gr. in-8. de 
557 et 504 pages. 


M. Michel, fils d'un ancien procureur-général de la cour de Douai, 
nous avait déjà donné , 1l y a quelques années , une bonne histoire du 
parlement de Metz, où il siége comme conseiller ; aujourd'hui, M. G.- 
M.-L. Pillot, conseiller à la cour d'appel de Douai, fils d’un juge du 
tribunal d'Avesnes connu dans le monde littéraire par plusieurs traduc- 
tions d'auteurs classiques, vient lui-même de composer une histoire 
raisonnée ct détaillée du parlement de Flandres, noble souche du corps 
respectable dont l’auteur fait aujourd'hui partie. (Cet ouvrage, d'un 
grand intérêt pour les recherches locales, embrasse toute Fhistoire 
judiciaire de nos contrées depuis les conquêtes de Louis XIV jusqu'à la 
première Révolution française: (Chacune des localités des anciennes 
provinces du Hainaut, du Gambrésis et d'une bonne partie de la Flan- 
dre y pourra puiser d’utiles et intéressants renseignements sur ses anti- 
ques institutions, les formes de la justice, le ressort des anciens tribu- 
naux, sur tout l’ordre judiciaire enfin de ces riches provinces. Les 
siégos particuliers d Agimont, Avesnes, Bailleul, Bouchain, Cambrai, 
Cassel, Condé, Douai, Landrecies, Lille, Mariembourg, Maubeuge, 
Merville, Philippeville, Le Quesnoy et Valenciennes ÿ sont passés en 
revue. Les tournaisiens y parcourront l'histoire du conseil souve- 
rain et supérieur de leur ville, les cambrésiens iront la translation du 
parlement en leur noble cité; les y rechercheront des 
renscignements sur leur vieux conseil provincial et leur prévôté-le- 
comte ; d'autres localités y trouveront l'explication de leur présidial, de 
Year bailliage, toutes juridictions éteintes aujourd'hui, mais dont ilest 
bôn et utile de connaître les rouages si l’on veut comprendre les dé- 
” tails de l'histoire, Le travail de M. Pilot est sérieux et grave ; il est 
. Couscicncieusement fait : l’auteur a puisé à des sources sûres et pures. 
Ha fouillé aux riches archives de sa compagnie, dont les originaux des 
lettres-patentes des souverains ont été récemment retrouvés dans une 
visite de MM. Gachard, archiviste général de la Belgique, et Tailliar. 


— 145 — 


Sans dédaigner les travaux des Pinault-Desjaunaux, des Jacques Pollet, 
des Dubois d'Hermaville, ceux des Vernimmem, entrepris par ordre 
du chancelier de France, ni ceux des Six et des Plouvain, que les trou- 
bles de la Révolution ne permirent pas de finir, ila mis dans son ouvrage 
plus de critique et d'analyse que ses devanciers. Il est à désirer qu'il 
donne une suite à cet ouvrage. L'histoire du parlement de Flandres 
appelle celle de la cour impériale, royale et d'appel de Douai. C’est 
un supplément que nous attendons. L'ouvrage de M. Pillot a encore 
un autre mérite que celui de l'intérét historique qui s'y rattache : il a été 
publié à cette funeste époque où la typographie chômait comme toutes 
les industries, et il a servi à alimenter pendant quelque temps Îles 
presses inactives de Douai. C'est donc à la fois un: œuvre utile et 
une bonne œuvre. A. D. 


260. — ExTraiTs des Registres des Consaux de Tournay, 1472- 
41490, 4559-1573, 4580-1581 ; suivis de la liste des prévôts 
et des mayeurs de cette ville, depuis 4667 jusqu’en 1794; par 
M. Gachard, archiviste-général du royaume. PBrurelles, 
Hayez, 1846, in-8°, 447 pp. — Commission royale pour la 
publication des anciennes lois et ordonnances de la Belgique. 
(Séance du 8 nov. 149348). — Documents relatifs au grand 
Bailliage de Hainaut. Communiqués par M. Gachard. Bruxel- 
les, impr. de Deltombe. 1849, in-8°. 11 et 84 pp. 


Nulla dies sine line4 sit, telle est la devise que pourrait prendre 
M. Gachard, dont un rapport est toujours suivi d’un autre ; qui explore 
presqu’à la fois les archives de Simancas en Espagne, celles de l'hôtel 
Soubise à Paris, les dépôts de la Chambre des Comptes à Lille, du Par- 
lement de Flandres à Douai, et qui trouve encore le moyen de dépouil- 
ler les layettes do l'hôtel-de-ville de Mons et les registres des consaux 
de Tournai. Cette heureuse et merveilleuse activité nous procure 
d'excellents et intéressants documents qui enrichissent les Bulletins de 
l'Académie de Bruxelles, ceux de la commission d'histoire de Belgique 
et de la commission royale pour la publication des anciennes lois et 
ordonnances du royaume Les brochures que nous signalons aujour- 
d’'hui à l'attention de nos lecteurs, prises au hasard dans une foule 
d’autres du même auteur, ont néanmoins chacune un degré d’impor- 
tance relative : la première servira aux historiens de Tournai qui vou- 
dront entrer dans le fond des choses et leur enscignera uno source in- 
épuisable de faits de la localité ; la seconde intéresse au plus haut puint 
la province do Hainaut; elle décrit les prérogatives de la plus haute 
charge de cette contrée qui avait la prétention de ne relever que de 
Dieu et du solcil, et elle donne de curieux renseignements sur les 
familles puissantes de Ligne et d’Arenberg, qui, les dernières, occu- 
pèrent ces fameuses fonctions de grand Bailli du Hainaut, qui furent 
unc quasi vice-royauté. Ces documents ont de plus le mérite d’être 
éclairés ‘par des annotations et des préliminaires que M. Gachard sait 
rendre clairs et intéressants. A.b, 


L 


— 146 — 


264. — MEMoires de la société des sciences, de l’agriculture et 
des arts de Lille. Année 4847. 1"° et 2° parties. Lille, L. 
Danel, 1347-48. 2 vol. in-8° de 263 p. et 379 p. et xziv 
figures. — dem, année 1848. Lille, L. Danel, 14849, in-8° 
de 497 pages. 


Les Mémoires de la société de Lille sont toujours aussi graves que 
par le passé. La science y domine. L'histoire, la littérature et la poé- 
sie y tiennent peu de place. Cependant, dans les mémoires des deux 
années 1847 et 4848 nous avons remarqué 40 un Coup d'œil sur la 
marche de la physique depuis son origine jusqu'à nos jours, par M. 
Lamy, professeur agrégé de Physique au collége de Lille, travail in- 
téressant, tout autant historique que scientifique , surtout dans ses pre- 
mières parties, 20 Etudes Biographiques sur Mercurio Arborio di 
Gattinara, chef du conseil privé des Pays-Bas, premier président du 
Parlement de Bourgogne, chancelier de l'Empereur Charles-Quint et 
Cardinal, par M. Le Glay, archiviste général du département du 
Nord. Ce personnage oublié, malgré ses services et son illustration, 
est une des gloires du Piémont, que le docteur Le Glay a rendue à 
la vie avec son talent ordinaire , après une léthargie de plusieurs siè— 
cles. 3° Histoire de ma bibhothèque etc., par M. V. Delerue, tables et 
comptes-rendus des travaux de la société, en 1846, 1847 et 1848 par 
le même. 4° Poésies trad. de l'Espagnol et de l'Anglais par M. Moulas. 
5° Un rapport fait par M. ©. Legrand dont les productions sont trop 
rares dans ces mémoires ; et 60 Un rapport de M. F. Chon sur l’his- 
toire de France de M. Ozsanneaux, qui tout étant Inspecteur de 
l’Université, a voulu faire lui-même l'éducation de ses enfans et a 
écrit pour eux cette histoire. Le travail de M. Chon fait le plus grand 
honneur au rapporteur et au rapporté. — Les ouvrages sur l’agriculture 
et l’histoire naturelle forment la majeure partie des autres matières de 
ces volumes et sont très recommendables dans leur spécialité. 

, â. D. 


G,— Aux DAMES. — LA CORBEILLE, Flore des salons, Par 
Josse B.J. Cels (Junior), artiste peintre. Avec gravures 
exécutées d’après les dessins de l’auteur. T. 4°" mois d’eté. — 
« Sachons semer de fleurs le chemin de la vie! » — Zæxelles- 
lez- Bruselles, Delevigne et Callewaert, 4860, in-12% de xrr — 
168 pp. figures coloriées. — QUELQUES PAGES de critique à- 
propos des recherches biographiques de M. A. Van Hasselt sur 
les Vander Weyden (par le méme). Gand, P. Van Hifle, 1849, 
gr. in-8° de 32 pp. — ExPosiTION triennale des Beaux- 
Arts d'Anvers. 14849. Revue du salon , par Josse B.J. Cels, 
junior. Gand, P. Van Hifle (1849), gr. in-8° de 66 pp. 


— 147 — 


Le premier de ces trois ouvrages composés par un artiste belge, 
qui manie avec une égale facilité la plume et le pinceau, forme un 
livre très élégant et luxueusement exécuté, dans lequel l'auteur a ren- 
fermé un véritable traité spécial de la culture des fleurs de caisse- 
jardinière ou de serre-boudoir. Le peintre-écrivain y donne d'excel- 
lents et utiles enseignements sous la forme la plus gracieuse et la plus 
galante : il est vrai qu'il parle aux dames. L'auteur parait s'être ins- 
piré de Demoustier et d’Aimé Martin, sans cesser d’être original; et 
il a prouvé que désormais la France n'avait plus le privilège exclusif 
des œuvres légères et courtoises. Lelivre est consacré à la mémoire 
d’un horticulteur célèbre, parent de l'auteur M. Jacques-Martin Cels- 
Berger-d'Aubiyny, décédé membre de l'Institut à Paris, en 1806. — 
Les deux autres opuscules de M. Josse B. J. Cels que nous annonçons 
dénotent chez lui des connaissances historiques et théoriques des 
Beaux-Arts dont sont trop souvent privés ceux qui les pratiquent. Le: 
goût et l’instinct artistiques sont deux beaux cadeaux de dame Natura, 
mais l'expérience , fruit de l'étude, des comparaisons et du travail , est 
le complement nécessaire sans lequel il n'y a point de véritable 
arliste. A. D. 


263. — ŒUVRES Cuoistes de Jean-Baptiste. Dominique Fautier, 
précédées d’une Notice, par M. de Reiffenberg. Bruxelles, 
impr. de Parent, 1847. in-12 de zvur, 340 pp. et 2 figures 
(portr. et tombeau) — Cet ouvrage ne se vend pas. 


Vautier né à Dieuze (Meurthe), le 14 avril 1992, mourut à Ixelles 
près Bruxelles, le 23 février 1846. Elève boursier du Lycée de Bru- 
xelles au commencement de l'Empire, il en devint ensuite l’un des 
plus zélés et des plus distingués professeurs. 1l monta lentement aux 
grades supérieurs de l'instruction publique et parvint toutefois au faite 
des honneurs de ce département, car il mourut Inspecteur-général des 
Athénées et des colléges du royaume de Belgique. Homme de goùt et 
de savoir, pur classique, Vautier, nourri du cours de littérature de 
La Harpe et des œuvres de Voltaire, s'essaya dans la critique littéraire 
et devint un analyste fin, sûr, et quelquefois mordant. Il s'exerça 
aussi à composer des poésies légères et réussit souvent, soit à imiter 
gracieusement ses auteurs chéris, soit à tourner habilement des cou- 
plets patriotiques et chaleureux. À sa mort, arrivée prématurement 
(il n'avait que 55 ans). ses anciens élèves , ses collégues et ses amis, 
voulurent lui ériger un monument pour perpétuer sa mémoire. M. le 
Baron de Reiffenberg, l’un d'eux, prit le soin de la publication de ses 
œuvres choisies qu'il fit précéder d'une notice pleine d'intérêt et de 
charme. Ces monuments littéraires, multipliés par la presse et répan- 
dus dans les bibliothèques publiques et les collections particulières, 
seront plus durables encore que le cippe de marbre que l'architecte 
De Man a érigé dans le cimetière d’Ixelles. Ils font surtout mieux 
connaitre le laborieux professeur qui usa trente-six années de sa trdp 
courte existence à faire passer dans de jeunes têtes les premiers élé- 
ments de l'art de parler et de l'art de penser. À D. 


… 148 - 


264. — GuinEe de la ville de Lille, par Aenri Bruneel. Litte, 
librairie ancienne et moderne de Fanackère, Grande Place, 7. 
1830. in-18 de x1t et 275 pages, orné d’un plan de Lille et de 
figures (4) sur bois de Simon Morice. 


M. Henri Bruneeh, qui, à beaucoup d'esprit joint des connaissances 
variées, vient de créer un genre véritablement nouveau, celui de faire 
un Guide de la ville qu’il habite sur un plan neuf, exécuté d’une façon 
brillante et attrayante. Ce volume, plus important qu'il ne paraît 
apprendra bien des choses, non-seulement au voyageur étranger qui 
visitera le riche chef-lieu du département du Nord, mais même à l'im- 
mense majorité des lillois qui ne se doutent guères des curiosités scien- 
tifiques et artistiques renfermées dans la triple ceinture des fortifica- 
tions de leur cité guerrière. Qnand le positivisme de l'époaue leur 
accordera quelques courts loisirs, dans un jour de congé du commerce , 
et de l'industrie, au lieu de s’enfumer dans un estaminet bourgeois ou 
une guinguette de faubourg, qu’ils se laissent conduire par le Guide de la 
ville de Lille, et ile verront des choses curieuses, instructives, atta- 
chanies qui font honneur au goût d'un certain nombre de leurs conci- 
toyens d'élite dont M. Heuri Bruncel révèle les nobles et intelligentes 
inclinations et dont il énumère les collections et leg richesse. Les 
musées de la ville de Lie, les archives départementales, les monu- 
ments militaires, hospitaliers et religieux, les établissements scieutifi- 
ques et industriels, tout est décrit avec soin, clairement, facilement et 
spiritucflement ; et nous en concluons volontiers qu'il existe à Lille une 
curiosité de plus à voir que celle dont parle le Guide, c’est l’auteur du 
Guide lui-mème. A. D. 


266. — RELATION commémorative du blocus de Maubeuge et de. 
la bataille de Wattignies, (par Pierart, directeur de l'école 
primaire supérieure de Maubeuge) Avesnes, C. Viroux, 
1844. iu-12, de 6 f°5. et 52 pages. 


Ce petit travail patriotique, écrit avec beaucoup de chaleur, est dè- 
dié par son auteur au conseil municipal de la ville de Maubeuge. Les 
faits et les délails du récit sont assez exacts, cependant nous devons 
relever une errour qui saute aux yeux dès la page 7: l'auteur y dit 
que « le vieux général Ferrant, qui venait de s'immortaliser par la 
« belle défense de Valenciennes, avait pris depuis quelque temps le 
« commandement du camp de Maubeuge... il avait partagé ses forces 
« en deux corps..... otc., etc. » Or,le général Ferrand, ayant si- 
gué la capitulation de Valenciennes, ne pouvait servir pendant un an 
coutre los Alliés; de plus, il était matériellement impossible qu'il figurât 
au camp de Maubeuge, puisqu'après la reddition de Valenciennes 
{avüt 1795) il fut incarcéré par ordre de Robespierre, et détenu neuf 
snois jusqu’à la chûte de son persécuteur. À sa sortie de prison, il 


— 149 — 


demanda sa retraite. Tout ce que l’auteur dit pages 7, 10, 19, 23, du 
défenseur de Valcnciennes, doit être rapporté au géneral Jacques 
Ferrand (et non (Ferrant), qui reprit Mons en 1794 sans coup férir 
et fut nommé commandant de Bruxelles, — Du reste, le récit de M. 
Piérard est attachant et bien ordonné, il annonce un écrivain soigneux 
et zrlé pour l'histoire locale, A. D. 


266. — BuLLerin de la commission historique du département 
du Nord. t. Il! (dernière partie) . Lille, L. Danel. 1849, in- 
8°. pages 257-330 avec un fac-simile 


Cette brochure complète le tome Ill de l’intéressant Bulletin histori- 
que du département du Nord. Dans ses 180 pp. elle contient plusieurs 
documents très remarquables. Sans parler des voyages de M. 
Bethmann dans le nord de la France, sur la traduction duquel nous 
avons donné un article spécial, on trouve dans ce fragment de volume ; 
une Notice sur l'origine du comté de Flandre, par M. Le Glay; un 
Rapport de M. Jules Deligne sur l'histoire populaire de Lille par M. 
Bruneel; une Notice sur l'ancienne collégiale de Saint-Pierre de Lille 
dans ses rapports avec les institutions féodales et communales, par 
M. Tailliar ; et des nouvelles archéologiques et variétés historiques, 
etc., etc. Toutes matières choisies, nourries de faits et présentées 
avec érudition et sous une forme attrayante. En somme, ce petit livret, 
comme ses prédécesseurs, en dit plus qu'il n'est gros. Nous faisons 
des vœux pour que le tome III du Bulletin ait des successeurs. 

A. D. 


267 — MALDECHEM LA LOYALE. — Mémoires et archives publiés 
par Madame La comtesse de Lalaing, née comtesse de 
Maldeghem. Æruzrelles, imprimerie et librairie de veuve 
Wouters, 1849, in-8° de 4 fs liminaires et 469 pages. 


Cet ouvrage n’est pas dans le commerce. Madame la comtesse de 
Lalaing, connue déjà par quelques traductions de l'italien. a voulu 
éclaircir les annales de l’ancienne et illustre maison de Maldeghem 
dont elle descend, et, dans l'intérêt de son neveu, le comte Ofimar 
de Maldeghem, à qui elle a dédié son livre, elle a voulu surtout cher- 
cher à expliquer cette noble devise de Loyale qu'une fidélité à toute 
épreuve valut à sa famille. Pour cela elle a consulté les archives de 
sa maison et elle a mis à profit les mémoires écrits au XVII° siècle, 
par Robert de Maldeghem, seigneur de Grimarez. Avec l'aide de 
M. Emule Gachet, chef du bureau de paléographie à Bruxelles, la noble 
comtesse est parvenue à débrouiller les plus vieilles généalogies, à 
lire les anciennes chartes, à expliquer les sçels, à déchiffrer les 
titres, à compulser les poudreux parchemins, et à tirer de tout cela 


— 150 — 


un livre intéressant et curieux pour tous les amateurs d'histoire, mais 
particulièrement précieux pour les membres, parents et alliés de l’anti- 
que famille de Maldeghem. Ces mémoriaux privés n'ont rien de la 
sécheresse de quelques œuvres généalogiques ; tantôt ils sont égayés 
par la légende des Trente-six Chaudronniers; puis par l'explication 
des devises des comtes de Vilain XIV qui disaient en flamand : 
mérite en espérance, tandis qu’ils criaient : Gand à Vilain sans reproche, 
comme les Lalaing disaient : Lalaing sans reproche, les de Werchin : 
Quand sera-ce? etles Mérode : Où sera-ce ? D’autres fois l’aimable 
auteur de ce livre de bonne maison, parle savamment, après Paquot 
et le baron de Stassart (1), d’un Philippe de Maldeghem, seigneur 
de Leyschot, qui traduisit en vers les sonnets de Pétrarque (puhlié 
à Bruxelles, Rutger Velpius, 1600, in-8°) et qui disait modestement 
en excusant son œuvre : 


« Pourtant au moins, de grâce, où que voirrez ma faute, 
« Dites, pour un flamand l’emprinse estoit bien haute. » 


Cette noble famille compta aussi des dames lettrées, et l’auteur de 
Maldeghem la loyale sait de qui tenir: En 1629, messire Jean 
d'Ennetières, seigneur de Maisnil, intrépide et fécond poète de 
Tournai, dédia sa traduction de Boëce à la comtesse de Croix, baronne 
de Maldeghem, Guise, Coussy, dame d'Uttekerke, etc., le galant 
"’Ennetières débutait ainsi : 


Madame, Boëce s’avance 
Pour vous faire la révérence, 
Et sa philosophie aussi : 

L’un et l’autre à vous je dédie 
En vous sacrifiant leur vie 
Qu'ils ont traisné iusques icy. 


Le livre de Maldeghem la loyale sera vivement recherché des 
bibliophiles ; il n'a pas besoin de gravures, de sceaux, d’armoiries, 
et d’autres illustrations pour être curieux; ainsi que nous l'avons dit, 
il ne se vend pas, il se donne; mais les heureux sont rares. 
Madame la comtesse de Lalaing ne place les titres de sa famille qu'en 
bons lieux ; pour posséder ces mémoires, il y aura sans doute beau- 
coup d’appelés, mais certainement il restera peu d'élus: il n’est pas 
permis à tout le monde d'aller à Corinthe. A. D. 


268. — VuEs PITTORESQUES de la Belgique et de ses monuments 
les plus remarquables, dessinées et gravées sur bois par les 
premiers artistes de Bruxelles. Bruxelles et Leipzig, 


(1) Voyez Archives du Nord, ® série, t. IV p. 176, article Ph. de 
Maldeghem. 


— 151 — 


C. Muquardt, place Royale, (sans date), pet. in-folio. 24 
figures. 


Ce joli album, dont la partie typographique (la moindre er impor- 
tance ) appartient à MM. Delevingne et Callewaert, ne porte pas de date 
afin probablement de paraître long-temps une nouveauté. Les édifices 
qu’il représente très fidèlement sont tellement anciens, que la date de 
la reproduction ne fait rien à l'affaire. Nous fixerons pourtant à 1850 
l’époque de cette œuvre artistique, ne fût-ce que pour constater plus 
tard la marche du progrès de la gravure sur bois en Belgique. Les 24 
planches composant ce recueil sont déjà arrivées à un certain point de 
perfectionnement; aussi sont-elles dues à MM. Brown, Marcaert, 
Boquet, Lisbet, Pannemaeker, Mors, Vermoreken, d'après les dessins 
de Vanderhecht, Huart, Hendrickxæ et Lauters. Ce sont de vraies 
gravures sur bois; elles ne montrent pas à la vérité des effets aussi 
surprenants que les figures des pitioresques de Paris, qui, depuis quel- 
que temps, se gravent en relief sur cuivre et passent toujours pour des 
gravures en bois; mais elles sont agréablement relevées par des fonds 
teintés habilement et des enluminures de blancs qui leur font jouer 
l’effet de dessins à plusieurs crayons. On y trouvèles beaux hôtels de-ville 
dela Belgique ; les églises d'Anvers, Bruxelles, Liége, Tournai et Malines ; 
les vues de l'allée Verte, du Parc et des Boulevards de ia capitale, et 
celles de Spa, Waterloo et Ostende. Ce sont, en somme, les curiosités 
les plus remarquables de la Belgique ancienne et moderne. Cet album 
figurera avec honneur dans les salons des châteaux de nos deux fron- 
tières. A. D. 


269.— HISTOIRE de l’ancien pays de Liége, par M.-L. Polain, 
conservateur des Archives de la province de Liége. Tomes 41° 
et. Liége, impr. de J. Ledoux. 1844-47. 9 vol. in-8°. 


Nous attendions l'apparition du 3e et dernier volume de cette histoire 
pour l’annoncer à nos lecteurs, mais cette publication ayant été retardée 
par les événements de 1848, et par un travail que l’auteur a été chargé 
de faire concernant les vieilles ordonnances de l’ancien pays de Liége, 
par mission spéciale de la commission royale dont il fait partie, nous 
ne voulons pas reculer plus long-temps l’occasion de parler de cette 
œuvre historique. M. M.-L. Polain est un des hommes qui s'occupent 
le mieux et le plus utilement de l’histoire locale dans la savante ville de 
Liége, qui compte pourtant bon nombre d’érudits. Par diverses pu- 
blications préliminaires sur son pays, il a peloté en attendant partie : 
aujourd’hui il aborde franchement l'histoire de Liége, et il en sortira à 
son honneur et au bon profit du public. Les recherches, les analyses 
auxquelles il se liyre en ce moment sur les anciennes ordonnances de 
la Belgique lui fourniront de nombreux matériaux historiques inédits et 
le complément de son ouvrage y gagnera d'autant. Ne nous affligeons 
donc pas du retard apporté à la mise au jour du troisième volume de 
l'histoire de Liége et de l'introduction qui doit ausai narnttrn nanr aar- 


— 152 — 


vir de portique au premier tome. Nous attendrons avec impationce 
cette publication pour en juger l'ensemble et apprécier, avec connais- 
sance entière des choses, le plan général de l’auteur et la manière dont 
il a embrassé son sujet. À estimer la valeur de l'inconnu par le connu, 
il n'y aura que des éloges à donner. A. D. 


270. — L'INDICATEUR des rues de Cambrai, ancien et moderne, 
accompagné d'un plan de cette ville, par 4d. Bruyelle, mem- 
bre de la commission historique du département du Nord et 
bibliothécaire-archiviste de la Société d’'Emulation de Cambrai. 
Cambrai, Fénélon Deligne et Ed. Lesne, 1850, in-8° de 419 
pp. avec plan colorié. 


Cambrai g'aura bientôt plus rien à désirer historiquement parlant. 
Cette cité a trois histoires imprimées; on s’est occupé des prélats qui 
ont siégé dans son sein , des hommes célèbres qui l'ont illustrée ; on a 
fait l'histoire de ses presses, de ses poètes, de ses musiciens. Ona 
décrit ses monuments et jusqu'à ses souterrains : voici venir M. Ad. 
Bruyelle qui donne une intéressante nomenclature et des détails étymolo- 
giques et archéologiques sur ses rues, places et portes. Nos édiles 
modernes, qui changent si facilement, par caprice ou par politique, 
les dénominations des lieux d'une ville, ne savent pas quelles tortures 
ils lèguent aux historiens futurs pour reconnaître un jour les anciens 
emplacements et pour expliquer des noms oubliés. M. Bruyelle s'est 
appliqué à rechercher toutes les vieilles désignations des voies publi- 
ques, à les expliquer, à donner les mutations survenues, les nomen- 
clatures révolutionnaires qui, à Cambrai surtout, ont remplacé toutes les 
indications févdales, royales et religieuses. Ce petit travail est sans 
sécheresse, et rendu piquant par des explications historiques qui dai- 
vent avoir beaucoup d'intérêt pour les vrais cambrésiens de nom et 
d'armes. se 


NOUVELLES LITTÉRAIRES 


ET 


DÉCOUVERTES HISTORIQUES. 


— Îl existe déjà une bonne Biographie montoise, due à M. Adolphe 
Mathieu, membre correspondant de l’Académie de Bruxelles, qui a 
montré par cet ouvrage qu'il peut aussi bien se distinguer dans un 
travail d'érudition que dans la carrière poétique ; il manquait encore 
à la ville de Mons una Bibliographie locale pour compléter l’histoire 
littéraire de la cité. Cette lacune va être comblée: M. Rousselle va 
publier une Bibliographie montoise, et tout annonce que cet ouvrage, 
fait avec une louable et consciencieuse persévérance, sera des plus 
complets. 


— M. Louis de Baeker, de Bergues, vient de retrouver à Cassel 
un ‘fragment important de la pierre tumulaire de Robert-le-Frison, 
comte de Flandre, mort en l’an 1093, enterré dans l'hôpital des sœurs 
de St -Augustin de Cassel dont il était fondateur, et transféré, en 1284, 
à l'église collégiale de Saint-Pierre de la même ville, où ses restes 
demeurèrent en repos jusqu'en 1793 qu'on détruisit l'église et sa 
tombe et qu’on jeta ses cendres au vent. Le précieux fragment re- 
trouvé par M. L. de Baecker, porte, en caractères gothiques du Xllle 
siècle, cette partie de l'inscription qui suffit pour révéler son origine: 
ST1 SALVATORIS + AMEN + ET IN ANNO M. CC. OCTOGESIMO UNO IN MENSE 

La pierre tombale du comte de Flandre, vainqueur de Philippe Ier, 
sert à l’heure qu'il est à fermer un égoût!... Proh pudor. 


— M. Ternaux-Campans, qui a successivement publié des notices 
sur les premières imprimeries des principales villes de l'Europe et 
hors d'Europe. a constaté qu'on imprimait, dans la première moitié 
du siècle dernier, à Saint-Amand, petite ville célèbre par sa riche et 
antique abbaye ét par ses eaux et boues minérales, À l'appui de ce 
qu'il avance, M. Ternaux-Campañs cite le livre suivant: Conside- 
rations sur les maladies contagieuses. Saint- Amand, Gille, 1738, 
in-12. 

Les successeurs de Güille, père putatif de la typographie Saint- 
Amandinoise, ont été fort long-temps à accepter son héritage. 
Saint-Amand resta près d’un siècle sans presses, si l'on ne compte 
pas pour siennes celles que le général Dumouriez fit venir de Valen- 
ciennes à son quartier-général pour imprimer ses ordres du jour èt 


— 154 — 


ses proclamations, pendant l'existence du camp de Mauide, et les 
pressés également ambulantes du journal révolutionnaire l'Argus du 
Nord, qui suivait l'armée du Nord pour en publier les actes et les 
mouvements. 

Le {1 octobre 1834, un brevet d’imprimeur fut donné à M. Raviart- 
Thibaut, qui voulut inaugurer ses presses par un Nouveau Traité de la 
civilité française, in-12 de 72 pages; on ne saurait être plus poli. 
I1 fit ensuite paraître d’autres livres élémentaires et de religion à 
l'usage de la jeunesse, entr'autres deux éditions de la Grammaire 
française de Lhomond (1836 et 1839, in-12). Les autres labeurs les plus 
importants de cette nouvelle imprimerie sont: io Le Catalogue des 
livres qui composent la bibliothèque communale de Saint-Amand-les- 
Eaux (Nord), 1837, in-8° de 60 pages; et 2” Les Trésors de la 
Mémoire, par Limousin, dit Valmecourt. 1839, in-8° d'environ 
250 pp. 


— Suivant M. Ternaux-Campans, la ville d'Arras aurait eu une 
imprimerie daus son sein dès l’an 117. Ce fait n’est pas prouvé. 
Des recherches bibliographiques de M. Achmet d'Héricourt établissent 
que le premier livre imprimé à Arras, avec date, est celui intitulé : 
Ordonnances, siilz et usaiges de la chambre du conseil provincial 
d'Artois, nouvellement décrétées par l'Empereur nostre sire. Arras, 
Jean de Buyens, 1528, petit in-40 goth. (achevé le 26e jour de 
septembre). Le n° 250 du riche catalogue de M. Baudeloque, signale 
‘un livre sorti des mêmes presses, mais sans date: Copie des lettres 
envoyées de Constantinople d Rome, contenans l'occision tyranique que 
le Grands Turcq a faict des prebtres de la foy etc. Imprimé en Arras, 
par Jean Buyens, in-18. — Le typographe Arrageois s'est-il essayé 
sur l’in-18 avant de se lancer dans les grandeurs de l'in-quarto, ou 
bien a-t-il débuté par un livre de Droit du pays avant de s'occuper des 
martyrs de la foi? C'est une question que nous ne saurions décider, 
et qu'une découverte postérieure pourra seule trancher. 


— M. M. L. Polain, conservateur des Archives de la province de 
Liège et historien de cette ville, ayant enfin retrouvé, en partie, la 
Chronique de Jean le Bel, le précurseur et le guide de notre illustre 
Jehan Froissart, s’est décidé à la livrer à la lumière. Elle est imprimée 
en caractères gothiques de la fin du XV° siècle, dans le genre du 
Froissart de Vérard, et n’est tirée qu'à 100 exemplaires: c’est une 
vraie friandise de bibliophile. 


— Une des curiosités bruxelloises dignes d'attirer l'attention des 
étrangers éclairés est sans aucun doute l'établissement géographique 
de M. Vandermaelen, qui a déjà lancé dans le public de belles et 
bonnes cartes, des plans de ville, et qui chaque jour rend des services 
importants à la science géographique. En ce moment, on exécute 
dans ce vaste laboratoire topographique les cartes militaires dressées 
sous la direction du général Niellon. De magnifiques atlas, la Belgique 
de Ferraris en 42 feuilles, des cartes particulières et générales, 
soigneusement coloriées, sont sorties de cette maison et en orit 
repandu au loin la bonne réputation. 


— 155 — 


— MM. Delevingne et Callawaert, imprimeurs-éditeurs à Ixelles- 
lez-Bruxelles, viennent de mettre en vente le cinquième volume de 
l'Histoire de Flandre, par M. Kervyn de Lettenhove; le sixième et 
dernier volume de ce grand et bel ouvrage s’imprime en ce moment. 
Doué de toutes les qualités d'observation, de pensée et de style qui 
constituent l'historien vraiment digne de ce titre, M. Kervyn de 
Lettenhove a élevé un monument à cette Flandre, dont il est un des 
plus dignes enfants. 


— (C’est toujours une bonne fortune que d’avoir à annoncer un 
nouveau travail de M. À. Le Glay, archiviste-général du département 
du Nord. Ce savant et excellent écrivain refait entièrement sa notice 
sur le riche dépôt qui lui est confié et dont l'importance grandit cha- 
_que jour dans ses mains. Le digne successeur des Godefroy intitule 
son nouvel ouvrage: Histoire descriptive des Archives de l'ancienne 
Chambre des Comptes à Lille, etc. Ce sera un vade mecum indis- 
pensable pour tous ceux qui désireront puiser à la source féconde des 
documents historiques de nos archives du département du Nord. 


— Douai et Lille à la fin du XIII: siècle, tel est le titre d’un 
nouvel ouvrage de M. Duthillœul, bibliothécaire à Douai, exhume des 
archives de Rupelmonde, et que M. Adam d'Aubers, libraire, va 
éditer. Il s’agit d’une lutte entre Douai et Lille en 1284 et 1285 
guerre atroce qui désola le pays et donna lieu à un vaste projet criminel 
dont toutes les pièces seront mises sous les yeux du lecteur, avec 
traductions et notes. (C’est une peinture des mœurs un peu sauvages 
du régime féodal qui ne sera pas sans intérêt. 


— M. Chotin juge-de-paix à Anthoing, à qui on doit une Histoire 
de Tournai, en 2 vol. in-8° (1840), continue consciencieusement ses 
recherches sur l’histoire de son pays, et prépare ou une édition nouvelle 
ou des additions importantes de son premier travail. À juger de 
l'inconnu par le connu, les nouvelles productions de M. Chotin ne 
pourront être que de bon aloi, et, comme telles, bien reçues par le 
public. 


— Îlne restera bientôt plus un coin de notre territoire qui ne soit 
fouillé, exploré, décrit et mis en évidence. M, Piérart, directeur 
de l’école primaire supérieure de Maubeuge, met sous presse en ce 
moment des Recherches hisioriques sur Maubeuge, son canton et les 
communes limitrophes, avec des no:es sur l’ancienne prévôté de cette 
ville, et une introduction et une table ou glossaire explicatif. Cet 
ouvrage, sur lequel nous avons déjà pu jeter les yeux, sera enrichi 
des plans exacts de chaque localité, de vignettes et de vues prises 
dans différents lieux du canton pittoresque de Maubeuge. 


— On doit espérer que M. Ch. de Godefroy, marquis de Menilglaise, 
qui a fait un beau travail sur l’annaliste Meyer, ne reculera pas devant 
les soins que la mise en lumière de sa traduction et de ses annotations 
pourraient exiger. Notre vieux chroniqueur flamand ne saurait que 
gagner à être interprôté par un descendant de la savante et noble lignée 


_— 156 — 


des Godefroy qui n'a aucunement dégénéré : Les procès-verbaux dù 
Congrès historique et archéologique de Lille pourraient en faire foi s’il 
en était besoin. M. de Godefroy a en même temps sur le métier un 
travail important sur le chroniqueur Lambert d'Ardres : il cherche à 
comparer les différents textes de cet historien avant de publier son 
labeur. 


— La Société des Antiquaires de la Morinie, dont les travaux 
tendent toujours à la solution des questions historiques curieuses ét 
importantes pour le pays, rappelle qu'elle décernera, en décembre 
1850, une médaille de 500 francs à l’auteur du meilleur mémoire sur 
les corporations marchandes connues autrefois sous le nôni de Ghildes, 
dans le nord des Gaules. 

En décembre 1831, elle décernera une médaille de 230 francs 
pour le meilleur travail sur une commune importante vu un groupe de 
villages du Pas-de-Calais. Et une autre de même valeur pour la 
meilleure notice biographique sur le maréchal de France Arnoud 
d'Audrehem, connu au moyen-âge sous la dénomination d'Arnoud 
d'Aüdenhem. — Envoi à St.-Omer avant le {5 octobre. 


— Les Fables de M. le baron de Stassart viennent d'obtenir un 
honneur mérité : elles ont été traduités en Angiais, sur la septième 
édition, par M. John Henri Keane, et imprimées à Londres, Strange, 
1850, in-18 de xxix et 349 pp. Le traducteur a eu le soin d’'ejouter 
aux spirituelles fables de M. de Stassart, ses notes piquantes, et de 
faire précéder le tout d’une notice biographique sur l’auteur, extraite du 
Nouveau Dictionnaire de la conversation publié à Bruxelles en 25 
volumes. 


— li vient de paraître à Liège un ouvrage intitulé: Recherches 
historiques et bibliographiques sur les JONREMNE et écrits périodiques 
liégeois, par Ulysse Capitaine. 


— La commission des Antiquités départementales du Pas-de-Calais, 
organisée par D. Desmousseaux de Givré, dont ce département n’a pas 
oublié la sage administration, s'occupe activement de la confection 
d'un album. Les monuments les plus remarquables qui ont échappé 
au temps et aux révolutions, Îles meubles qui intéressent l’art, les 
ornements dignes de fixer l'attention, seront reproduits avec le plus 
grand soin. Les premières livraisons vont, dit-on, paraître prochai- 
nement. Les dessins et les gravures sont confiés à M. Léon Gaucherel, 
l’un des artistes les plus distingués de l’Axtois, qui a déjà gravé, dans 
les Annales archéologiques, le reliquaire de la Sainte-Epine, déposé 
au couvent des religieuses Augustines d'Arras, et le maître-autel de 
l’ancienne cathédrale artésienne. On peut promettre à cette publication 
un succès justifié par le talent et l’érudition des membres qui com: 
posent cette commission. 


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CHARLES DE CROY. 


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Par. M. le baron DE REIFFENBERG. 


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AVERTISSEMENT. , 


La mort, qui, à l'instar de la foudre, frappe depuis quelque 
temps les sommités , a enlevé cette année à la Belgique un de 
ses plus remarquables écrivains. M. le baron de Reiffenberg, 
conservateur de la Bibliothèque royale, qui, au milieu de tant 
de titres honorables dont il étdit chargé, avait bien voulu 
accepter celui de correspondant de nos modestes Archives, n’est 
plus!... Un jour, nous tenterons peut-élre de payer à la 
mémoire de cet homme distingué par l'esprit et pur la science, 
dont la tête encyclopédique embrassait tant de choses, le faible 
tribut de nos sympathies et de notre amitié. En atlendant, 
nous offrons aujourd'hui & nos lecieurs un charmant petit 
tableau de mœurs et d'histoire qui rentre parfaitement dans le 
cadre de nos Archives. Bien peu de jours avant la mort de 


12 


— 158 — 


notre regrettable ami, nous lui demandions la permission de 
Publier cette jolie esquisse ; il nous l'accorda gracieusement et 
nous écrivit de son lit de douleur une de ses dernières épiîtres, 
qui respire encore la plus aimable courtoisie lilteraire au milieu 
des souffrances physiques les plus aigques. Pour justifier notre 
emprunt d'un article du spirituel défunt, article qui; du reste, 
n'a eu jusqu'ici qu'une semi-publicité, nous insérons ci-après 
la concession qui nous en a été faite presqu'in extremis, en n'en 
omettant que les phrases par trop louangeuses qu'il ne nous 
est pas permis de reproduire, et en prolestant contre la manière 
flatteuse dont l'indulgente amitié de M. de Reiffenberg en usait 
envers nous. (Cette lettre a d’ailleurs un mérite à part, celui 
de peindre au vrai la situation déplorable des derniers jours 
de son auteur. 


« À M. À. Dinaux, rédacteur des Archives du Nord. 


» Mon cher confrère et honorable ami, 


» Ne vous étonnez plus de mon silence. Depuis plus d'un 
» an je suis sérieusement malade, mais la maladie est devenue 
» plus aigue et plus violente. En proie jour et nuit à une toux 
» stridente et convulsive, épuisé par l'insomnie, amaïgri d'une 
» manière effrayante, j'ai perdu complètement la voix et ne 
» puis même adresser la parole aux personnes de ma famille. 
» Cet isolement méluncolique , ajouté à la faiblesse de ma tête, 
» rend ma position des plus tristes: je n'ai plus guëres de 
» sentiment que pour le découragement et la souffrance. 


» Votre lettre est venue me faire oublier un moment mes 
maux. Vous me traitez avec la munificence de la richesse. 
Le morceau sur le duc de Croy est à votre disposition comme 
toutes les bribes que j'ai écrites, mais je dois vous avertir 
qu'ayant publie, pour les Bibliophiles de Belgique, les Mémoi- 
res mêmes de ce duc de Croy, j y ai mis cette espèce de notice 


— 159 — 
C1 
corrigée et complétée pour leur servir d'introduction. C'est 
» -donc cé texte qu'il faudrait suivre, et non celui des Bulletins 
» del’ Academic. ; 


% 


» Le Bulletin du Bibliophile, que vous traitez en enfant gaté, 
» vaudrait mieux si je pouvais y donner plus d'attention et s il 
» recevait plus souvent de vous des articles.............,, 
» Au reste, j'ai essayé de vous rendre justice dans le volume 
» de l'Annuaire de la Bibliothèque royale pour 1850 (lequel est 
» le onzième de la collection). 


» Malheureusement il s'élève entre Valenciennes et Bruxel- 
» les une barrière littéraire presqu'infranchissable : c’est la 
» grande muraille de la Chine. De sorte qu'il est moins diffi- 
» cile d'envoyer un in-folio à Saint-Pétersbourg, que de faire 
» parvenir quelques feuilles d Valenciennes, tant les furmali- 
» tés fiscales sont désespérantes. 


» 000005000508 880% 02% 0 0 te "te 200 ee 0 8 0 te 0e © © 


» Je n'ai pu voir sans une émotion douloureuse La chüte de 
» tout ce qui est grand, honnéte, utile. Cela a contribué 
» sans doute à ma maladie. Mais, pardon, la plume m’échap- 
» pe des mains et je n'ai plus la force que de vous réitérer 
» l'assurance de mon inviolable et bien tendre attachement. 


C4 


» Bruxelles, 19 janvier 1850. 


» Baron DE REIFFENBERG. » 


Ainsi que nous le recommandait l'auteur mourant, nous 
avons choisi le texte corrigé et complété de son article sur 
Charles de Croy, en négligeant celui qu'il avait adressé d'abord 
à M. le comte de Montalembert, alors pair de France, quoi- 
gu'a vrai dire nous n'ayons guëères reconnu de differences entre 
les deux versions ; Nous y avons méme ajouté quelques nolules 


— 160 — 

4 
complémentaires, et nous avons fait reproduire par la gravure 
un portrait de Charles de Croy qu'Antoine Vieriex burina 
jadis, mais quiétait devenu si rare que les Bibliophiles de Bel- 
gique eurent bien de la peine d'en trouver un exemplaire pour 
Fe faire imiter par la kthographie bruxelloise. 


- 


ARTHUR DINAUXx. 


ENISTENCE DE GRAND SEIGNEUR 


AU XVI° SIÈCLE. 


CHARLES DE CROY. 


J'en demande pardon à mes maitres, il n’y a plus, il ne peut 
plus y avoir de grands seig gneurs. Le grand seigneur est relégué 
parmi ces énormités fossiles que la nature s’est fatiguée de pro- 
duire; c’est une espèce de mastodonte social que contrefont les 
géants-nains d'aujourd'hui. Disous-le hardiment, il n’y a plus 
de grands seigneurs : à peine reste-t-il des rois. Quelques ré- 
clamatiqns s'élèvent de temps à autre contre cette dure vérité : 
protestations passagères et inutiles ; quelques tentatives d'imitation 
du passé attirent en courant les regards : parodies frivoles et 
souvent hurlesques ! Quant aux papiers timbrés qui, se chargeant 
d'enregistrer à tant la ligne les diners , les roufs et les bals, peu- 
plent les moindres salons, les plus humbles mansardes de person 
nages de distinction, on sait à quoi s’en tenir sur leur témoignag 
et leur exquise connaissance du monde. 


Le grand seigneur suppose quatre choses : le nom, le privi- 
lége, la puissance et la richesse. Avec notre noblesse verbale et 
sans racines , avec notre aristocratie financière et bureaucratique, 
l'égalité devant la loi et Le partage inévitable des fortunes, surtout 
avec nos mœurs et les idées qui nous dominent, pouvons-nous 
réaliser encore ce rêve de notre orgueil? Où sont ces races qui, 


— 162 — 


par la trausmission séculaire d’un rang exceptionnel , par la pré- 
caution fanatique d’éviter les mésalliances, par l'habitude-d’une 
élévation continue et incontestée , par la possession enfin d’une 
fortune inaliénable et toujours croissante , pouvant croire qu’un 
sang plus pur coulait dans leurs veines, qu’elles étaient nées pour 
la domination, que leur supériorité était de droit divin, manifes- 
taient dans tous les actes de la vie une fierté tranquille et protec- 
trice, une dignité imposante et naturelle, une confiance parfaite, 
une libéralité magnifique? Rien de tout cela n'existe à présent. 
Les races se mélent et se croisent ; les plus anciennes, les plus 
illustres pactisent avec le besoin, l'intérêt, l'opinion, la peur. 
Le pouvoir est flottant , passager et timide; il n’est point de posi- 
tion qu’on n’attaque, point de grandeur que l'envie, la malignité, 
l'esprit de nivellement ne mettent en question, ne flétrissent et 
n’abaissent. Le sol se morcelle à l'infini ; l’or passe de mains en 
mains, Îles crispe et les salit; la prodigalité est spéculatrice, le 
luxe parcimonieux , le faste égoïste : quelque chose de marchand 
et de pharisaique perce jusque dans les splendeurs les plus 
éblouissantes; on veut de l'éclat à bon marché, de l’aristocratie 
à la Rumfort ; on serait volontiers fier et digne , on n'est que vain 
et impertinent ; qui se targue d’être grand n "est que guindé. Le 
plus sûr est de rester dans la foule. 


Pour ne parler que de la manière de tenir maison, voyez quelle 
différence! Olivier de la Marche nous a transmis l’étaPde celle 
des ducs de Bourgogne, et M. Michelet a peint des plus vives cou- 
leurs la magnificence effrénée de ce Warwick qui faisait et défai- 
sait des rois, mais que défit enfin le fer d’un obscur archer. Nos 
plus opulents souverains craindraient à bon droit de se ruiner en 
suivant de pareils exemples. N'’ont-ils pas gagné à s’en éloigner ? 
C’est là une autre question. Il est certain que le comfort et la 
liberté ont remplacé le luxe massif, le cérémonial tyrannique. 
Ces rois, en effet, qui passaient leur journée la couronne en tête 
et le sceptre à la main, dormaient sans chemise ; une armée de 
serviteurs ne les abordait qu’à genoux, etils étaient mal servis; 
une étiquette imposante réglait tous leurs mouvements, et ils pé- 
rissaient de fatigue et d'ennui. Ces maîtres absolus étaient esclaves 
d'un vain formulaire. | 


— 1603 — 


Quie conclure de ce qui précède? Que la vie intérienre a dü 
changer comme la vie publique ; qu'une aristocratie forte, perma- 
nenté, superbe, étant devenue impossible , il faut se résigner à 
une existence commode, unie et bourgeoise, sans viser à une copie 
maladroite et risible d'un régime à jamais détruit.’ Une médio- 
crité facile , une égalité jalouse, tel est le caractère du siècle. Ne 
nous en plaignons pas trop : ila aussi ses avantages si on le prend 
dans son air ; l'abus, c’est d'en vouloir sortir. Confendre un 
plat à barbe avec l'armet de Mambrin, un méchant cabaret avec 
les châteaux des Amadis et des Galaor, est une aberration qui n'est 
permise qu’à Don Quichotte , le plus sensé des fous , le plus aima— 
ble des réveurs. 


Mais si la réalisation pratique d'un temps qui n'est plus serait 
une entreprise absurde, il est curieux et instructif de bien convat- 
tre cette époque et d’en rechercher les images fidèles. Pour 
comprendre et accepter franchement le résultat où nous avons été 
conduits, il est nécessaire d'en connaître les prémisses. L'histoire 
des transformations de la société et des vicissitudes morales est 
une des plus abondantes en leçons de modération et de sagesse. 


Les Mémoires du duc Charles de Croy sont un de ces tableaux 
vivants et animés des mœurs anciennes, où l’art n’a mis aucun de 
ses artifices. Ils sont naïfs par le fait seul de toute absence de 
précautions littéraires, par l'expression d’un orgueil sincère et 
convaincu. Un hasard heureux nous en ayant fait rencontrer le 
manuscrit original, nous avons pensé que leur publication éclaire- 
rait d’une lumière nouvelle la situation de la Belgique à la fin du 
seizième siècle (1). 


Editeur, nous abdiquons le droit de surfaire l'ouvrage que nous 
expusons en lumière. Fût-il cent fois meilleur, nous redoute- 


(1) Cette publication est la 3° de la Société des Bibliophiles de Beloi- 
que. Elle porte le titre de: Mémoires autographes du duc Charles de 
Croy, publiés, pour la première fois, par le baron de Reiffenberg. 
Bruxelles, Delevingne et Callewaert, 1845. gr. in-8° de xxxv1 et 368 pp. 
avec portr. et armoiries. — 4, D. 


rions les inconvénients d’un éloge exagéré. Prenons garde : le 
ridicule atteint les renommées les plus vénérables, et Goethe, par 
exemple, est presque comique à travers les adorations en faux teu- 
pet et les ingénuités ridées de sa Bettina. 
La révolution qui éclata au sein des Pays-Bas, et qui devait 
hâter l’anéantissement de la féodalité, rendit momentanément à 
celle-ci de la vigueur et de l'importance ; car chacun, lorsque l’au- 
torité centrale ne se faisait plus sentir, recouvrait son indépen- 
dance individuelle, et pesait à son choix dans la balance des partis. 
Ceux qui jouissaient à la fois de l’autorité du rang et de celle de 
la richesse étaient recherchés par les factions contraires et deve- 
naient, dans ce désordre et ce conflit, une fraction agissante de 
la souveraineté. Le duc de Croy est le haut baron du moyen- 
âge; le seigneur féodal dans son altière majesté. Dès qu'il s’est 
retiré de l'insurrection, il reconnaît un roi, mais ce roi est plutôt 
son cousin que son maître; quant à lui, il ne possède pas de 
simples domaines, il a des Etats ; il ne les administre pas en pro- 
priétaire, il règne. 
. ILétait le chef de nom et d'armes de cette colossale maison de 
Croy qui, depuis un siècle et demi, par les services et les talents 
de ses membres, par une faveur habilement ménagée, par des 
alliances éclatantes et des acquisitions opportunes, était devenue 
une des plus puissantes et des plus illustres de l'Europe. L’em- 
pereur Maximilien [**, dans le diplôme d’érection de la terre de 
Chimai en principauté, l'an 1486, et dans un autfe de l’année 
4510 en faveur de l’évêque de Cambrai, déclare que la famille de 
Croy tire son origine des rois de Hongrie (1). Ce sont les pre- 
mières mentions officielles de cette descendance que nous ne ré- 
voquerons pas en doute, mais sur laquelle les documents histori- 
ques jettent quelque nuage, des écrivains de poids ne donnant 
qu’une fille à André IT, surnommé le Vénitien , sans parler de 


(1) Ex illustribus de Croy descendentibus ex vera et legitima progenie 
seu origine Regum Hungariæ. — Cum et origo nobilitatis tuæ (Jacobi 
de Criy, cpiscopi Cameracensis) @ Serenissimis Regibus Hungariæ 
origine trahai. 


— 165 — 


Félix ni de Marc dont se réclament les Crouy-Chanel et les prin- 
ces de Cray. Cette question généalogique, que nous laissons in- 
tacte, a suscité un procès dans lequel les Crouy-Chanel ont refusé 
à leurs adversaires tout partage dans la parenté royale de Hongrie, 
tandis qu'un gros volume, publié en 4790 à Grenoble, à une 
époque où la Révolution Française, qui marchait à grands pas, 
rendait moins attentif aux prétentions nobiliaires, adopte un autre 
système suivant lequel les Crouy-Chanel et les princes de Croy 
seraient de la même souche (1). Nous nous contenterons de re- 


(1) Chronologie historique des ducs de Croy. Grenoble, J. M. Guchet, 
1790, in-40. Cf. Isaac de Malmedi, Traité ou brief discours de l'origine 
et descente de la maison de Crouy ou de Croy, en Picardie, ducs d'Ars- 
chot. Paris, 1566, in-8° ; le livre de Jean Scohier, cité tout à l'heure ; 
Jacques de Bie, et non de Brie, comme dans Fontette, n° 42064 : 
Généalogie et descente de la maison de Croy, avec les portraits en pied 
des principaux de cette maison. Anvers, in-fol. Ce livre est rare et 
cher. Jlcontient : 40 les arbres généalogiques de la famille, en com- 
mençant à Adam et Eve ; 29 les portraits en pied des seigneurs et 
dames de la maison de Cray, gravés à Anvers par Jacques de Bie, 
vurs 1620 ; 3° les châteaux qui leur appartenaient. Cet ouvrage paraît 
n'avoir pas été mis dans le commerce; les cuivres étant la propriété 
de la famille, il est probable qu’on n’a fait présent que de peu d’exem- 
plaires. On ue trouve pas dans chacun le même nombre de planches. 
Celui de la Bibliothèque royale ( F. V. H., no 25709) en a 44. Une 
légende remplace le portrait de Charles de Croy, mais on y voit celui 
de sa première femme, Marie de Brimeu, dont a physionomie n'an- 
nonce pas la bonté. Elle y est avec les titres suivants : Illustrissime et 
excellentissime dame Marie de Brimeu, héritière de ladite maison, 
comtesse de Meghem, vicomtesse de Dourlens, baronnesse d'Humber- 
court, dame de Housdain, Coullemont, Cousturelles, Mondricourt, 
Famechon, Pumerasse, Hurtebise, Gorgeson, Rochefay, Esperlecques, 
Gezincourt, Gorges, Youcourt, Montiguy, Noli-l'Hospital, Houdicq, 
Sorus, Zelucques, Brimeu, etc. 

Après ce portrait, dans l'exemplaire de la Bibliothèque royale, vient 
celui en buste de Marie-Claire de Croy, duchesse d’Havré, gravé d’a- 
près Van Dyck par Conrad Waumans (”). 


(*) Ce volume précieux , que l’an doit à la munificence éclairée du duc 
Charles de Croy, est ici imparfaitement décrit; voyez les Hommes et les 
c oses de la présente livraison, article Généalogie des Croy, —n.n: 


— 166 — 


marquer que, si un examen plus approfondi a pu établir ensuite 
la postérité de saint Étienne , George Chastellain , qui passait pour 
trés-versé dans le blason , ne semble pas en avoir eu connaissan- 
ce (4) , et que, vers la fin du quinzième siècle ou le commence- 
ment du seizième, des généalogistes intéressés et flatteurs imagi- 
nèrent pour plusieurs familles éminentes, des romans héraldiques 


Généalogie de Mailly, 1757, p.191 ; Pontus Heuterus, p. 48 ; Etienne 
de Cypre, Les généalogies des soixante-sept très nobles et très illustres 
maisons, etc. Paris, 1587, p. 113; Butkens, Troph. de Brabant, m, 
p. 251 etsuiv.; Cbristyn, Jurisprud. heroica, 1, 247; Chevillard, Généa- 
logte et descendance de la noble maison de Crcy, Paris, 1715, en une 
seule planche de Ô feuilles .in-8v ; Adr. La Morlière, Antiquités 
d'Amiens, etc., Paris, 1642, in-fol.; Carpentier, Mist. de Cambrai, 
passim; notre édition des Mémoires de J. Du Clercq, 2e édit., t. iv, 
pp. 314 et suiv. | 

Sur les anciennes sépultures du cloitre des Célestins d'Heverlé, au- 
jourd'hui détruit, voir pp. 284-282. Voici comment en parle Abrahani 
Gôlinitz, p.114 de son Ulysses Belgioo-Gallicus, Lugd. Batav. ex off. 
Elzeviriana, 1631 . Amplius ibi, res miranda, marmorea principum 
Croyorum et affinium singulorum monumenta : ibi gensalogiam ducum 
de Arescot ab Adamo usque ad præsentes ultimos, videbis in choro ad 
latera, cum eorum icontbus et nominibus. Res non Belgio sed Europæ 
admiranda. Inter cætera, en epitaphium Caroli ducis in lapide, litteris 
circumcirca ex orichalco, quod ipsus sibi dicitur composuisse. {Elle est 
insérée p. 247 des Mémoires). Ce passage de Gülnitz est rappelé par 
l’auteur de la Charlatanerie des savants, J.B. Mencken, 5° édit. latine, 
Amst., 1747, p.140; trad. française de Durand, La Haye, 1721, 
p. 160. 


(1) J'ai allégué ailleurs ces deux passages de George Chastellain, 
Mémoire sur le séjour que Louis XI fit aux Pays-Bas, p. 23, note. 


« Si je voulois ou sçavois dire, écrit-il, l'autorité, le degré et le haut 
« estat de ce Croy et des suites ou dépendans de luy, ce seroit à peine 
« chose créable. Et n'a point esté veu en ce royaulme homme pareil 
« à luy, pi si accollé depuis deux cents ans. » Chronique, ch. ccix. 


Plus haut le sire de le Roche-Nolay, répétant au même seigneur les 
propos du peuple, dit : « Croy recognoit bien le bénéfice qu'il a receu 
« en ceste maison, l’exaltation de sa linie pour son bon maître... il n'est 
« ni de l'estat royal ni de princial ventre, il est simple chevalier. » Ibid., 


ch. cu. 


— 167 — 


qui leur attribuaient des ancêtres couronnés au lieu des dignes et 
braves chevaliers dont elles étaient effectivement issues. Au 
surplus, les Croy sont en mesure de se passer de ce genre de 
gloire.. Quand on a le droit, comme eux, de citer une longue 
suite de guerriers intrépides!, d'hommes d’Etat du premier mérite, 
quand , à partir du quatorzième siècle, on compte, d’une manière 
avérée, parœi ses alliances, les maisons de Craon, de Soissons, de 
Péquigay, de Lorraine, de Luxembourg, d'’Albret, de Bavière, etc., 
on se dispense aisément d’invoquer d’autres titres. 


On ne s’est pas borné aux rois de Hongrie, en ce qui concerne 
les Croy; au moyen de Félix, fils d'André III, on est remonté à 
Attila. Mais arrivé à ce point, au lieu de crier hold ! on a éprouvé 
quelque honte de s'arrêter en si beau chemin et l’on est passé tout 
bonnement au déluge ; que dis-je? jusqu'à Nembrod, jusqu'an 
père des hommes, Adam! Chacun sait l’anecdote de cette pré- 
tendue peinture de la submersion du globe, dans laquelle un per- 
sonnage nageant autour de l’arche, et soulevant un rouleau de 
papier au-dessus des vagues, comme on a représenté César avec 
ses Commentaires, criait de tous ses poumons : Sauvez les titres 
de la maison de Croy! Ce petit conte, qui rappelle celui du duc 
de Lévis ordonnant à son cocher de le conduire chez sa cousine, 
chaque fois qu'il allait à la messe dans l’église de Notre-Dame, ne 
messied pas à une race décorée de tant de solides réalités. | 


Dans les fastes domestiques des Croy, on lit les noms de Jean, 
grand boutillier de France , tué à la bataille d’Azincourt avec son 
fils aîné ; d’Antoine, surnommé {e Grand, un des premiers che- 
valiers de la Toison-d'Or. et dont une dés filles époysa un comte 
palatin de Deux-Ponts ; de Guillaume, sire de Chièvres, surr:0m- 
mé le Sage, gouverneur de Charles-Quint (1), et de quantité de 


(1) Le musée de Bruxelles possède un portrait contemporain du 
seigneur de Chièvres, porté, dans les catalogues de 1821, 1837 et 1839, 
sous les uos 287 bis et 284. (Ces catalogues annoncent d’abord 
qu'il est peint dans la manière de Van Orley, puis on y présume que 
c’est l'ouvrage d'Holbein. Nous nous proposons de donner ce portrait, 
avec beaucoup d’autres, dans une édition entièrement refondue et 
complétée de notre Histoire de la Toison-d'Or. 


— 168 — 


femmes spirituelles et gracieuses, d'hommes distingués à la guerre 
et peREnns la paix. 

Le ds Charles était le fils atné du troisième duc d’Arschot, de 
ce Philippe de Croy si hautain ét si fidèle, qui portait une médaille 
de la Vierge à son chapeau , quand les ennemis de Granvelle 
avaient adopté pour devise une maratte de fou et un faisceau de 
flcches , et qui représentait le principe à la fois monarehique et 
catholique. | 


On a discuté sérieusement si les mots célèbres, Ce ne sont que 
des guèux, avaient été dits à l’occasion des confédérès , et qui les 
avait prononcés, le comte de Berlaimont ou le due d'Arschot. 
Non-seulement ces paroles ont été proférées, mais elles ont dû 
l'être. On les répète même à chaque révolution et on a sujet de 
les répéter, car dans toute crise de cette espèce se lancent d'abord 
des hommes obérés, des homes sans fortune et qui äspirent à 
s’en créer une. Ce spectacle frappe plas la multitude que la pen- 
sée politique, cause efficiente du mouvement. D'ailleurs ces mots 
sont caractéristiques, c’est en quelque sorte la voix du sang. Les 
ancêtres du duc d’Arschot préférèrent des étrangers au due de 
Bourgogne qui les comblait de biens ; mais ce n'étaient pas des 
gueux : sur les descendants d’un cadet de France, ils avaient 
donné le pas au roi de France. Dans cette circonstance encore, 
leur petit-fils croyait de son honneur de ne pas déserter le roi 
des Espagnes et des Indes, le roi catholique, pour une tourbe qu’il 
méprisait, et dont les meneurs, malgré leur qualité, lui parais- 
saient à peine des égaux. 


Presque à la veille de l'insurrection , le 41 juillet 4560 , naquit 
à Beaumont Charles de Croy. Marié à l’âge de vingt ans (4), et, 
comme il le dit lui-même, dans sa jeunesse bouillonnante, à . 
Marie de Brimeu , qui avait environ dix ans de plus que lui, il se 
laissa gouverner par cette femme maladive et impérieuse, et poussa 
la faiblesse jusqu'à embrasser le calvinisme à son instigation. Le 


(1) En 1580; le Suppl. au Nobiliaire des Pays-Bas, p.152, met 
1585. 


— 169 — 


duc d’Arachot qui. avait exigé ce mariage sans tenir compte des 
répugnances de sa famille , en éprouva bientôt un amer repentir, 
et sa douleur ne fit que s’accroître en voyant son héritier passer à 
l'ennemi. a 


Marie de Brimeu, à en juger par ce qu’ eu écrit son mari (les 
maris ne sont pas toujours des autorités en ces matières) , était 
d'une hauteur acariâtre et despotique. Ajoutons un correctif à 
cette censure. Elle aimait les plantes et les fleurs, passion douce 
qui s’allie mal avec la dureté du cœur, et Clusius la nomme dans 
ses Plantæ rariores. n 

Cependant, malgré son ascendant et les efforts du prince d'O- 
range pour retenir Charles dans le parti de Ja révolution, il tâchait 
secrètement de briser un joug qui lui était odieux et d’expier une 
double défection dont il rougissait. Il souffrait avec peine que les 
Français se fussent introduits en Belgique à la suite dù duc d’An- 
jou ; il gémissait de l’anarchié et se sentait humilié sous le prinée 
d'Orange.’ Ayant traité fécrètement avec le duc de Parme, il’sè 
mit à latête des malcontents et parvint à ramener une partié de 
la Flandre à SO nRe 


D re de s'être ue contre à le liberté de son pays ? 
Ceux qui professent, avec: MM. Balmes et-Romo, l'opinion que 
depais le serzième.sièele le protestantisme a été en Europe le seul 
énnemi de la liberté, répondront sans hésiter par la négative. 
Mais ces sentences absolues rendent. rareñent l'exaeté vérité, et 


a 


(4) Clusius avail vu à La Haye, en 1594, la plus grande espèce 
d’oranger-limoñnier qu'il connût; elle avait été envoyée par le savant 
médecin Bernard Paludanus, à la princesse de Chimai (Marie de Bri- 
meu). Plantar. rarior., lib. 1, 1601, in-fol. p. 6. | 


Il ne faut pas confondre Marie de Brimeu avec Marie de Brimeur, 
femme de Conrad Schetz et dont Clusius parle souvent, pp. 53, 66, 
437, etc. 


Voy. l'Histoire des lys, narcisses, frilillaires, etc. de M. Morren, et 


les Notions élémentaires sur les sciences naturelles et physiques (Botani- 
que), par le même. | 


— 170 — 


la synthèse des deux spirituels Espagnols ne nous paraît pas plus 
admissible que celle qui ne fait entrer la liberté dans l’Europe 
moderne qu'avec la Réforme. (Cette liberté, qu'on n’extirpera 
jamais puisqu'elle a sa racine dans les profondeurs de l’âme, et 
qu’elle est une des conditions nécessaires de notre existence, se 
développait depuis des siècles dans le gouvernement des nations 
et elle est loin d'avoir encore atteint sa forme définitive , si jamais 
rien de définitif et d’absolu existe dans les choses de la terre. 
Certes le duc de Croy ne la comprenait pas comme nous; mais 
tout prouve qu’en reniant l'opposition armée, il ne se constituait 
aucunement l’auxiliaire de l'oppression. Son amour de la règle, 
sa passion de l’ordre et du droit se seraient-ils accommodés de 
l arbitraire : ? 


Un ayteur calviniste, qui vécut au milieu des événements qu'il 
raconte, François Le Petit, le juge avec beaucoup de sévérité, et, 
de l’aveu de Charles de Croy, il s’éleva alors contre lui un violent 
orage : ses proches mêmes crièrent à la perfidie, à la trahison ; 
mais son père approuva hautement sa conduite. 


« Ce seigneur, dès sa nes dit Le Petit (4), avoit été bien 
instruit et éloit d'unreutendement vif quetoutefois il appliqua 
depuis fort mal : étant poussé d'un esprit:ambitieux à se faire 
grand , il quitta le parti que tenoit son père, à savoir celui de 
l'Espagnol. Premièrement sous le manteau de la religion; à 
laquelle il se montroit ardemment zélé (4) (l'issue de ses desseins 
« ayant depuis montré. quel pouvoit être le cœur), il ne laissoit 
« pas échapper un seul prêche qu'il ne s’y trouvât, communiant 
« plus souvent à la cène que nul autre.. Même écrivit un livret 
_ par lequel il louoit la religion protestante et élevoit le due 
e d'Anjou jusqu'au ciel, au bläme et suppression de l'Espagnol, 


\ 


= 


(1) La grande Chronique ancienne et moderne de Hollande, Dordrecht, 
1601, in-fol. Il, 484, 

(2) Haraeus [Annal., n, 362): Orangianis et calvinianis mille modis 
Chimaium execrantibus, ac specie Religionis reformatæ se ab eo decep- 
tos clanutantibus. 


— 171 — 


qu’il dénigroit autant qu'il pouvoit (1). Tellement que si ce 
n'eût été que sa mère, issue de la maison de Halewin, ennemie 
jurée de la religion, du prince d'Orange et’ de tous ceux de la 
maison de Nassau, il eût bien pu parvenir au mariage de la fille 
stnée dudit sieur prince d'Orange. Or, sous ce masque de 
« religion, ayant épousé Madame Marie de Brimeu, comtesse de 
« Meghem, veuve de Lancelot de Berlaimont, dame fort affectée 
« à ladite religion, il alla premièrement à Bruges où il fut aussitôt 
« fait gouverneur, et guères de temps après, aveuglssant le 
_« monde par sa belle parade de religion, reçut pareillement le 
« gouvernement de toute la Flandre. Burant lequel, et signam- 
« ment depuis la retraite du duc d'Anjou, les affaires étant ainsi 
« brouillées par toute la Flandre, à quoi tout le plus il tenoit la 
« main, ses déportements commencèrent à être suspects au prince 
« d'Orange, auquel toutes ses manières de faire .si bigottes ne 
« pouvoient plaire, tant qu'une fois il lui écrivit de vouloir autre- 
« ment régler et modérer la dévotion qu’il montroit porter à 
« Dieu, l’affection à la patrie et le respect à son honneur propre : 
« ce qui toutefois eut peu de crédit et moins d'effet en son en- 
a droit, comme est assez à appercevoir par un petit discours qui 
« lui a été dédié, imprimé à Dusseldorf, auquel tous ses déporte- 
« ments lui sont par ordre remis au devant. » 


8 2 8 23 na 


Cet écrit , qui n'a été imprimé qu’en 4588 (2), an lieu d’être 


(1) L'existence de cette brochure est au moins fort douteuse. 


(2) Histoire véritable des clioses les plus signalés (sic) et mémorables 
qui se sont passés en la ville de Bruges, et presque par toute la Flandre, 
sous le gouvernement de très-illustre prince Charles de Croy, prince de 
Chimay, etc., où bien amplement sont contenues les causes et les moyens par 
lesquels, sous la conduite et authorité dudit seigneur prince, les villes de 
Bruges et de Dam, ensemble le territoire et pays du Franc, se sonire- 
conciliés avec leur prince et seigneur naturel.  Traicté très-utile pour 
descouvrir les practiques et sinistres versations de ceux qui, soubs pré- 
texte de deffiance, empeschent aujourd'hui la paix et le repos des Pays- 
Bas. Anno 1588. ([.a dédicace est datée de Dusseldorf le 12 mars). 
Petit in-12 de 33 feuillets non-chiffrés. Réimprimé dans les Annales 
de la Société d'émulation pour l'étude de l'histoire et des antiquités de la 
Flandre, 1.n, 2e série, n° 1-2, pp.119-479. 


— 172 — 


une satire du duc Charles , alors prince de Chimai , est une apolo- 
gie ouverte à laquelle il semble avoir eu une part directe, puis- 
qu'elle se trouve reproduite presque en entier dans les Mémgirés 
que nous publions. 


Charles de Croy ne rentra point à la légère dans le giron de 
l'Eglise catholique, sa conversion ne fut pas un de ces brusques 
revirements, de ces retours inopinés, si fréquents en politique, 
et qui sont inspirés par l'intérêt plutôt qüe par la conviction. Il 
rend conpté avec beaucoup de bonne foi des motifs‘qui l’avaient 
porté à abandonner la croyance de ses pér es et de ceux qui finirent 
par l'y ramener (1). Ilest difficile de croire, en pesant ses paro- 
les, que Le Petit ait été impartial à son égard. 


‘Une fois rallié à la cause royale , il ne s'en détacha plus et la 
servit avec zele. On apprendra dans ses Mémoires quelle fut la 
nature de ses services. I} passe sous silence, lui qui se plait tant à 
particulariser, le repas donné en 1584 sur le pont élevé devant 
Anvèrs par le due de Parme, et destiné à être détruit le lendemain 
par ceux mêmes qui l'avaient construit. Circonstance petite ;‘ si 
l'on vent, maïs martiale et pittoresque. Il faisait beau voir, en 
effet, sur cette terrible machine, ouvrage de leur audace et dé 
leur persévérance ; tant de nobles et braves capitaines, les Croy, 
les Renty, les Varembou, les Mansfeldt, les Manrique, les Del 
Guasto, les Cajetan, vider joyeusement leurs verres en face de ces 
canons qu’ils avaient réduits au silence, et chanter, sur des airs 
soldatesques, la victoire et Le triomphe de leur général! (2). En 
1583 il alla. au secours de l’arehevèque de Cologne avec un corps 
d’armée dont il eut le. commandement en chef, portant la cornette 
générale déployée derrière lui et que saluaient tous les étendards, 
cornettes, guidons et enseignes : point sur lequel il insiste et re- 
vient à plus d’une reprise. Nommé en 1597 gouverneur du 
comté d'Artois, et investi du commandement de l'armée opposée 
au maréchal de Biron, il n'oublie pas de rappeler qu'il reçut tous 
les honneurs qui appartenaient à un général, excepté pourtant, 


\ 


(1) Page 56. 
(2) Strada, Decad. altera, lib. vu. 


4179 


paraît-il ajouter avec un profond soupir, cette bienheureuse cor- 
nette déployée derrière lui 


Précédemment , en 1593 (4), il avait été établi grand bailli de 
Hainaut. | 


En 1595 il devint le chef de sa maison, par la mort de son père 
arrivée à Venise. 


Des lettres du roi de France Henri 1Ÿ, du mois de juillet 3598, 
érigèrent en duché sa terre de Croy. 


L'année 14599 lui valut le collier dela Toison-d'Or (2). Ce fut 
une des dernières faveurs accordées par le roi Philippe 1, qui 
avait supprimé de fait les chapitres de l’ordre et changé sa cons- 
titution primitive. | 


Le 48 avril 46038, là mort de Marie de Brimeu le délivra de La 
captivité, des peines et des travaux qu'il avait endurés avec 
elle (3). Il én était séparé depuis long-temps. 


Il ne prolongea pas son veuvage. Euviron huit mois après le 
décès de Madame de Brimeu, il épousait sa cousine germaine, 
Dorothée de Croy, fille aînée du marquis d'Havré, son oncle, et 
la ville de Mons retentissait du bruit des fêtes, Il avait alors 
quarante-cinq ans. 


Antoine Viericx gravä son portrait quand il n°en avait encore 
que treute-neuf. Ainsi qu'on peut le voir dans la copie qui orne 
ce volume, son front est large, son œil vif et bien fendu, son air 


(1) P.234 de ces Mémoires. Le Suppl. au Nobiliaire des Pays-Bas. 
p. 151, dit 1592, — 11 fit son entrée solennelle à Valenciennes, en qua- 
lité de grand-bailli et de gouverneur de celte ville, le 13 mai 1593. 
— À. D, | 


(2) Maurice, La Boison d'Or. p.322. — Le Mausolée de la Toison- 


d'Or,p.281. Charles de Croy fut le 286° chevalier de l'ordre. — a, D, 
(3) Page 72 des Mémoires. La devise de Marie de Brimeu était : 
Amour et Foy. — à. D. 


15 


— 174 — 


noble, sérieux et pénétrant. Le poëte montois Alexandre Bos- 
quet, qui signe A. B., a orné cette gravure du quatrain suivant : 


Vertu, savoir, noblesse, esprit, force et courage, 
Vivent au craÿon vif de ceste morte image : 
L'artisan au burin rapporte ici ses yeux, 

Et Bosquet ses valeurs d'un vers industrieux. 


Des vers wallons d'Alexandre Bosquet, je rapprocherai tout de 
suite le madrigal latin de Jean-Baptiste de Gramaye. Il ne faut 
pas séparer les grands hommes. Il se trouve à la fin de l’{ndro- 
mede Belgica (1}, dans le Bocage illustre (Lucus Belgicus illus- 
tris), où le duc de Croy a pour symbole le laurier. 


Caroli de Croy, ducis Darscot (sic). 


Phœbum laurus amat , a Phœæbo laurus amatur; 
Tu Grudios, et te Grudii. Juncti ambo virentes 
Martia perpetua ridetis fulmina fronde. 


Ce mariage se célébra avec une pompe extraordinaire. Le duc 
de Croy avait demandé d’abord des dispenses au pape et l'agré 
ment du roi d'Espagne, des archiducs, et, comme parents, de 
l'Empereur, des rois de France et d'Angleterre, ainsi que de quan- 
tité de princes et de potentats tant d'Allemagne que de France 
et d'Italie. 


Ces augustes alliés le traitèrent en souverain et envoyèrent des 
ambassadeurs pour assister à ses noces. Il en vint de la part du 
pape, de l’Émperenr, de l'archidue Mathias, de l’infante Isabelle 
et de l’archiduc Albert, du Roi Catholique, de l’électeur de Colo- 
gne, de l'électeur de Trèves, des ducs de Lorraine et de Bar, du 
cardinal de Lorraine, du comte de Vaudemont, de la duchesse 


F = CG ÉOC , , ét _ , : 


(1) Joannis Baptistæ de Gramaye Anversani Andromede Belgica 
dicta... acta a pædagogü Falconis alumnis tertia ab inauguratis prin- 
cipibus die. Lovanii, apud Laurentium Kellam, 1600, in-40, dern. 
sign. M. 2. Sur cet ouvrage rare de Gramaye et un autre de ses écrits 
presque entièrement inconnu aux bibliographes, voir le Bull. du Bi- 
dliophile belge, t. 1, 9° livr. 


— 175 — 


douairièré de Brunswick, du duc de Juliers, du duc de Mautôué, 
etc. Les états de Brabant, de Flandre, de Hainaut se firent re— 
présenter à la cérémonie; les magistrats des villes, les officiers 
des domaines du duc grossirent cette brillante compagnie où toute 
la haute noblesse s'était donué rendez-vous. . 


La poésie aurait-elle été excusable de manquer à la fête? Le 
rimeur douaisien Jean Loys composa un mythologique épitha- : 
lame, imprimé dans ses œuvres, et dans lequel, ‘malgré l'hyper- 
bole, il v a quelques vers dignes d’éloge. En voieï la fin :: 


Mais (Muse) en quel Madril, en quel Louvre doré 
_ M'as-tu conduict ce soir pour me voir honoré, 
Ainsi qu'ud Apollon , au milieu de la trope : 
Des plus grands demi-dieux et princes de l'Europé. 
Pour me voir honoré d'entrer en ce festin 
Où les rares présens du soir et du matin. 
Des forèts et de l'air, de la terre et de l'onde, 
Font leur table roïale en délices féconde? 
Je conteroy plustot tant de beaux lamperons | 
Qui redorent la nuict de leurs estoillés fronts, 
Que les illustres rancs de ces grandes princesses ; 
En port et majesté pareilles aux déesses, an 
Qui orneat cest hymen de leurs riches joyaux 
Et ternissent l’esclair des plus luysans tableaux, 
Que de conter aussi toutes les masquarades, 
_ De tant de chevaliers, faunes et oréades, 
Les honnestes esbas qu ’avoient à tous propos . 
Soubs les faveurs du bal, les dames et héros! 
!  :Æt toy heureuse nuict , tésmoing la plus fidels. ..:. 
Des plaisirs attendus par ceste couple belle ; | 
_ Ne t'apercois-tu pas que tsët d'esbatemens ‘. . : : … : 
Ne-sont que trop doublés au. gré de ces.amans? :.. ,: 
Ne vois-tuy qu’il est tard et qu’ores'le guide+Ourse .. : 
" : À tantoat achevé la moitié de sa course ?. dE 4e 
” Que Cypriné se face (fdche) et que ne veut Amour: ” : 
Remettre ce trofé jusques au nouveau jour? - _«.. * .: 
… Sus (donc) viens commander que chacun se retire; 
: L'attente à ces amans ne sert que de martyre : 


at” 1e ve 4 
f mt ss 4: « 


_ 196 — 


« Car le bien désiré chèrement est vandu 
« Quand plus par ses délais est de nous attendu (1). » 


Parmi les curateurs et mambours des enfants qui pourraient 
provenir de ce mariage, on remarque avec plaisir Juste Lipse, 
professeur de l'université de Louvain et conseiller des archi- 
ducs (2). Ilétait bienséant que la science prit place dans cette 
réunion de toutes les aristucratiés,, surtout chez ce seigneur qui, 
ami et protecteur des lettres, épousait une jeune femme appli- 
quée à les cultiver. ; | 


On sait, en effet, que Dorothée de Croy placée par Philippe 
Brasseur parmi les astres du Hainaut, s’exerçait à l’art de rimer, 
qu’elle a laissé beaucoup de vers français de sa composition, dont 
on garde la plupart dans la bibliothèque du duc d’Arenberg, à 
Bruxelles, et qu'Erycius Pateanus, dont elle avait tenu une des 
filles sur les fonts , était un de ses confidents tittéraires (3). 


Entre les manuscrits de M. G. J. Gérard (4) qui ont été déposés 
à la Biblinthèque royale de La Haye, il y en a un sous ce titre : 
OEuvres en vers de Dorothee de Croy, duchesse de Croy et 


(1) Les Œuvres pôéiéques de Jean et 4 de a Loys, P et fils, 
Douysiens. Douay, Avroy, 161%, in-80, pp. 980, 104, 


(2) Page 91. Il est vrai qu ’on à attribué à Juste Lipse la fameuse 
généalogie des Croy depuis Adam. _Chorogr. sacra Brab., I], 153. 


(3) La bibliothèque publique de Valenciennes possède deux ss con- 
tenant des œuvres poétiques de la duchesse Dorothée de Croy. Le 
premier, coté Ô. 1-32, est.une tragédie intitulée Cinnaius et Camma. 
Le second (0. 6-40) estun. rocueil de trois à quatre cents quatrains qui 
tous se terminent pàr ées mots: Cela m'est fort indifférent. 1la été 
rendu compte de ces mss; dans la 3° série des Archives.du Nord, 1. V, 
roges 375-384; par M. Atmé sui + ‘qui y'a joint une. notice sur 
Dorothée de Croy. — 4.D.:. | v 

(4) Voyez l'inventaire que nous avons fait de ces manuscrits, dans 
les Bull. de là commission royale d'histoire, 1.Irr,' 2e éd., p. 343; 
n° 438, 


— 177 — 


d'Arschot,. divisées en deux parties, l'une contenant des qua- 
trains, l'autre des poésies sacrées. Ms. de 254 pp. in-fol. (1). 


La duchesse de Croy survéeut de longues années à son mari. 
Sa dévotion déjà extrême alla jusqu’à l’exaltation. Sur la fin de 
sa vie, elle renouvela le spectacle funèbre donné par Charles- 
Quint 2). « Elle voulut, ditle Guide fidèle, être enterrée à Heverlé, 
dans l’endroit où le prêtre se tient lorsqu'il dit l’infroît de la mes- 
se. Elles’'y fit conduire en procession en 4656, tous les religieux 
chantant de pieuses antiennes, pendant que, dans la cave où elle 
devait être enterrée un jour, elle adressait à Dieu ses prières, mé- 
lées d'ua torrent de larmes (3). » Elle mourut en 1662, âgée de 
près de quatre- vingt-sept ans. (4) 


Ce mariage procura au duc de Croy le calme etle bonheur. ll 
se livra alors sans entrave à son génie réglementaire ; il gouverna 
tout à son aise. 11 mit de l’ordre dans son immense fortune, fit 


(1) 1 y a des lettres originales de cette princesse parmi la correspon- 
dance de Puteapus, conservée à la Bibliothèque royale de Bruxelles, 
section des manuscrits. Voir notre notiee sur ces papiers, Bull. de 
l'acad., t. VIIL , n°1. Ces lettres sont malheureusement peu intéres- 
santes. J'ai transcrit les vers de Philippe Brasseur en son honneur, 
p.134 des Nolices et extraits des manuscrits de la Bibl. de Bourgogne, 
etj'aiinséré, p.52, le compliment qu'elle envoya à Puteanus le 6 de 


février 1614, le jour de Sainte-Dorothée, sa patronne. 
Blêmera qui voudra le style de ta veix 
Et tes divins écrits d'où nasssext L’ambrosio. 
Elle n’a pas de goût pour l'ignare et l'envie : 
Ains agace leurs dentset cause tant d’abois, 
Abois qui n’ont pouvoir que d’honorer ta fame 
Et accroistreton los,en accroissaut lsur blasme. 


e) M. Gachard a combattu, dans une lecture faite le 1° mars 1845 
à l'Académie de Bruxelles, l'opinion répandue communément sur les 
obsèques de Charles-Quint faites de son vivant. M. de Reiffonberg a 
reconnu lui-même que l'Empereur a pu en avoir eu l’idée. mais que 

l'exécution en fut au moins douteuse. — 4. p. 

(3) M. E. Gens a répété ce passage du Guide fidèle dans sa nouvelle 
intitulée le Chdteau d'Heverle. Bruxelles, 1844, in-18. 

(4) Un superbe portrait de la duchesse Dorothée de Croy, peint en 
pied par François Porbus fils, existe au musée de Valenciennes ; il 
provient du château de l'Ermitage, près Condé, possédé par les ducs de 
Croy. — à. D. 


ç RS 
«, . 
ET 
Vs 


— 178 — 


des lois et des statuts, et rédigea pour sa maison une espèce de 
charte dont il imposa la stricte observation à ses successeurs. 


Un seul détail donnera une idée dé son luxe. 1! n’était encore 
que prince de Chimai, lorsqn'il alla à l'entrée de l'électeur de 
Cologné dans la ville de Liége. Il s’y montra avec trois cents 
chevaux et plus de cinquante gentilshommes. 

/ 

Duc de Croy et d’Arschot, prince de Chimai, de Porcéan (terre 
qu'il vendit, en 4608, à Charles de Gonzague, duc de Nevers) et 
du Saint-Empire, marquis de Montcornet, comte de Beaumont, 
baron de Halewin, etc., il tint principalement sa cour à Beaumont, 
où était sa chambre générale des comptes. 


Ses Mémoires nous instruisent minutieusement de la manière 
dont toutes choses se passaient. Nous savons combien de gens 
étaient attachés à sa personne, quelles étaient leurs fonctions, leurs 
émoluments; nous n'ignorons pas les noms des serviteurs d’ex- 
traction noble, des personnes de condition qui tenaient à honneur 
de lui-appartenir. La chambre, la table, l'écurie, la chasse, tout 
défile en détail devant nos yeux. Avec un peu de patience et un 
grain d’arithmétique , nous supputerions même sa dépense de tous 
les jours. Elle effacerait celle de bien des monarques actuels. 


Et puis, au milieu de ces statuts d'intérieur, on ramasse par-ci 
par-là quelques traits qui peignent un temps de trouble, la féo- 
dalité qui se respecte, la noblesse qui a conscience d'elle-même. 


Ainsi, le duc ordonne expressément qu’aussitôt qu’il se sera 
mis à table, le maître d'hôtel ( parmi ceux qui furent revétus de 
cette charge, nous trouvons un sieur Van Balle, ou de Schal, et 
le seigneur François de Harchies), tant au souper qu’au diner, 
fera fermer les portes, lever le pont-levis et exigera que le portier 
lui apporte les clefs pour les garder. 


Le duc n'oublie rien. Le cadastre, la statistique de ses terres 
etaient tenus avec une exactitude merveilleuse. (On eonserve 
encore dans.les archives du marquis de Cararman , à Beaumont , & 


—_— 179, — 


Besogne du grand duc de Croy, du 11 décembre 1604. D’autres 
besognés, indiqués dans l'inventaire des archives de Boussu, sont 
rédigés avec le méme soin et concernent des seigneuries diffé- 
rentes (1". 


À Beaumont, un de ces doujons gothiques, élégants et guerriers, 
une tour chenue nommée la Salamandre, sans doute parce 
qu'elle était à l'épreuve de la flamme, contenait les archives héré- 
ditaires, les diplômes émanés des empereurs, des rois, des ducs 
et des comtes, les pieuses donations aux églises et aux couvents 
sur parchemin jauni, avec sceaux appendus, les chirographes in- 
violablement observés, sans nos soupçonneuses , malhonnêtes et 
fiscales précautions de timbre et d'enregistrement, et les annales 
de la famille. 


Le château d’Heverlé était aussi une des habitations favorites du 
duc de Croy. Cette terre, après la mort de Rasse Van Grave, fat 
achetée par Antoine de Croy. Le sire de Chièvre renouvela 
les constructions et les agrandit. Le duc Charles, ainsi que 
Brasseur le donne à entendre, s’oecupa surtout des jardins, des 
vergers , des bois, des fontaines et des chemins, et y fit exécuter 
des travaux prodigieux (2). Mais, indépendamment de ces dé- 
penses, il rebAtit le cloître des Célestins , qui avait beaucoup souf- 
fert pendant la guerre civile, l’orna de monuments, portraits et 
épitapbes de plusieurs de ses ancêtres, dont il suspendit les ban- 
nières à la voûte, avec ce cri si bravache et si chevaleresque : Je 
maintiendray, adopté par une autre race bien plus illustre sn- 
core (3); il eonsacrait aussi beaucoup d'argent à ses collections 
d'art. L'élève de Cornelius Valerius et du collége des Trois 


(1) Compte rendu des séances de la commission royale d'histoire, IT, 
285. Article de M. E. Gachet. 


(2) J'usti Lipsii Lovanium, p.116. 
(3) Suppl. aux Trophées de Butkens, 1, 269. 


Langues (1), l'ami de Juste Lipse et d'Erycius Puteanus (2), re- 
cherchait les livres (3), les médailles, les pierres gravées, les 
tableaux, les estampes, les statues, les antiquités de toute espèce 
Vinchant, dans son histoire du Hainaut, s'exprime ainsi : « Charles 
« de Crouy, duc d'Arschot, fit en san temps grand amas de ces 
« médailles et d’autres antiquailles, ce qui donna occasion à 
« Justus Lipsius de le nommer Lucullus Belgicus (4) » 


Son esprit ordonnateur éclatait encore en ceci. Toutes les 
curiosités qu'il possédait étaient ponctuellement inventoriées. 
Jen avait fait faire la description et l’histoire. C’est pour obéir 
à sa dernière volonté qu’on publia, à Anvers, en 1684; un in- 
foho intitulé : Regum et imperatorum romanorum numismata, 
a Romulo et C. J. Caæsare ad Justinianum Aug., cura et 
impensis Caroli, ducis Croyiaciet Arschetani, olim congesta, 
œrique incisa ; nunc locupletata et brevi commentario illus- 
trata, etc. 


1) Le duc de Croy, dont la mémoire est si bonne, et qui nomme ses 
gouverneurs, omet le nom de Philippe Le Boucq, de Valenciennes, 
Cependant l’épitaphe de celui-ci dans l’église de Saint-Jean, en cette 
ville, lui donne forméllement cette qualité. | 


Paiuippi Le Bouco ossa hic sila sunt, qui posiquam in regendo Garou: 
ne CRoy, principis Chimacensis pueritia, deinde apud Philippum, comi- 
tem de Lalaing, hujus provinci® gubernatorem, secretarii munere, etc. 
Voir cette épitaphe entière pp, 1443-44 de l'Annuaire de la Bibl. royale 
pour 1845. 

(2) 11 y a des lettres du duc d'Arschot à Puteanus dans la correspon- 
dance manuscrite de ce dernier, citée plus haut. 

(3: Un des Croy qui mérite plus l’épithète de bibliophile est 
Charles, le premier prince de Chimai. Plusieurs manuscrits de la biblio- 
thèque de Bourgogne offrent son seing manuel. Entre les mannsc. de 
sir Thomas W..., baronnet, vendus le 27 avril 1837, catal., p. 38, 
n° 40, on distinguait le Livre des faits d'armes et de chevalerie de Chris- 
tine de Pisan , terminé par la souscription ordinaire : Ce livre... est à 
nous, Charles de Croy, comte de Chimay. l\ était donc antérieur a l'an 
1486, où Charles fut créé prince. Introd. aux mém. de J. Du Clercy, 
À, 112. 


(4) Page 35. 


— 181 — 


L'éditeur de ce beau volume est Gaspard Gevartius, qui a com- 
posé la dédicace à l’empereur Ferdinand IV, où, par parenthèse, 
il se tait sur le duc de Croy. Mais l'avis du Typographe au lec- 
teur rappelle ce qu’en dit Juste Lipse dans la dédicace de son 
Syntagma de bibliothecis : « ls ille est, cujus grAoxæaiæ vir sum- 
mus Justus Lipsius commendat, ef eximium inter Belgii proceres 
vocat, qui rerum anliguarum elegantia et studio caperetur, 
nummosque priscos et bibliothecas usui publico instrueret et 
adornaret (1). » 


Les planches de Jacques@f@Bie furent publiées pour la première 
fois en 1617. L'édition de 4, augmentée de cent-quatre-vingt 
pièces nouvelles, parut par les soins de Nicolas Roccocx, chevalier 
et bourgmestre d'Anvers. Albert Rubens y a ajouté un long 
commentaire explicatif, à la demande de son ami Gevartius et de 
‘imprimeur Henri Aertssens. Les dialogues d'Antoine Augustin 
sur les médailles et les inscriptions antiques, traduit du latin par 
le savant jesuite André Schott , et qui déjà accompagnent la pre- 
mière édition, y sont reproduits à la fin. Une troisième édition 
sortit des presses de Cologne en 1700, avec des observations 
nouvelles de Laurent Beger (2). 


Philippe Brasseur, qui défère le second rang au duc de Croy 
dans ses Sydera illustrium Hannoniæ srriptorum (5) et le met 


(4) Le Syntagma de bibliothecis est dédié au duc de Croy au mois de 
juin 4602. L’épitre dédicatoire, indépendamment des éloges que l'on 
vient de transcrire, offre encore ces lignes: « Stirpem tuam video ? a 
« regibus est. Opes? pene regiæ; animum? plane regius. Et quid 
«a nisi altum ac magaificum illo concipis, factis promis ? » Ici est l'éloge 
d'Heverlé qu’on trouvera en son lieu. 


(2) Sous le nom de Jacques de Bie, le Manuel du libraire cite un 
recueil de médailles d’or du cabinet du duc Charles de Croy, depuis 
J. César jusqu'à Héraclius, publié d'obord à Anvers en 1615 , ibid. 
1627,in-4°, republié à Berlin en 1705 aux dépens de J. André Rudi- 
ger, et enfin complété par Sigebert Hggjercamp et remis en lumière à 
Amsterdam, 1738, in-4°. Cette dernière édition est la préférée. — 
A. D . | te 


(3) Montibus, 1637, in-12, p. 2. 


— 182 — 


immédiatement après Baudouin, empereur de Constantinople et 
comte de Hainaut , fait allusion dans ces vers, à son inclination 
pour la numismatique et lui attribue la rédaction principale du 
livre qu’on vient d’alléguer : 


CAROLUS DE CROY, DUX ARSCHOTANUS, S. R: I. Princeps, Eques 
Aurei Vélleris, Hannoniæ Gubernator etc., venerandæ vo trs admi- 
raior et diligens perscrutator. 


Mirum opus Hevræos (1, montes secuisse, viator 
Ut foret ad castrum semita recta tibi. 
Magnum etiam magnique pi à De Phüäippo 
$Supremam (2) Monti consitiisse togam ; 
Induperatorum sed gesta (3) incisa figuris 
Tot curas inter scribere , majus opus. 
An potuit meliore modo sibi quærere laudem ? 
O mirum docti principis ingeninm ! € 


Obiit 1612. 


Daus les archives de Beaumont, on conserve aujourd’hui deux 
petits registres in-4° où sont expliquées par ordre toutes les mé- 
dailles déposées jadis au château de Hèvre (Heverlé), laguelh 
collection appartenait à la maison de Chimay (4). 


Le duc Charles nourrissait de plus un goût prononcé pour la 
musique ; il en avait hérité de son grand-père Philippe, deuxième 
duc d’Arschot, qui bètit le palais de Beaumont, où Charles-Quint 
fut reçu en 1540 et dont la chapelle était conduite par le célèbre 
Clemens non papa (5). 


(1) Juxta Lovanium. P. B. 

(2) Curiam ann. 1612. P. B. 

(3) Antuerpiæ. P.B. 

(4) Compte rendu des séances de la commission royale d'histoire, 
I, 272 

(5) Scohier, La généalogie et descente de la très illusira maison de 
Croy. 1587, in-fol., p.28.— La bibliothèque de Valenciennes pos- 
sède un ms. coté 0. 6-58, intitulé: Livre de chansons de Che 
de Croy, in-4° oblong, sur papier. — 4.b. 


æ 


"— 183 — 


: Déçu dans ses espérances et n'ayant pas eu d'enfants de son 
Second mariage , il songea à son testament. Cette pièce, rédigée 
àB eaumont , et datée du 1° juillet 46140, est d’une prolixité 
extraordinaire. : Le duc commence per y jéter un regard sar sa 
vie passée et en rend compte à pen près dans les mêmes termes 
que ses Mémoires ; puis il règle ses obsèques et se regarde pres , 


‘que mourit avec un sang-froid imperturbable. H veut que son 


Corps, après avoir été exposé publiquement avec ses plus beaux 
habits. lé manteau et la couronne de duc, 'soit accoustré en veste- 
ment dé capusthin (1), pour prouver le néant des grandeurs de 
ce monde. 11 donne le modèle de sa sépulture, et, afin de ne 
rien laisser à faire après lui, il compose son épitaphe (2). 


Cela posé, il partage ses biens, et pourvoit d'abord au sort de 
on bâtard, François de Croy, dont il n’hésite pas à nommer la 
mère , une noble et puissante dame, Marie de Boussu, duchesse 
douaixiere de Brunswick et de Lunebourg, s'il vous plaît. Ce 
bâtard épousa Dorothée de Raville, veuve de Godefroid, baron 
d’Eltz (5). 


Il assigne, en second lieu , la part de Dorothée de Croy, sa 
femme , et, sans oublier cependant les autres membres de sa fa- 
mille, laisse le fond de sa succession à sa sœur Anne de Croy, qui 
le porta dans la maison d'Arenberg, avec les titres de due de Croy 
et d'Arschot. 11 est remarquable qu'en appuyant sur ses ancêtres, 
il ne dise pas un mot des rois de Hongrie. 


Le testament est accompagné de trois codicilles. C’est dans le 
troisième qu'il ordonne d'imprimer la description de son cabinet 
archéologique (4). Sa dernière pensée fut pour la science. 


(1) Page 243. 


(2) Une autre épitaphe en français, et qui offre un résumé des mé- 
moires, 8e lisait aussi aux Célestins d'Heverlé. Elle est rapportée mot 
à mot dans le 1€r vol. du Supplément aux dé de Brab. 


(3) Suppl. au Nobl. p.135. 
(4) Page 504. 


— 184 — 


_ Ce codicilleest daté du 3 janvier 4644, et il mourut le 13 jan- 
vier 4612. 


Il continua donc jusqu’à la fin de se tenir à jour, de s’anuoter 
pour ainsi dire et de faire sou bilan quotidien.” Voilà ce qui 
donne à ses Mémoires un intérêt particulier. Ils sont écrits d’uu 
style incorrect, wallon, rouchi, je le veux bien; la phrase y est 
souvent emharrassée, suspendue, mal construite, inachevée ; on 
y rencontre de fréquentes répétitions ; mais c’est une épreuve d’a- 
près nature, un original dont on préfère les défauts aux grâces 
étudiées d’une copie infidèle ou suspecte. 


Le manuscrit, signé et certifié en plusieurs endroits de la main. 
tremblante du duc, offre néanmoins dans l'orthographe des noms 
de personnes et de lieux, des fautes sauvent grossières dont nous 
avons essayé de corriger la plupart au moyen d'une table où nous 
avons rassemblé quelques renseignements qui rendront la lecture 
de ces Mémoires plus coulante et plus nette. Des travestisse- 
ments du copiste, en petit nombre, sont restés des énigmes sans 
mot (4). 


Nous avons voulu ranimer une grande existence d’autrefois, 
montrer ce qu'était la puissance féodale au moment de sa ruine et 
de sa décadence, et c’est encore en Belgique, sur cette terre, 


(1) Pour compléter les renseignements donnés par le baron de Reif- 
fenberg, nous ne devons pas omettre de dire que le duc Charles de 
Croy, mort au chateau de Beaumont le 13 janvier 4642, fut inhumé en 
un superbe tombeau en l'église des Célestins, à Héverlé, près de 
Louvain, avec l’épitaphe suivante : 


Carozus A CRoY 
Nuper Dux Croy et Arschoti 
Ex magnâ progenie natus, 
Nuuc putredo terræ, et cibus vermiculorum, 
Obiit in Domino, expectans resurrectionem mortuorum, 
Anno CI9. IDC. XII. 13 Januarij. 


_ La devise particulière de ce prince était: Autant vaut; celle de ses 
armcs portait : Je maintiendray Croy. — à. D. 


— 185 — 


bhjet constant de nos études et de nos plus douces affections que, 
tout ignorant que nous sommes, nous avons placé notre appareil 
galvanique. | : | 


Toujours est-il qu'un fait nous demeure acquis il n’y a plus 
de grands seigneurs (1). : 


Baron DE REIFFENBERG. 


(1) Les publications de la Société des Bibliophiles de Belgique, quoi- 
tue adressées à un public très restreint, ont été accueillies avec une in- 
dulgence et même un empressement dont nous avons élé surpris. La 
presse, j'entends la presse sérieuse, a montré à leur égard une rare 
tourtoisie. Nous devons surtout remercier, en France, la Bibliothèque 
de l'Ecole des Chartes ; en Allemagne, les Goettingische Gelehrte Anzei- 
gen. Dans le n° du 6 mai 1843, pp.709-717, le savant critique Hav, 
a annoncé la Corréspondance de Marguerite de Parme avec Phuippe II. 
On nous y édifie sur un personnage qui y est cité, p. 13% , sous le nom 
de Girrich Van Hall. M. Hav. pense que ce ne peut être que Jtrgen 
Von Holl, ce capitaine brunswickois si connu. 


La Revue nationale de Belgique (t. XI, 4e livr.) nous a été, comme de 
raison, moins favorable que les feuilles étrangères. Elle nous a repro- 
ché de pousser le panégyrique jusqu'à proclamer Charles - Quint le 
créateur de la politique d'équilibre. En bornant là sa critique, la Rerue 
ajoute que c'est à peu près faire honneur à la fièvre de la découverte du 
quinquina. Peut-être nous sommes-nous mal expliqué; mais si par po- 
titique d'équilibre, il est permis de désigner un système qui, contraire- 
ment à la politique d'isolement presque seule en vogue avant Charles- 
Quint, cherchait à contenir les puissances les unes par les autres, à 
profiter de la valeur relative des moindres Etats et à faire entrer dans le 
jeu de ses combinaisons des nations et des princes à peine connus jus- 
qu’alors, on pourra fous passer notre proposition, on ira même jusqu’à 
l’adopter. 


L'Indépendance qui avait assisté à la lecture de cette introduction à la 
Séance solennelle de l’Académie du 16 décembre 1844, ne l'avait pas 
écoutée, et peut-être avait-elle eu raison. Mais alors il n’en fallait pas 


parler comme si elle àVait daigné être attentive. L'/ndépondande a été 
scandalisée de nous entendre dire qu'il n’y avait plus de grands soi. 


gneurs. Et, en effet, comment avons-nous pu oublier qu'il en est en- 
core un, un seul, il est vrai, mais le plus grand de tous les seigneurs 


passés, présents et futurs : le journalisme, qui met ses tréteaux au- 
dessus des trônes, le journalisme qui se vend et qui tranche du despote, 
le journalisme qui veut absorber tous les talents, pour les rapetisser à 
sa taille ? 


Si 
MARIELLE X: 
JOYEUSES ENTRÉES DES ROIS. 


Réceptions des princes, des gouverneurs, etc. dans Les 
villes du Mord de La France, — Urésents (1). 


Déjà, nous avons dit ailleurs (2) quelles énormes dépenses s s’im— - 
pesaient les villes pour la ruse tion des rois. : 


Nous avons fait. conaître le poyel purgañne-royal ;. les hâtons,. 
au moyen desquels.on le soutenait presque tojours couverts de: 
fleurs de lis d'or ; les couleurs qu’il revétait qui, d'ordinaire, 
étaient celles du monarque (5). 

Nos ie toutefois, auraient droit de nous taxer de négli- 
gence, si nous ne leur signalions ici tous les insignes que Fran- 
çois [°° accorda aux officiers municipaux de Péronne, comme une 
sublime remembrance dé leu valeureuse déferise. ” 


(1) Cette notice forme le chap. xt° au ms. | intitalé: L. ‘cités picardes 
et artésiennes aux xive, xv° et xvre siècles, lequel a obtenu de l’Institut 
de France une mention très honorable, en 1848. 

(2) Le Beffroi de Péronne, pp. 18-19. 

(3) Le palle et chief de damas noir, sous lequel on reçut, à Béthune 
(1540), Charles-Quint, avait exigé xxxvit aunes et demie. — Voy. 
nos rech. hist. ., PT. 


\ 
— 188 — 


En effet, l'argentier en exercice (1336) déclare qu’à Charles 
Millet, orfèvre, il a payé vus 1. su s., prix de huit f” couronnez, 
d'argent doré, donnez aux officiers de La ville, pour porter en 
signe de la bonne victoire que Dieu avoit donnée à la ville 
allencontre des Bourguignons. 


Unesemblable distinction fut concédée & la femme de l'élu de 
oix. 


“Parés de cette noble décoration, et précédés de six centa ban- 
nières aux armes de la cité, confiées à de petits enfants, Îles 
magistrats péronnais allaient recevoir lé père des lettres, qui ve— 
nait les féliciter de leurs héroïques exploits. 


Les divers présents offerts dans ces circonstances solennelles, 
nous initient aux mœurs et aux usages de l'époque, en même temps 
qu'ils nous fournissent quelques pages précieuses pour l’histoire 
de l'art. 

A Béthune, outre les trois hanaps de madre (14), qu'en 4416 
Piérot Escarssel , orfèvre, avait reliés et rapointiés (2), et qui, 
sans doute, ne servaient que lors des réceptions les plus pompeu- 
ses, On rémarquait douze cannes de présent que, cette wême an— 
née, Leurens Le Paintte avait ornées des armes de la ville (3). 


Elle leur substituait aussi, quelquefois des cannes de terre (4). 


t : ‘ : ‘ 
” 
} LS: sa + . + 


' (1) Suivant du Cange, le madre était une sorte d’agathe-onix. si 
rous en croyons le grand d'Aussy (Vie privée des Français, 11, 206), 
les grands seigneurs seuls avaient le droit d’en faire usage. 


(8) Lesquelz avoient osté rompus e: brisiez par mesquief. 


“(3) Cornelius Micér donnant un “festin dans un temple d’ Hercule, 
présenta à boire au pontife et à toute l'assemblée dans une coupe d’un 
” métal précieux pateram électrinam, sur laquelle on avait gravé la tête 
d'Alexandre et l'histoire de ses principaux exploits (Trebell. Pollio, 
iñ quieto ). ds | 

(4) Aussi à ses armoriies. — Le fameux peintre François de Vriehd, 
dit Frans Floris, mort en 1570, possédait quantité de vâses en faienés 


4 


— 189 … 


Telles étaient les XRVIIE (4) qu’en 1419 e off ait à des do 
anglais. 


Pour y peindre l'éca de la cité, | Thumes Dumont avait exigé 
ir d. pour la confection de chaque blason. 


Le duc de Bourgogne 8 ‘étant rendu dans cette ville le mercredy 
Xe jour de septembre, l'an mil cccc et xxr, à son retour de le 
journée qu'il avoit eu à Mons en Vimeu, à l'encontre de ses adver- 
saires, le samedy derrain jour du mois &'aoust proctiaiit ne 
dent (2), on lui offrit u une queue de vin. 


En 146%, Péroune en faisait présenter xxir1r quesnes à Charles- 
le-Téméraire, vai au chancelier, vi au connétable de France, 
ir à M. Desquerdes, It ag doyen de St-Furcy. ; 

Dans le cas où le prince. serait arrivé de nuit, x11 torches avaieux 
été préparées. | 


, 


En 1324, François Ié° fait annoncer que, sous peu de jours, il 
visitéra sa bonne ville de Péronne. Aussitôt on décide que deux 
pièces de vin lui seront offertes, tandis que M. de Vendôme en 
recevra une. . Aux autres seigueurs on en distribuera par kaines. 


Dans ces circonstances, la fierte du grand St-Furcy précédait | 
prseque toujours les magistrats. | _ 


Elle fut portée cette fois par Foursy le Saige, Pierre Sohier,. 
Jehan d'Avesnes et Adrien Le Pèvre (5). | | 


et en porcelaine exécutés par son frère, où se trouvaierf peintes de 
charmantes bhistoriettes et de gracteuses images. (Al. Michiels, Hist. de 
la pointure flamande et hollandaise, t. ur, p. 300). 

}(1) Aud. chaque, | 

(2) Mongjrelet (1v,334) indique cette mème date etce même jour, 
mais Mile Dupont ( Mém. de Pierre de Fénin, 164) observe avec raiso 
que cette année Île dernier jour d'août arriva un dimanche : ce ‘que 
constate notre argentier lui- -même, puisqu’autrement le mercredi ‘aurai 
dû tomber le onte septembre. | à Æ on 

(3) Arch. de Péronne, fol. 218 r° et vo. a 

44 


— 190 — 


À Noyon (1837), on faisait hommage au due d'Orlésns de deux 
piècés de vin, l’un blanc, l’autre claret (1). 


A la reine de Hongrie, on.en offrait deux muids (2). 


À la reine (3) 4ilyensire, les péronnais donnaient xvirt kaines 
de vin, alors que mean” " grand maitresse en acceptait XIE 
petites (4). | 


Le fameux roi d Toctot (5) lui-même, avait, peter, part à 
ces graciensetés. 


ll en était ainsi, eu 1547 et 1548, puisque l'argentier de Pé- 
ronne élève la première dépense à xxxvis.vid., prix de six 
petites kennes de vin offertes au roy Diphotot, et porte la setonde 


(1) 4494. À Béthune le vin vermeil de Poitou coûtait n 8. vr d. le lot ; 
— 1430. Blanc vin de Lannois de 11 8. ui d. à un 8. v1d.; —— vin de 
Poitou, de n 8. 11 d. à xxvmi d. | 


(2) Arch. de Noyon, fol. 353 ro, — 365 ro et Vo; — - 366 r'. 
xve siècle, Robert Philippe, Ro vinofier à Noyon. — A Béthune, 
ceux qui faisaient ces présents étaient toujours accompagnés de deux 
torches ardentes. C’est ainsi que fut présenté celui que l'on offrit au 
capitaine anglais qui revenait du camp de Landrecies. — 1591. À 
aucune fille , une pinte de vin (de xx! d. ) pour se marier. (Arch. de 
Roye). 7 

(3) Au XIVe siècle, la veuve du roi. se nommait la reine blanche, celle 
d’un comte /a-dame blanche. 


(4) Arch. de Péronne. — Les vins les plus recherchés au XIV: siè- 
cle étaient ceux de Bourgogne, de Gascogne, de la Rochelle, de l'Or- 
kanais, de la Champogne: Le Besune et l'AÏ étaient surtoul hautement 
appréciés. Les Anglais avaient toujours à Bordeaux une flotte de deux 
cents voiles, qui allait aux vins. (Fabliaux de la bataille des vigs ; — 
Lebœuf, Hist. du diocèse de Paris, t. 1v, p.27). : 


15) Voy. la dissert. de M. de Vertot, Mém. de l’Acad. des lscrip., 
vtr, pp.550-572, éd. iñ19 ;: — Duplessis, Descript. de la haute 
Normandie, t.1, p.180 et suiv.; — ‘La Roque, Traité de la Noblesse, 
ch. 26, P. 98; — Chopin, De regulis juris, lib. 1. 


= 191 — 


à XXXVI 8., pout être présenté vin A ‘mons. de. danget, roy 
Diffetot (4). A ; 

il serait trop ve de nommer ici tous les seigneurs que meni= 
tuonnent les registres : qu il nous suffise de dire que, toujours 
dévoués à l’illustre maison de Humières, les péronnais en don- 
paient une nouvelle preuve à Louis de Bumières, leur gouverneur, 
en lui faisant hommage de huit petites queanes de vin (2), à son 
retour de prison de par delà, d'la journée des nobles. 


| Parmi tous.ces vins offerts , , les registres signalent celui des sa: 
blons de Compiègne ii. : 


Au nombre des personnägesequi, au XV° siècle, réçurent à 
Béthune vins de tourtoisie, figurent révérend Père en Dieu l'évé- 
-que de Betheléem, confesseur (1424) du ‘duc de bourgogne ; 
l’infâme Pierre Cauchon (1430), évêque de Beauvais ; Jehan de 
Saveuses; Jehan de Refuges (1438), le premier écuyer, le secohid. 
ambassadeur du duc d'Orléans ; Le souverain de Flandre ; maitre 
Pierre de Morvilleré, l'un des seigneurs du parlement ; Cuer, roi 
des hérauts d'Angleterre ; le bâtard de Bourgogne, seigneur dé 
Chocques et de Beuvry ; : le comte de Charolois (Os son » héraut, 


# 
. . UT | | “ ; : 
# 
’ 


(1) Martin du Bellai, chevalier de l’ordre du roi et sous-lieutenant en 
‘Normandie, prince d'Yvetot par son D avec Isabelle Chenu; 
mort en 1553. 

(2) Au XVe siècle on lit dans. les registres : 1488. À Guillaumé 
Gerin, pour m los de vin présentés lé jour de la Magdalaine , à mons, 


. - de Humières, comme chief des nobles. cs 


(3) 14717. Un deniy arpent de vingnes assis 6s sablons, au lieu dit 
le tierge des Nonnains; — 1500. Vingt verges de vignes situées es 
sablons de Compiègne, vendues xL 8. (arch. des Boubers-Melicocq). 
— |lest question à cétte époque de vin de nuit, c'est-à-dire qu'ou bu- 
vait à son réveil dans le lit). — L'argentier de Béthune (XVKsièole) 
porte en compte les cLxiu L. nus. de gros qu'il a soldées à mess. de 
* Bruges, pour xv bottes devin secq. (fol. xxir°). Ne s’agiraitril point 
_ ici du van nommé j'umarium ? (Baccius, De natural. vin. hist.) . | 

(4) On lui offre uue quesne de vin de Beaune, contenant doux muids 
‘sept seliers. T0 


— 199 — 


nommé Béthune, son écuyer de cuisine, Garnier Pochelot, garde 
de sa tapisserie: Jehan de May, maïeur d'Abbeville; la reine 
d'Angleterre; Olivier de la Marche, mattre d'hôtel du comte de 
Charolois, qui conduisait (1466) l'ambassade d'Angletérre; le 
fameux Jehan de la V'acquerie (1475), conseiller de la ville 
d'Arras ; le bailli de Rouen, capitaine des nobles de Normandie ; 
M, Jehan de Genlis (4475), sieur de Montilles, ‘conseiller à Ma- 
lines ; M. de Maiguy, conseiller et chambellan du roi; M. du 
Ludde ; ung capitaine de Scwistes (1480); le dauphin d’Auver- 
gne ; M. Guy, Nicolas Latimer, chevalier anglais ; .Morlet dé Sa- 
veuses (1475), maître d'hôtel du comte de St-Pel ; M della) 
Grutuze (1489), envoyé. en ambassade vers le roi; M. de Gribo- 
val (4496), chevalier, maître d'hôtel ordinaire du duc d'Orléans. 


En 1478, les registres mentionnent le vin offert à un religieux, 
qui avait préché les nouvelles de la paix faite entre Louis XI 
et plusieurs autres souverains ; ainsi que celui que, l’année sui- 
vaute, on présentait à un religieux fraänciscain, qui avait préché les 
| pardons et indulgences de | ‘église St- Esprit de rue (4). 


Le célèbre Olivier Maillart lui-même si goûté alors comme pré- 
dicateur, avait part. à ces libéralités, puisque nous voyons qu'on 
faisait hommage (1493) de deux los de vin de Beaune, prins au 
chelier du chapitre de St-Bétremieu, à maistre Olivier Maillart, 
provinchial de l'ordre des Religions de l'Observance. : 


En 4557, on décidait à Noyon qu'à l'entrée du fils du conné- 
table (9), nommé gouverneur dé la province, les plus notables per- 
sonnaiges iraient à cheval à sa rencontre jusqu'à St-Laure avéc 
robbes longues, ainsi que les hacquebutiers et archiers précédés 


(1) 1489. À mess. Andrieu, au commiaudément du curé, pour avoir 
des pardons à l’église Sainct Pierre, lequel disoit qu ‘ils estoient au 
banca, Lvis8.; — 1491, À Coustel 1x 8. ., pour avoir aporté les bulles 
des xn cens jours de pardons, que... a denné le cour des cardinaux 
et notaires de Rome, que pour les avoir solicitées ; pour avoir livré le 


-_ Æoffret xxvii d. (Arch. de Roye). 


{2) M. de Montmorenci. 


— 193 — 
de leurs.enseignes; que les faulxconneaux seraient placés sur La” 
porte St-Jacques, afin de les deserrer à son arrivée, et avant que 
Louis Châtelain ne le haranguât (1) 


Quelquetois c’étaient des bœufs de haut prix, de l'avoine , du 
blé, que les princes acceptaient avec reconnaissance. ‘ 

En 1466, les deux bœuk qui furent présentés (à Péronne) au 
comte de Charolois étaient ornés des 2 armes du prince et de celles 
de la ville (2). | 


Les habiles poissonniers de S'oyebantecluze, mettant en œuvre 
toutes les ruses qu’une longue expérience leur avait apprises, atti- 
raient dans leurs engins les plus beaux poissons de la Somme. 

Ainsi, en 1165, le comte de Charolois recevait en présent vi 
gros begin, vs carpes et ung quart de begin; M. de Chaulnes, 
vi gros ligue {3), vr carpes fouissans (4) et ung quarteroa d'au- | 
guilles. ‘hs : 


EN 


Outre ces présents, il fallait souvent héberger les seigneurs qui, 
par ordre de la cour, venaient attendre dans la cité l'arrivée des 
ambassadeuts, | | 

Nous voyons, en: effet, que Péroune avait à pourvoir, pendant 
six semaines ,: aux frais du maréchal de Châtillon et de sa suite, 


PR Re 


(1) On lui fit présent de oi "muids de bon viri. (Arch. de Noyon. 
fol. mi c. mixxn r°). 

(2) Voy. notre beffroïi de Péronne, p. 19: 

: (3) Des brochets, l'en dût lancerel, brochet, querrel, lux et luceau- 
(le Ménagier de Paris, 1, 88); — les Detits sout appelés lanceruns : las 
moyens, brochels : les plus gros Us de la FARPegnes 
chap. xviu). 

(4) Suns toute les carpes connues sous le noin de laboureuses. Ce 
sont, en général, les plus grosses. — Originaire de la Perse, la carpe 
fut introduite en Europe par les Romains, et.n’a pénétré en Prusse 
qu'au moyen-âge. Elle a été importée au XVI: siècle. en Angieterre, 
plus tard en Russie et en Suède. (Voy. le journal la Presse cd du 
monde scientifique, n° du 6 novembre 1848 ). . 


— 194 — 


alors qu'il y attendait (1508) milor Chambretan, chief de ue 
sade d'Engleterre, auquel elle ft offrir deux chisnes. 

Descendu à l'hôtel de Cléry, il fallut lui fournir force garbes, et | 
satisfaire ceux qui, de nuit, avaient tenu les fallots. 

e . | 

Lorsque. les villes voulaient se montrer plus magnifiques, elles 
se voyaient forcées de s adresser. aux plus habiles orfèvres (1). 

Désireux de posséder les bonnes grâces de la comtesse d’Etam- 
pes, le maire et tes échevins de Péronne, saisissant adroitement le 
montent où son illustre baron vient d’être créé chevalier (2) de- 
vant Qudenarde (1452), ce qui lui confère le titre de dame, com- 
Anse Li elle à St- LES deux ou 


& ET 


Le es: dit l'argeutier, formait ung. nu gobellet LE 
pe..., tout doré dedans et dehors. Au-dessus du converche : 
on remarquait une couronne esmaillié , et sur icelle y avoit ung 
homme et une femme acolant l'un l'autre, et, autour dudit 
couvert, y avoit une grant couronne garnie de tourellette. 


Ce gobelet était supporté par | trois plier sen à fachon de tourelles, 
et, au milieu d'icelles, y avoit trois petites tourelles quin ’alloient 
mie jusques en bas. 


(1). Voy. notre beffroi de Péronne, p.19 ; notre Cité picarde, pp. 65- 
66. -— En 1129, on offrit à la duchesse de Bourgogne une coupe d'ar- 
gent toute dorée, à couvercle, pesant un marcs ou environ (fol. 2 ro). 
— Lorsque l'empereur. Charles-Quint fit son eutrée à Béthune (le 20 
novembre 1540 } accompagné de la reine de Hongrie et de la duchesse 
doyagne de Mella, ou lui présenta un bachin et une esguière d'argent, 
pesant XV Marcs,, II ONCES, VI estrelins. L' argent était alors à x111]. 
u 8.Je marc. — Selon l Art de vérifier les Dates (vi, 1580 .le mare 
d argent , ‘sous François Ier, était à 14 1. 105. 

(2) Françoisle- accorda à l'Université de Toulouse le pouvoif. de : 
faire des chevaliers. — Suivant Nandé (;Addit. à l'hist. de Louis XI, 
p.46), Philelphe s’applaudissait d'avoir, 19 premier, strene les cheva-:. 
liers par l’épithète d'aurati.. : 


Au desseur -dudiet piet en montant, lediet gobeler avoit vr 
esmaux et vi pillierÿ, ef en chacun pilier yavoitune.ymaige blan-* 
che, et, au-desseure de iceuix i imaiges, y avoit une couronne à 
V1... (1). dE | ; 

Sur. l'autre pps deux marcs, six écus d’argent, on obser- 
vait au convercle ung chercle semé de flourettes emmailliez de 
bleu, et au-dessus nne poirette à pointe emmaillié d'asur. ‘Le 
pied était armé de frasures bleuz. UN 


Le panier dans lequel ils furent envoyés , coûta xH1 d., les 
estouppes pour les envelopper, xit d.; ; la dépense s'éleva, code, | 
à Lxxvil 118. (2). . 

“Les seigneurs, d'ordinaire peu délicats, profitaient de toutes 
les circonstances pour forcer, en quelque sorte, les villes à leur 
offrir de riches présents. __ 

En 1468, Pb. du Couronnet, gouverneur de Péromue, ne 
rougissait pas de solliciter, à l’occasion de son mariage avec la 
fille du seigneur d’Aussy, un splendide cadeau que, lui-même, 
il déclarait devoir se composer de vi tasses d’ “Agen pee cha- 
cune s111 Marcs. 


_ 


$ . L | FT CDR 
| N'obtempérant qu'en partie à ses ordres, ons eontentait de 
lui adresser une esguère et vr gobelets, du poids de vi marcs (3). 


", $ . mn 


_ 


(1) Ce joyau si précieux pour lhist, de l'orfèvere au XV° siècle, 
pesait quatre onces et cinq écus d’or. 11 coûta xuvir écus d'or, vus. 
YLd. UE Ou parle ailleurs de gobeléts d'argent, or au Leone et esprit 
tellez de flourettes d'argent.  u ” 

(2) Arch. de Péronne, fol. 75 r° et vo. — 1572. Les magistrats de, 
Béthune offrent une lasse d'argent au thaïeur d'Arras (Phüippo ke 
Prévost}, à son retour d'Espugne , où il avait été député par les Etats. 
— Au XVIe siècle, on mentionne l'or LE ducat, l'or ‘d'escun ; l'or de 
maille: l'or de pistolet. “ke 


(3) Arch. de Péronné, fol. 52 vo. 


— 1% — 


Le riche et magnifique due de Bourgogne, Philippe-le-Bon, 
et la duchesse (tue pans point de faire de sernblables de- 
mandes. ., .. | Là 


Plus adroits, | toutefois, en 143 ‘, ils se coutentaient d'inviter 
la ville aux noces de mons. de Thoulongon (2) et de demoiselle 
de la Trémouille ; en 1446, à celles d'Antoine, bâtard de Bour—. 


gogue, et de demoiselle Jehenne G}. fille de mons. de la Vief- 
ville (4). , | 


Convaincus que toutes ces invitations intéressées ne pouvaient 
qu'occasionner de fortes dépenses , les officiers municipanx allé- 


guaient pour s'excuser que, jamais, ‘la viHe n’envoyait à nulles 
noches. 


En 1456, Béthune faisait offrir quatre lions d'or à Baudechon 
de Zopye, varlet de cambre et aide des joiaux du comte de Cha-" 
roro à l’occasion de son mariage. 


Long-tempe vi) (1439), M. rue sant engagé! les 


k 


(1) En 1442, douze dames ou cncisalles à hacquenes ornées dé 
draps d'or, parmi lesquelles figurait Jeanne de Roüuvroy, ‘surnommée 
la belle blanche, accompagnèrent la duchesse de Bourgogne à sen 
entrée à Besançon, où elle allait recevoir l'empereur Frédéric. ns S 
me, 1v. 398, B, C.) n end - 


(2) André de Thoulongeon , uommé chevalier de la Toison d’ or, en 
4432, mort à la Terre Sainte., sans avoir reçu le collier. (Anselme, 1v, 
Li 


‘ (3) Si uue veuve noble mariait sa fille orpheline sans se consentement 
du seigneur suzerain. ses meubles étaient coufisqués :, on lui laissait 
deux robes, une pour les jours ouvriers, l’autre pour le dimanche, un 
lit, un palefroi, une charrette et deux roussins. — Le palefroi servait 
de monture aux dames, tandis que le destrier était le cheval de ba- 
taille. (Y. Ragueau, au mot haras)., 

(4) Ces deux noces furent célébrée à Bruxelles, {Arch. de Péronne, 
fol. 15 v'; — 180 vo. — Béthune lui faisait présenter un gobelet d'ar- 
gent, à pied et à comelecque, tout doré par dehors : ; le comelecque orné 
de trois écussons aux armes de la ville, y gravées par Jehan Daulle, 
orfèvre. 


—— 197 — 


échevins de ceite même ville à titre” le ptos d'honneur Fossible à 
sun secrétaire, Jehan dg la Forge ; _ qui ellait se mater à Hesdin, 

” tes bous magistrats se contentèrent, d'abord, de remettre à teur 
messager, comme cadeau, six mailles d'Utrecht; mais avertis en- 
suite que les autres villes se montraient plus généreusés, ils expé- 
disaient un second. messager . qui ; au premier présent, ajoutait 
quatre autres pales. EDR D. 


Érusle cites se trouvaient dans la nécessité d'envoyer à ces 
noces, on convoquait les maïeurs de bannières, le commun, pour 
choisir ceux que l’on y députerait. 


Ainsi, en 4466, sur da nouelle que ceux de Roye et de Mont- 
didier se faisaient représenter à Mottaigne , aux nocés du baïllt 


de St-Pierre-le-Moustier ( cu), les cine de Féronne y envoyaient 
aussi. * ER 


-Be son côté, Béthuie | Jui lisa hommage de xt ob. pos- 
| M À #9 3 

Le fils d'un des commensaux du duc entrait-il en religion ? 
Aussitôt le prince d'écrire en sa faveur à ses bonnes villes. 

C'etait pour faire äroit à une requête de ce genre, qu’ en 1459; 
Béthune faisait parvenir deux écus d'or, val. xzax 8., au fils de 
Pierre Lalemant, cuisinier de bouche de Charles-le- Chatolois, 

\pour subvenir aux frais de son vestement à J'abeie de Dilli- 
ci (2). ©; 


L 


"4 \: 
" LA 


Aux princesses, aux grandes des ji sut, sousent, d'of- 
frir de fines ML ou lignon. 


Le - 
re , 0 . 


4) Qui, au dire de Philippe-le-Bon ; était je pire subtil AR qu 
feust sous la nue. [Ghastellain, 299). 


t2) Suivant Descamps (Voy. pitt.), on voyait jadis -dans'le réfectôtre 
de cette abbaye de Frémontrès l'Adoration des Mages par Bernard Van 


Qriey. — Selon de la Croze, ce n’est que depuis le XII® siècle ques ‘on 
a dunné aux Mages le titre de Rois. 


— 198 — 


- C'étaient, en effet, une ie et ie de thiouleties et du 
compenage que présentaient les officiers municipaux de Guise à 
noue la douairière de Lorraine et à son secrétaire [1). 


À Féronnë (1566), dés pièces de lignon ou fyne thaillotte 
données en cadeau à madame de Humières, lors das son entrée, 
coûtaient à la ville xxxvi D. 


. Quelques années auparavant (1585), donse aunes de fhoëlles 
de thoillette figurée, dont on avait fait hommage à Du Pré, secré- 
sire de l’Amiral, avaient été achetés xx 1. (8). 


En 4493, Valenciennes livrait à Béthune , Vt douzaines de lin 
de biez, que le messager allait offrir, à Malines, aux femmes du 
procureur général , du greffier du grand conseil et du secrétaire 
de! renoue La MS 

En 1506, - c'était à l'épouse de we Éoadhiet: consoiller pen 
sionnaire du roi de Castille au Parlement de Paris, que ou en: 
RE deux douzaines. ; 

Ce Môme avocat nt aid) le procès que la ville avait contre: 
les brasseurs, on lui faisait cadeau d’un ul da de velours du 
dits xx}. - 


Eu 1507, tes échevins de Pont-à-Vendin (3) envoyaient à ls 
vidamesse d'Amiens trois aunes de creppe, à xxx s. l’aune ; 
quatre aunes de mullequerie (4) à xLs. l'aune; vi aunes de 
toille de Hollande, à xzs. l'aune; vit aunes d’aultre. toilette, 
à xxu s, d'aune ; 1H4Exx lestiches (5), à rc 8. la pièche; et encore, 


(4) Arch. de Guke. 

(2) Id. de Péronne, fol. 420 ro. 

(3). Village du camon de Lens. 

(4) Auprès de Bapaume, Ste- élait ARAONES des mulqui- 
niers pu tisserands de batiste. 

_. (6) Pelisse, fourrure grise, (Roquefort Diet. de la Langue romans, 

. L P. T6). f 


— 190 —. 


ajoute-l'argentier, xL aumes de teillette de Hollandré , à xxinra . 
l'aune. Le quenevach qui servit à les envélopper, revint à 111 8, 
et l'on eu donna Lx1111 au servitenr de la châtelaine qui les porta. . 
Di tin | | : ou “e = 

Dans d'autres Soie on se coutentait d'ofrir des 
fruits. | 

Nous voyons effectivement qu'en 1529, la marquise de Agenetz, 

à sûn’passage à Noyon, y était haranguée par le maire accompa- 
gné de douze notables bourgeois, et qu'elle acceptait dis poires et 
les prunes (2) qu'ils lui prmenteres (3). | 


Sûre d’être agréable en faisant hommage. de ses fromages si 
renommés, Béthune (4) faisait cadeau, en 1468, de Lxv fromages 
de presse (5) à Simon le Borgne, changeur à Arras, afin qu il eût 
les affaires de la ville pour recommandées. ; D 


En 4506, on offrait quatre longe (6) aux religieux Fraude 
cains, qu avaient nt préché durant le caréme. eo 17 


(4) Aroh. de M. le baron Blondal d’Aubers. 

(2) 1538. Les pronnes de Damas. 

(3) Arch. de Noyon, fol. 216. — Yoy. notre cité picarde, p. 68. 

(4) Voÿ. Le Grand d'Aussy, Vie privée des Français, t.n1, p.55. 
I] dit à tort que Béthune est.en Flandre. La rencontre qui eut lieu, en 
4487, près de Béthune, fut surnommée la bataille des fromages, à 
cause de la grande quantité de fromages que l'on conduisait dans cette 
ville. ( | 

(a) Ailleuts : fromaiges de presse, de la saison de may. — Deux 
fromaiges de presse coûtent xvinrs. (peut-être xwiu d.), en 4480, (Voy. 
le Ménagier de Paris, [l, 218; note 2°. — 1506 fromaiges de présent à 
1 8, vi d. pièce. — Eù 1520, on remarque parmi les redevances d'un 
fermier de Watronpré {anprès de Vervins (Aisne), les geais sont encore 
nommés Watrons) près Noyon, vi fromaiges de gain (Arch. de là préf. 
de l'Oise ; — voy. le Ménagier, 1, 213, note 8). — Ne serait-ce point 
iromage de regain? | 

(6, Un long tonneau à mettre fromaiges xS. 


_ 900 — 


: L'année suivante, l’habile et rusé procureur, chargé par la ville 
de défendre ses intérêts au Parlement de Paris, ayant mandé que, 
«pour gaigner amis audict Paris, il seroit bon d'y envoyer des . 
| angelots de pots de crasme de Morbecque et quatre aunes. de 
pats de” satin, que, déjà, il avait promis au clerc de l'avocat ; 
Noël Gure, voiturier, y conduisait sur son cheval, enfermées dans 
deux paniers, six douzaines de pots de créme de Morbecque et 
quatre d ‘angelats, ns LYIL 8. VI d. Ur 


Lis quatre aunes de pats de satin eoûèrent XXX 8. VII d. 
Noël exigea Lx 8. pour le port, et réclama les x11 d. donnés au 
‘ comissionnaire de Paris qui avait porté les pots et les ange- 
lots (2). 


Deux ans 8 après, on confiait à Pbleppe de le Haie, messager de 
l'Université de Paris, deux ; jones levrettes G), destinées aux mémes 
personhages. 


Il devait les conduire en laich, et, attendu qu’elles eholent 
jones, ne faire faire que vr à VIE lieues par jour. 


Les déux colliers de cuir rouge garnis de quaniées de fer, re- 
vinrent à vs (4). . SD | 
La bonne duchesse de Savoie elle-même (5) ne craignait pas 


+4 
À 


(t) Le Grand d’ Aussy, ouv. cit.,t. 11, pp. 55-36. 

(2) Arcb. de Béthune, fol. Sci vo XXIX r°. 

(3) Dès le temps de Froissard les lévriers étaient fort recherchés, 
puisque, dans une de ses pastourelles ; il nous apprend qu’il présenta à 
Gaston Phoœbus quatre lévriers, nommés Tristan, Hector, Brien et 
Roliant. Gaston, qui aimait Son ni le déduit > chiens, en 
avait toujours plus de seize cents. | re 

(4) Arch. de Béthune, fol: xxx v°. 

(5) On säit l'épitaphe badine que cette a s'était faite, en 
4497, lorsqu'allant épouser en Espagne, l’infant Jean, fils de Ferdinand 
et d'Isabelle, le vaisseau sur roi elle était montée, était prés de 
faire naufrage : 

Ci git Margot, la gente demoiselle, | 
Qu'eut deux maris, et si mourut pucelle. {Art de vérifier les 
dates, f.17, p. 493). 


Û 


d'imposer à ses chers bourgeois de Béthune de grosses dépenses, 
puisqu'elle leur mandait, en 1509, .de festoyer maitre Olivier (4), 
l’un des présidens du Parlement de Paris, qui s'était rendu dans 
leur ville pour y faire nne' enquête contre l’Archiduc, au sujet 
du procès mu entre lui a te duc de Nevers, relativement au duché 
de Brabant. 


Jaloux de remplir dignement les intentions de la princesse: les 
officiers menicipaux envoyaient querir force volite à Arras, et 
parvenaient ainsi à offrir à l' habile diplomate ‘et au célèbre Jehan 
‘ Caulier, leur conseil, un splendide repas, dont les frais s‘élevèrent 
a xvil. xvrs. vit d., sans y comprendre les six quesnes de vin 
d'Orléans, préseñtées au président à son entrée en ville (9). 


C'était, surtout, lors de l'entrée des souverains, que les villes 
cherchaier® à se surpasser les unes les autres par la richesse, l’élé- 
gance et le bon goût des arcs de triomphe, des trophées (8). 


_Les gantois, toujours factieux, profitant de la mort de Marié de 
Bourgogne (1489), se saisissent de Philippe et de Marguerite, ses 
enfants, au mépris de Maximilien, leur père, qu'ils contraignent à 
négocier la paix avec la France. 


Par le traité qui, en conséquence, fut signé à Arras (4), le 23 
décembre, et ratifié par Louis XI le 99 janvier suivant, ils arré- 
tent, avec les plénipotentiaires des deux puissances, le mariage de 


« 


- (1) 1 fut un des ED de France au traité Lu Noyon, en 
4 16. | 
(2) Arch. de Béthune, fol. uixxur rs, : 


(3) Lorsque l'archiduc Albert fit son entrée solennelle à Anvers,. on 
chargea Otho Venius (maitre de Rubens) de diriger la construction des 
arcs-de-triorophe que l'on élevait pour exprimer la joie publique ( Al. 
Michiels, ouv. cit., t. 4, p. 461). 


(4) Le trompette qui, la nuit de Noël, avait apporté à Béthune les 
premières nouvelles de la paix, reçu truis lots de vin. 


? 


ds 


| Marguerite, qui n'avait qué trois anis, et du dabphi qui en avait 
douze (14). 


Se fiant peu aux promesses du monarque français, Maximilien 
exigea que, nou- seulement tous es princes du sang, les pairs, 
mais encore les principales villes promissent par leurs lettres et 
scellés, de maintenir le-traité. 


“C'était pour se onto mer à cette clause-que le chevaucheuor du 
roi, Henri Lanocque, apportait à Béthune les missives de Louis XI, 
ordonnant de bailler lettres soubz le scel de la ville pour tenir le 
traicté. 


Au chevaucheur. on alloua L s8., tandis que le messager qu 
porta l'adhésion à franchise (2), à l'ostèl de Jehan de Beaumont, 
là où les autres es d'Artois portaient semblables lettres, en 
regut rm. | | «: 

Les cités artésiennes, joyeuses de voir : l'héritière Ce leurs sou- 
verains unie à l'héritier présomptif de la couronne de France, 
céléprèrent à l'envi les unes dés autres la bienvertue Ge la jeune 


prIntens: 


.… : : 


- À son entrée à Béthune , le onze mai, la future dauphine , en 


traversant les rues couvertes de fleurs (3) et de verdure, fut témoin 
| : : ë E-, 


(1) Les émbassadeurs de Louis XI furent le ptemier président de la 
Vacquerie (Dans un compte de 1475 on lit: à maistre Jehan de la 
Vacquerie, lors échevin de Béthune), et Guérin, son maître d'hôtel . 
ceux de Maximilien, Philippe de Crèvecœur, de Lannoy et Olivier de 
: Quateman. 

(£) Arras. 

(3) De parquet. Ce mot est encore en usage , les paysans des envi- 
rons de Béthune nommant parquet le feuillage et les fleurs dont ils jon- 
chent les rues le jour de la Fète-Dieu. — 1438. : On fait copper es bas 
de Béthune esquensurs de may, adfin que les habitans en alaissent que- 
rir pour mettre espardre au devant des huis de leurs maisons, à la venue 
de mädame de Charolois. — 14511. N'est mie à oulblier que menistre 
et ahbés et couyent de Mareul doibventchascun an, sur pluseur masurre 
et dimes dudict Wendin, ung cent des fouzain de bled pour estrainer 
lad. esglize, (Arch. de Vendin-le-Vieil). 


— 903 — 
des remonstrances et juyeubetés que faisaient sur quatorze hourds, 
aux riches tentures, les compagnons de l'église St-Barthélemi, 
les Cordeliers, les caitables de St-Eloi, ceux de St-Nieolas, les 
arbalétriers, les confréries de plaisance, des Z'ours, les barbiers, 
les cordiers, les chavettiers, les bouchers, les tauneurs et corde- 
wanniers. les tailleurs de grès et maçons, ceux de sottie. 

| Les deux chevaucheurs de -bot, que la ville avait fait veuir ‘à 
grands frais, attirèrent anssl ses regarde.» 

" Toujours magnifique , non-seulement le .cité avait commandé à 
l'orfèvre Jehan Goumon (1) ung daulphin. une margarüte, une 
couronne, ung falot et ung fol, tout d'argent, destinés. comme 
pris, à ceux qui feraient les plus belles remonstrances par seignes 
sur hoürds (2); mais encore elle faisait acheter à Bruges, un 
présent digne de Marguerite : c'était un drageoir d'argent, doré 
au pied, au pomet et au bors de deseure, aux armes des deux. 
jeunes fiancés et de la ville. 


Ce splendide joyay, du poids de sept marcs, une once, seize 
estrelins, revint à cr À. 1118. Sa cuillère d'argent doré, à manche 
crisialine torturée, coûta Lx s. Le graveur qui y avait mis les 
trois écus, exigea, en outre, XxI18.; lepeintre qui les avoit 
iii v 8. 


La boite dans laquelle fut placée la cuillère: fat schatée Xvid; 
le drap.qui servit d'enveloppe au drageoir ; v 8.; {a courroie 
hévessaire > pour la poiter de Bruges à Béthune, x11 a. | 

Avec ce riche joyau on préseritait à la princesse un élan de 
vin de DPAURE) du prix de xx L. xui d. ob. 


© En 1432, Willaume Goumon, orfèvre, hivra à Je ville ung g godet 
d'argent, à piet et couvercle, d trois souages dés d'or, pesans xr on- 
ches et xn estrelins d'argent, à XXI s. l'onche, que l'on présenta * 
Jehan Sacquespée, receveur des aydes d’Arthois. . LE 


@ Voy. dans nos Artistes du nord dè‘la France le chap. intilulé à 
Artistes dramatiques de Béthune, pp. 216-246. 


— 304 — 


. De leur côté, Toison - d'Or, Luxembourg et un. troisième héraut 
d'armes (1) acceptaïient , de grand cœur, chacun un postulas de 
.Xvis. vi d.; Guyeune et Normandie, rois d'armes : de France, 
‘suivant ler exemple, recevaient Chacun un écn d'or et deux 
-quesnes de vin. | 

| An, | 
Monseigneur le mattre d'hôtel remettait aussi à la paneterie, 
À l’esésnsonnerie, à la cuisine, à la fruiterie, à l'escuierie, etc. ‘a 
“les xrr mailles postulas dévolues à chacune d' elles. 


Les gränds seigneurs eux-mêmes étaient loin, de se laisser ou - 
blier, puisque parmi ceux auxquels fureut offerts vins de courtoi- 
sie, nous voyons figurer M. et Mc: di Navestain ; M. et Me de 
La Vere; les abbés de St- Bertin # de St-Pier re de Gand, ‘et le 
chancelier de Brabant, 


- Malgré le vit désir qu "éprouvait Maximilien de se venger du 
double 'affront que venait de lui faire Charles VIIL (d’abord, en 
lui renvoyant sa fille, quoiqu ‘elle lui eût été fiancée dès 1482 ; 
puis, en donnant sa main à Arne de Bretagne, que lui-même il 
avait épousée par procureur), le traité naguère signé à Etaples (2), 

(1) Le P. Ménestrier (Chevalerie ancienne et moderne, éd. de 1683, 
in-49, chap. 5, p.225) dit qu'on choisissait les hérauts d'armes parmi 
les personnes que l'on croyait avoir de l'esprit, du savoir et de l'expé- 
rience ; mais, selon le mauvais goût de ces siècles ignorants, t'est 
d'eux que nous sont venus tant de romans sur les faits d'armes et de 
| chevalerie, et tant de fables par lesquelles ils tâchaient de se faire 
Valoir, et de rendre cAepués les voyages qu ’ils avaient faits en divers 
pays. 

(2) En 4492, Guillaume Rüillon, portant l'esmal du M R Des 
querdes, remeltait au maleur, les lettres par lesquelles ce seigneur 
ordonnait de faire publier. la paix conclue avec. les Anglais, — 1516. 
À ung nouveau poursuivant d' armes du roy catholique 1x s., pour luy 
aidier à faire uhg esmail des armes servans à son office ; obstant que 
en luy donnant ledict office il a esté bâptisé et intitulé du nom de 
Béthane, pour ce qu'en Artois c’est une SEpnoune PAS et semgla 

vée. (fol. xi v°). : 


le mettant dans la triste nécessité d'ajourner sa vengeance, la : 
paix fut conclue à Sent, le 23 mai 4495 (4). | 


À Béthune, sent trompettes vinrent, d'aberd, à la jedisseie (a) 
pour en faire la proclamation , puis 8e rendirent à St-Barthélemi, 
où leurs joyeuses fanfares se firent entendre avant et après le Te 


Deum 


De leur côté, les confrères arbalétriers et les archers de plai- 
sance, de concert avec les clercs de St-Barthélemi, jouërent chas- 
cun uog joeu de personnaiges sur ung hourt dressé devant la 
halle (3), où les chantres vinrent aussi par des chansons célébrer 
les bienfaits de la paix (4). 


Désireux d’en posséder une copie, les échevins faisaient déli- 
vrer deux oboles d'Utrecht à Victor de Cupré, clerc de maistre 
Jehan Dauffiy, maistre des requestes de l’ostel du roy, pour ung 
double du traitié de la paix, et xvr s. au messager qui le leur avait 
apporté. | | 


Chose assez bizarre, c'était aussi xvis. que la cité accardait à 
Jehan du Mont-St-Eloy, escuyer, lorsqu'en 4495 il. lui faisait 


(1) Thomas de le Plane, président de Malines fut son embase 
deur. 


(2) À Arras, l'endroit de la place da l'hôtel-de-ville assigné sus 
venies publiques se nomme bretecqus. — Et avoient par deyent eux 
mis breteches {tours en bois) qui avaient graus broches, de fer, et 
estoient couvertes de tailes, afin que on ne les peut apperçcevair. (Joan. 
abb. Lauduo, ia spec. Bist., lib. nm, c. 55). Le 


(5) Ms reçurent chacun witrs. oo 


(4) L'ouvrage de St Victricius, publié, en 1738, par l'abbé Lebeu, 
dans son recueil de divers écrits pour l'éclaireissement de l’histoire de. 
France, prouve que, dès le IVe siècle, on était dans l'usage de chanter 
aux entrées des princes des espèces de cantiques à la louange des * 
guerriers. — Louys Guyon, s' de la Nauche (Les div. Leçons ; 11, 
p. #02) dit ‘que l'harmonie lydienne et lonique estoit defféendue en 14 : 
primitive Eglise, et n’estoit permis ÿ chanter aucune cbtise que dut 
premier ton, qui est encor le plus fréquenté ès églises. 


; 15 


— 206 — 


savoir la mort de la veuve de Me Jehan Dauffay, par lequel trespas 
étoient sospites xL 1. de rente tiagère sur le corps de la ville (4). 

L'une des principales clauses du traité de Senlis, celle qui ren- 
dait-à l'archiduc Philippe Les villes d'fesdin, d'Aire et de Béthune, 
venait, eïfin, d’être mise à exécutiou, lorsque, le 25 mai 1500, 
ce prince fit son entrée solennelle dans cette dernière ville. 


Déjà, nous avons décrit le cérémonial observé dans ces circons- 
tances, nous nous contenterons donc de dire, qu'outre les écus 
placés aux portes sur les tableaux, dus au talent de Gilles du 
Roisnél, huchier, on remarquait à la halle une bannière aux 
couleurs du prince, c’est-à-dire rouge, blancq et gaune, qui, 
ainsi que les écus , avait été peinte par Jehan de Le Rue. | 


Sire Olivier Vicongne, prêtre (2), avait livré, pour la façade de 
la halle, un grand blason aux armes de l'archiduc,. orné de neuf 


Û 
L 


(1) 1465. À Jacques Lombart zu s., pour son vin d’avoir apporté 
les premières nouvelles que mons. Robert dé Goy, chevalier, estoit 
alez de vie à trespas ; et par le trespas duquel ladicte ville de Béthune 
avoit gagné xx 1. de rente. — En 1477, Béthune s'empressait d’en- 
voyer vers Louis XI, à Vredoing ( Averdoing) et en la cité les Arras, 
à l'effet d'obtenir la remise des rentes viagères qu ‘elle devait à diver- 
ses personnes restées fidèles à la maison de Bourgogne : faveur que le 
rusé monarque s empressa de lui accorder. Ces rentiers se montraient, 
il'est vrai, bien sévères dans certaines circonstances. puisqu’en 1488, 
le sieur de Saveuses faisait arrêter à Saint-Pol cinq kars cergiez de vin 
d'Orléans, appartenant à un marchand de Béthune, pour cette raison 
seule que la ville lui devait xvr c. 1. d’arrérages sur sa rente viagère 
deuc. xxvin !. — En 1%34, Walleran de Gallamez, sieur de Cavron, 
employait les mêmes moyens pour forcer cette ville à acquitter sa rente 
en monnaie c de France (fol, xuvn ro, Un acte authentique » Passé à 
Strasbourg en 4454, nous apprend que le célébre Gutenberg, ‘invéntéur 
de l'imprimerie , ayant arrèté dans cétte ville le greffier âe Maïence, 
pour forcer cqtle ville à lui payer les arrérages d'une rente, qui mon- 


taient à 510 florins , le Magistrat de Strasbourg l'engagea à relâcher le 


prisonnier. (Schepflin, Dissert. sur l'origine de l'imprimerie ; Mém, de 
l'Acad. des Inscripl., éd. in-12, t. xxvur, p. 410). 
12) Plusieurs ecclésinstiques figurent à Béthune comme peintres. . 


CES | 
L 


L 


à . 
— 207 LU] 
” _ 


aunes de drap aux couleurs du prince. Un autre sur bois fut 
destiné à la chambre échevinale, où il fut placé sur un tableau 
commaudé au hucbier Jehan Audeffroy. Le tout paint à ole, d'or 
et d'azur. | 


À la porte des Fers, Colart Dane avait taillé et rappoincté unè 
grande pierre de gretz des armes de monseigneur. 


Dix-huit personnes portant des torches, précédèrent le prince 
à travers les rues jonchées d'herbe et de parquet, jusqu'à la halle 
devant laquelle ardoient x& chierges de chire. 


Sur les hourds aussi élégants que nombreux, placés dans tous 
les carrefours, Philippe vit successivement les hystoires et remons- 
trances qu'y representaient les arbalestriers, 1cs confréries des 
drapiers, des couturiers, des bouchers, de DR à des bras- 
seurs, des savetiers, de St-Jacques. 3 


‘ Parvent sur te marthé, et, au moment où l'on mettait le feu 
‘à l'esprinze (1), composée de cent emquante fagots, les officiers 
municipaux lui firent hommage de deux ponchons de vin, l'un de 
Beaune, l'autre d'Orléans (2), et de deux kasnes d'argent pesant 
ensemble x11t mares, deux onces, moins un estrelin, vendues #1 c. 
+1 xnrs. ri d. par Oultre de Renné, orfèvre de Brages. 


Les nombreux commensaux eurent aussi lieu d'exalter la gé- 
trérosité municipale. 


(4) Lorsque la paix fut publiée à la bretesque de Béthune le 6 jan- 
“vier 1509 (v. s.), les échevins’ énjoignirent k:tôus lés méliers, aux 
tonfréries et aux autres gens de la ville et baniieue, ayant accoustumés 
faire jeux et ébatéements , d’afler à la processiun avecq torsses et 
lumares ardens , de bouter hors bannières, et de faire feu .de joie, 
‘ésprinses, (Les esprinses et feux de joie. On parle de ceux de ia St- 
Jehan et de la St-Pierre.) alumées (Voy. nos Artistes, pp. 221-222.) 
feux, esbatemens, balades et-outres jocondilez. 


(2) 118 éoûtèrent xvnr L | se 


Les pages, les hérauts d'armes, les chevaucheurs d'écurie (4) 
reçurent chacun xvr 8.3; les l'aquais (3) xrr; les trompettes xx ; 
le garde de la tapisserie, celui des robes, ceux des joyaux, cha- 
cun x113 la paneterie, l'échansunnerie, la cuisine, la sausserie, 
la fruiterie, les huissiers d'armes, ceux de la chancélerie, chacun 
au; les huissiers de la sallex; la garde des folz vi; le fol de 
monseigneur Ill ; fes potiers vs; les palefreniers x; les valets 
des sommeliers vi ; les valets de cour de l'écurie, le maréchal, 
chacun vin ; les foutriers x. 


Au chancelier on présentait denx fasses pesant xtxv onoes et 
demie et quatre estrelins, achetées Lvrs l. xix s. 1x d., à Gilles 
Travers, vrfévre à St-Orner. 


A mons, de Bergues on offrait ung gobelet d'argent, à.trois 
pieds et à couvercle deté, sur lequel Anthoine Blauchart, oi 
avait gravé les armes de la ville. 


Les succès obtenus. sur. les infidèles ou les hérétiques, don- 
naient aussi lieu à deg processions (3) pi is assistait le clergé 
régulier et séculier de Béthune. 


Ainsi, c'était par deux processions solennelles qu'en 1365 on 
célébrait la victoire remportée alleucontre du roy d’Argel, qui 
s’estoit desemparé de son siége, et ycelluy levé confusiblement 


(4) Parmi les droits que prélevaient les chevaucheurs sur les habi- 
tants des villes de la riche maison de Bourgogne, figurait celui connu 
sous le nom d'estrines, pour lequel Béthune se voyait taxée à xn s., en 
1500. 

. (2) 1484. Le capitaine des cuits et. ses gens ; logés es villages de 
Noeue, Werquin, Drovin et Waudricourt, y commettent de grands 
excès. (fal. ee ro). — 1534. Aux huit laquais de la reine nt escus 
soleil, pour le rachat des bonnets et cornetles de messieurs les gens du 
roy quy avoienk porté le pasie dessus le vyere de la royne. (Arch. de 
Noyon). 

(3: 1574. À Joachim Chscquel et auits: au notre de douze, nn |. 

, pour avoir faictz la représentation des douse apostres à la proces- 
se (Arch. de Péronne). 


— 909 — 


devant la ville d'Oran, frontière d'Africque, aprez avoir entendu 
le secours de Sa Majesté quy approchoit, aussi bien que la bat- 
taille gaigner allencontre des blans mors (1). 


L'année suivante, à k procession qui fut célébrée le 14 octobre, 
le beat père prédicateur, qui avoit annonchiet la parolle de Dieu, 
affin d'induire ung chaseun à remerchier Dieu le créateur des bon- 
‘ nes nouvelles et grâces que nostre bon Dieu a faict aux bons chres- 
tiens de l'isle de Malte(5), allencontre du tirant et cruel ennemy 
de nostre religion chrestienne et catalicque, le grant Turcq, rece- 
vait deux cannes de vin. 


En 1572, c'était encore par des processions que l'on rendait 
grâces au ciel des victoires que le duc d’Albe avait remportées à 
St-Guillain et ailleurs sur les huguenots français. 


L'année suivante, le succès obtenu près de Harlem par Don 
Fedricq, fil de son Excellence, sur plusieurs basteaulx, donnait 


heu à un Te Deum. 


Ce n'était plus pour remercier Dieu de pareils avantages, mais 
biew pour insulter aux douleurs, aux malheurs de la France, 
vaincue aux plaines de St-Quentin, qu'en 1557 les vicaires de 
Béthune adressaient à l'Eternel les mêmes actions de grâce. A 
cette occasion ils recevaient six cannes de vin, autant que les ca- 
nonuiers qui, au chant des psaumes, avaient joint le bruit de 
l'artillerie; alors que les harbardiers du gouverneur n’en rece- 
vaient que quatre. 


N'oublions pas d'ajouter à ces frais les Lxx 8. donnés pour la 
despense et gouverne de trente prisonniers franchois de la prinse 
de St-Quentin, amenez à Béthune par aucuns archiers, non plus 


(1) Au chevaucheur qui, en 1517, avait apporté nouvelles que les 
geudarmes du roi três-catholique avoient prins deux villes sur les 
Turcs et infidèles, au quartier d’Affricq, et assiégié leur cappitaine e 
chief, nommé la Barbe Rousse, on accordait trois Phitippus. 


(2) Ilest ici question du fameux siége de Malte. 


» 


— 210 — 


que ceux qu'occasionnérent les deux chariotz rouilliers qui, le 
XVII febvrier xv ©. Lviit, menèrent vivres et munitions en la ville 
de Hen. 


À Noyon (1558), pour obéir aux ordres du roi, qui voulait 
qu'on rendit à la reine de llongrie les mêmes honneurs qu’à lui- 
même, on dépéchait vers M. de la Roche (4) un messager, qui, à 
son retour, racontait qu'il semblait à ce seigneur qu’il fallait porter 
palle, etne fauit preudre garde de quelles coulleurs, celles de la 
ville ou autres, en ignorant les coulleurs de la royne; qu’il lai 
semble que présènter deux muys de vin sera bien. 


1! faudra teudre les rues, et, de nuit, y avoir feux et fallots. H 
sera bon de placer sur son passage toute l’artillerie de la ville, 
grosse et menue, s'il en est besoing, la descharger à son entrée; 
et, s’il en falloit passer par là, il le leur mandera, et leur enverra 
deux grosses pièces. | 


Les officiers municipaux décident, en conséquence, que le paille 
sera aux couleurs de La ville, rouge et blanc; que l'artillerie 
sera placée aux portes Dame-Journe et St-Eloi, aux tours d'ar- 
doise et Cocquerel; que deux muids de vin seront offerts en pré- 
sent ; qu’ordre sera donné aux habitants de mettre à point et net- 
toyer leurs logis et places basses pour faire estables ; d'avoir lan- 
ternes ardentes de nuit aux rues ; qu'il sera tendu aux huys de 
tapisserye par le lieu où yra ladiete royne jusques à son logis, 
etc (2). | | 


A Péronne (1349), François dé Namur et Fourly Dumaistre 
exigeaient XLvIIt s., comme salaire d'un grand escusson des 
armoiries de Mons. De Becquencourt, gouverneur de cette ville, 
inondez et rouge, de trois piedz et demy de hault, et de trois 
piedz de large; ung chappeau de tryumphe, ung trocis alentour 


(1) En 1559 , à son entrée à Noyon comme gouverneur de l’île de 
France, on lui présenta un tonneau de vin. (Arch. de Noyon, fol. 
383, v°). | | 

(2) Arch. de Noyon, ibid. 


— 911 — 


d'or fin, les enchassemens dudict tryumphe de mesmes, avec tre- 
ches et fondz de fin or ; le champ d'argent et le derrière de 
vermillion. 


En 1575, c'était à Nicolas Bauchart et Andrieu Herel que l’on 
s'adressait pour les armoiries de M. d’Estourmel. 


De son côté, Jehan Millet, orfèvre (1), fournissait, moyennant 
vis., six douzaines d'esfous, pour les faire arrenger en forme 
d'orenge, pour mettre pendant aux armouryes. 


DE LA Fons-MELICocQ. 


(1) Au XV, siècle, nul ne pouvoit ( même après avoir fait son chief 
d'œuvre en aucune bonne ville, comme Amiens, Sainct-Quentin) exer- 
cer à Péronne, en mêmetemps, le métier d'orfèvre et celui de quin- 
caillier. Ainsi, en 14482, Pierre des Osteux requiert qu'il soit défendu 
‘à Jehan Millet, quincaillier, de mettre hors de son ouvroir ung syen 
serviteur ouvrant dudict mestier et encoires qu'il lui soit interdit et 
déffendu qu'il ne mette plus la caise à fenestres, signifiant qu'il soit 
orfêèvre et maistre dudict mestier, s'il ne fait apparoir qu'il soit maistre, 
et en délaisser la quincaillerie. (Arch. de Péronne, fol. 305, vo). 


NOTICE BIOGRAPHIQUE ET LITTÉRAIRE 


SUR 


_JÉHAN MOLINET. 


A MON COMPATRIOTE ET AMI SAINTE-BEUVE, DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE. 


ET QU Ee—— 


se: + se +2 l'écho de la forêt 
Répèle avec orgueil lefnom de Molinet, 
{ Epitre sur le Mont-llulin, par Je baron 
d'Ordre }. 


Voici encore un de ces hommes que, par une négligence diffi- 
cile à concevoir, les boulonnais en général ont laissé dans l’oubli 
le plus profond. — D’autres parties de la France nous l’ont envié ; 
elles ont cherché à s’approprier le fait de sa naissance, à entirer 
honneur et vanité: Rendons enfin à notre pays ce qui lui appar- 
tient, en dissipant les doutes qu'on a élevés sur le lieu où Jehan 
Molinet a reçu le jour, et en le faisant connaître plus complète - 
ment qu'on ne l'a fait jusqu’à présent. 


C'est à Desvres (anciennement Désuresnes), petite ville située 
à quatre lieues de Boulogne-sur-Mer, que naquit, vers la moitié 
du XV: siècle, l’homme distingué dont nous nous occupons. — Au 
cuns détails particuliers ne nous sont restés sur sa famille, et sur 
les premières années de sa vie. Il y a toutelois lieu de penser que 
ses parents appartenaient à la haute bourgeoisie, peut-être même 
à la noblesse, et qu'ils avaient de la fortune. En eflet ,: ils le 


— 213 — 


firent étudier à l'Université de Paris, et la œaditiom écrite nous 

apprend que le 45 septembre 1656, on vit figurer, dans l'assem- 

blée de la noblesse du Boulonnais, uu sieur de Molinet. - Au 

serplus, entre Desvres et Samer, il existe un hameau du nom de 

notre poète , qui avait titre de fief avant la Révoletion, et dont le 
seigneur était alors le baron du Blaisel. 


Au sortir de ses études, Molinet se maria et vint s'établir à 
Valenciennes, où il passa une partie considérable de son exis- 
tence, et qu'il se plaisait à appeler dans ses ouvrages le val doux 
et fleuri, le val des amours, vallis amorum. — Un tils du nom 
d'Augustin, qui devint chanoine de Condé, dans le Hsinaut , fut 
le seul fruit de l'union qu'il avait contractée. — Ayant perdu sa 
femwe, la douleur qu'il resentit, ses principes religieux le por- 
tèrent à embrasser l'état ecclésiastique, et il obtint un canonicat 
dans l’église collégiale de sa ville d'adoption. 


Molinet avait toujoars eu du goût pour les lettres: il s'était 
agrégé à une confrérie célèbre, le Puy de Rhétorique, existant 
depuis un grand nombre d’années 4 Valenciennes. — Alors, le 
flambeau des arts et de la poésie commençait à jeter ses rayons 
éclatants sur cette belle Flandre, où régnait la maison de Bour- 
gogne. Des académies étaient établies dans plusieurs villes; des 
luttes avaient lieu entre les poètes ; les plus habiles recevaient des 
couronnes au milieu de fêtes splendides, et les annalistes nous ont 
conservé plusieurs pièces ayant obtenu le prix du bien dire et de 
gaïsavoir dans ces solennités. — C'est, sans nul doute, au sein 
de la confrérie du Puy de Rhétorique que se développa le goût 
de Molinet pour la verification. 


Georges Chastelain, aujourd’hui fort peu connu, jouissait alors 
d’une grande renommée , comme chroniqueur, orateur et poète. 
C'était, jusqu’à un certain point, le Froissart de l’épnque, quoi- 
qu'il n'y aît, en fait de talent, aucune comparaison à établir entre 
lui et son illustre devancier.— Molinet le prit pour modèle, devint 
son disciple, et son ami très affectionné. — Chastelain étant mort 
en 14474, ilsollicita , ainsi qu’il le dit dans ses Mémoires, de 
son très redoute prince, et le dépria en toute humilité, qu’il lui 
plut lui donner licence de parachever ce que son maître avait 


— 914 — 


commencé. Il s'agit ici de l’œuvre ayant pour titre : Recoliection 
des merveilles advenues en notre temps.— La requête de Molinet 
eut un plein succès, et il devint indiciaire ou historiographe de 
la maison de Bourgogne. — Depuis, Marguerite d'Autriche, 
gouvernante des l’'1ÿ5-Bas, le nomma son bibliothécaire. — Cette 
princesse, aussi remarquable par sa haute raison que par la vivacité 
de son esprit, cultivait elle-même la poésie, et avait une estime 
toute particulière jrour les talents et le caractère de Molinet. : 


À la mort de Charles-le-Téméraire, des calamités sans nombre, 
‘octasionnées par la guerre, la révolte et la trahison, vinrent 
fondre sur la Belgique. Molinet eut grandement à souffrir dans 
ces temps de désastres, de ruines , et c'est ce dont on ne saurait 
douter en lisänt ce passage de son Temple de Mars, au livre de 
ses faicts et dits: | 


Pour ce que guerre m'a navré, 

Et que Mars me travaille et blesse, 
Sans avoir mon bien recouvré 

J'ai peint son temple. . . . .. 


Dans La Ressource du petit Peuple, dialogue en vers et en 
prose sur les miséres du petit peuple, il a peint avec autant de 
naïveté que de force le spectacle navrant que lui offraient les in- 
fortunes de la classe inférieure de la société. 


Il fut étroitement lié avec le poè'e Guillaume Cretin, et les 
compositeurs, alors célèbres, Antoine Buquois et Louis Compère. 
Lui-même était excellent musicien. Faisons observer, en passant, 
que Desvres, où naquit Molinet, est la partie du Boulonnais qui a 
produit, à diverses époques, le plus d'organisations vraiment 
musicales, car Monsigny, le fondateur de l’opéra-comique en 
France, et Albert Bonnet, l'émule de Lays, sur notre première 
scène lyrique , étaient originaires de cette petite ville. — Est-ce 
au hasard, ou à l'influence des beaux sites avoisinant ce lieu, 
à son air pur, qu'il faut attribuer cette particularité ? l'examen de 
cette question à la fois philosophique et physiologique nous entrat- 
nerait trop loin: nous laissons à de plus habiles le soin de la 
résoudre. | 


— 915 — 


Molinet eut pour élève Jean Lemaire, son parent, qui depuis 
donna des leçons de versification à Clément Marot. — C’est de ce 
Jean Lemaire, successeur de Molinet, en qualité de bibl'othécaire. 
auprès de Marguerite, que l’abbé de Saint-Chéron a dit : 


De Moulinet , de Jean Lemaire et George 
Ceux du Hainaut chantent à pleine gorge. 


Oo trouve un témoignage aussi vif que touchant de la recon- 
naissance de Lemaire envers son vieux maître, dans ces paroles : 
« Je, très incognu disciple, et loingtain imitateur, désirerais 
» suivre Îles vestiges de monseigneur et indiciaire archidueal, 
» maître Jéhan Moulinet, mon précepteur etparent. » | 


Notre auteur mourut en 1507, à Valenciennes, dans un âge 
fort avancé. Son corps recut la sépulture en l’église collégiale 
de la Salle-le-Comte, à peu de distance de la tombe de George 
Chastelain qu'il avait tant aimé, et tant admiré!... Marguerite 
fit graver cette épitaphe sur la pierre qui le recouvrait : 


Me Molinet peperit Divernia Bononiensis 
Parisius docuit, aluit quoque vallis amorum, 
Et quam vis magna fuerit mea fama per orbem, 
Hæc miby, pro cunctis fructibus, aula fuit (f) 


(1) On lit dans l'Histoire ecclésiastique de .la ville et comté de 
Valentienne, manuscrit de Simon Leboucq, que M. Arthur Dinaux a 
publié, en un beau volume in-4°, enrichi de planches : « Au méme lieu 
» (l’église Salle-le-Comte) est aussi ensepulturé le disciple de George 
» Chatelain. Jean Molinet, bolonois de nation, et chanoine de la dicte 
église de la Salle, de son vivant grand poète et historiographe de la 
maison de Bourgogne et de celle d'Austrice. — 11 composa quantité 
de vers facétieux. desquels partie ont été imprimés à Paris l’an 1537. 
— D'abondant il escrivit les histoires de son temps, commenceant 
icelles en l'an 1474 , et finant au trépas du roi don Philippe de Cas- 
tille, qui fut l’an 4506. — 1l alla de vie à trespas l’an suivant qui 
estoit l'an 1507, et fut enterré en la dicte église où lui fut dresché 
cette épitaphe : 


SL UT y 


s 
À 


= 96 — 


Cette épitaphe est une imitation assez heureuse de l'inscription 
qui se trouvait sur le monument funéraire de Virgrle, à Pouzzole, 


— » Me Molinet peperit etc........ 
— » Dis-moi qui gisticy. sans que point tu m'abuses ?... 
— Cy gist l'ami privé d’Apollo et des Muses. 
— Quelz choses avecq lui sont mortes et taeries ? 
— Dicts subtils, savoureux, jeux, ris et facéties. 
—— Qui est-ce qui pour lui de plorer continue ? 
— C'est réthorique en chef qui fort s'en diminue. 
— Est-ce doncques celuy tant cognu, Molinet ? 
— C'est lui seul qui moulait doux mots en moulin net. 
.— Mais qui fut l'homme heureux qui tant luy en apprit? 
— Des cieux vint l'influence en son sublime esprit. 
— N'eut-il nul précepteur, Greban ou raaistre Alain ? 
— Son maistre qui cy gist fut Georges Chatelain. 
— L'ensuivit-il de près, est-il pair ou s’il passe ? 
— Tous deux on peut noter en règle et en espace. 
— Mais à qui comparer les peut-on sans mespris ? 
— L'un pour Virgile et l’autre est pour Ovide pris. 
— L'un doncques fut plus grave et l’autre plus facile ? 
— Plus humain fut Ovide, et plus divin Virgile 
— O0 vous deux bienheureux qui tels titres méritent! 
— Leurs engins, leurs vertus de gloire les héritent. 
— Qui pourra plus jamais a-tel los par atteindre ? 
— Nul luy qui sçachent plume en noir atrament teindre. 
— Combien donc a perdu la langue gallicane ? 
. — Par leur mort elle est mise en basse barbacane. 
— En quel temps, soubs quels roys furent-ils florissants ? 
—— Va lire leurs labeurs partout resplendissants. 
— Pourquoi se dirent-ils indioiaires, lors ? 
— Pour ce qu'ils ont moustré d'histoires les trésors. 
— Las, que peu de gens sont qu'on sçache avoir vescu : 
— Ceux-cy font les gens vivre , et la mort ont vaincu. 
— Comment à nom le lieu qui tels gens a nourri ? 
— Valentienne, val doux, val insigne et floury. 
— Où sont leurs monuments, et précieux tombeaux ? 
En fa bouche des bons, et en leurs escrits beaux. 
O Dieu, combien vaut mieux tels tombeaux que du euvivre, 
D'autant que plume vole; où métal me peut suivre. 


Page 47. 


— 917 — 


en ce que dans quatre vers on a résumé la vie de Molinet depuis 
sa naissance jusqu’à sa mort. 


Longtérops on a vainement recherché le portrait de cet homme 
distingué, — Mon digne ami Jean-Baptiste Soulié , l’un des con- 
survateurs de la bibliothèque de l’Arsenal qui, à plusieurs reprises, 
a formé des collections très complètes des illustres français . m'a 
dit d’avoir jamais rencontré de gravures, dessins ou tableaux re- 
produisant les traits de Molinet. — Aussi fut-ce avec un vif senti- 
ment. de plaisir. que, dans le mois d'octobre 1840, lors du voyage 
qu'il fit à Boulogne, il vit le petit portrait bien authentique, que 
renferme le musée de cette ville. Ce portrait, que nous devons 
à l’aimable et érudit Voisin, bibliothécaire de la ville de Gand, 
enlevé si jeune encore aux lettres et à l'amitié, porte date et ins - 
cription. — Il a été copié sur un original peint dans les dernières 
années de l’existence de Molinet, et découvert dans le cabinet 
d'’an amateur Belge. — Mon fils en fit une seconde eopie qu'il 
effrità Soulié, et qui, depuis la mort de ce dernier, est dans la 
belle collection de portraits du musée de Versailles. — Là physio- 
nomie dn poëte chroniqueur est empreinte de finesse, de naïveté ; 
des: rides profondes sillonnant son front et. ses joues indiquent 
la maigreur et la vieillesse. Son buste fait Lo qu'il était 
d'une taille us : _ 


- En commençant cette notice, j'ai dit qu'on avait eherché à nous 
enlever Molinet, en plaçant son lieu de naissance ailleurs que dans 
le Boulonnais. Eu effet, Lacroix du Maine, l'historien. de Poligni, 
Cipevalier, et M. Auguis l'ont fait naître à Valenciennes. -— C'est 
une grave erreur, complétement repoussée par la tradition et 
l'épitaphe citée plus haut. Aussi les meilleures biographies, et 
béaucéup d’anteurs accrédités, ont-ils, en dernier lieu, donné le 
détiientile plus formel: cr Lo "_— pen a 
je vièns de ruppéer. : ÉD js 

Je dois maintenant essayer de faire connaître Molinet, sous le 
rapport des écrits qu'il a laissés, et des services tendus par lui à la 
littérature et à l'histoire de notre pays. Il fut à la fois poète et 
chroniqueur. Le grand uembre de pages sorties de sa plume 


=— 9218 — 


prouve son aptitude au travail et son étonnante facilité. — Je 
terminerai par la liste de ses ouvrages imprimés. 


A l'époque où il composa ses poésies et ses mémoires , la langue 
française, qui s'était formée avec tant de lenteur, se sentait encore 
de ces idiomes barbares, mélés avec la basse latinité qui, à son 
aurore, en faisait le plus détéstable de tous les jargons. — Il y 
avait du celtique où gaulois, du tudesque ou franc, et da latin 
mutilé dans cette langué dite romane ou romance, véritable :cahos 
d'où devait sortir ün jour la poésie de Racine, la prose de Paseal 
et de Fénélon — Le goût marchait de pair avec le langage, 
hérissé de consonnes finales, de sons nazillards , et de monosylla- 
bes insonores, c'est-à-dire que les plus misérables jeux de mots, 
les images les pins bizarres étaient employés par les écrivains. 
Qui croirait que cela’ contribuait surtout à leur valoir les spplau- 
dissements d'une nation devenue depuis la plus polié de l’Europe; 
Si de nos joars quelques novateurs, enrôlés sous la bannière dite 
romantique , n’avaient pas, en ressuscitant cé galimathias, obtenu 
lés mêmes succés ! ! — En un mot la renaissance-des lettres s'a- 
vançait , mais elle n'était pas arrivée. 4 C'est à ce point de vue 
impartial qu'il faut se placer pour apprécier le tatent et les produé- 
tions de Molinet. Certes sa prose n’a pas Île naturel de la prose 
du bon Joinville; ses vers n'ont pas la délicatesse des vers de 
Thibaud, comte de Champagne, et du Chatelain de Couci, mais il 
n’en est pas moins l’un des auteurs les plus clairs, les plus chatés, 
les plus raisonnables de son di pi +. à 

oué citations v vont vañe én aide à opinion que ÿ ai i conçue 
delai. 


. Dans de faicts et dits. de Molinet il à pièces de. divers. 
Genres, et suv.teute espèce de sujets. — En voici une , ayautpour . 
titre l’ Amour satisfait, qui ne manque ni, d'harmodie,, ni. de 
grâce : | 


Amour me fist son Bachelier, Le 
 Etme donna joyeux espoir, 
* Gracieuseté , bien celler, 
! Courtoisie et force et peuvuiri. 


— 219 — 


Loyauté, sens, santé, avoir, 
Liesse, et ceux de sa bannière, 
Pour amoureuse dame avoir, 
Gente de corps et de manière. 


C'est un chef-d'œuvre de beauté, 
Un triomphe de noble arroy, 
Sa prudence et naïveté 
Valent l'avoir d’un petit roi ; 
Ravi suis quand je l'apperçoy ! 
Tout œil amoureux qui l'advise 
Rit de joie «et chante à part soy : 

. J'ai prins amour à ma devise. 


Son oraison à la Vierge, commençant par ces vers : 


. Le temps passé ne peut plus revenir, 
. Auquel estais en fleur de ma jeunesse, 
| Débile suis, etc . DD 8 er dei e en NS 


est, en beaucoup d’endroits, digne des meilleurs poètes de la 
renaissance, et bien préférable au jargon'gr co romain de cer" 
taines poésies de Ronsard. 


Dans un autre genre, il ÿ a sans douté de l'affectation , mais 
aussi de la vigueur et de la vérve , en ce passage de sa a deseription 
du temple de Mars: - | 

Le chant de ce temple est allaimé 

La cloche une grosse bombarde, 

L'eau benoiste est sang et larme , : 

L’aspergès un bout de guisarme : 

Les chapes sont harnois et bardes, 

Les processions avant-gardes, 

Et l’encens poudre de canon: 
À tel saint telle offre ét tel don L. . 
En un mot, Molinet n'est pas un grand poète, mais il a souvent 
du trait, de l’aisance dans le mouvement de la phrase. Ses mots 
sont liés avec une correction rare de son temps. — Il a d’ailleurs 
contribué puissamment à amener la pureté du style poétiqué, 


— 290 — 


quaut aux règles. — Dans Le pelit traictié, à l'instruction de ceurT 
qui veulent apprendre l'art de rethorique, c'est lui qui, le pre- 
mier, a établi la distinction entre les rimes imparfaites ou fémi- 
nines, et les rimes parfuiles ou masculines. — C'est dans cet 
ouvrage aussi qu'il a fait une loi très rigoureuse de l’élision de l'E 
devant une voyelle. — On a encore remarqué avec raison qu’il 
soiguait ses rimes, et qu'il renfermait avec bonheur, dans la me- 
sure du vers, une foule de proverbes dont la conservation inté- 
resse à un haut degré l'histoire de la langue française. 


Comme chroniqueur ou historien, attaché à la maison de Bour- 
gogne, Molinet nous a transmis un grand nombre de faits, compris 
daus une très longue période de temps. — Son siècle offrait le 
spectacle des scènes les plus dramatiques, les caractètes les plus ‘ 
étranges et les mieux colorés, enfin les événements les plus féconds 
en dénouements extraordinaires. — Epoque de crise et de révo- 
lution sociale, ce siècle assistait à la découverte de l'imprimerie, 
et la réformation avec Luther, les sciences et la philosophie avec 
Bacon , allaient bientôt remuer le monde, et donner une phase 
toute nouvelle à la politique, aux idées religieuses, aux mœurs et 
aux arts. — Il faut l'avouer, Molinet ne s'est pas mis à la hauteur 
d'une telle situation. Les choses et les hommes, il ne les explique 
point, il ne recherche pas les causes des événements. — Il se 
borne à narrer, sans jamais commenter. — Cette manière d'écrire 
l’histoire est loin d'avoir le mérite de celle employée de nos jours; 
mais elle présente cependant des avantages qui ne sont point à 
dédaigner. — Trop souveut maintenant l'historien impose à ses 
lecteurs son opinion, presque toujours empreinte de ses passions, 
et de ses principes politiques, — il décerne l'éloge ou le biâme , la 
gloire ou la honte, aux faits ou aux personwages dont il parle, 
suivant qu'ils se rapprochent ou s’éloignent plas ou moins de ses 
affections ou de ses antipathies. — Molinet, lui, raconte, sans 
condamner, sans approuver, peignant les faits et la vie humaine 
tels qu'ils sont, et laissant à ceux qui le lisent le soin d’en tirer des 
conclusions morales. 


Sôn style a beaucoup des défauts de son temps, et les latinismes, 
les apostrophes , les phæbus, les comparaisons ridicules, outrées, 
s'y rencoutrent fréquemment. — Toutefois, il y a dans ses chro- 


— 921 — 


hiques des inorceaux rewplis de chaleur, de naturel, et qu'Amyot 


et Montaigne, venus après lui, n’eûssent certainement pas désa- ‘|. 


voués. — Telle est la harangue de l'archiduc Maximilien , avant 
la bataille d'Esguinegatte : « Réjouissez-vous, mes enfants, dit-il 
» à ses chevaliers, réjouissez-vons de bon cœur !.;, Voici la 
» journée venue que long-temps avons désirée! ... . Nous avons 
» les Français en barbe, qui tant dé fois ont couru “eur nos champs, 
* destrunct vos biens, bruslé vos hostels, travaillé vos Corps. — 
+: Employez vos sens et toutes vos forces ; 1l est heure, mes beaux 
enfants, il est heure de hefongner. — Notre querelle est boune 
et juste. — Requérez Dieu en votre aide, quisenl peut donner 
* la victoire, et lui promettez de bon cœur que , en l'honneur de 
» sa passion ,, vous jeunerez' contens de pain et d'eau par trois 
» vendredys ensuivants; et s'il. nous veut sa grâce étendre. la 
jouraée sera pour nous ». 


Li | 
Voilà bien le langage que devait tenir un prince loyal; vaillant 

et religieux, s'adressant, au moment de l’action ,- à ses chéva- 

liers!... Concision, pensées, mouvement, tout cela se-rencontre 
dans cette harangue. — Aussi, malgré l' estime que méritent l'é- 

rudition et les travaux de M. Buchon , il m'est impossible de ne 

pas taxer d'injustive ce qu'il. dit de Molinet dans la notice, d’' ail- 
leurs fort incomplète, qu'it a placée en tête de ses Chroniques. 

« C'étaithien, faitil observer, le plus médiocre. et. te plus lourd 

» poète, et le plus maniéré des beaux esprits de son siècle. » — 

On peñût juger, par les citations qui précèdent, si ee rigoureux arrêt 

est fondé. Comment serait - il exisuite arrivé que Molinet eût con- 
quis au seizième siècle, une renommée aussi haute, aussi univer- 

selle, si, comme écrivain, il eût été aussi méprisatile que legrétend 

M. Buchon? Clément Marot, dont le goût devait correspondre 

à la délicatesse des poésies qu'il nous'a laissées, et dont le témoi- 

gaage n'est point sans prix, n'a-t-il pas éerit, dans la complainté 


sur la mort de Guillaume Preud'omme, ees vers: ed + 
| PPS a EE: 
te ie Ro nus séa e 


Aux vers fleuris, le grave chatelain. 


et de nes jours, l'aimable et spirituel baron d'orâre, dont, “piss 
que personne, je déplore la perte, et qui avait fait une étüde parr 
6 


— 99 — 


ticulière des œuvres du tréuvère de Desuresnes ; n'a-t-il pas &it, 
dans une épttre sur le mont Hulin : un 


+ + + « « … l'écho de ia forêt 

Répète avec orgueil le nom de Molinét! 
Je pense donc que M. Buchori, qui me paraît avoir mis uné grande 
négligence dans le travail qu'il a fait sut Molinet, serait revenu du 
jugement qu'il en a porté s’il avait vécu. Cet espoir était d'autant 
plus fondé qué, quefques lignes après celles que j'ai citées, et par 
üne contradiction qu'il est difficile d'expliquer, il s'exprime ainsi 
a Molinét est souvent un historien et un écrivain remarquable. * 
Cette opinion est la mienne, car loin d'être exclusif dans mon 
‘estine pour l’auteur des Faicts et dits, j'avoue franchement qu'il 
est souvent bizarre, ampoülé, et que son style a beaucoup des 
défauts de la fitérature de son temps. — Ainsi ce fut ane mal- 
heureuse idée que “celte de faire un livre de piété du roman de /œ 
Rose par Jehan de Meun.  Molinet avait un goût tout particulier 
pour les Moralités allégoriques, et afin de répondré au vœu du 
due de Clèves , il entreprit la transformation de ce poème plus 
que ptofane et galant, er une œuvre religieuse, — C'est ce qu'il 
annonce sur le titre, par ces quatre vers Lurlesques : i 
9 


L 
C'est le roman de la Rose 
Moralisé clair et net, ‘ 
, . Traoslaté de rime en prose 
©": Par votre humble Molinet. 


Et qu'on n'aille point croire qu'il manqua de bonne foi en agis: 
_ santainsil... Sa persnasion quant à ce qu'il appelle les alié- 
gories du poème de Meurt était si forte, si candide , qu'il loue le 
Seigrieur de lui avoir permis de meuer cette œuvre à bonne fin : 
« Louange soit, s'écrie-t-il ; au Dieu d'amour perdurable, et à sa 
s Mère très sacrée Vierge, quand nous voyons ce roman reduit 
s à sens moral, ps à ceuillir la rose! » 


al me reste maintenant à donner la liste, aussi complète qu'it 
d'à été possible de la recueillir, des ouvrages de Jéhan Molinet. 


- 1" 
1 + 


La voici ; 


— 28 — 


+ AA Les faicis et dicts, de feu de bonnè méméire, maistre Jéhan 
Molinet. — Paris, Jehan Longis, 14554, in-fotio goth. Ce volurñë 
a eu plusieurs éditions, dont l'üné , Paris, Jehan Petit, 4537, in- 

.8° goth.; et l'autre, également de Paris, in-8° dé 1540 re 
rondes). 


-- ; o 
4° Le temple de Mars, Paris, le Petit £aurens, — in-49, 
caractères gothiques. — Le même, Paris ; Gailiôt- -Düpré, 1525, 
in-8° 


3° La Ressource du petit peuple, in-8* gothique imprimè 
séparément à Valenciennes, rétiprimée dans les Faicts et 
dits (1). | | 

; 2e à. 

20 Tel est le titre de cel éuvrage,. d' après : une nôte ektralte du cata: 
iogue des livres du baron de Bancre. S'il fallait en crôiré, au Con(raire, 
le Bulletia du Bibliophile publié par Techener, n016, 2 série de 18277, 
jamais ce livre n’a porté de titre. Voici äu a ne l'article qui le 
concerne dans ce Bulletin, sous le no 134t : 


« Livre des plus curieux et des plus rares. ñ n6 porte aucun titre, 
mais on lui a donné celüi de la Cômplainte du. pelit peuple , Parce 
qu'en effet c'ést une.sdrté de' ‘moralité où cinq personnages, savoir: : 
l’Acteur, Vérité, Justice, Conseil et Petit Peuple, déplorent la misère 
de ce dernier, et les calarités de cette époque. Sur cette donnée, 
l’auteur a construit une fablé où sont entremélés la prose et les vers, 
et dont le style souvent bizarre, selon {a mode du temps, ne laisse 
pas d’être fort plaisant à lire. Les vers surtout sont rermarquableë 
par leur singularité ; ainsi Justice récite neuf couplets, dont voici l'ug 

» pour exemple : : La 


VE YU % = v y 


L s° 


. Ma voix auoit la force de Sampson 
2 - Par so 
Réson, | / 
Barilonnant tognoye; 
Hélas, mon Dieu, sans tonner bustô 
. Parton 1. T. 
__ Baton | | es: 
Les basteurs bastonnoÿe, | 
: Mutineurs mutlnoye, 
*  Mutineurs hustinoye, 
Haäussaire haussogoye ; 


nousit 


4 i + 


” 


' 5 — à 


, #° Histoire du rond et du carré à cing personnaiges, imprimé 
sans date par Antoine Blanchard , très rare. | 


S° Les Vigiles des morts, par personnages. Paris, Jehan Janot, 
in-16. Sans date. | un 


E . 
RSR mm QE NME 


À tout endroit 
Oppresseurs oppressoye, 
Deffendeurs deffendoye. : 
Et aux perdants rendoye 

Raison et droit. 


d 


. Ce livre presque inconnu doit être le premier imprimé à Valencien- 
nes, honneur qu'il dispute aux chansons Georgines ; car d’après l’iden- 
tité parfaite de la forme et des caractères, on ne peut douter que tous 
deux »’aient été imprimés simultanément. La date est à peu prés fixée. 
par ces vers: | | | | 


Prenez pitié du sang humain. 

Noble roy Loys de Valois ; ; 
Vous vous tourmentez soir et main 
Par guerres et piteux exploits ; . 
Souviegne hous que poure et nud 
Bourgoigne nous a soustenu, 

Prenez pitié du sang humain 

Noble Edouart, roy des Angloys. 


‘Ge Loys de Valois et cet Edouard , roi des Angloys , ne peuvent étra 

qu'EdouartIV et Loüis XJ qui moururent toùs deux en 1283. En outre, 
autant que l'obscurité des phrases mystiques de l'ouvrage permet d'en ‘ 
interpréter le sens, il est fort probable que le petit peuple, ee-sont les 
Flamands, dont le pays fut dévasté de 1478 à 4482, par les prétentions 
rivales de Louis XI et de Maximilien d'Autriche, soutenu par Edouard 
à l'héritage des ducs de Bourgogne. Ce duitéêtre vers la fiu de ces qua- 
. trè années désastreuses, où Valenciennes joua souvent un rôle, que fut 


imprimée cette complainte, dont l'intérét grandit sous ce point de vue 
bistorique. | 


Cette pièce se trouve réimprimée dans Molinet, mais avec un grand 
nombre de variantes à l'avantage de l'original. (Aujourd'hui dans la bi- 
bliothèque de M. À. Dinaux , à Valenciennes), 


2 _ e 
— 226 — 
ed 


e 
Le Les: dard Preuxæ de gourmandise. Paris, in 4 etin-#°, 


ro Petit ou compilé MER Jehan Molinet, à. 
l'usage de ceux qui veulent rl l’art dè réthorique. — 
Paris, in-4°. 


8° Le Roman de la Rose. — ln-folio. Lyon, 4505, et Fes 
1521 | 


- 


L'un de mes amis, M, Abot de Bazinghem de houlogne, ep 
possède un magnifique exemplaire. 


p Chronique Jehan Motinet, publiée’ pour la première fois 
d'après les manuscrits de la Bibliothèque royale — par J. J. Bu- 
chon. — Paris, 5 volumes in-8°, 1828. 


__ 40° La Robe de l’archiduc, nouvellement composée, par 
messire Jehan Molinet, petit in-£4°, gothique, imprimé à Valen— 
ciennes, par Jehan de Liége, demeurant. deyant le couvent de 
Saint-Pol (1). .. | — û 

(1) Cette pièce dontje n "avais jhmais entendu parler, qui fut re 
mée sous les yeux de Molinei, et sans doute’à uu très petit nombre 
d'eiemplaites, se trouve à la suite des Chansons georgises de Chaste- 
Jain. C’est une véritable rareté bibliographique, bien digne d’être ap- 
préciée par M. Arthur Dinaux, qui en est le possesseur. Eo voici la 
première strophe ou stance : 

e 
La ducesse d'Austrice 
A l’archiduc laissa 
Une robe fort rice . 
Quand elle trépassa ;  - 
Cette robe fourrée 
Fut par gens agrippans 
Dès son temps deschirée 
Par pièces et par pans. 


La Robe de l'Archiduc a été réimprimée dans les Archives du Nord, 
tome Il, p, 128 (nouvelle série). ne a re 


— ‘5% — 
e 
41 La complaintede Constantinopte, composés par Mutinct et 
enuoyée aux nobles crestiens. In 4" goth. Sans date, (réimpr: dans: 
les faicts et dicts sous le titre de /a Complainte de Grèce, avec 
uiois statlees ajoutées: Met es QG RÉPRU E SA 


4, . Eu à 4 ! 
AN Li 


42° La ters (très) désirée et proufitable naissance à detre us: 
tre enfant Charles d'Austrice,, filz de monseignenr l’archiduc tres 
redoute ptince et éeignieut nâtür el. Impr. à Valleñchiennes, Par, 
Jehan de Liége, in-4° goth. 


L SE: : re RE. ne A N] 
4130 Devise de M° Jean du Gaughet et sa réplique. angéliques.. 
14 Dictier sur le retour .de Jehan de Tourpay, rentré à Ya- 

lenciennes, d'un voyage de Jérusalem. D in 


PA 


L 


Ces deux dernières pièces ont été publiées à a suite de Ko: 
tice sur Molinet, par feu fécart, dans Jes Mémoires de la, Société 


d'agriéülture de Valenciénnes, 184, sus 3, pages 411- 1 14. ; 


Îl appartenait à l'un des bles de la sobté des ‘Antidir: bn 
dé la Morinie, société qui a déjà rendu tant de services à ï'listuiré, ‘ 
à l'archéologie et à la biographie du-Pas-de Calais, de donner 
sur Molinet u une notice plus étendue que celles qui ont paru jus. 
qu'à ce jour. — J'ai regardé comme un devoir Ag me charger de 
cg soin euvers un compatriote, qui fut le préurseur de Marot, - " : 
dont le nom mérite-de vivre dans la mémoire-des boulonnais . 


À es tp Lo: 
P. Hépourx, de Boulogne. 


j ; ‘ 
| : . 


Le 


°F 


Valenciennes, le 9 septembre 1850. 


.. RAPPORT 
A M. LE PRÉFET DU NORD | 


SUR LES ARCHIVES DE L'ABBAYE DE CHATEAU-LEZ-MORTAGNÉ 
léguées au dépôt central des ARCHIVES DÉPARTEMENTALES 


par M. BÉNÉZzECR De SamT-HoNoRé, maire > de Vieu - Chndé, 
et membre du conseil d'arrondissement 
de Valenciennes. 


Monsieur le Préfet, 


En vertu de votre délégation en date du 10 mai dernier, 
transmise par M. Je sous-préfet de Valenciennes, pour assister 
à la levée des scellés apposés sur les archives de l'abbaye de 
Château, léguées par M. Benezech au dépôt départemental du 
Nord , je me suis transporté, le 5 août courant, à Vieux-Condé, 
sur l'avis qui avait élé donné au sous-préfet de Valenciennes, 
que M. le juge-de-paix de Condé fixait à ce jour la reprise des 
opérations de levée de scellés et d'inventaire. 


Lee scels judiciaires ayant été brisés en présence des person- 
nes intéressées à cette opération, j'ai trouvé toutes les Archives 
provenant du monastère de Château-l'Abbaye réuniés dans un, 
petit cabinet noir donnant dans une chambre du premier élage 
de la maison mortuaire ; ce local, parfaitement sec, sans issue, 
m'a paru très convenable pour la sûreté et la conservation des 
archives sus-mentionnées. 


— 228 — 


. de me suis occupé immédiatement et sans désenparer à dres - 
ser un invenlaire provisoire et sommaire qui puisse vous mettre 
dès à présent à mème de juger de l’intérèt et de l'importance 
-du legs dévolu au dépôt départemental. | 


Avant d'entrer dans la description des papiers trouvés, autant 
. qu'il a élé possible de les explorer dans en preuxer et rapide 
dépouillement, je dois, monsieur le préfet , vous donner quel- 
ques renscignervents généraux sur l’ensemble des Archives 
léguées au département du Nord. | 


Ces papiers, provenant d’une ancienne abbaye, fondée au 
plus tard en 1155, ont été accumulées depuis cetle époque 
(puisque la charte même de fondation existe parmi les pièces 
recensées), jusqu’à la Révolution Française qui fit fermer les 
maisons religieuses sur le territoire de la République. L'abbaye 
de Château, placte à l’extrème frontière entre la Scarpe et 
l'Escaut, et près du confluent des deux rivières, avait non- 
sculement des biens dans les Pays-Bas, mais possédait aussi un 
refuge dans la ville de Tournai, qui fut pendant des siècles le 
chef-lieu de Mortagne, dont l’abbaye de Château n'était pour 
ainsi dire qu’une dépendance. Aussi la translation ce: archives 
de cette maison ne ressembla-t-elle nullement à tant d’autres 
où lestitres furent trop souvent dispersés et mutilés par des mains 
ignorantes et barbares. Ici le transport se fit avec ordreet 
méthode ; ce n'était pour les abbés et les religieux qu'un chan- 
gomient de domicile, qui même, dans da croyance de quelques- 
uns, ne devail être que momentané. Aussi, ont fut transporté; 
les pièces précieuses comme celles insignifiantes, Îles anciens 
cartulaires comme les registres de recettes, les titres de propriété 
comme les plus simples quittances, les papiers historiques de 
même que les dossiers dé procédures. Nous l'avens dit, ity 
avait eu déménagement complet: ’ | 


Cependant l'émigration que les religieux de Château-l’Abbaye 
ne crurent que provisoire, devint définitive ; la congrégation fut 
détruite, ét M. Delvigne, sof dernier abbé, conserva seu} dans sa 
retraite toutes les archives de sa maison qu'il garda religieuse- 
ment et sans en rién distraire-jusqu'à sa mort, arrivée en avril 
4842, lorsqu'il eut atteint l'âge avancé de quatre-vingt-quinze 
ans. Ce-fut pèu de temps après que M. Bénézech fit l'acquisi- 
tion de la masse entière de ces papiers, dont nulle pièce n avait 
été séparée. : 


_— 929 — 


C'est donc bien plus qu'une simple série de chartes que le 
département doit hériter ; c’est la collection générale de tous les 
titres et registres amassés dans un vieux monastère de 1155 
1791, qui va tomber en sa possession. Comme rien n'a pu en 
détourné, il ne doit exister én ce moment, dans le vaste dépo. 
départemental, presqu’aucun document sur l'antique abbaye de 
Château : ce sera ainsi une lacune toute entière qui sera parfai- 
tement comblée; et, sous ce rapport, le legs de M. Bénézech 
prend un grand intérêt pour l'établissement qui devra bien’ 
en jouir. (1) 


(1) L'abbaye de Château, près Mortagne, plus communément appe- 
lée Château-l' Abbaye, et en latin Castellum Dei, ou Castellum Abbatiale, 
ou bien encore Castellum Mauritaniæ, doit son origine, en 870, à 
Louis-le-Bègue, qui réunit en un lieu nommé alors Male-Maison ‘ou 
Molle-Maison, des chanoines réguliers chargés de prier Dieu pour les 
fidèles tués par les Normands et enterrés en cet endroit. On y plaça 
ensuite des Bénédictins. Vers l'an 1155 (et non 1135, commeil e 
dit par erreur typographique dans le Cameracum Christianum), Evrai 
Radoulx, seigneur de Mortagne et châtelain de Tournai, réédifia e« 
monasière sous l’invoéation de Saint-Martin, sur les bords de la Scarpe, 
non loin de son château de Mortagne ; telle est Forigine du nom de 
Château- l'Abbaye. Evrard Radouix, véritable fondateur de cette 
église, y fut iuhumé en l'an 1180. Son épitaphe lui donnait le titre de 
prince de Mortagne, chätelain de Tournai. Le monastére, quoique 
peu éloiguë de la ville de Tournai, dépendait de l'évêché d’Arrés. 

Château-l Abbaye est fille de Vicoigue, qui lui a ri son premier 
abbé, Raoul, homme éminent, qui retourna à Vicoigne comme abbé, 
et tut rargé au nombre des DiSnheueus: La suite des directeurs de 
l'abbaye de Chatéau était fort incomplète jusqu'en ces derniers temps 
qu'on retrouva dans les archives de la maison, tombées dans les mains 
de M. Bénézech, une liste exacte dés abbés, dressée par le KR. P. 
Casimir Houdins, chargé, en 1680, par le supérieur-général de l'agfre 
de Prémoutiré d’en former la série. On sait maintenant qu’elle contient 
trente-huit abbés, parmi lesquels on compte Nicolas de Montigny, 
auteur des Annales de Vicoigne , Josse Pasquier. qui bâtit le chœur et 
les chapelles latèrales de l’église, Guillaume Monart, mort en 1590, 
après avoir construit de notables additions à l'abbaye, Jean Magnet, 
qui bâtit le quartier des étrangers, Basile Wéry, souvent député de son 
ordre auprès du Roi, ot enfin Antoine Delvigne, né à Hasnon le 23 août 
1747. qui couserva jusqu’à sa mort, en 4842, lorsqu'il était chauoine 
de la cathédrale de Tournai, l'intégralité des archives de sa maison. 


— 93% — 


Après ces considérations générales, j'aborde les détails er 
culiers d'inventaire qui sufñiront, je l'espère, malgré leur conci- 
sion, pour corrobprer, l'assertion précédente. 


. . INVENTAIRE SOMMAIRE. 
La collection des. Archives de Château-l'Abbaye consiste : 
I. En registres divers au MROMPre d'environ soixante-quinze ; 


II. En plusieurs centaines de chartes des XIXe, XIIIe, XIV: 
_XVeet XVI° siècles ; 


NII. En pièces et cahiérs modernes ; 
_ IV: En liasses et fardes de tous genres. 


$ 1er, REGISTRES. 
{° Cartulaires des terraiges du fief et seignourie de Legies lez 
Mortaigne. 1541. pet. in-f’ papier. 


4, Rapport, grandeur et dénombrement... des fiefs mouvans 
de l’église et abbaye de Saint-Amand. Signé Pb. de Hennin. 
1889. in-f° parchemin. 70 fes. 


3. Cartulaire contenant les menués rentes de l'église et 
abbaye de Chasteau les Mortagne, renouvelé l'an 1591. In-fo' 


papier. Æ 

à. ‘Cartulaire déclarant les héritages tenus de frano fief de 
l'église et abbaye de Castiel emprès Mortaigne nommet le francq 
fief de Forest jadis esclichiet hors de la seigneurie dudit Foreist. « 
en l’an 1520. In-f° sur pap. 


# Copie du cartulaire du terrage de Legyes renouvelé en 


° 
Au moment de la dispersion des religieux de Château en 1794, ils 
‘étaient au nombre de treize. lis moururent dans les environs. Le 
monastère a été détruit; il n’en reste plus aucune trâce. Château- 
l'Abbaye est à présent une petite commune ruralé du décanat de Saint- 
Amand, qui compte un peu plus de 900 habitants, et sur laquelle's’est 
élevée une église de construction moderne. + AD. 


— 93 — 


4720 par lés mayeurs et eschevins él principaux manants et 
anciens de la dite seigneurie. 1727. In-f* papier. | 


6. Siége de rentes. In-4° papier. UMR “ os 

7. Déclaration des terres du terroir de Trith lez Fontenelles ui 
renouvelée par  éommand de Colard Rasoir R. de la Sdlle-le-. 
Comte de Yalenchiennes en Vian je In-f° papier. 


ï Ë y 
& Éie go TER NE 


8. Les grancs massars, in pap. RS 


LA Uoptés et renseignements de on. Int pap. 

10. Cartulaire brief et terrier des rentes seigneuriales et LH 
sières deues chascun an à l’église-et ' abbaye!de Châtel faitet 
renouvelé, soub messire Basil Wery. abhé, pare Lu Rorpere 
Daudenart, etc. en 1698. (Deux:exeémplaires}. » : : ": : 


At Dit du none des dismes et Fariens congruès. 


si’. ‘Î i. .. | 


12; Aéréraÿes do 1621 et dnde eibteé tit pet 


13. Woorteghem.  dismes dudit lieu. In-f° pape 
14. Che qui dniL qi où feu de Bruitle en: Pan: 1682: 
In-f° PAPISr: | me 


15. “Cartulaire de Roucourt rénouwlé en 1679. Cahier in-f°. 
pe 

16. Déclaration des bièns de l'abbaye de Château sur le. > pays 
de l'Empereur. 


17. Farde touchant la seigneurie de Legies. 


18. Compt. des pitances de messieurs les religieux commen 
çant en 1571 et finissant en 1574. Cahier in-f papier. 


+9. Exemplaire pour servir à dresser le desnombrement en 
origital, que doit fournir M. l'abbez de Château au se de. 
Mortaigne, l'an 1718. | 


20. Registre sous le titre : Annales de l'abbaye de Château, con-. 


_ 


— 93 — 


tenant pièces diverses, mss. et imprimées pour la réception des 
abbes, etc. .. US 


21. Capitres des tailles pour HER Elines et Flinielles , 
etc. Gr. in- f° papier. 


2, Cartulairedy terrage de Legies. In-f° Pape 


23. Recueil de tous les biens de 1 maison. de Chasteau, re- 
gouvelé en l'an 1603. : 


24. S'ensuivent les recettes l'an 1660. _Ja-f° pe- 
pier. 


2. Cartulaire pour le village de Hérnie. 
_ 26. Tailles à Bruille, etc. Ia-£ papier. L 


27. Copie des lettres reposantes en nos fermes et Archyves, 
touchant nos biens et revenus. Livre premier. (Se terminant 
à la date de 1427), In-f° papier. — Livre 2°. — Terminant en 
1972. 


EN 


_ 28. Cartulaire concernant les rentes fonsières et seigneuriales 
renouvelé par frère e Olivier du Mont, prieur, en 1686, in-f° pa- 
pier. 


29. Siége de ER 11 janv. 1693, in-fo. 
30. Menues rentes de Château. 1561. In-fe. 
31. Cartulaire de Legies. 1720. | 
32. Cartulaire renouvelé par Pierre Brassart, 1542. In-f°. 


83. Livre de rendage du bénéfice se la chapelle de N.-D. de 
Mai-Aise à N.-D. au Bois. 


EN 


34. Rapport du fief et seignourie de Legies relevet par Gilles 
de Hennio, fils de Mahieu, écuyer, sg d'icelle seigneurie. 1544. 
In-fe parchemin. 


33. Ce cartulaire fut escript el Sn par Pierart du Puch, 


lors greffier de Mortaigne l'an 1460. Sur les rapports des corhis 
grefliers come appert par les comptes de frère Grart Caron, dit 
Mahieu, abbé. Pet. in-fo papier. 84 f°s chiffrés en rouge. Le 
scribe de ce cartulaire paraît avoir eu du goût pour la poésie 
romane ; ‘on lit les deux quatrains suivants sur un des folios du 
registre : 


Ung jour en deul l'auitre en plaisir, 1 
Sy suis ; sitrès cointe tenue 
Que partout où je doy gésir 

= Le souvenir de vous me tue. 


Qolaus estoit hardis et sestoit hien en point 

Car il avoit vestrit un graud double pourpointz 

Savoit chinte une espée, bonne sallade avoit 
Mais elle estoit trauwée. 


86. Cartulaire des rentes renouvelé : sous Denis Tafñin. In-f° de 
258 f°+ papier. 


37. Cartulaire renouvelé sous Jean Gourdin. 1474. In-f° pa- 
pier. | | 


38. Ce sont les tailles en l'an 1406, in-fe papiér. 


39. Relevé des biens, rentes, etc., fait par Guillaumè Monart, 
abbé, après les troubles religieux en 1585. In-fo papien. | 


40. Varii eventus, res sacras et profanas in Tornaco et Tornä- 
cesio tangentes a pluribus retro seculi compilati et elucidati . .} 
D. D. Nicolai Dufief, Canonici Nerviorum, L. Demale, Van 
Winghe, P. Delabarre, etc. Ordinata à P. Maria de Calonne 
Beaufaist, canonico Tornacensi, 1737. in-° (de 787 à 1735) sur 


papier. 


41. Cartulaire de la dime de Château à Un. 1788. in- 
fs papier. | | | 


42. Rendages de (hâteau-l'Abbaye, terres et prairies et arreu- 
lements. N°1. In-f° pap. (de, 1788-1791). 


43. Rendages de Mortaigne pour terres, prairies et arrente- 
ments. N°2. In-f' pap. (1788-1791). 


_ 334 ee 

&&: Déclaration des droits, biens, rentes, etè. de l'abbaye dé 
Château, sur la châtellenie de Mortagne, par Mre Godefray sue 
Jart, abbé. 08 gr. in-f PApis 


&ë. Rapport, de el dénombrement fait: ‘par . Basile | et 
Lespierre en 1717 au Lu de Mortagne. In-f° parchemin. .: 


46. Rapport du née en 1718, parchemin in-fe. ‘ 
#7. Cartulaire des rentes dués à Site én 1746. In-f° pa: 
pier. 


_ 48. Bref GartuHére ét dénombrement fait en 16u4. In-f° par: 
chemin. 


49. Déux Détits éco renfermént pièces diérses. 


60. Vingt-quatre registres divérs de rentes, recétiés, Cure 
tes, etc., dé l'abbaye dé Château. 


; 
.1 : : k S Vo 


$ IL. Cintres. 


É existe dans lé Bulletin: de la conimission fisiorque du départé 
ment du Nord (Lille, Danel, 1847 ), tome 3, pages 61-69, uné 
Notice abrégée sur les Archives de l' ancienne abbaye de Château, 
dressée par feu M, Bénézech lui-même, dans laquelle on trouvé 
la nomenclature de 51 pièces rangées par ordre chronologique, 
de l'an 1155 à l'an 1299. Ces chartes des XIIe et XIIIesiècles, 
étant les plus anciennes ét par conséquent les plus curieusés dé 
la collection soumise à notre inventaire, je me suis empressé 
de vérifier si l'on retrouvait toutes les pièces énumérées ar 
M. Bénézech dans &ä notice, ‘parmi celles réuniés à Sa maison 
mortuaire ; dans ün premier récolemént, sur cés 51 pièces , 49 
ont été retrouvées, et je né désespère pas de pouvoir sigrialer, 
dans'une rechérche ultérieure, les deux çhartes qui paraissent 
Mariquer el qui dâtént de l'an 1208 ‘et de l'an 1206. Due pre- 
mière est une confirmation par R., évêque d'Arras, d’une dona< 
tion du tiers dé la dime de Château ; la seconde ést une donation 
faité entre lés mains de Bauduin ge dé Mortagne, par Walier 
Mauclerc, chevalier de Forést, de trois rasières d'avoine # Bruiilé 
et de deux rasières à Flines (dîimes) en faveur de l'abbaye. 
Toutes les 49 pièces retrouvées sont, : ainsi que beaucoup d’ autres 


_ 935 — 

( 
ioins anciennes, enveloppées chacune dans une feuille dé pa: 
pier sur laquelle on trouve, non-seulement leur analyse ; mais 
même leur transcription lttérale , soit en latin, soit en langue 
tomane, travail exécuté dans le siècle dernier par le bénédictin 
Dom Queinser, archiviste historiographe du Roi, membre delà 
savante congrégation de Saint-Maur ques a retidu tant de services 
à la science paléographique. 


Je trouve inutile et surabondant, Monsieur lè Préfet, de trans- 
crire ici l'inventaire pièce à pièce dés 49 chartes récolées, puis- 
qu'elles sont décrites dans le Bulletin de la commission historiqué 
du département du Nord, bulletin qui est imprimé, comme je l'ai 
dit, et dans les mains de tout le mondë. 


Pour abrégef cë rapport, je passe donc à quelques autres piè: 
tes non-mentionnées dans la notice publiée et citée ci-dessus : 


1. Copie déjà ancienne d’ une charte de l'an 1053, sur parche- 
Min, mauvais état. 


2. 1189. — Affranchisserhent des cultures laboutables par 
Evrard. Parchemin, sans scel. 


8. Charte en parchemin, datée du six des kalendes de mars 
1207, de Bauduin , châtelain de Tournay et de Mortagne. Sans 
scel. Le 


&. Courant de l'an1200. Charte en parchemin, sans scel, du 
mème æigneur, touchant une rente de dix Sous , deux chapons 
et quatre autres sous. 


* 6. Courant de 1200. Autre charte du même, concernant une 
cession faite aux religieux de la pêche sur la Scarpe. — Sur pat- 
chemin avec magnifique scel et contrescel. 


6. Vers 1200, autre charte du mème, — le scel manqué. 


7. Quatre acels anciens, détachés de louts chartes, et d'une 
belle conservation. | 


8. Reconnaissance faite eu 1421 de la Done de la dîme de 
Coyeghem. 


9. Bulle Anbnifiioement er ee à Rome par le _— 


= 936 — - 


Innocent XI, avec son attache et son piomb. Gr. ‘in-plano | sut 
vélin. | —— 


10. Arrêt de révision contre les manants de la Plaigne, du 11 
may 1709. Sur parchemin avec scel. 


11. Un carton plat contenant 1° vingt chartes en parchemin 
des XVe et XVI: siècles, dépourvues d’attaches et de scels ; 2° dix 
chartes et pièces avec scels. 


12. Un second carton plat contenant 1° onze pièces. et titres 
éctits sur papier, et 2 dix-huit pièces écrites sur parchemin 
dont quatre munies d’attaches et de sceaux. Toutes ces pièces 
du XVIe siècle. 


13, Ün troisième carton plat contenant 1° douze pièces en par- 
chemin dont quatre avec Sceaux ; 2° quatre pièces en papier 


dont une avec sceau. Ces seize pièces sont également du XVIe 
siècle. 


14. Un paquet lié de nombreuses pièces écrites sur parche- 
“in au XVe siècle, la plupart avec leurs attaches et leurs sceaux 
en bon état. 


15. Cent pièces en parchemin, de diverses époques, réunies 
Sur'une tablette, et ne portant point de sceaux. 


.. 16. Onze pièces idem avec leurs attaches et leürs sceaux. 


Le temps n'a pes permis dans une première exploration d’ana- 
lyser particulièrement ces nombreuses pièces, dont la plupart 
paraissent curieuses et pleines d’intérèt pour l'histoire, les droits 
et les privilèges de l’ancienne abbaye dont elles proviennent. : 


$ IIT. PIÈCES MODERNES. 


4. Inventaire des titres et autres papiers trouvés au chartrier 
de l’abbaye de Cliàteau en 1790. — Cahier pet. in-f° de 27 fes 
écrits. 


2. Réperloir (sic) des titres et autres pièces trouvés au refuge 
dé Tournai et reposans dans le contoir (sic) dudit refuge. — 
Cahier pet. iu-f° de 10 frs écrits. 


— 937 — 


3. Notice abrégée sur les anciennes archives de l'abbaye de 
Château, par M. Bénézech (en minute et en copie), petit in-f°. 


| 4. De la fondation de l'abbaye de Saint-Martin de Château, 
près de Mortagne. par le R. P. Casimir Houdins, en 1680. Copie 
modems in-fo, 


ë. Original du même en latin, in-f, — et DRE par ordre de 
l'abbé Basile Wery. 


6. Liste des abbés de Ghâteau, d ap le même. ue in-f, 
Copie moderne. 


7. Nomina confratrum bio ab ingressa Fr. Antonii 
Delvigne. 24 aprilis 1767, ad 1838. — Cahier in-8° papier. 


8. Catalogus pro mortuis ecclesiæ S. Martini de Castello. — 
Cahier in-4°. 


9. Mémoire des pentes d'eau de l’Escaut, par de Ramsault, 
ingénieur. Copie collationnée. 


10. Extrait des pièces et mémoires du même irfgénieur sur le 
cours de l’Escaut, ses écluses, etc., copie certifiée par Platteau, 
in-f°. 


11. Annales Cœnobii de Castello per venerandum Dominum 
Barrum , abb. Aquicintinæ. — Copie par l'abbé Basile Wery. — 
In-fo. ° 


12. Relief de fief du 4 mars 1789, Collationné par Fernig, 
greffier de Mortagne. Sur parchemin avec scel. 


13. Appréciation des marchés des fermiers du département de 
Valenciennes, faite en 1785. Cahier in-f°. 


14. Six calques, sur papier végétal, contenant la description 
générale de la terre de Saint-Amand, non contentieuse, appar- 
tenant au couvent de Saint-Amand, chemins, voyes, piedsentes, 
rivières, courants d’eau, etc. 


15. Nonencitute des titres de Château-l’Abbaye, près Mor- 
tagne, 1772. In-fo cahier en papier. + 
| 47. 


— 938 — 


SIV, FARDES ET LIASSES. 
/ 

Cette partie des Archives de Château-l’Abbaye, qu'il a été im- 
possible d'analyser, feuille à feuille, dans un inventaire som- 
maire, se compose d’une masse considérable de papiers, sépa- 
rés en nombreux dossiers de pièces liées ensemble, se rappor- 
tant aux affaires contentieuses de la maison, à la correspondance 
des abbés avec les évêques d’Arras et de Tournai, et avec leurs 
confrères des Pays-Bas, aux recettes et dépenses de l'abbaye, : 
aux locations des terres et ventes de récoltes, aux dimes, rentes, 
adjudications et achats, etc., etc., etc. 


Les pièces de cette vaste catégorie sont sans doute d'une 
moindre valeur que les précédentes, mais on y trouve encore 
des autographes dignes d’attention, des correspondances qui ne 
sont pas sans intérêt, et des documents qu’un dépouillement 
attentif et intelligent permettra de classer utilement dans le 
dépôt général. 2 


Telest, Monsieur le Préfet, le résultat de la première opéra- 
tion, faite en vertu de la délégation que vous avez bien voulu 
me donner; à la suite de ce rapide inventaire, et après la réu- 
nion, dans le cabinet destiné à recéler les archives, de plusieurs 
pièces qui en dépendaient et qui furent retrouvées tant dans les 
divers appartements de la maison mortuaire que dans la biblio- 
thèque du défunt, M le juge-de-paix du canton de Condé a 
replacé les scellés qui ne seront plus levés que lorsqu'une nou- 
velle opération sera jugée nécessaire, ou pour la délivrance défi- 
nitive du legs (1). ° 


Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, l’assurance de mon res- 
pect et de mon dévouement. | 


AgTaur DiNAUx. 


Le 


(1) La délivrance du legs a eu lieu le 14 novembre 1850. Toutes 
les archives provenant du monastère de Château - l'Abbaye ont été 
remises au délégué de M. le préfet du Nord, assisté d’un employé des 
archives départementales. Lé tout, soigneusement emballé, a été 
expédié le même jour à Lille à M. l’archiviste-général qui en opère le 
classement en ce moment. A. D. 


Li 


CORRE PEPEERFELECEELKEELErErFELLEE 
f Se EC an 
eA'As YA 


SÉONEONONONUR 


* 


HOMMES ET CHOSES. 


| + 
La dispute dn bant-de-chansse. : 


Les compositions des artistes flamands , outre leur caractère 
de vérité et de naturel, ont souvent un reflet de gafté originale et 
de joyeuseté philosophique qui charme l'amateur. On pourrait 
citer mille pièces curieuses de l’école flamande qui toutes présen-— 
tent des sujets bizarres, satiriques, burlesques, mais toujours 
relevés par une peusée narquoise et fine que l'analyse fait décou- 
vrir. 

Nous prenons au hasard une grande estampe dont l'invention 
appartient, suivant une indication manuscrite, à Adrien Fan der 
Venne, le plus intrépide et souvent le plus heureux des composi- 
teurs de sujets emblématiques. La gravure sort du burin ferme 
et hardi de C.Zsaac, qui signa cette pièce, émanée de l'imprime- 
rie en taille douce de Rombout Vanden Hoeye, marchand d'es- 
tampes. 

Cette gravure, en travers, est composée de huit personnages et 
d’un chien, tous très-singulièrement groupés. Il y a un homme et 
sept femmes de différents âges et de diverses positions sociales. 
L'unique cavalier qui, comme un coq, se trouve au milieu de ses 
poules, est dépourvu de son haut-de-chausse, jeté comme une 
pomme de discorde parmi tes sept commères qui se le disputent. 
Cinq d'entr’elles ont déjà la main sur la précieuse culotte qui court 
le risque d'être mise en pièces; l'une, un couteau à la main, 
veut en couper un morceau; la plus vieilletient le fond du vête- 
ment entre les dents et paraît ne vouloir rien céder; une veuve 
glisse la main par-dessous et cherche à soutirer un des canons du 
haut-de-chausse. Deux des cowibattarites, richement habillées, 
sont tombées si malheureusement dans cette lutte acharuée, que le 
vétement nécessaire leur viendrait bien à point. Une autre, trop 
éloignée pour tirer sa part da signe de la puissance maritale, se 
venge sur sa compagne en relevant sa robe et en lui donnant des 


— 240 — 


‘coups de savatte sur la partie mise à découvert. La servante se 
rue au milieu du groupe en administrant des coups de balai , es- 
pérant ainsi faire lâcher prise aux plus enragées. Le chien mord 
les mollets féminins que la lutte et le désordre ont totalement 
découverts, et la terre est jonchée d’éventails, de pièces d'argent, 
de bagues, d'œufs sortis d’un cabas, et de perles s’échappant 
d’un collier brisé dans la bagarre. Quant à l’unique personnage 
masculin de cette scène burlesque, dont les pans de chemise fiot- 
tent au gré du vent, il ne paraît pas le moins du monde occupé de 
cette «situation peu convenable ; il se rit de la bataille suscitée 
pour la possession de la partie qui manque à son habillement, et 
fait la nique aux combattantes en ne air de dire « Battez-vous 
pour la vaine apparence du pouvoir, vous avez beau vous en par- 
tager les pièces, du côté de la barbe restera toujours la puis- 
sance! » 

_ Six quatrains flamands gravés au has de la pièce expliquent le 
sens du sujet et en tirent la moralité; ces vers pourraient bien être 
de l'invention de Van der Venne, aussi poète que peintre, et qui 
aimait à rimer sous ses tableaux. 

Cette singulière estampe est composée avec une verve étonnante 
et gravée avec une grande énergie de burin; elle est curieuse 
pour la vérité des costumes et des détails de toilette des femmes 
des diverses conditions de la société au XVII° siècle. Cette pi- 
quante peinture de mœurs a été reproduite plusieurs fois : le 
musée de Valenciennes possède, sous le n° 107 du catalogue, un 
tableau, par un maître inconnu, qui représente cette même dispute 
de femmes au sujet d’un haut de chausse que toutes veulent pos- 
séder et porter, au moins moralement. L’exécution de ce tableau, 
qui n’est pas du premier mérite, appartient nécessairement à une 
main flamande. C'est dans ces riches provinces, où la femme a 
toujours été comptée pour beaucoup, où le nom de l’épouse est 
encore joint à celui du mari sur toutes les enseignes et dans les 
raisons commerciales, que les artistes ont dû souvent reproduire 
cet emblématique sujet qui n’était qu’une esquisse peinte de scè- 


nes qui ont dû quelquefois se reproduire dans les ménages de la 
Flandre. A. D. 


Dnterdit de Saint-Manrice de Lille. 


Il est tel petit fait arrivé dans l’intérieur d’une ville qui peint 
mieux les mœurs d’une époque et d’une contrée que les évène- 
ments les plus considérables. Celui que nous allons raconter, 
minime au début, a pris par la suite des proportions qu’on ue 
pourrait plus supposer aujourd’hui. 


— 941 — 


Patil Diedeman, bourgeois de Lille, qui avait acquis une cer- 
taine fortune dans le négoce, et se faisait appeler sieur de la 
Riendrie, mourut en avril 4669, sur la paroisse de Saint-Maurice, 
à laquelle il fit quelques legs, en témoignant le désir, dans ses 
dernières volontés, d'être inhumé dans un caveau au bas des mar- 
ches du grand autel da chœur de cette église. Cette prétention 
exorbitante, qui froissait l'étiquette régnant alors d'une manière 
absolue, souleva bien des réclamations. Les marguillers auraient 
désiré prendre un mezzo termine pour ne pas perdre les legs ; 
maïs Jacques Diedeman, frère du défunt, voulut tout ou rien. Les 
honneurs du caveau et du pied du grand autel avec épitäphe, 
ou pas de dons à l’église. L’inhumation eut lieu le 22 mai 4662, 
ainsi que l'avait voulue le mourant... 

Mais quand Æ. Bayürt, le Rewart de Lille, eut connaissance 
du fait, il n’entendit pas que les choses se passassent ainsi. © À 
cheval sur les prérogatives de la noblesse , il exigea que les morts 
comme les vivants gardassent leur rang. 11 fit venir en la salle du 
conclave les marguillers, et voulut bien, par condescendance, et 
en faveur des legs, que l’on transportàt le défunt au bas du chœur, 
sous le siège du chantre, mais sans caveau. pierre, ni épitaphe; 
et il annonça en même temps que si l'on n’adoptait pas cet ar- 
rangement, qui était la première proposition des marguillers au 
frère du défunt, il ferait exhumer le soi-disant seigneur de la 
Riandrie, ancien marchand, et le ferait enterrer hors du chœur, 
à côté de ses modestes ancêtres. Jacques Diédeman se retira fu— 
rieux à cette proposition ét ne voulut pas en entendre davantage. 

Le Rewart délégua des membres du Magistrat pour exécuter 
ses injonctions. Ils se rendirent, à la nuit close, accompagnés de 
fossoyeurs ,serruriers et hommes de peine, et demandèrent au 
curé l’entrée de l’église Saint-Maurice. Le doyen s’y opposa de 
toutes ses forces. Il menaça le lieutenant du Rewart et ses gens 
des foudres de l'Eglise ; mais rien n'y fit, la consigne s’exécuta. 
Le doyen garda ses clés, le crocheteur força la serrure et la petite 
troupe fit irruption dans le chœur. . On se mit à l’œuvre; on 
arracha des degrés de l’autel le corps du vilain enrichi qui usur- 
pait la place d’un éminent cadavre, et on le fit impitoyablement 
rétrograder jusqu’à une fosse minime ét étroite qu'on lui ouvrit 
séance tenante au milisu des ossements de ses ancêtres, dont il 
avait eu l’outrecuidance de vouloir se séparer. On lui remit six 
pieds de terre sur le corps, On repava le tout, puis on referma le 
noble caveau du chœur qui attendit une plus digne dépouille. I 
était minuit lorsque tous ces arrangements furent bivn scellés, et 
cette scène nocturne d’échanges de tombe et de cercueil, faite par 
réquisition de l'autorité et ayec une sorte d'énergie et de violence 


— 949 — 


dut impressionner singulièrement les acteurs appelés à y jouer un 
rôle. 

Cette opération terminée, les embarras ne firent seulement que 
commencer. François Villain de Gand, évêque de Tournai, 
instruit de ce que le clergé de Saint-Maurice appelait un sacrilége, 
mit cette église en interdit ; il y comprit la chapelle des Magistrats, 
et menaça de l'étendre sur leur personne ét sur toutes les églises 
et chapelles de Lille. Le décret d'interdit est daté du 15 mai 
1662 ; il fut signifié le 47. Le Magistrat s’en plaignit au conseil 
privé du Roi qui, le 24 du même mois, ordonna à l’évêque de sur- 
seoir aux interdits ultérieurs. L’évêque ne répondit pas: les 
membres de la magistrature furent molestés ; quand ils se présen- 
taient dans une église, le clergé se retirait, les fidèles fuyaient ; 
le Magistrat craignit de marcher à la procession du Saint-Sacre- 
ment, suivant l'antique usage, et l'évêque de Tournai tenait bon. 
Entre temps , on écrivait de gros mémoires de part et d’autres, et 
l'on échangeait des factums immenses qui ont éjé conservés. Le 
roi Philippe IV, ou du moins son conseil privé, soutint les droits 
du Magistrat de la cité contre les prétentions de 1 Eglise , l’évêque 
de Tournai s'en rapporta à l’archevèque de Cambrai, et enfin le 
roi d Espagne prit le parti de lever lui-même l'interdit , enjoignant 
à tous de se conformer au rescrit royal. Ce qu'on fit. 

L'église Saint-Maurice resta fermée du 18 mai 4662 jusqu'au 
18 mars 4665. La vanité d'un bourgeois enrichi, les prétentions 
de l'étiquette nobiliaire coûtérent dix mois de privation des con- 
solations de la religion à une paroisse populeuse : sans compter 
combien l’on fit gémir la presse pour’ ce simple fait. Encore un 
chapitre à ajouter aux petites causes qui produisent de grands 
effets! ; A. D. 


ne. des Croy. 


Il y a peu de familles qui aient autant d'illustration que la noble 
maison de Croy, il y en a peu aussi qui comptent autnt. de publi- 
_eations faites en leur honneur. M. de Reiffenberg, dans l'intro- 
duction aux mémoires autographes du due Charles de Croy, que 
nous avons réimprimée en tête de la présente livraison, a donné 
connaissance, par une longue note (voyez ci-dessns, page 165), 
des ouvrages qui traitent de la généalogie et. de ta puissance de 
cette illustre lignée. Outre que le savant et très-regrettable 
bibliophile a omis de citer Le trophée d'Anthoine de Croy, 
prince de Porcéan* souverain des terres d'outre et decà la 
Meuse, etc., par Ubert-Phil. de Villiers, son secrétaire. Lyon, 
Saugrin, 1567, pet. in-8°, il a décrit d’une manière très im- 


— 243 — 


parfaite l'ouvrage le plus capital exécuté en l'honneur des Croy. 
Toutefois, il faut le dire, il n’y avait pas de la faute du conserva- 
teur de la Bibliothèque du Roi; il a raisouné d’après l'exemplaire 
de ce riche dépôt qu'avait possédé le célèbre amateur Van Hul- 
them, et l’on pouvait croire avec assez de fondement que ce col- 
lecteur ardent et infatigable avait trouvé Je plus complet des 
exemplaires d'un ouvrage importantsur l'histoire du pays. Il n'en 
était rien cependant : cette fois Van Hulthem s’est trouvé e 

défaut, et nous alloné dire comment et pourquoi. : 

L'ouvrage qui nous occupe a pour titre: Livre conlenant la 
généalogie et descente de ceux de la maison de Croy, tant de la 
ligne principale estant chef dv nom et armes d’icelle, qve des 
branches et ligne collatérale de ladicte maison. Jacobvs de 
Bye sve Ex sculptor fec. in-folio, sans lieu, ni date, mais exé- 
cuté à Anvers, vers 1610 et années suivantes. Ce livre est tout 
gravé, y compris le titre ; l'exemplaire le plus complet que nous 
connaissions, qui est le nôtre, contient 73 pièces ; celui que possé- 
dait Van Hulthem (cat. n° 25,709), aujourd'hai à la Bibl.'du Roi, 
n’en compte que 44; l’exemplaire de la famille de Croy (biblio- 
thèque du château de l'Ermitage, près Condé) en a réuni 69 ; 
M. Aimé Leroy, dernier bibliothé caire de Valenciennes, était 
parvenu à former un exemplaire de 72 pièces ; feu M. Bénézech 
de Saïint- Honoré n'était pas arrivé à un complément aussi par- 
fait ; M. le conseiller Bigant, de Douai, vient de se rendre pos- 
sesseur d’un sixième exemplaire, superbe d'épreuve , mais sans 
les dernières planches ; il ne contient que 64 figures. 

Ce livre, exécuté par ordre du duc Charles de Croy, qui prit 
plaisir à faire graver ses ancêtres comine il avait fait graver ses 
médailles, ne fut pas destiné au commerce. Aussi les exemplai- 
res en sont-ils très-rares et l’on n’en trouve pas deux qui se 
ressemblent. Le nôtre étant le plus complet, v’est celui que nous 
décrirons. | | 

Après le titre gravé dans un cartouche entouré des armes de 
l'Empire, de Brabant, de France, d'Angleterre et de Croy, on 
trouve’ une légende énumérant les titres nombreux dy duc 
Charles de Croy, promoteur de l'ouvrage ; ce second feuillet 
porte au haut d’un portique l'écu isolé du duc et à sa base le 
même blason entre les ecus de ses deux femmes Marie de Brimeu 
et Dorothée de Croy. Le troisième folio montre le portrait du 
duc en guerrier, le bâton de commandement à la main, son cas- 
que et ses gantelets sur une table près de lui. Ceci est un portrait 
de dédicace et sans préjudice à celui du même duc, en pied, en 
grand costume de l’ordre de la Toison-d'Or, placé eu son lieu 
dans le corps de l'ouvrage, et entouré de médaillons romains qui. 
témoignent de son amour pour l'antiquité et la numismatique. 


— 944 — 


Suivent : 4° six planches d'arbres généalogiques avec des fonds 
de paysages analogues au sujet ; % une grande planche des armes 
et de la devise des Croy; 5° Quarante-neuf portraits en pied de 
seigneurs et de dames de la maison de Croy, commençant à Marc, 
roi de Hongrie, et finissant au duc Charles et à sa parenté; 
4° sept planches doubles représentant les seigneuries et châteaux 
appartenant aux Croy; ce sont la seigneurie d'Araines, Île duché 
de Croy, les village et château de Montcornet, ceux de Porcéan, 
la baronnie de Biebèke , la maison de Valbecke , les bourgs d’Ars- 
chot, Héverlé, le Rœulx et Chièvres ; 5° et enfin, neuf portraits en 
pied: avant la lettre, préparés pour recevoir des inscriptions et 
être mis à leur rang. 

Il est évident que cet ouvrage, commencé sous la direction 
éclairée du duc Charles de Croy, n’était pas entièrement terminé 
lorsqu'il mourut le 13 janvier 4613. Ce prince ne laissa pas 
d'enfant de ses deux femmes ; l'intérêt qui avait présidé à cette 
œutre s'éteignit avec le grand seigneur : l’âme manqua pour y 
mettre une dernière main convenable. - Des feuilles déjà tirées on 
forma quelques exemplaires de famille qui furent presque tous 
dissemblables, et qui restèrent long-temps inconnus aux bibiio- 
graphes. Il a fallu le bouleversement de la première révolution 
pour en jeter quelques exemplaires dans les environs de Valen- 
ciennes, où était sitné le château de l'Ermitage, séjour aimé du 
maréchal de Croy qui l’avait bâti. Van Hulthem, l’heureux dé- 
nicheur de pièces rares sur l’histoire locale, ne put, durant toute 
sa vie de bibliophile, trouver qu'une sorte de ‘frsgment de ce 
recueil de gravures; il l'avait cru complet en quarante-quatre 
planches ; son erreur a été partagée par M. de Réiffenberg, qui 
n'eut jamais occasion de voir que ce seul exemplaire; c’est celui 
qui a servi de texte pour l'article du Manuel du libraire. Plus 
heureux que nos maîtres er bibliographie, nous avons pu voir et 
feuilleter six exemplaires différents de cette collection : en existe- 
til beaucoup Dauer A. D. 


Œpiphanie , Siphainne » pephingnelle, 


Il y a des mots qui, à la première vue, pourraient embarrasser 
Je philologue, et dont cependant l'explication : est rendue facile 
à l’aide de quelques simples observations. Tel serait le mot 
Tyephingnelle, qu'on lit parmi les jours fériés du mois de janvier 
dans un calendrier d’un livre d’heures faisant partie de la riche 
collection de M. Gentil- Descamps, de Lille : cette indication 
paraît singulière d’abord , puis elle devient parfaitement claire en 
remontant à son étymologie. 


— 9345 — 


L'Epiphanie, la fête des Rois mages, portée au 6 janvier de 
tous les calendriers, est nommée ÆEpiphaigne dans les chartes du 
XHL° siècle, Heépiphaigne dans le Songe du vieux Pelerin, 
T'iphaigne dans les vers de Guillaume Guiard, trouvère chro- 
niqueur, etmème T'iphanie dans des heures manascrites ; ceci 
s'éloigne un peù de l'étymologie grecque du môt Épiphanie, 
provenant de epi (sur, au-dessus) .et’ de phainé (paraitre , se 
montrer), parce que ce jour est celui-où le Messie s'est manilesté 
aux gentils. Mais il faut dire aussi qu’autrefois et dans éertaines 
contrées, on désigna le jour des Rois par T'héophanie (apparition 
de Dieu), d’où il a été facile de tirer l'hiphanie ou Tiphanie. 

Une fois ce dernier mot introduit dans l'usage des calendriers, 
son diminutif est arrivé bien vite. On a fait T'yephingnele de: 
Tiphanie, comme Colombelle de Colombe, Miquelet de Michel, 
Mañhieuhet de Mathieu, Fréminot de Firmin, Fstevenot . Etienne, 
Jaquet ou Jaquotot de Jacques, etc., elc. 

L'usage, dans nos riches et heureuses contrées, a iouibuée été 
de célébrer largiter atque jocosé non-seulement les solennités. 
des grands saints du pays et toutes celles des localités, mais même 
les octaves de ces jours heureux. - Cela se passe comme aux fêtes 
des dédicaces des églises de vHlages, connues sous le nom de 
ducasses en wallon et de kermesses en flamand. Huit jours après 
celui de la réjouissance principale, on reprend, comme on dit, 
du poil de la bête; cela s'appelle faire le raccroc de la ducarse. 
Cette fois on consent que la fête ne dure qu’un jour. Or, il n'y 
a rien d'étonnant que huit jours après la célébration du Roi-boit, 
qui a toujours été une fête à boire et à manger, ‘il y eut un rac- 
croc que l’on nomma Tyephingnele, ou petite Épiphanie ; cela 
est d'autant plus vraisemblable que ce même jour d'octave (48 
janvier) était la fête de Saint-Hilaire, personnage dont te nout 
invitait à la joie et à la gafté, et par léquet on avait coûtume de 
jurer au moyen-âge. 


Où prens ta ce que tu sez fere ? 
— Mère, dit-il, par Saint-Haire, 
Je n'ai cure de grand sermon 
Mes le mestier sai-ge moultbon , 
Pour gaigner et tant et plus. 
| (Manusc. de la Bibl. nat. n° 1996. p. 32). 
A. 


\ 


Les ballons en | 


Il n’y a rien de nouveau sous le soleil.ALa Ballonomanie qui 
régne en l’an de grâce 4850 n'est qu'une recrudescence de celle 
qui s’empara des esprits en 4783 et 4784. Nos habitants du 


- 946 — 


Nord ne restèreut pas insensibles à l'engouement du jour, et l'on 
vit même Ja noblesse du pays prendre une part aclive aux prenië- 
res expériences aéroglatiques 

Le 49 janvier 4784, le prince Charles de Ligne, dont l’ardeur 
du courage égalait la vivacité de l'esprit, monta dans la nacelle du 
ballon Le Flesselle, de 102 pieds de diamètre sur 426 de hauteur, 
parti de la place des Brotteaux, de Lyon, avec sept voyageurs, 
parmi lesquels MM. Joseph de Montgolfier, .Pilatre de Rozier, et 
les comtes de Laurencin, de Dampierre et Laporte d’Anglefort. 
Ce n'était que le troisième voyage aérien connu; la machine était 
si peu perfectionnée qu’une dechirure de 50 pieds eut lieu en l'air, 
ce qui u’empècha pas les voyageurs d'arriver heureusement à terre 
et de se-montrer le soir au pores où la foule les applaudit avec 
enthousiasme. 

On résolut dès lors de fabriquer un ballon de 100 pieds de 
diatnètre en taffetas, et le prince Charles de Ligne offrit de le faire 
exécuter au château de Bel-OEil, sous la direction de M. Joseph 
de Montgolfier, que devaient assister son frère Etienue de Mont- 
golfier, M. Pilatre de Kozier et plusieurs amateurs des sciences. 

A la même époque, M. le duc d’Arenberg. faisait faire des 
expériences par MM. Thysbaert, Minkelers et Van Baccante. pro- 
fesseurs de physique et de chimie à Louvain, pour retirer de l'air 
inflammable de diverses substances et notaminent du charbon de 
terre Dès le mois d'octobre 1733..ils reconnurent que la houille 
produisait des gaz excellents pour le gonflement des ballons. l1ls 
ne se contentèrent pas de simples essais chimiques sur l’air in- 
flammable sorti Qu charbon de terre, ils firent partir des aérostats 
-en baudruche de concert avec M Dey, secretaire du duc d’Aren- 
berg, et qui aimait et cultivait les sciences. Ces ballons furent 
enlevés au château d'Hévertè, près Louvain. Le 40 février 4784, 
une montgolfière fut lañcée des jardins de l'hôtel d’Arenberg à 
Pruxelles ; elle parcourut 4,600 toises en une heure. 

En 14784 et 1755, presque: toutes nos villes principales de 
Flandre eurent le spectacle émouvant d'une ascension. Le 26 
août 4785, M. Blanchard fit son quatorzième voyage aérien à 
Lille; il était accompagné du chevalier de Lépinard, amateur 
intrépide qui partagea ses dangers et son triomphe. Cinq jours 
après leur-départ, ces deux aéronautes firent leur rentrée à Lille 
au bruit de l'artillerie et des fanfares. Deux tableaux de Louis 
Watteau et deux belles gravures d'Helman ont conservé ces faits 
qui eurent alors un retentissement considérable. 

_ La même année, un essai malheureux de voyage aérostatique 
outre - Manche eut lieu dans le nord de la France. Le 45 juin 
1785, MM. Pilatre de Rozier et Romain l'aîné, partirent de 
Boulogne au bruit du canon et aux acctamations de ta foule. 


— 9247 — 
Quinze minutes après leur ballon s'enflammaît dans les airs et ibs 
furent précipités de 3,601 pieds de hauteur dans la Garenne du 
Roi à Vimereux, à cinq quarts de lieue de Boulogne. 1ls furent 
inhumés au village de Wimile, où un tombeau, avec une courte 
histoire de leur désastre, leur a été élevé. | 

Presqu’aux mêmes lieux, M. Blanchard avait été plis heureux. 
Venant d'Angleterre en France, il descendit dans son aérostat aux 
environs de Guines. L'endroit où il pritterre, étant une forèt 
de l'Etat, fut nommé par le roi canton Blanchard. Ce hardi 
voyageur le visitant le 23 juillet 1785, accompagné de M, le 
vicomte Des Androuins. chambellan de |’ Empereur, et suivi d’une 
nombreuse cavalcade , fut agréablement surpris et flatté de voir 
une majestueuse éolonne de marbre élevée sur la place même où 
 aborda. « Je ne crainsplus, dit-il en voyant ce monument, 
» ni le persifflage, ni la calomnie ; il faudrait amasser cinquante 
» mille rames de libelles pour masquer cette FoNPRAE sur toutes 
» ses faces. » 

Le 1° janvier 4787 eut lieu à Lille, sur Ja place du quar tier des 
Buisses, l’ Ascension de la nymphe aérienne. par le sieur Énslen. 
Le souvenir de cette opération aérostatique a été conservé par 
une gravure du sieur Durig. | 
__ La ville de Valenciennes voulut aussi avoir son ascension et ce 
désir faillit devenir funeste à l’intrépide Blanchard. Le 27 mars 
4737, par un veut impétueux , 41 s’élança avec ses cinq ballons, 
du milieu de la ceur de l’Hôpital-Général, et il éprouva combien 
il est difficile de s'élever entre des murs, des toits-et des clochers. 
A peine à trente pieds du sol, l'aéronaute, vayant qu'il n'avait 
point assez d'air pour prendre son essor, prit le parti de rejeter 
de sa nacelle tout ce qui pouvait lui-donner du poids. il lança 
vers la terre lunette, pistolels, drapeaux, ancre, pain, paré et vin. 
Il ne put éviter cependant qu’ün filet de ses baNous ne s’accrochât 
à un crampon du toit du clocher contre lequel le vent l'avait jeté. 
Heureusement il conserva assez de tête pour couper ce filet au 
mowent où tous les’ spectateurs le croyaient perdu! Du clocher 
de l'Hôpital il allait heurter contre une des cheminées des casérnes 
de la porte de Mons, et de là contre un arbæ du jardin du Gou- 
vernement. Grâce à sa présence d'esprit ;: il manœuvra si bien 
au milieu de ces difficultés, que ses ballons remontèrent. Il plana 
dans les airs vers Bruai ; comme il n’avait plus ni ancre ni provi- 
sions , on était fort inquiet de son sort; lorsqu'on apprit qu'il était 
descendu sain et sauf à Saint-Ghislain , ‘près Mons. Le soir, il 
revint à Valenciennes, parut à la comédie entouré du gouverneur 
et du Magistrat, et il fut accablé de vers, de bouquets et de bravos : 
on alla jusqu’à le couronner publiquement. | 

Après cette époque, les essais aérostatiques furent presque dé- 


e 
,. 


— 948 — 
laissés pour la politique qui occupait toutes les têtes Les sciences 
ne’ brillent pas pendant les révolutions. Cependant nous devons 
dire qu'on fit une première application de l’aérostatique à l’art de 
la guerre lors de la bataille de Fleurus. Des ballons furent lancés 
pour reconnaître les mouvements et les évolutions de l’enneini. 

Aù commencement de ce siècle , le 7 avril 4806. un aéronaute 
uommé HMosment fut tué à Lille par suite d'une chûte qu'il fit du 
haut de son ballon ; l’aérostat coutinua sa route. Le corps de 
Mosment fut retrouvé enfoncé dans la terre des fossés de la cité 
lilloise. ‘Préludant aux tours de force que l’on fait aujourd'hui, 
Mosment avait dit-on , coûtume de s’élancer debout , les pieds 
appuyés sur une légère planchette, d'où il a glissé après avoir 
Jlanté un parachôte contenant un quadrupède. - 

En cette année 4850. les villes de Tournai, Mons et Valencien - 
nes virent les ascensious de MA. Poitevin, Godard, ete. En même 
temps que l’on fait de louables efforts pour imprimer une direc- 
tion aux ballons, efforts qui finiront par être couronnés , sinon 
d'un succès complet, du moins d'un progrès réel, on imagine, 
po: récréer les yeux des oisifs et causer des sensations émonvan- 
tes, une foule de spectacles aériens grâcieux ou grotesques, 
dangereux ou cruels, bizarres ou ignobles, qui ne font pas faire un 
seul pas à la sciénce, mais qui habituent inutilement les masses à 
ce genre d'impressions que les éspagnols retirent des coursés de 
taureaux. Le dernier type d’aéronautes que nous venons de 
citer n’a guères plus de mere à nos yeux que Îles danseurs sur 
corde. | A. D. 


! 


Les chevaliers de l'Arquebuse à Cambrai. 


Un amateur distingué de curiosités et d’antiquités de la ville de 
Lille, M. Gentil- Descamps, devint possesseur il y a peu de temps 
d’une sorte de décoration en argent, portant le nom de la ville de 
Cambrai et la date de 17356. Cette croix, surmontée d’une bé- 
lière , offre au céntre, sur un écu au champ d’or, deux arque- 
buses eu sautoir ; l'écu lui-même est brochant sur le double aigle 
impérial épleyé, couronné, qui composa dés long-temps les armes 
de La cité cambrésienne: Cet objet curieux , soumis à la sagace 
érudition de M. Eugène Bouly, historien de Cambrai, fut expliqué 
de la manière suivante, dans une lettre très intéressante, que nous 
empruntons à la Gazetté de | ‘arrondissement de Cambrai. 

| | A. D. 


A Te, 4 . L. 
Mon cher ami, 
La pièce en argeat appartenant à M. | Geñtil, et qui m'a été mon- 


— 919 — 


trée de votre part, n’est point une médaille: c’est ee que l'on. 
appelait autrefois une croix de Sainte-Barbe, bien qu’elle n'ait 
pas-la forme d’une croix, Elle ne porte pas à l’exergue, comme. 
quelques personnes l'ont cru lire : Paix de Cambrai, 1386; la 
véritable inscription est celle-ci: 

PRIX DE CAMBRAI, 1786. 

Les armes qu'on voit au revers ne sont point des épées » mais 
des arquebusbs croisées. 

_ L'état un peu fruste de cette pièce explique les erreurs que l'on 
a commises. 

Voici à ce sujet quelques détails généralement inconnus, qui 
sont cependañt de nature à piquer la curiosité et qui vous prou- 
veront l'exactitude de mes assertions. oo 

Les arquebusiers de Cambrai étaient, vers le milieu du dix- 
huitième siècle, admirablement organisés sous le nom de Compa- 
gnie royale des chevaliers de l’ Arquebuse. Ils étaient dans l'usage 
d'offrir, de temps à autre, de grands concours pour le tir à 
l’arquebuse, aux compagnies des provinces voisines. : Ces fêtes se 
donnaient avec magnificence et solennité. Celle qui eut lieu en 
1786, et dont la croix en question est un souvenir, peut donner 
une idée de la manière dont nos pères faisaient les choses, dans 
ce temps que notre vanité place trop au-dessous du nôtre. 

La compagnie royale de l’Arquebuse .de Cambrai avait décidé 
qu'un grand banquet provifcial serait offert à toutes les compa- 
gnies des quatre provinces unies de Champagne, de Rrie, d’ lle- 
de-France et de Picardie. En conséquence, après en avoir ab- 
tenu l'agrément du Roi, elle invita ces compagnons à se rendre ‘à 
Cambrai le samedi 2 septembre 1786, vers cinq heures du soir, 
pour y tirer les prix pendant quatre jours. Les termes de cette 
invitation sont remarquables par la politesse, par la courtoisie qui 
les caractérisent. 

Un nombre considérable d'arquebusiers répondirent : à l'appel 
des cambrésiens ; en sorte qu’au jour et à l'heure indiqués, ces 
corps nombreux et brillants arrivèrent dans notre ville. A mesure 
qu'ils se présentaient, un détachement de cambrésiens les recon- 
naissait à la barrière etles conduisait, sur la grande place, à la 
compagnie d'honneur qui les attendait sous les armes. 

De là, on les menait à l'hôtel qui leur était destiné. 

Le lendemain, vers dix heures, toutes les compagnies réunies 
parlirent de hôtel del Arquebuse pour se rendre à la métropole 
où fut chantée pour elles une messe du Saint-Esprit. Que voulez- 
vous ? c'était une folie de nos pères de croire en Dieu, et de le 
placer au-dessus de toutes leurs solennités. 

On nomma ensuite les juges-inspecteurs de la fète, à qui l’on 
distribua des croix de Sainte-Barbe; on en donna également 


— 250 — 


à tous les officiers, qui faisaient de droit partie de cette grande 
commission. Mais les croix d'officiers étaient dorées en partie, 
pour lés distinguer de celles des simples députés. 

Le méme jour, à cinq heures, toutes les compagnies, tambours 
‘et musique en tête, assistèrent au coup du Roi, qui fut tiré à la 
butte, dans l’hôtel des Arquebusiers. 

Enfin, le lundi 4 septembre, on ouvrit le tir sur quatre pantbns, 
en deux endroits; l’un sur l'Esplanade, l’autre, dans la ville, en 
un fieu que j'ignore. 

Le mème jour, à troisheures, il y ent montre générale, et l'on 
forma un grand cortége militaire qui porta dans les principales 
rues de Cambrai le bouquet d'honueur et les deux grandes pyra- 
mides chargées des pièces d'argenterie offertes en prix.’ A leur 
retout) les compagnies troüvèrent un immense et riche couvert et 
d’'abondants rafraichissements. 

Le soir, les cafés en plein vent, élégamment décorés, offraient 
aux promeneurs de l'Esplanade un lieu de repos et de cordiale 
hospicalité ; des jeux de toutes espèces, des spectacles, étaient 
offerts au peuple, et une troupe de comédiens jouait dans le mo- 
deste théâtre de la ville. 

Ces réjouissances durèrent pendant toute là fête. Enfin : le 
dernier jour eut lieu la distribution des prix. On offrit le bouquet 
à la compagnie la plus capable ; ; une épée d'honneur au meilleur 
tireur ; puis les autres prix à chacun selon son adresse. 

_ Or, il ne faudrait pas croire que les prix eussent consisté en 

quelques légères cuillers à café. Les quatre pantons avaient cha 
cun vingt prix qui coûtaient en totalité 3,000 francs; ce qui fait, 
pour les quatre, une somme bien ronde de 12,000 franrs: ce 
qui équivaut pour le moins à 24,000 francs de nos jours. 

Afin que vous ne m'accusiez pas d’exagération ,: je vous donne 
ici la liste des prix d’un panton , les autres avaient exactement la 
méme chose. 

PKIX. 


4er Un plat à soupe de. 300fr.1 42° Ecuelle.......... 120 
_2e Un plat à soupe de. 280 | 13° Ecuelle. ........ 440fr. 


3e Paire de flambeaux. 260 | 14° idem. 100 
4° idem 240 ! 45° 9 cuillers à ragoût. 90 
8° Plat d’entrée...... 223 | 16° idem. 50 
Ge jdem. _. 203 |47° 2cuillerset2fourch. 70: 
7° idem. 483. | 48° 2 cuillers à sucre. 60 
8° Deux saladiers...,. 465 |49° Une fourchette.... 50 
9° idem. 450 | 20° Un gobelet à pied.. 40 


19° Pot à eau........ 440 | 
44° idem. 130 ToTiL.... 5,000 


a — 


— 9251 — 


Én présence de tous ces détsils, vous voyez, mon cher ami, 
qu'il ué peut plus y avoir Le moindre doute à l'égard de la croix 
qui vous embarrassait C’est une croix de Saiute-Barbe donnée 
à quelque officier (car elle est dorée en partie) à l’occasion de cettg 
lète brillante, dont elle rappelle le souvenir ainsi que la date, 
1786. | | | Lu: 

Que si vous me demandez d’où me viennent ces renseignemens, 
je vous répondrai que je les ai trouvés dans ce tas de paperasses 
historiques, au milieu desquelles je vis, qui paraissent fort ridicu- 
les aux uns, qui font le bonheur des autres. : 

Agréez, etc, E. BOULY. 


= 


Lettre autographe de Œbéroigne de Æéricourt. 


Fidèle à son système de transformer l'histoire en roman, 
M. de Lamartine, dans sa fantasmagorie des Girondins, a paré de 
couleurs presque séduisantes Anne-Josephe-Lambertine Théroi- 
gne dite de Méricourt (1), cette furie révolutionnaire qui conquit, 
aux exécrables journées du 6 octobre 4789, du 20 juin et du 10 
août 1792, son horrible célébrité. Lorsqu'il la fait parler, il lui 
prête même les charmes de son éloquence. S'il faut en croire 
l'historien-poèle, elle avait reçu la meilleure éducation... Je 
puis mettre le public à même d’en juger, car je possède une lettre 
autographe de la sanguinaire Messaline, qui mourut folle à l’hospi- 
_ce de la Salpétrière, en 4817. Cette lettre, adressée au banquier 
Perregaux, la voici textueHement reproduite : 


« (Liège) le 46 octobre 4790. . 
» Monsieur, 

» Je vous remercie beaucoup de m'avoir envoyer la procédure 
du Chateloit Je n’ai pas moins de grace a vous randre d'avoir 
accepté le petit arrangément que je vons ai proposee. Si vous 
voulez bien avancer trois mois a mon pere pour faire revenir mes 
effets, vous me feriez grand plaisir. D’apres notre arrangément 
a quatre louis par mois, se seroit douze louis que vous lui donne- 
riez et pendant l'espase de trois mois vous ne m’enveriez rien a 
Liege. Si mon frere a besoin de votre ministaire ou de vos con- 
seils pour m'arrenger quelque petites affaires ou faire revenir mes 
effets à meilleure marche, je vous serois obligée, Monsieur, 
d'avoir toujour les même bontes pour mot, Je crainderois de 


(1) Elle était née au village de Méricourt, à quelques lieues de 
Liége, sur les bords de l'Ourthe, 


— 952 — 


vous fatiguer si je ne comptois singulierrement sur le plaisir que 
vous avez a obliger. 
». Je suis avec estime, Monsieur, votre servante. 
: » THEROIGNE. » 
Quant à l'écriture, elle est tout-à-fait digne de l'orthographe 
et du style de ce chef-d'œuvre épistolaire. 
LEBARON DE STASSART. 


Les processions où cortèges de Lille. 


Jeanne de Flandre, la pieuse et intelligente comtesse qui dota 
Lille de plusieurs lois et établissements d'intérêt populaire, n'ayant 
point laissé d'héritiers directs, Marguerite, sa sœur et seconde fille 
de Baadouin de Constantinople , prit les rênes de l'Etat des Flan- 
dres en 4244. | 

Elle sut aussi se faire aimer du peuple, surtout en le déchar- 
geant du droit de tonlieu, c'est-à-dire de toutes les taxes ou im- 
pôts levés sur les marchandises au profit des comtes, ses prédé- 
cesseurs. 

Après la fondation du refuge _ béguines et de l'hôpital de 
Seclin, ce dernier destiné à recevoir des malades et à donner 
l’hospitalité aux étrangers, ce fut encore en vertu de ses lettres 
patentes, datées de 1263, que l’on construisit à Lille ce pont au- 
quel on-donna alors le nom de pont de Phin, parce que, disaient 
les vieilles chroniques, c’est à cet endroit que le vaillant chevalier 
Lydéric combattit le farouche Phinaert et débarrassa le pays de ce 
redoutable pillard. Le pont de Phin était là où se trouve aujour - 
d’hui le Marché-au-Fil-de-Lin. 

Elle institua ensuite, en 1269, la procession de la ville, à la 

rière des chanoines de Saint-Pierre qui, profitant du dévotieux 
élag du peuple envers Notre-Dame-de-la-Treille, image qu’on 
ailat vénérer dans leur chapitre , virent dans cette cérémonie une 
source féconde d’offrandes. 

Voici textuellement un passage des lettres d'institution : 

« Nous, Margherette, coutesse de Flandre et de Haynau, 
fesons savoir à tous que nous en l'honneur Nostre-Seigneur Diu 
Jesus-Christ et de la glorieuse virgene sa mère et pour le proufit 
de le eglise Saint-Pierre de Lille qui fondée est de nos ancisseurs 
signeurs de Flandre, et pour l'avancement de l'œuvre qui com- 
menchiée est en l’eglise devant dite, pour laquel li chanoines de 
chole mesme eglise de leur rente dont ils doivent vivre se sont 
durement grevé de piécha et sont encore cascun jour, avons ot- 
troyé et ottroions une proucession a faire autour le ville de Lille, 
cascun an perdurablement, par tel voie ét par tous liens que chier 


Sn 


— 253 — 


ami Jehans de Bruges, Jehans de Evilles ont deviset et ordinet. » 

Le pape Innocent II[ seconda .la comtesse dans cette pieuse et 
lucrative institutiou ; il accorda des indulgences à tous ceux qui 
suivraient la procession et visiteraient pendant quarante jours 
l’église de Saint-Pierre, | 

La procession resta tout-à-fait religieuse et rigoureusement 
décente dans son origine. Mais, peu à peu, il s'y glissa quelques 
abus « par suite de différents spectacles » que le désir des peu- 
ples, la facilité des magistrats, et peut-être un zèle peu ru y 
avaient laissé introduire. 

Le Magistrat qui dirigeait la procession la faisait annoncer 
quelques jours d'avance, au son des trompes, dans toute la 
ville. 

Les crieurs s 'exprimaient ainsi : 
« Nous faisons assavoir de par nos vigneurs Le comte de Flan- 


_ dre et de par le chastelain, et de par les baillifs eç de par le con- 


seil de la ville, que la pourcession Nostré-Dame de Lille, yert 
(sortira) ce dimanche prouchain qui vient-et durera neuf jours. 
Si commenche li franchise del pourcession ce samedi prouchain 
qui vient à mesme, et que tout chil et tout chelles qui venront à la 
pourcession, ont bon respit de clains (répit de procés), de Cateulx, 
et de tous enseignements d'eskevins, et de tous jugemens de on 
tous les neuf jours et celluy semmedy depuis noesne. » 

Bien qur le clergé des paroisses s’y trouvât au grand complet, 
il parattrait que le Saint-Sacrement u’y fut jamais porté. On y . 
voyait seulement les châsses et reliques des saints, toutes les con- . 
fréries avec les images de leurs patrons, tous les corps de métiers 
précédés de grands bätons chargés de tous les attributs de leur 
profession surmontés d’uu flambeau historié et orné. 

M. l'abbé d'Artigny dit dans ses Mémoires historiques « que la 
procession est ouverte par le fou de la ville qui Jui paie annuelle- : 
ment des gages; que ce fou est habillé d’une manière conforme 
à son office et tient une marotte avec laquelle il fait mille extra- 
vagances contre les spectateurs de la procession ; que souvent 
inéme il jette de l’eau au peuple et eu attaque quelques-uns avec 
le symbole de sa charge. 

Les chroniques nous apprennent aussi que les religieux de cha- 
que couvent, les nombreuses confréries avec leurs châsses ou : 
fiertes, leurs croix, leurs banuières, les compagnies bourgeoises 
nommées Serment, c'est-à-dire les archers et arbalétriers soumis 
par un serment personnel à l'observance des obligations de leur 
corporation, que tous Îles divers corps de métiers, en un mot, 
avaient chacun une histoire de la passion de Notre-Seigneur Jésus- 


Chris!, entremélée de quelques scènes de l’Ancien- Testament, 


48 


— 9254 — 


histoires et scènes que l’on jouait ou que fon récitait pendant la 
ptocession:." + RARE . É HER | "te Lu De 

# On'né s'explique pas bien, dit M. Victor Derode , dans son 
histoire de Lille, comment on pouvait représenter ou mimer au 
milieu des rues, le roi Darius recevant des Baffés (soufflets), 
Jésus flagellé, les Innocents noyés, et encore moins la scène où 
da mère de Moïse circoncit son enfant, ni celle où le Sauveur se 
soumettait lui-même à cette opération. 

" Quoiqu'il en puisse être, pendant trois jours entiers, le long de 
laPetite-Place, devant les Halles et en divers autres lieux de la 
ville, on fit ces sortes de parades. La foule, ivre de joie, courait 
d'un théâtre à l’autre, voir ces inqualifiables représentations. 11 
paraîtrait même, à en croire Montlinot, que parfois les chanoines 
de Saint-Pierre prenaient part au mouvement général. 

Après une assez longue suspension de ces processions par suite 
des guerres de ces temps-là , et malgré les obstacles que la partie 
intelligente du clergé Ÿ apportait, Îles anciens souvenirs reprirent 
le dessus, et le 7 janvier ‘1598, tous les rois, papes, cardinaux, 
abbés, ducs, princes, amiraux, etc., abolis trente-cinq ans au- 
paravant, reparurent à la fois. | L 

Les chroniques lilloises nous ont conservé la liste de ces burles- 
ques seigneurs. A côté du pape des Guingans (1) se trouve 
l'abbé de Tout-y-Faut (tout-y-manque); auprès du roi des 
Testus se voit le roi des C'rochus, le roi de Pauvreté, le roi des 
Cœurs- Aventureux, le roi des #-Witant (demi-fous)... Le 
baron des Facsgay (faces gaies) marchait en compagnie de l’ami 
ral des galères, du capitaine des Malpartis, du marquis des 
Enfunquez (enfumés) ou des Faussémaines (lausses-mines). 
Le nombre des princes était considérable. Le prince des Juifs, 
le prince d'Egypte, le prince Poulot, le prince des Coquards, 
le prince des Amoureux, du Pau-d'Argent, du Pau-de-Sens, 
des Larges-Robes, des Embrouillés, des Mauvais-Profitants, 
du Rucho (ruisseau), etc. : 

Tous ces personnages, marchant à la file, formaient la longue 
procession qui parcourait les principales rues de la ville. Sur son 
passage se trouvaient des arcs-de-triomphe , des théâtres, des 
tentures. | 

Voici, du reste, un fragment de la narration d'un témoin ocu- 
laire: nn 

« Près du Moulin Comtesse, il y avait une porte de la longueur 


(1) La place où il donaait son pied à baiser à toute sa cour, est à la 
4onctiôn de la rue de la Clef et de la rue des Oyers. 


— 255 — 


de 40 à 13 pieds et de 20 de hauteur. fl y avait six tableaux 
représentant la prise de Rome par l'empereur Charles-Quint et si 
estoit la rue bien parée jusqu'à la place Saint-Martin , et si encore 
estoit encore en la dite place la préparation d’une feste; auidessus 
du puits de la place estoient feulx ensemble, sur lesquels estoient 
_ mis plusieurs chandelles ardentes autour desquelles, quand la 
” procession passoit, on les faisôit tourner. . belle chose à voir ! 
Puis ladite procession entra dans la pläce des Patiniers , là où 
estoit représentée l'histoire de Marie-Magdelaine, avec la prépa- 
ration d'un grand feu. Au bout dudit feu, une lanterne que le 
vent faisoit tourner tellement que ladite place estoit parée de 
branche de rameaux et le dessus aussi sur des cordes. 

« Puis, estoit en la maison et au-devant des Cordeliers, les 
Douze Sybilles ; et si estoit un jeu d’orgues en la maison Toussaint, 
ou pend pour enseigne (encore aujourd'hui) Pont-à-Marcq, et 
estoit son fils qui jouoit avec plusieurs autres joueurs de divers 
aultres instruments. Et estoit ladite rue parée de blancs draps. 

a Et devant la cour d'Enfer, il y avoit une grande et magni- 
fique porte et au-dessous d’icelle porte, il y avoit la représenta= 
tion du roi d’E-pagne et du roi de France, et au milieu, le pape, 

: donnant à entendre que le pape les avoit mis d'accord. Et ceux 
de ladite place avoient fait ladite histoire et encore une aultrè dé- 
vant la rue de l’Abbiette, representant les sept vertus contre les 
sept péchés mortels. Et tout le reste de la rue estoit fort bien 
paré jusqu'à la porte de Fives. 

« Au devant de l’Ahbiette il y avoit un autel et aux x deux costés 
la représentation de l'empereur Octavien. Et près de la porte 
de kives il avoit une histoire de la Samaritaine au puits de Jaeob ; 
et au coin du Croquet, il y avoit la représentation des deux rois 
d’Espagne et de France; et estoit la place du comte Poulo et il 
avoit ces mots écris : 

| Par l'oraison aussi bonne prière 
Plaisant à Dieu la paix nous est donnée. 

« Et plus entrant ladite processiun il y avoit l'histoige du roi 

David contre Nabal, là où ces mots étoient escrits : 

Par l’offense de gourmandise 

Nabal fait par rire émouvoir 

David qui par humble device 

Des vivres le requiert d’avoir | | 

Mais par prudence et par savoir à te 

Abigaël dame pudique OR. 
: Fait au brief changer le vouloir 

Du roi l'appaisant en publique. 


Ces vers démontrent que les lillois ont été poètes de fort bonne 
heure. Leur rime était déjà riche et ils cultivaient l’enjambement 


— 956 — 
… du vers avec assez de succès. .Par exemple, .ils. négligeaient 
:‘’béaucoup le point et la virgule. | 
#7? Nous trouvons ensnite quelques détails relatifs aussi au XVIe 
“siècle, dans un manuscrit cle Ja bibliothèque de Lille. Les voici : 
7 ‘« L'avb 1565, à la procession de Lille, furent faites pour la 
. derniére fois les histoires. Tous les corps de mestier avoient 
. Chacun une histoire de la passion de Notre-Seigneur, entfemélée 
. d’aucnnes histoires sur l’Ancien- Testament. . | 
” {'a’ Sembläblement marchoient les neuf preux montés sur beaux 
“Chevaux tous arinez. Aussi marchoient toutes les sybilles montées 
‘Sur chevaux, tenantes en mains certaine enseigne de la passion, 
“* avec chacune un laquais tenant les brides desdits chevaux ; et 
._Étoient lesdites sybilles accoutrées et ornées comme princesses. 

« Et marchoïent aussi à ladite procession un géant et une géa- 
 nesse faits d’ozier, chacun à la hauteur de soixante pieds, et avoient 
‘les patissiers et les Corroyeurs la charge dudit géant et géanesse au 

lieu d’aütre histoire. Ce qui étoit une chose bien récréable 
“tant pour le peuple de Lille que des autres villes et villages 
”_« Semblablement toutes les places des roys, princes et ducs de 
‘a ville avoient chacune leur histoire sur chariot, au marché, du 
‘côté de la Halle, au coin de la rue des Malades jusqu'au beau 
‘regard du côté de la Fontaine-ju-Change où les joueurs de co- 
” médies jouoient par signes histoires tant du Vieux que du Nouveau 
" Testament. - . | | | | 
“7 «Et le lundy, mardy et mercredy suivants, l'après-midi, se 
jouoient lesdites histoires en la halle de Lille devant messieurs du 
T'Magistiat. mo | 
“ « Etle soir se jouoit aussi une farce devant ledit Magistrat ; et 
: Je jeudy ensuivaut se donnoient les prix aux mieux jouans des 
comédies aux places de ladite ville. » 


‘ :" Coinme on le voit, l'élément profane menacçait grandement 
P çaul 6 


d’envahir à son profit cette grande solennité primitivement organi- 
sée pour rester tout-a-fait religieuse. | 
Le clergé, pour arrêter cette transfors ation successive, fit pen- 
* dant long-temps tous les efforts possibles. 11 essaya de faire une 
diversion, en engageant le Magistrat à orgauiser, un jour avant ou 
après la procession, une cavalcade composée de jeunes gens de la 
bourgeoisie. Mais cette tentative n’aboutit qu’à faire faire quel 
ques promenades du côté des remparts. On allait, disait-on, voir 
s’il y avait des réparations à faire aux murailles et aux autres tra- 
vaux de fortifications, ou si les réparations précédemment ordon- 
nées avaient été bien exécutées. Ceci prouve au moins que lts 
lillois ont toujours été terriblement jaloux de leurs bonnes mu- 
xailles!. Mais on eut beau réchauffer leur zèle en cet endroit, 
#ul l'apparat, toute la pompe de cette fête, devenue un besoin 


2 957 — 


général etimpérieux pour la pépulétion , ‘egntinua à rester Vapa- ; 
nage exclusif de l'antique procession Chaque année y ajouta | 


quetaue chose À mesure que le luxe s “élendait, il l'envahissait.. 


de plus en plus, tandis que la cavalcade n'allait qu'en s ‘amoindris-.… 


sant. 


Bientôt l'esprit français vint s’y mêler à son tour. Les groupes, | 
les emblèmes eurent, soit une signification patriotiqué , soit une . 
allure satirique ou railleuse Le clergé dut renoncer ‘alors à en . 
faire une cérémonie du culte. ILse retira tout-à-fait, et, en 183, . - 


après toatés les tempêtes de la révolution, la municipalité de Lille . 


prit un arrêté par. lequel la procession rehgieuse fut rigoureuse- je 
ment séparée de ‘la procession civile. Cette dernière reçut dès. . 


ce moment le nom de cortège, nom qui seul pouvait lui convenir. 
Cette année-là, on remarquait ne une division de gardes natio- 
naüx le buste de Bonfflers et à côté l’image de Jeanne Maillotte. 
Parmi les sapeurs pompiers étaient le buste de Vauban, ceux dé 
Philippe d'Alsace et de Philippe-le-Bon. . Tout cela, choisi avec 


un goût au moins douteux, était entremélé de différentes sociétés 


de musique du Aépar tement, venues pour concourir, cor, selon 
l’ancien üsage, on n ‘à jamais ceësé de distribuer des prix de tir, 
d’agllité, de ténue, de musique, etc. Plus loin, l'on portait le. 


buste de Louis XIV. Dans un char traîné par six chevaux fiche- 
ment caparaçonnés, dit Le char de là Ville, étaient’ représentés 


Baudouin Belle: Barbe, ‘Baudouin de Lille, ‘Jearine de Constanti-. 
nople et Marguerite, sa sœur. Puis venaient des tambours en 


costümes grotesques, l'effigie. de Lydérie et de son inséparable …. 


F 


Phinaert. 


Une autre fois, on a substitué à ces personnages. locaux un 


l'énélon précédé de la Folie distribuant des dons ! !! 


I faudrait tout un volume, ; du reste pour donner un aperçu . 


exact de ces cortèges,. 


? 


UE 


Seutement, depuis 18350. on les a dédaigneusement abandon-' . 


nés. Les rues sont restées à la disposition de quelques gros 


. plaisants avinés, qui, à pied ou à cheval, sont toujours peu, agréa- 


bles à voir. Tant il serait peut-être vrai de répéter ici un vieux 
dicton fort connu à Lille : « Tout ce qui commence par une messe 
finit par nn sacrifice immodéré au trop joyeux Bacchus. » 

Nos jeunes gens de Lille essaient agjourd’hui de faire renaître 
le goût des cortéges et des cavalcades. Nous raconterons tout ce 
qu'ils auront fait pour arriver à ce résultat si désirable au point de 


vue des divertissements et des intérêts matériels de notre grande 


cité. NS (Liberté, de Lille) . 


L chapelle du “Saint - Bacrement, à Arras. 
La chapelle du Saint-Sacrement, inaugnrée le 5 août 1846 paz 


$. E. le cardinal- évêque d'Arras, a’été édiñée sur les plans de 
M. Grigny, d'Arras, et spus la direction immédiate de ce jeune 
architecte, dont la supérieure du Saint-Sacrement avait deviné le | 
talent, bien qu'il n°eût encore que. quirtze ans. « Travaillez bien, . 
mon ami, et vous bâtirez notre chapelle. » dit-elle un jour à un 
jeune ouvrier occupé à de modestes travaux d'intérieur. : Quinze 
ans plus tard, stimulé par cette simple parole d'encouragement . 
qu'il cäressait dans sa pensée comme uue promesse sérieuse , 
inspiré par l'étude des chefs-d'œuvre du moyen- àge ; le jeune 
ouvrier, devenu architecte, jetait dans les airs cette charmante 
chapelle; aÿeé sa lèche élégamment découpée à jour, que la mul-. 
titude admire et’ qui à valu, en juin 1845, à M, Grigny, une . 
médaille d'honneur décernée par le congrès archéologique de. 
Lille, composé d'hommes spéciaux, d’ un savoir et d'une iinpartia- 
lité incontestables ; citer des juges tels que MM. Dideron, de, 
Cauuiont, de Lassaulx, de Quast, etc., c'est suffisamment indiquer 
la valeur de l'œuvre de notre compatriote. 

L'architecture qui a paru la plus convenable à M. Grig gny, pour 
_ une chapelle de petite dimension. est celle du XV° siècle. . Toutes 
les richesses de cette époque ont été explorées et heureusement 
reproduites ;: de la rue d'Amiens surtout , l’effet du portail, des 
pignous, des croisées + des contreforts et des clochetons chargés 
de sculptures, a eté si bien préparé, que l'on croit voir l’une de... 
ces vieilles basiliques sortir de terre, vierge. de toute mütilation ëk - 
de toute souillure. _ 

L'église, dont le plan est une croix. fatine., a% mètres de lon - . 
gueur dans œuvre, et 9 mètres de largeur, le transept 23 mètres; : 
elle est à une seule nef. dont la voûte, divisée en cinq travées,” 
20 mètres de hauteur . La flèche est élevee. de 37 mêtres au-. 
dessus du sol ; elle repose simplement sur une arcade , un pignon 
et quatre barres de fer. Des arcades à jour séparent l'abside. 
d'une très-jolie voûte en anneau qui entoure le chœur ; des roses 
composées d’entrelacs et de dessins. ariés d'une grande finesse, 
.ornent les clés des voûtes ; des arcatures gracieuses couvrent les. 
fonds, et des moulures avec « uroulements et médaillons surmon- 
tent Les portes; le porche intérieur et la grille en pisse sont à eux. 
seuls de petits monuments dignes d’ éloges. : | 

On compte vingt quatre croisées de 40 mètres 50 c. de hauteur | 
sur 3 mètres 20 c. de largeur; chacune d'elles est divisée par. 
deux meneaux qui s’épanouissent ap tympan et donnent naissance 
à des trèfles et à des cœurs. Les vitraux en grisaille sortent dela 
fabrique de M. Boutant, de Choisy-le-Roi, et ont été dessinés par. 
M. Baesvilvald : les uns représentent les emhlèmes de l'Eucharis- 
He, les autres sont les images des belles appellations des litanies 


_ 


_— 959 — 


de la Sainte-Vierge : Rose mystique, Tour d' ivoire , © Arche 
d'alliance, etc. 3 

Quelques statués remarquables, dues au ciseau savant et reli- 
gieux de M. Bion, de Paris, occupent les niches ets ‘harmonisent 
parfaitement avec les ornements et le style de la chapelle : au 
chœur, la grande et mystérieuse figure du Christ tenant l'hostie, 
et environnee de deux anges et de deux religeuses en adoration ; 
au fond du bras de croix septentrional , la Vierge pleine de grâce 
portant l'enfant Jésus, avec deux anges à ses côtés : un: chante 
ses louanges ,. l'autre nous rappefle cette pieuse invocation : 
Sainte Marie, refuge des pécheurs, priez pour nous ; à l'autre 
bras de croix, saïnt Joseph, .de plus petite proportion, mais par- 
faitement composé pour la place qu'il occupe. < E 

Toutes ces statues soût entourées de véritables dentelles. dé la 
pierre ; :les bases ornées, les dais surmontés d’un grand nombre 
de pinaeles, de humpes et de détails infinis, présentent toute ta 
délicatesse et la bonne exécution des monuments du XV°siècle ; 
is font, honneur à M. Duthoit, d'Amiens, et à ses meilleuts élèves, 
chargéa de. toutes: les sculptures dé la chapelle, Dans quelques 
semaines, le pavé en mosaïque sera posé ; il ne restera plus ä‘ter2 
miner.que le buffet de l'orgue, l’antel et l'ameublement ; ‘et, en 
moins de quatre ans et demi (4), M. Grigny aura scene Ja 
graude:et noble tâche.qu'il s’était imposée. 

- Arras est donc assurée de posséder un monument coinplet- et 
véritablement religieux; religieux par h forme erapruntés aux sié- 
cles de foi, religieux .par la pensée première qui a pris naissance 
au sein d'une communauté justement célèbre par 6a piété et par 
les services qu'elle rend aux familles, Les saintes dames de cétte 
maison s'étaient livrées pendant de longues annees aux travaux 
pénibles de l’enseignement; elles avaient amassé, à force de pri- 
vationus, quelques sommes d'argent; à quoi les emploieront- 
elles?... à faire éelore te génie d’un architecte, à former et à: 
perfectionner de nombreux ouvriers du pays, entre lesquelsiellés. 
partageront le fruit de leurs épargnes (2), à doter leur vite d'un” 


| ue Vi 
| De | RE 
(3) La première pierre avait été posée et bénie par Son Éminence le 
cardinal de La Tour-d' Auvergne-Lauraguais , évêque d'Arras, le 2 
Juillet 1842, et la dernière le fut le jour de l'octave de l'Assomption 
1844. . Toute la maçonnerie n’a donc exigé qu'un travail de deax ane 
il est vrai que l'on employait j jusqu'à cent ouvriers par jour. : 

(2) L'appareilleur :est Constant Plouvier, de Neuville-Saint-Vagst : sd 
le piqueur de grès,.Finet, d'Arras; les autres maçons, d'Arras et des 
environs, ont été formés par M, Grigny au genre moyen-âge, qui difé- . 
rait totalement de leurs travaux habituels, Les carrières de Monfe-. 


0) 


— 260 — 


édifice qui fait sa gloire et force les étrangers à l'admirer; euffr, 
à laisser un éclatant et durable témoignage de leur fervente dévo 
tion. Aussi maintenant, comme dans le passé, lé principe relt- 
gieux apparaît tonjours au foud dés grandes choses. 

CL. GRANDGUILLAUME. 


À 


ET Deigurque. | 


ll : a qusliues mois à peine. Adolphe Delegorgue qoittait Paris 
pour entreprendre un voyage d'exploration sur la côte de Guinée: 
se livrer à de nouvelles’études d'histoire naturelle, et rapporter 
de nombreux et rares de. destinés” à enrichir nos-collectiorté 
paentitques | 

.. Jeune, robuste,. plein de force et d' teur: À mit: agé de 
trente. cinq ans. ‘il a succombé bientôt à une inflammation du 

_pylore,: dans la traversée de Gorée à . See Bassaik ;" dans 
l'Afrique occidentale. FRS 

Adolphe Delegorgue appartenait à une famille. hostile et 
riche du département du Noïd Il avait consacré ‘une: partis 'de 
sa fortune à entreprendre, au cap de Bonne-Espérance -et: dans 
l'intérieur de l'Afrique, des explorations d'histoire naturele: con 
duites avee une énergie et un courage peu communs. :. :.. : 

Ces excursions furent brillantes et heureusés, et il trouta:à faire. 
encure des révoltes abondantes après Sparmann > Thurberg ; :Ha- 
lerson, Lesaillant, Slout, Campbell et les troïigfreres Atexis'::Jutes 
et Edouard Verreaux, qui avaient déjà PA cturne ' hitétieuts 
de cette partie de l'Afrique. re RITN ET 

Adolphe Delegorgue parcourut: tour .à Loue: Lort Natal... Je: 
Pingaan, :les rives du Touguela, les Amazouloud, la:baie Saintes 
Marie, ic pays des Marsalicatzi et Vaayenpoort. Partout il''se: 
montra habile et brave chasseur, colleetionneur ardent, voyageur: 
infatigable. Peut-être, en lisant le récit de ses voyages, écrit par: 
lui-même, et publié en 1847, regrette-on de.ne point trouver 
<bez Pelegorgue une connaissance plus approfondie:.de. l'histoire 
naturelle, un esprit d'observation moins superficiel; mais on 
éprouve une vive sympathie pour sa persévérance de chasseur. 
11 décrit avec passion ses combats contre des troupeaux d'élé- 


us se, où ps ss" Ü ete ce pts Les tps? LT En La 


FREE ” , U ie U ‘à + 
nescourt ont fourni une excellente pierre qui a parfaitement résisté à 
l'action de la geléé. Aucun accident grave n’est ‘alfivé: pendant la” 
construction : -un ouvriet, tombé de: scixante- pieds: de ‘hauteur, était 
rétabli huit jours après sa chûte. Toutes les priucipales mere ont. 
été marquées au monogramme de RRRRIe VISrEe di 


Le ci Se a di. 


à 
DE PRRETE 


— 961 —- 


phants, dont le nombre s'élève parfois à cinq ou six cents, et en 
voyant les dépouilles de ces animaux qu'il avait rapportées, on. 
restait surpris qu'un homme eût pu, à peu près seul, suffire à de 
pareils massacres. 

Delegorgue voyageait dans l’intérieur de l'Afrique avec des cha- 
riots train és par des bœnfs et e:cortés par des indigènes. Jamais 
sou sang froitl ne se démentit en face du péril, et il sut toujours 
doininer par sa fermeté les peuplades sauvages avec lesquelles il 
se trouvait en contact. 

On comprenait sans peine cette influence de l’Européen eur les 
indigènes, en voyant sa belle et noble physionomie, sa haute taille, 
sa longue barbe noire, et son regard qui avait quelque chose de 
l'œil du lion. | 

. Ilétait d'une nature froide à l'extérieur, ardente en dedans, 
peu communicative, silencieuse, plus solide que Drntes et que 
caractérisait surtout une extrème finesse. 

A son retour d'Afrique, Delegorgue avait été ioinmé chevalier 
de la L égion - d'Honneur par M de Salvaudy, qui mettait toujours 
tant d’ enpressement et de bonne grâce à récompenser les hommes 
de mérite qui relevaient du ministère de l'instruction publique. 

Delégorgne comptait beaucoup sur les résultats de son expédi- 
tion: dans l'Afrique occidentale, et celui qui trace ces mots l'a 
bien souvent entendu se réjouir de son départ et former de longs 
et brillants projets. 

“Hélas ! il y a quelques semaines, l'équipage du bâtiment le. 
Jüste, à bord duquel il s'était embarqué, s'agenouillait sur le: 
pout et lançait dans les flots, en face même du but de son voyage, : 
un cercueil contenant |a dépouille inarimée de Delegorgue |. | 

Nous l'avons dit. le‘jeune voyageur n'avait guères que trente- 
Cinq ans ; il a êté frappé par la mort au moment où l'expérience 
allait donner à ses etudes plus de suite, à ses efforts des résultats 
plus féconds. Pour lui le livre de la vie a été fermé aux premières 
pages (l', ex 
S. H. BERTHOUD. 


0 PE ? 


. (1) Louis-Adolphe-Joseph Delegorgue, né à Douai à la fin de 1814, 
ect mort dans les bras de son ami M. Lieffenbach , second capitaine du 
Juste, le 30 mai 1850, âgé de trente-cinq ans et six mois, en pleine 
mer et par une chaleur de quarante degrés. On n'a pu conserver son, 
corps, et ses compagnons de bord ont dû, le désespoir au cœur, lui 
donner la mer pour cercueil. M. Delegorgue laisse une sœur mariée 
à M. Bottin, substitut du procureur-général à Douai ; son oncle qui Va 
élevé et qui était avoué dans la même ville est mort en décembre 1850. 
A. D. 


CEELEIITIE TETE TERERTEMRT ne MERTT 
Gé: A H'EONEA 
QE En 


BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 


Li 
\ LES 


271 — MEMLING. Erupg sur la vie et Les ouvrages de ce peintre, 
suivie du catalogue de ses tableaux, par P. Hédouin, membre 
honoraire de la Société des Antiquaires de la Morinie, ancien 
secrétaire de la Société des Amis des Arts de Boulogne, membre 
de l’Institut historique, etc. (Avec cette épigraphe : ) « Il est 
presque toujours dans la destinée du Génie de voir couverts 
d’un nuage ses langes et son linceul. » G. OLIVIER. Christine 
de Pisan. (Paris) Imprimerie Claye. Taillefer et comp., 1847, 
in 4° 


M. P. Hédouin, de Boulogne , à qui nous devons déjà les Souvenirs 
historiques et pittoresques du Pas-de-Calais, l'Histoire de Notre-Dame 
de Boulogne, et une foule de compositions poétiques et musicales, est. 
un des plus fervents amis des arts qu'on connaisse dans le nord de la‘: 
France. Il n'a pu voir la ville si pittoresque de Brugos, qu'il a chantée ! 
en jolis vers ni sa divine châsse de Sainte-Ursule, sans se sentir rem- 
pli d'une admiration enthousiaste pour l'éminent artiste qui l'aillustrée : 
de ses sublimes peintures, et pour la belle et antique cité qui lui donna, 
le droit de bourgeoisie. M. Hédouin s’est complu à écrire l’histoire . 
de la vie et des ouvrages du fameux Jean Hemling ou Memling, il l'a 
dédiée à son ami M. Quenson, présideut de Saint-Omer, ami des lettres‘ 
et des aris, et il l'a insérée dans les Annales archéologiques, d’où le 
présent opuscule est extrait. L'auteur ne parait pas avoir eu connais- 
sance d'un outre ouvrage, dans lequel M. le baron de Héverberg aîné 
a inséré de longues et consciencieuses recherches sur Hemling. On 
trouve, en effet, dans Ursula, princesse britannique , d'après la légende 
et les peintures d'Hemling ; ; Gand, J.-N. Houdin, 1818, in-8° de xn et 
235 pp. orné de 2 fig. de E. Aubertin, plus de 100 pages sur ce per-.. 
sonnage qui fut l'un des pères de la peinture en Flandre. M. Hédouin 
adopte pour son héros le nom de Memling et il déduit ses motifs ; le. 
baron de Héverberg s’en tient au nom de Hemli ing, en regardant le 
jambage du milieu, qui a pu faire croire à un M gothique, comme un: 
petit J, initiale de Joannes, qui forme monogramme avec l'H. Nous. 
ne déciderons point cette question qui partage encore les biographes 
belges, et qu'on ne pourrait trancher qu'après avoir eu sous les yeux 


— 963 —: 


les noms écrits du vivant du peirtre.— M. Hédéuin a divisé son‘travail 
en.deux parties bien distinctes : la première est une éfude raisonnée sur : 
l'artiste flamand ; ia seconde estuh catalogue explicatif de ses ouvra- 
ges. Jci, il se rencoutre souvent avec son devancier le baton de Hé- 
verberg, mais en conservant vis-à-vis de nous l'avantage qu'il a‘eu : 
d'écrire trente ans plus tard et de savoir mieux la destinée de tant de 
chefs-d'œuvre que les révolutions ont dispersés. La uotice de M. Hé- 
douin est pleine d'intérêt et dénote un écrivain juste apptéciateur den : 
beaux-arts, qui les aime avec ardeur et intelligence; et qui est habitué 
à communiquer au public ses délicates impressions. A. D. 


272 — Hisroired es expéditions maritimes de Charles-Quint en 
Barbarie, par Æ. G. Chotin, juge-de -paix (d’Anthoing), 
chevalier de l'ordre de la Couronne -de Chène des Pays Bas. 
Bruselles, Tarride.et Tournai, R. Ritto, 1849, gr. in-8° 
de 293 pages. 


M. Chotin, déjà connu par une traduction du hollandais, de Simon | 
Styl, sur l origine : et la spérité des Pays-Bas, par une Histoire de. 
Tournai et du Tournäisis et une Esquisse sur les monuments de la 
même province , a livré à la publicité une attachante relation des ex- 
pédiuvons dé Charles-Quint en Afrique, tirée d'un ms. de Van den Es, 
de Sandoval-et du Journal de l'Expédition de 1535, publié en latin par ‘ 
Jean Bérot, de Valencieunes, ou Bérotius, sous le masque anagramma- 
tique d'Etrobius, nom emprunté que M. Chotin a bien voulu lui conser- 
ver. Cette histoire de la conquête de Tunis, etc., se lit avec lemême attrait 
que présente un roman, en y ajoutant tout l intérêt qui s'attache à desfaits ” 
vrais et à des noms bien connus dans le pays, tels que ceux de Charles | 
de Lannoy, : de Jean de Hennin, premier comte de Boussu, de Loms 
de Flandre, sieur de Praet, du baron de Draeck, d’Amurat d'Egmond, 
prince de Gavre, de Charles de Lalain, du comte de Buren, et surtout 
du poète Jean Second, émule de Gatulle, qui prit en Afrique le germe 
de ta maladié qui le ft mourir peu après à l'abbaye de Saint-Amand. 
Outre la prise de Tunis, M. Chotin décrit encore l'expédition contre 
Alger en 1541, et celle contre Afrique en 1550 : Sen recueil est ter- 
miné par la description des obsèques de Charles-Quint à Bruxelles, 
les 29 et 30 décembre 4558. L'auteur a puisé aux bonnes sources ; 
aussi son livre est-il irréprochable sous le rapport de l'exactitude ; 
cependant nous ne voyons pas qu'il ait fait usage du livre curieux in- + 
tituté : L’Expédition et voyage de l'empereur Charles-Quint en Afrique, 
contre la cité d'Arges (Alger), traduyte de latin en françoys par Pierre 
Tolet, médecin Lyonnois, imprimé à Lyon chez Le Prince (sans due), 
in-40 goth. : ni des Documents inédits relatifs à la conquéte de Tunis par 
l'empereur Charles-Quint en 1535, recueillis par Emile Gachet. Bruxel- 
les, 1844, in-8, ouvrage beaucoup plus facile à rencontrer que le 
premier, On pourtaeït regretter l'absence d'un plan de la Goulel!e et de 
Tunis représentant les lieux tels qu’ils étaient en 1535 ; nous ne par- 
lerons pas non plus de quelques fautes typographiques qui introduisi- 
rent, dans cette œuvre estimable, des phrases telles que celles-ci : 
p- 39: « Il trouva dans la plage de Barcelone l’escadre que l'infant 


— 204 — 


» don Louis de Portugal avait acconduite à l'empereur. » P: 98: — . 
« L'infériorité de la cavalerie espagnole résullait.. de sa déroute. .».°. 
L'euteur a évidemment écrit: La déroute résuliait, etc. Nous avons. 
éprouvé trop de plaisir à la lecture de cet ouvrage pour chercher que- 
relle même à celui qui l’a imprimé. | ; A. D. 1, 


273. — LETTRES, MÉMOIRES ET DO€EUMENTS pubhés avec des : 
notes sur la formation , le personnel, l'esprit da 1° bataillon 
des volôntaires dé Maine et-Loire et sur sa marche à travers les 
crises de la Révolution Française. Par F. Grille, Paris- 
Amyot, 1830, 4 vol. in-8°. | | 


Quatre volumes m-octavo sur un bataillon de volontaires de la pra- 
vinee, s’écriera-t-on avec surprise, quelle abondance |. - C'est qu'aussi 
ce livre n'est pas seulement l'histoire des volontaires de Maine-et- 
Loire, il embrasse les principaux événements de toute la première Ré- 
volution Française : c’est la campagne de Champagne, la bataille de 
Jemmapes, l'invasion en Belgique, un quartier-d'hiver dans le pays de‘: 
Liège, le siège de Maestricht, la bataille de Nerwingde, le camp de. : 
Maulde, la trahison et la fuite de Dumouriez, la guerre de la Vendée, 
etc., etc., etc. Voilà, certes , bien des faits importants sur lesquels: 
on a beaucoup écrit. mais qui attendent encore leur dernier mot. L’'au- 
teur avait en sa puissance une masse de documents du temps, de pià-: 
ces curieuses, auxquelles il a ajouté des lettres si ingéuieusement, : 
écrites qu'on les croirait du temps, tant la couleur locale y est bien : 
ménagée. Celui qui tenait amassés tous ces renseignements a ouvert. 
la main et la vérité s'en est échappée et s'est répandue par une foule 
de détails piquants répartis dans les quatre volumes que nous annon- 
çons. Ce nombre, bien qu'honnète, eût été augmenté de beaucoup, - 
si l’auteur n'avait été distrait de sa publication par des fonctions impor- 
tantes. Il allait décrire le siège de Valenciennes, qui, du reste, tient 
une large place dans sa Description du département du Nord; sa: capi- 
tulation, le siège de Lyon, l'entrée en Savoie . les prises de Thouars,:: 
de Saumur .et d'Angers par les Vendéens , la siège de Nantes et toutes 
les guerres civiles de l'Ouest jusqu'à la pacfication. Ses quatre yolu=-: . 
mes eùssent été au moins doublés. Nous regrettons surtout l'absence . 
de la relation du siège et du bombardement de Valenciennes en 4793, . 
où le bataillon de Maine-et-Loire a assisté, et où chacun de ses grena-: : 
diers a pu dire comme Enée : Et quorumpars magna fui! Mais, com- 
me consolation, nous trouvons, dans le quatrième des volumes publiés, 
des renseignements très circonstanciés et des pièces complètement . 
inédites sur l'histoire de la défection de Dumouriez à Saint- Amand, sur 
l'arrestation des conventionnels au même lieu, et sur ce qui arriva au 
camp de Maulde, à Valenciennes, et sur toute la ligne de l'armée, après 
la fuite du général en chef en Belgique. C'est surtout par ce point his- 
torique que cet ouvrage se rattache à notre contrée, et qu'il nons est 
donné de reudre justice à la verve intarissable , à la chaleur, au pitto- 
resque et au piquant du style de son auteur. A. D, 


_ 965 -- 


474. — NoTice sur un dépot de monnaies découvert à Grand- 
Halleux , province de Luxembourg, en 4846. Par G.-J. C. 
Piot, docteur en droit, employé aux a’chives générales du 
Royaume, membre de plusieurs sociétés savantes. Bruxelles, 
M. Hayez 1847,in-4 de 70 pages. Fig. 


L'étude de la numismatique a pris une grande extension en Belgique 
‘depuis dix ans. II s’est formé en cette partie des connaissances 
humaines, une foule d'amateurs distingués et des écrivains estimables. 
Si nous cherchons l'origine de ce goût qui a fait invasion dans nos con- 
trées, nousdevons reconnaître qu'elle est due, abstraction faite de l’ardeur 
générale des recherches historiques sur le moyen-âge, au séjour à 
_ Bruxelles du président Lelewel, ce puits de science, cet intelligent in- 
vestigateur des plus vieux types de nos monnaies, qui à fait faire un 
pas immense aux études numismatiques en Europe. Après lui, la 
publication de la Revue de numismatique Belge a popularisé cette 
science, qu'une société particulière cherchait encore à étendre et à 
perfectionner. M. Réné Chalon est président de cette association 
spéciale, et M. Piot, dont nous annonçons les recherches, en est le 
savant secrétaire. Le pétit traité qui nous occupe est plein d'intérêt, 
._Lon que la découverte du wésor de Grand-Halleux ait amené à la con- 
uaissance du monde savant beaucoup de monnaies inconnues { on n’en 
a trouvé que deux de ce genre), mais elle a servi à trancher’ plusieurs 
questions douteuses, à fixer des époques de types divers, à rectifier 
des attributions erronées. M. Piot a besucoup éclairé la matière par 
sa dissertition. Nous y trouvons un point qui nous intéresse au pre- 
mier chef : c'est un éclaircissement très net sur les monnaies de Valen- 
cienues portant un cavalier et frappées au nom de Marguerite. Les 
cavaliers de Hainautoffrent, comme les cavaliers des autres provinces, 
un guerrier placé sur la monnaie, à l'imitation de ceux placés sur les 
sceaux desseigneurs. Cette figure est un type et non un personnage. 
Elle a donné le nom à une monnaie, comme les anges ont fait appeler 
les angelots, comme les agneaux mis sur des pièces les ont fait bapti- 
ser agnelels : de même enfin que les moutons, les florins, les écus, les 
couronnes ont reçu leurs noms des moutous, des fleurs , des blasons et 
des couronnes placés sur une de leurs faces. L'ouvrage de M. Pic est 
enrichi de figures et types de pièces au nombre de 56 ; ila été apprécié 
à sa valeur par l'Académie royale de Bruxelles, qui l’a fait imprimer 
dans le tome XXL des Mémoires couronnés et Mémoires des savants 
étrangers. A. D. 


275 — Documenrs sur l’Université de Douai de 4699 à 1704. 
Extraits des Mémoires inédits de Monnier de Kichardin, par 
M. Pillot, conseiller à la cour d'appel de Douai. Douai, 
Adam d'Aubers, 1850, in-8° 107 pages. 

Les Mémoires inédits de Monnier de Richardin sont en la possession 


de M. le conseiller Charles de Warenghien, de Douai, qui en a déja 
publié des fragments intéressants, précédés d’une notice et d’une ap- 


préciation de ce personnage. Ces pièces furent insérées dans nos 
Archives (nouvelle série), tome IIT, p. 469, et tome IV, p.288. Au- 
jourd’hui M. le conseiller Pilot vient d'extraire de ces mêmes Mémoi- 
res des parties qui tiennent à l’histoire de l'Université de Douai au 
commencement du siècle dernier. Ji s'agissait d'une lutte que ce 
corps d'enseignement avait à soutenir contre la Compagnie de Jésus. 
Déjà alors l'Université avait à se défendre. Monnier dé Richardin est 
un vrai type de professeur flamand, un peu désorienté à Paris et tout- 
à-fait dépaysé à la cour. Sos voyages à Paris, exécutés alors en 
autant de jours qu'on met aujourd'hui d'heures pour se rendre de 
Douai à la capitale, peignent bien les usages et les mœurs du temps et 
présentent de l'intérêt, grâce aux larges coupures et à l'esprit d'aualyse 
de M. Pillot, qui a judicieusemeut fermé tres souvent la bouche du 
trop minutieux et irop bavard professeur, Cette brochuré, intéressante 
pour l’histoire locale, est extraite du volume XIIT de la société de Douai 
dont nous rendons compte ci-après. A. D. 


276 — Mémoires de la Société nationale d'Agriculture, Scienees 
et Arts, séant à Douai, centrale du département du Nord. 
Douai, Adam d’'Aubers 1850. In-#° de 528 pp. Figures 


11 est très difficile aux sociétés de province, qui s’occupent à la fois 
d'agriculture et de littérature , de cultiver également avec une impar- 
tialité qui ne se dément jamais, ces deux branches des connaissances 
humaines. (e problème, la société de Douai paraît l'avoir résolu. 
Elle distribue avec la même équité, des palmes au poète et des primes 
aux laboureurs ; elle décerne le même jour la médaille d’or à l’historien 
et la houlette d'honneur au berger; elle récompense à la fois le labeur 
de l'esprit et le travail des mains, l'homme qui éclaire ses contempo- 
rains et le Triptolème moderne qui le nourrit. Le contenu du volume 
que nous annonçons (XIII: de la 1r° sé-ie) vient à l'appui de ces obser- 
vations. Aprés le concours des races ovine et chevaline, et les ré- 
compenses aux valets et aux servantes de ferme, vient le concours 
d'histoire dont le rapport, présenté par M. le conseiller Tailliar, est 
lui-même une pièce historique du plus haut intérêt. De spirituelles 
fables de M. Derbigny précèdent des études d'histoire naturelle par 
M. Delplanque , que suit une notice sur une famille d'artistes douaisiens 
(celle de M. Bra), par M. le conseiller Cahier. Les Cris de Douai par 
M. Duthillœul, une lettre de M. Le Glay, une nécrologie par le colonel 
Tournaire, qui, hélas! va recevoir le même honneur, varient d’une 
manière piquante les matériaux de ce volume, qui deviendra bien pré- 
cieux pour la collection des Mémoires de Douai, car il contient, à la 
fin, des tables générales des auteurs et des matières des treize volumes 
de la première série ; on y trouve aussi la composition des bureaux de 
la société depuis 1823 , et le relevé des médailles, prix, récompenses 
et primes, accordés depuis vingt-cinq ans. Ce travail est un résumé 
de toute la vie active de cette savante compagnie. A. D. 


377 — Norice sur Henri Delloye, troubadour Liégeois, Liège, 
impr. de J. Desoer. 1849, in-12 de 60 pp. 


Gette notice, signée U. C., est de M. Ulysse Capitaine, qui a mis 


ou (DE 


beaucoup de soin, d'exactitude et de conscience à compléter le premier 
numéro d’une Biographie liégeoise qui promet d’être instructive et 
piquante. H. Delloye, né à Huy le 13 septembre 1732, et mort à Liége 
le 25 septembre 1810, s'était à juste titre donné lui-méme le surnom 
de Troubadour, qu'il changea plus tard en celui de Trouvère, mieux 
. approprié à la région septentrionale à laquelle il appartenait. Poète, 
prosateur, publiciste et chansonnier, Delloye eut la vie la plus précaire 
et la plus remplie de tribulations qu'on puisse voir. Toujours ardent, 
toujours courageux , il prit toutes ses aventures avec une philosophie 
de rien ne put désarçonner Son dernier ouvrage important porte ce 
titre singulier : Trouverre en tournée chez francs-français. Liège, 
4804 — an XIIL, in-S°. 11 n’en parut que deux volumes ; le premier 
de 200 pages, et le deuxième, qui a pour second titre : Etrennes ébu- 
ronnes pour la 5° année du siècle de Napoléon Ier (1805), n’a pu même 
être terminé, par suite d'un arrêté du 24 ventôse an XIII, pris par 
M. Desmousseaux, préfet de l'Ourthe. Notre exemplaire s ‘arrête à la 
page 136. M. U. Capitaine paraît en avoir vu un plus complet de 8 
pages. Cet ouvrage est original et curieux. Ilest composé de prose 
et de vers et l'on y trouve une Complainte d'une pauvre botresse, dont 
l'air et les paroles sont de M. Ramoux, curé de Glonds, et un duo imité 
des Visitandines, le tout en vrai patois liégeois. M. U. Capitaine a 
justement remarqué que la seconde de ces pièces avait échappé aux 
éditeurs de l'intéressant Choix de chansons et poésies wallonnes (pays de 

Liège). Liège, F. Oudart, 1844, in-8°. A. D. 


278 — RECHERCHES historiques et bibliographiqnes sur les jour- 
naux et écrits périodiques liégeois, par Ulysse !'upitainc. 
Liège, J Desoer, 1850. In-8° de 346 pp. 


M. Ulysse Capitaine avait préludé à cette œuvre, qui furme la pre- 
mière partie de sa Bibliographie Liégeoise, par sa notice sur H. Delloye. 
Ici nous avons un ouvrage complet, précédé d’une introduction histo- 
rique, et suivi de pièces justificatives en tête desquelles on remarquera 
trois lettres inédites de Voltaire. M. U. Capitaine paraît se préparer 
à la publication d’une bibliographie complète de la ville et de la pro- 
vince de Liége : il réussira parfaitement dans cette entreprise, Le 
specimen que nous avons sous les veux montre combien l'auteur est 
organisé pour les recherches bibliographiques, avec quelle constance il 
les poursuit, et avec quelle netteté et quelle exactitude il les produit. 
Non-seulemeut son ouvrage met en lumière avec ordre et exactitude 
les indications les plus complètes sur les journaux et écrits périodiques 
de son pays, mais il n'omet rien d’essentiel sur les écrivains qui y ont 
pris part. On trouve dans ce livre une foule de documents biographi- 
ques qu'on chercherait inutilement ailleurs. Le lecteur se tromperait 
lourdement si, sur le vu du titre, il croyait que ce volume ne contient 
que des données fort peu importantes et d'un intèrêt minime. Liége a 
été un centre où de notables publications ont eu lieu dans le siècle 
dernier et dans.le siècle présent. Le Journal Encyclopédique entr'au- 
tres y prit naissance, et l'Esprit des Journaux, dans lequel le premier 
se fondit en 1794, et dont la collection complète se compose de 487 


— 968 — 


volumes, a également vu le jour dans cette ville. D’après ces deux 
exemples, on peut juger de l'intérêt général de l'ouvrage. Pour le 
plus grand plaisir des vrais bibliophiles et des amis de l'auteur, vingt- 
cinq exemplaires de ces Recherches ont été tirées sur papier fort de 
Hokande : Heureux sont ceux qui les possèdent! A. D. 


979 — Essai HISTORIQUE sur la collégiale de Saint-Pierre à Lille. 
Lille, L. Lefort, libraire, impr. de S. E. Mgr. le cardinal- 
archevêque de Cambrai. 1850. gr. in-8° de 158 pp. et 4 
figures lith. | 
Si les monographies des abbayes, des collégiales et des monastères 


sont intéressantes et utiles pour l’histoire de la contrée, c'est surtout 
lorsque les monuments religieux qu'elles décrivent n'existent plus et 


que les tourmentes et les révolutions ont changé les lieux de manière. 


à ne plus laisser traces des anciens édifices. C’est ce qui arrive pour 
l'histoire de la collëgiale de Saint-Pierre de Lille; un anonyme, dont 
nous apercevons le nom sous le voile dont il cherche à se couvrir mo- 
destement, a entrepris ce pieux ouvrage ; il était temps : encore quel- 
ques années, et l'historien n'aurait plus trouvé de vieux contemporains 
vivants du monument religieux dont il a, pour ainsi dire, relevé les 


murs, ravivé les souvenirs, et ressuscité les habitants. L'auteur nous: 


initie à toutes les péripéties de l’histoire de la collégiale lilloise, qui, 
après avoir reçu le riche tombeau de Louis de Mâle qu'on croit au- 
juurd'hui transporté en Espagne, fut réclamée le 15 novembre 17992, 
par les commissaires des guerres de la Répyhlique, pour y abriter des 
troupeaux demoutons. On convertit en bergerie ce cloître , orné des 
écussons des illustres chevaliers de la Toison-d Or décorés:par le bon 
duc Philippe de Bourgogne, et cette profanation n'était encore que le 
prelude d'un plus grand malheur, puisque la destruction s'ensuivit et 
qu'une salle de bal et de concert fut élevée sur le sol du vieux temple. 
Une vue de la collégiale. trois portraits de ses plus vénérés doyens, 
servent d'illustration à ce petit volume, écrit avec une foi vive et une 
piété exemplaire. L'auteur a dédié son œuvre à Mer Giraud, cardinal- 
archevéque de Cambrai: c’est le dernien hommage qu'il a reçu. 
; A. D. 


280 - LES VRAYES CHRONIQUES jadis faités el rassemblées par 


véuérable homme et discret seigneur monseigneur Jehan le 


Bel, chanoine de St. Lambert de Liège, retrouvées et publiées 
par M.-L. l'olain, conservateur des Archives de l'Etat à Liége, 
membre de l'Académie royale de Belgique, de la Société des 
Bibliophiles Belges, etc., etc. (impr. d'Emm. Hoyois, à Mons) 
M. DCCC. L. gr. in-8° en caractères gothiques, précédé de 27 
pp. d'introduction. Impr. à 425 exempl. numérotés à la presse 
(n’est pas dans le commerce). | 


En 1839, M.-L. Polain, à la fin de sa notice sur Jean d'Outremeuse, 


Re — 


— 969 — 


se plaignait de ce qu'on ne savait rien des œuvres de Jehan li Biauæ, 
qu'Hemricourt désignait comme sachant faire chanchons et vierlais ; 
et il terminait en disant: — À M. de Gerlache, Jean d'Outremeuse 
mais qui retrouvera Jean le Beau?... — C2 bonheur devait advenir 
à celui qui éprouvait si vivement le désir de découvrir les œuvres d'un 
illustre concitoyen. Nous avons vu le laborieux Buchon, cet heureux 
dénicheur de chroniques, à qui nous avions donné l'éveil sur le Bel et 
de Tartier, sécher de dépit de ne pas mettre la main sur leurs histoires ; 
nous avous Cru un moment que le savant M. Paulin Paris, avait reconnu 
une partie du texte de Jehan le Bel; erreur: il était réservé à M. Po- 
lain de les retrouver, de les montrer aux savants du siècle, et de les 
mettre au jour, du moins en partie, de la manière la plus luxueuse et la 
plus convenable. C’est à M. Paulin Paris qu'il a dédié celte œuvre : 
il lui devait bien cet honneur. 

La partià retrouvée des chroniques de Jehan le Bel embrasse les 
années 4325-1340. C'est par ordre de Jehan de Beaumont que Jehan 
le Bel, qui faisait partie de sa suite, écrivit cette histoire qui servit plus 
tard à Froissart pour commencer la sienne. Jehan de Beaumont y mit 
la main, y fit des corrections, ainsi que le châtelain de Waremmes et 
plusieurs autres gentilshommes, témoins et acteurs des faits et gestes 
qui y sont relatés. La seconde partie de cette curieuse chronique est 
encore à découvrir, ainsi que les chansons et virelais du même auteur. 
Espérons que de consciencieuses recherches ou un heureux hasard 
amèneront au jour ces parties encore inconnues et que les amis des let- 
tres et de l’histoire accueilleraient avec tant de charme et de plaisir! 

M. Polain a soigneusement publié le texte de Jehan le Bel, pris sur 
deux mss. reposant à la Bibliothèque royale de Bruxelles, et intercalés 
dans une chronique plus complète de Jehan d’ Outremeuse. Cette 
interpolation avait échappé à MM. de Reiffenberg et Gachet, qui précé- 
demment décrivaient ces deux manuscrits. Le nom de Le Bel était 
d’ailleurs connu dans le monde littéraire : Hemricourt avait parlé de ses 
poésies ; Froissart avoua loyalement s'être servi de sa chronique histo- 
rique. Un magnifique exemplaire des Chroniques de Saint- Denis, 
mss. aujourd'hui à la bibliothèque de Cambrai (n° 622), portait sur lo 
revers de sa couverture, en écriture du XIVe siècle, l'indication sui- 
vante : Messire Jehan li Biaux, canones de Liège. — Sire Jehan Frois- 
sart, né de Valenchiennes. Ces deux noms indiquaient-ils que ce ma- 
nuscrit contenait des passages de ces deux chroniqueurs? Voulaient- 
ils dire seulement que ce livre avait passé par leurs mains, avant d'ar- 
river dans celles de Raoul le Prétre. archidiacre de Cambrai, dont le 
nom se trouvait aussi sur celte garde?  Etaient-ce des signatures auto- 
graphes? Ces questions, si ce n’est la première, sont aujourd’hui 
d'une solution difficile , un relieur maladroit et barbare ayant fait dis- 
paraitre ces noms illustres, sous prétexte de reliure : c'est ainsi trop 
souvent qu'à notre époque de progrès on restaure les monuments artis- 
tiques et littéraires. 

Félicitons toujours M. Polsin d’avoir retrouvé et publié la première 
partie des chroniques de Jeban le Bel, et engageons-le à continuer ses 
recherches : peut-être qu'un jour il découvrira le complément de cette 
œuvre du précurseur de Froissart, ou les chants de sa jeunesse qui 
nous permettront de le classer parmi nos plus brillants trouvères. . 

A. D. 


19 


— 970 — 


281. — UNE CITÉ PICARDE au moyen-âge, ou Noyon et l Noyott- 
nais aux XIV° et XV° siècles, par Al. de La l‘ons, baron de 
Mélicocg, auteur des Recherches historiques sur Noyon, mem- 
bre de plusieurs sociétés savantes. Âoyon, Soulas-Amoudry, 
4841, in-8° de 292 pp. — LES ARTISTES du nord de la 
France et du midi de la Belgique, aux XIV°, XV° et XVI° siè- 
cles, par le même. Béthune, v° de Savary, 1848, in-8° de 
249 pp. 


M. de La Fons-Mélicocq est un ardent dénicheur de chartes, un zélé 
investigateur de manuscrits et d'archives, quiles dépouille avec patien- 


ce et conscience , et en exprime tout ce qu'il est possible d’en tirer de : 


lumière, de renseignements et de détails. Il classe ensuite ces docu- 
ments. les divise en chapitres avec titres et sous-titres , leur ajoute des 
notes explicatives, et forme ainsi un corps d'ouvroge plein de rensei- 
gnements exacts, curieux et intéressants. La méthode de l'auteur est 
de laisser aux lecteurs toute leur liberté de peusée et d'appréciation ; 
il mêle peu de ses idées aux fruits de ses recherchas, et rarement il 
dèduit et conclut. I1n’y a pas moins beaucoup à apprendre à la lecture 
des ouvrages de M. de La Fons-Mélicocq: L'Académie des Inscrip- 
tious et Belles-Lettres l’a si bien senti, qu'elle lui a decerné une pre- 
mière mention trés honorable, le 30 juillet 1847, pour le second des 
ouvrages que nous annonçons , qui figurait parmi les principaux que la 
commission des Antiquités de la France voulut récompenser il y a trois 
ans. Nous voyons, dans cet ouvrage, proclamer, pour la première 
fois peut-être, les noms d'artistes du moyen-âge qui travaillèrent à 
quelques-unes de ces œuvres fort vantées et fort recherchées aujour- 
d'hui. Parmi les fabricants d'horloges, par exemple, qui connaissait 
Jehan Prévost, de Lille, facteur de l'horloge de Pont-à-Wendin en 
45727 Jehan Bridoul, qui avait travaillé dès 1518 à l'horloge de 
Béthune et plus tôt encore à celle d'Arras? Pierre Engrand, horlogeur 
de Saint-Omer, et Jacques Fleurens, artisan du même style à Lille, 
qui tous deux, en 4562 , réparèrent l'horloge du beffrei de Béthune ? 
C'est lui qui nous apprend qu'en 4432, Colard de le Porte était un ex- 
cellent doreur à Valenciennes, qui travaillait avec uue extrère adresse 
et dorait de double or et à oeulle. Le chapitre le plus piquant de cet 
ouvrage est celui qui traîte des Artistes dramaiiques de Béthune aux 
XVe et XVIe siècles ; il termine le volume : on ne saurait finir ni plus 
agréablement, ni plus gaiment. A. D. 


282 — CHRONIQUES FLAMANDES, XI°, XIL° et XIII siècles, par 
Aiphonse Cordier (de Tours). Lille, impr de Æ. Reboux, 
1850, iu-8° de 455 pp. 


Nous l’avouons, nous n’adordns ni les romans ni les nouvelles"histo- 
riques ; trop souvent ils n’ont servi qu'à tronquer la vérité des faits, 
su’à altérer la couleur locale, qu'à brouiller les notions historiques, 
qu'à jeter de la confusion sur les événements, les paroles et les actions 
qui appartiennent aux personuvages célèbres mis en scène avec trop 


nn 


— 971 — 


d'abandon. Si quelque chose pouvait nous faire revenir de nos pré- 
ventions contre ces sortes d'écrits, ce serait certainement les Chroni- 
ques flamandes de M Cordier, qui, quoique né à Tours, parait un 
flamand pur-sang pour les traditions locales. Son livre, où l’imagina- 
tion a bien sa bonne part, respecte du moins les données historiques, 
et s'appuie sur Aubert Je Mire, Buselin (et non Beuzelin), Delfosse, 
l'historien de Luos, Tiroux, de Barante, et autres écrivains avouables, 
qui l'ont guidé dans ses écrits. Quelques potes, parfaitement lucides, 
viennent encore augmenter les données historiques du texte , et le tout 
ensemble est de nature à répandre les traditions de nos chroniques et 
à les rendre populaires par la forme agréable qui leur est donnée. Déjà 
ces nouvelles ont paru en feuilletons dans un des meilleurs journaux 
du département du Nord, et elles y ont été lues avec plaisir et intérêt ; 
si les feuilletonistes n'avaient jamais choisi que de tels sujets, et si, 
pour le fond et pour la forme, :ls eussent suivi la voie tracée par 
M. Cordier, certes, jamais nos législateurs n'auraient eu l’idée de 
mettre un impôt de timbre sur la littérature du feuilleton, comme sur 
une chose pernicieuse au peuple, qu'il faut entraver, frapper ou dé- 
truire. | A. D. 


283. — Norice historique et généalogique sur les seigneurs de 
Braine-le Château et Haut-Ittre, par l'abbé Corneille Stroo- 
bant, de l’Académie d'Archéologie de Belgique, correspondant 
de la Société de Cherbourg, de l'Académie d’Archéologie 
d'Espagne, des Sociétés de littérature flamande de Bruxelles, 
Louvain, Turnhout, etc. — « Colligite... fragmenta, ne 
pereant. » Bruzæelles, impr. de J.-H. Dehore, 14849, gr. in-8° 
de 250 pp. avec figures. 


M. l'abbé Stroobant, vicaire à Lembecq, est un généalogiste labo- 
rieux et intelligent qui a fait ses preuves. Il a déjà publié des 
notices sur les seigneurs d’Ittre et Thibermont; sur les seigneurs de 
Faucawez, litre, Somme et Sart ; sur ceux d’Olsquercy et Val] ; et il en 
prépare de nouvelles sur les seigneurs de Tyberchamps, eur ceux de 
Virginal, sur les seigneurs et dames de Couture-Saint-Germain et Ma- 
ransart (abbaye d'Aynières) ; enfin il travaille à une notice chronologico- 
historique sur la ville et terre de Hal. Le présent ouvrage est dédié 
à Maximilien Charles, prince de Tour et Taxis, qui, en sa qualité de 
dernier seigneur de Braine-le-Chàteau et de Haut-Ilitre, avait bien 
droit à cet hommage. Braine-le-Château est aujourd'hui un joli village - 
qui compte en ce moment 2,500 habitants, c'est-à-dire plus de trois 
fois la population qu'il avait au milieu du siècle dernier. Cette terre 
eut pour seigneurs, tant titulaires que justiciers, les membres des plus 
grandes familles du pays. On y compta les maisons de Valenciennes, 
de Montigny, de Hornes, de Trazegnies, de Houdain, de Walcount, 
d’'Abcoude, et de Tour et Taxis. Non-seulement M. l'abbé Stroobant 
dresse les généalogies de tous ces nobles seigneurs, en citant des char- 
tes à l'appui, mais il donne aussi, dans de curieux appendices, la liste 
des curés de Braine-le Château et de Haut-lttre, et il en retrace les. 


— 97 — 


épitaphes et les chapelles. Toutes ses données sont prises en bon 
lieu : dans des cartulaires du pays, aux archives des églises, 
des communes et des maisons nobles citées, à celles de l'hôpital Seint- 
Jean, aux archives de Mons, dans les monuments anciens de Saint- 
Genois et les meilleures publications héraldiques et généalogiques de 
nos contrées. Nous devons aussi applaudir aux soins consciencieux 
avec lesquels les blasons, tombeaux et monuments ont été repro- 
duits. | A. D. | 


284. — CarEnCI et ses seigneurs, par Æchmet d’Hérivourt. 
Saint-Pol, ixprimerie de #. 47 armé. 1849, gr. in 8' de 9 
fol. et 451 pages. | 


Commencé pour le Puits Artésien, qui vit tarir sa source par le man- 
que d'encouragements, ce pelit ouvrage, fruit des premières études 
historiques de M. À. d'Héricourt, fut achevé par lui, dans un moment 
de loisir, sur la demande de ses amis; ila été cité honorablement dans 
le rapport de l’Académie des Inscriptions et Belles-Letties sur les 
recherches des antiquités nationales. Les monographies, comme 
nous l'avons dit souvent, sônt surtout utiles en ce qu'elles sont élabo- 
rées par des hommes de la localité toujours bien placés pour connaître 
tout ce qui a rapport au sujet traité. Il y a sûreté de documents, 
connaissance des bons éléments, exactitude des faits cités, ortographe 
officielle des noms propres : c'est en vain que des personnes, peu ini- 
tiées dans les investigations historiques, affectent un certain mépris 
pour les détails trop minutieux insérés dans les monographies; ces 
détails peuvent servir un jour comme une lumière utile pour les écri- 
vains qui traiteront de l'histoire générale, et tous ces matériaux amas- 
sés en ce moment trouveront dans l'avenir d'illustres metteurs en 
. œuvre. Carenci, village pittoresque de l’Artois, aussi célèbre par les 
faits d'armes de ses seigneurs que par l'histoire de l'antique abbaye du 
Mont-Saint-Eloi, à l'ombre de laquelle il est bâti, méritait une notice 
particulière. L'histoire de ses seigneurs, parmi lesquels on voit figurer 
des membres des illustres maisons de Béthune, de Condé, de Châtillon, 
d’Escars et même de Bourbon, aura beaucoup d’attrait pour les ama- 
teurs de généalogies nobiliaires; pour nous, nous l'avouerons, notre 
intérêt s’est surtout porté sur un modeste poète, né le 19 octobre 1790, 
sur cette même terre de Carenci qui vit passer tant de nobles seigneurs. 
Fidèle-Marie-Joseph Delcroixz, notre excellent et regrettable ami et 
collaborateur, aussi noble par le cœur que remarquable par son esprit, 
vit le jour dans ce riant village qu'il célébra dans une charmante élégie 
intitulée : Mon village à trois époques de ma vie. Ce gracieux poète 
du Nord est mort prématurément à Paris, le 6 août 1843, au moment où 
il se préparait à rentrer à Cambrai, sa ville d'adoption. Nous avons 
publié dans nos Archives (nouvelle série), tome IV, p. 333-349, une 
notice sur Fidèle Delcroix, due à la plume élégante et consciencieuse 
de M. le docteur Le Glay, le confdent intime de notre ami commun. 

4. D. 


NOUVYELLES LITTÉRAIRES 
ET 


DÉCOUVERTES HISTORIQUES. 


.— M. Emile Gachet, savant archiviste - paléographe de Bruxelles, 
s'occupe en ce moment d’un ouvrage d’une haute importance pour la: 
science chronologique. Il dresse le calendrier du moyen-âge, tel 
qu'il était dans nos contrées, avec les explications philologiques néces- 
saires pour le comprendre et juger de ses variations et de ses transfor- 
mations. Ce sera un véritable ouvrage de bénédictin qui doit jeter un 
grand jour sur les usages et la manière de computer les temps avant 
la réforme du calendrier. M. E. Gachet a déjà lu quelques fragments 
de ses recherches au sein de la Commission royale d’histoire de la 
Belgique , et il a vivement intéressé les savants auxquels il a soumis 
cette communication. 

— M. C. Drouillard, imprimeur à Dunkerque et propriétaire du: 
journal la Dunkerquoise, vient de prendre le parti de réimprimer les 
pièces les plus importantes du joli recueil intitulé Les Muses Dunker- 
quoises, publié il y a vingt-cinq ans, dans le format in-24, et arrôté 
après la 2e livraison du 4" volume. La nouvelle publication se fera 
sous le titre d'OEuvres Dunkerquoises, parattra par feuille in- 8°, distri- 
buée avec le journal de M. Drouillard, et contiendra, outre les anciens 
morceaux des uses, des extraits des recueils intitulés Le Portefeuille 
du petit couvert de Momus, Le Petit Couvert de Momus, L'Abeille du 
Nord, et, de plus, des productions locales, nouvelles, historiques et 
littéraires , insérées dans les divers journaux de Dunkerque. 

— M. Félix Robaut, lithographe laborieux et intelligent de Douai, 
qui a fondé un véritable musée douaisien en plans, caries, vues, por- 
traits, reproduction de monuments, d'antiquités, de sceaux, de statues, 
d’édifices, de châteaux et de maisons remarquables, appartenant à la 
ville et à l'arrondissement de Douai, tant des siècles passés que de 
l’époque actuelle, vient de dresser et de lithographier une carte de 
l'arrondissement de Valenciennes, non-seulement avec les indications 
reprises dans la belle carte de l'Etat-Major, mais aussi avec les nou- 
velles usines et constructions, les chemins de fer, les chaussées, pavés 
et empierrements récemment entrepris dans les communes, et toutes 
les additions que ce populeux et actif arrondissement compte depuis 
quelques années. Le travail de M. Félix Robaut, exécuté avec une 
patience et une exactitude remarquables, sera de la plus grande utilité 
pour tous les fonctionnaires, les grands propriétaires, les industriels et 
Jes commerçants de notre riche contrée. 

— M. Cordier [de Tours), qui avait déjà acquis un droit de bour- 


_— 274 — 


geoisie dans le département du Nord par la publication de see Chro- 
niques Flamandes, et par ses études historiques sur les communes des 
euvirons de Lille, insérées dans le journal la Liberté, vient de quitter la 
ville de Lille pour la ville éternelle. 11 va voyager en Italie et séjour- 
ner à Rome pendant quelque temps. Il ne cessera pas pour cela d’é- 
crire et de correspondre avec ses amis du Nord. On espère lire bien- 
tôt dans la Liberté des communications de cet écrivain. 

— On vient de mettre en vente une superbe lithographle, d’une très 
grande dimension, représentant S. G. Mgr le cardinal de la Tour- 
d'Auvergne, évêque du diocése d'Arras, en pied et en habits pontifi- 
caux. Ce portrait, d'une ressemblance parfaite, est dû au crayon de 
Belliard, d’après une peinture de Dassy. 

— M. Con:tantin Rodenbach a fait paraître à Bruxelles sous le titre 
L'Abbaye de Villiers, une histoire très remarquable de l'antique monas- 
tère, détruit par les armées républicaines de la France en 1792 , et 
dont les ruines superbes sont aujourd'hui le but du pèlerinage de tous 
les archéologues et de tous les touristes de l'Europe. (Ces précieux 
restes de la plus belle des abbayes de la Belgique méritaient bien de 
trouver un historien dont la relation va servir de guide à tous les cu- 
rieux voyageurs. Nous reviendrons sur cette publication. 

— La Vie de Saint-Bertin, en deux tableaux de 155 centimètres de 
largeur sur 50 de hauteur, peints par Hemling, et venant de l'antique 
‘abbaye de Saint-Bertin, à Saint-Omer, où ils couvraient le retable de 
l'autel qui était d'or enrichi de pierreries, furent vendus l’été dernier 
avec la galerie du dernier roi de Hollande, Guillaume II. Rubens avait 
voulu jadis les acheter, mais ils ne sortirent de l’abbaye que lors de la 
Révolution Française. Le couvent fut détruit et les tableaux transpor- 
tés à Paris, où depuis ils furent achetés pour le prince d'Orange. On 
les mutila en enlevant deux cornes qui représentaient deux petits sujets 
de la vie du Saint, le tout pour régulariser la carrure du tableau. Ils 
ont élé adjugés au prix de 23,000 florins, à un courtier de La Haye, 
pour la reine-mère. 

— M. Benjamin Kien, de Dunkerque, vient de faire paraître une 
traduction des poésies d'Horace, qui obtient en ce moment un légitime 
succès dans la ville de Douai, où cet ouvrage a été édité et où M. Kien 
exerce honorablement la profession d'avocat près la Cour d'appel. 

— La Société de Numismatique belge a tenu cet été une réunion 
extraordinaire à Gand. La publication prochaine des histoires moné- 
taires des comtes de Namur et des comtes et ducs de Luxembourg a 
été annoncée dans cette réunion. 

M. Piot, secrétaire de la société, a donné communication d'anciens 
comptes de monnaies qu'il a retrouvés et d'où il résulte que Louis de 
Crécy et Louis de Male ont frappé différentes monnaies d'or qui ne sont 
pas encore retrouvées par les amateurs. 

MM. Chalon, président de la société, de Coster et Jonnaert ont fait 
circuler différentes curiosités numismatiques, entr'autres un sterling 
de Louis de Crécy pour le Rethel, une monnaie rarissime en or d'un 
seigneur de Rumme, un portrait ancien de Charles-Quint en camée co- 
quille, etc., etc, | 

MM. Gaillard et Serrure se sont engagés à publier l'histoire moné- 
taire des comtes de Flandre à leurs frais, 


- 955 — 


La séance s’est terminée par un entretien sur là trouvaille d’ancier- 
nes monnaies qu'on vient de faire cetté année à Bruges et qui parait 
n'offrir que très peu d'intérêt pour la numismatique. 

— Ce ne sont pas seulement des médailles romaines que les laboureuts 
trouvent dans nos contrées en remuant le sol, quelquefois le soc de la 
charrue fait reluire des monnaies gauloises en or comme on en a trouvé 
à Denain et à Flines-lez-Mortagne , et plus souvent encore les terras- 
siers découvrent dans leurs travaux des pièces espagnoles que les 
guerres des XVIe et XVIIe siècles ont fait cacher dans la terre. C’est 
une trouvaille de cette dernière catégorie qui vient de combler de joie 
un petit métayer du hameau de Notre-Dame-au-Bois, commune de 
Bruille-lez-Saint-Amand. En fouillant dans son jardin pour tirer du 
sable à bâtir, il a rencontré, à une faible profondeur et à quelques pas 
de la route dite Chemin du Bois, un pot en terre, couvert d'une tuile, 
renfermant un grand nombre de pièces d’argent , et quelques-unes en 
or, Contenues dans une peau de vessie encore intacte. Toutes ces 
pièces sont du pays et datent de l’année 1594 à l'an 1636. Elles 
portent les types de Philippe 11, roi d'Espagne, de l’archiduc Albert et 
de l'infante Isabelle, souverairs des Pays-Bas, de Philippe III et de 
Philippe IV, rois d'Espagne. Quelques-unes des pièces des archidues 
ont été frappées à Tournai. (On compte aussi deux grosses pièces d’or 
des mêmes princes, du poids de 40 francs, et trois du poids de 20 
francs environ, vingt à vingt-cinq grosses couronnes pesant une once 
et plus de cent pièces d'argent de plus petit module. Ce petit trésor 
a dû être caché vers 1656, époque du premier siége de Valenciennes 
sous Louis XIV, lorsque le prince de Condé, réuni aux Espagnols, 
combattait avec succès les armées françaises. — Le cultivateur quia 
trouvé ce dépôt confié à la terre, va se trouver miracu!eusement aidé 
pour la construction qu'il a entreprise, et les Espagnols contribueront à 
solder les devis supplémentaires de son architecte, s’il en a : Qui batit 
ne pâtit pas toujours. 

— Ancienne chambre des archives de Bruges. — Depuis quelque 
temps, il n’est brait à Bruges que de l’ancienne chambre des archives 
de la ville, située dans la tour de la Halle. Comme cette chambre est 
une des curiosités de cette ville et qu'elle n'est connue de personne, 
ou ne l’est que d'un petit nombre d'habitants, nous allons tâcher de 
la faire connaître succinctement. 

À la hauteur de la vingtième ou vingt-cinquième marche de l'escalier 
de la tour de la Halle est située, dans un angle et cachée à la vue par 
l'obscurité, une porte en bois de chène de plusieurs pouces d'épaisseur 
et garnie de forts clous à grosses têtes; celte porte est fermée par une 
solide serrure pour laquelle il faut une clef d’un pied de longueur ; àun 
demi-pied derrière cette porte’ s’en trouve une seconde, absolument 
identique à la première. Ces deux portes ferment l’entrée d’une place 
carrée voûtée en ogive et pavée de petits carreaux en terre cuite et 
émaillés de diverses couleurs ; les murs sont blancs, et ont été proba- 
blement dans leur origine couverts de peintures. 
= Dans deux murs latéraux sont taillées deux énormes armoires, qui 
sont fermées par deux portes à doubles battants en fer forgé et à jour, 
. Chacune des portes est fermée par des barres de fer, auxquelles sont 

adaptées trois serrures ayant une clef particulière. Dans chacune de 


_ 96 — 


ces armoires se trouve un énorme coffre en fer, fermant également 
avec trois fortes serrures et rivé au mur avec des chaînes très solides. 
Ces coffres sont à roulettes. Ils servaient autrefois à contenir les 
archives, les chartes et les priviléges de la ville et des métiers de Bru- 
ges. 

Voilà la désetipüon de cette salle que la régence fait nettoyer au- 
jourd' hui et qui est sans contredit une des antiques curiosités les plus 
remarquables et les plus intéressantes de Bruges qui, en curiosités et 
vn antiquités, est pourtant bien riche, 

C'est dans cette sulle qu'en 4448 Maximilien d'Autriche et une joue 
de seigneurs furent tenus prisonniers par les Brugeois. 

Et cette salle, qui de nos jours est encore si bien conservée, est in- 
connue aux habitants de la vieille citéi Jusqu'à présent, elle a servi 
de dépôt à une masse d'objets hors d'usage, qui y étaient relégués pour 
être rongés par les rats et les souris ! 


PLAVSOSSS EVE | nu dd 0. 
EE  i 
LÉÉIEYAXIEEXS 


+ 


4 


LA SORCIÈRE DE RIBEMONT, 


un HISTORIQUE! DE 1879, 


e-—DQe——— 


Le vulgaire, qui a toujours eu un attrait pour le merveilleux; 
abandonne rärement sa première croyance, soit aux apôtres 
d'une religion nouvelle, soit aux énergrimènes ( d’une philosophié 
sceptique. L'étude des superstitions d'un peuple fait donc partié 
de l'examen philosophique de ges mœurs, de ses coûtumes , de sa 
littérature, principaux éléments qui constituent son individualité 
nationale (4). Les sorciers, les possédés, les thaumaturges ont 
existé de tout temps ; l'antiquité a eu ses sybilles, sa mythologie ; 3 
le moyen-âge, sa magie, sa sorc cellerie. Les sorciers existent 
encore aujourd’hui, mais sous des dénominations différentes (2); : 
ils existeront PER toujours. 


Il faut reconnaître aussi qû il est des temps et des lieux qui 
conviennent plus particulièrement aux étranges destinées des 
thaumaturges. La Flandre et la Picardie sont des contrées qui 
prêtent merveilleusement à la réussite des visionnaires ; en effet, 
un ciel brumeux, un dimat froid, triste et souvent chargé de 


(1) A. Dinacx. — La Possédée de Vervins (Archives du Nord, are 
série, t. IV, p.12). 
(2) Les jongleurs, les physiciens, les somnambules, les magnétiseurs 


ne sont-ils pas devenus les devins de la civilisation ? (ARTHUR Dixaux: 
Archives du Nord. Nouvelle série, tome ler, p.230): | 
| | 20 


— 978 — 


+ 


brouillards, prédisposent plus facilement l'imagination aux idées 
surnaturelles (1). On a pu remarquer en même temps que les 
malins esprits fréquentent moins les villes que les villages , ou les 
lieux déserts et marécageux. On les rencontre surtout dans les 
lieux dont les émanations font, en certains cas , apparaître la nuit 
des;gaz ou des feu-follets. | : 


Les écrivains du moyen-âge n’ont été ni assez éclairés, ni assez 
hardis, pour révoquer en doute l'existence des sorciers et des 
fantômes; car, à une certaine époque, l'esprit fort qui aurait hé- 
sité à croire aux pratiques de la sorcellerie eût été soupçonné d’y 
participer. La croyance en ces absurdités était donc, pour plu- 
sieurs, un article de foi; pour d’autres, une suite de leur pru- 
dence. 


| ‘Nous sommes heureusement arrivés à un point de civilisation 

où la sorcellerie n'existe plus, pour ainsi dire, que dans les romans 
et dans les souvenirs des vieilles femmes; à peine reste-t-il quel- 

ques villages isolés des grandes villes et des routes fréquentées, 

quelques hameaux enclavés dans les forêts, qui possèdent encore 

un vieux berger, sorcier honteux, isolé, exerçant dans le mystère, 

non sans crainte, et presque toujours sans profit. C’est aujour- 

d’hui un sot métier qui ne nourrit plus son maître, et le conduit 
assez souvent sur les bancs de la police correctionnelle, et la parole 
magique d'un éloqüent avocat ne suffit pas toujours pour l'en 

retirer. La génération nouvelle de nos villages, où la bienfai- 
sante instruction se répand de plus en plus , ne craint plus de ren- 
contrer sur son chemin, après le soleil couché, soit la vieille 
édentée au regard louche, soit le berger walin aux cheveux gri- 
sonnants (2). | 


On est frappé, en parcourant les différents procès de sorciers 
qui ont eu quelque retentissement, au seizièéme siècle, de rencon- 
trer, chez les hommes et chez les femmes accusés de sorcellerie, 


al 


(1) A. Dmaux , loco citato à la note première. 


(2) A. Dinaux. — Exorcisme des Brigiltines de Lille. (Archives du 
Nord. Ire série, t. 1er, p.154). 


— 279 — 


cette foi vive qui, le plus souvent , leur faisait soutenir naïvement, 
au milieu des souffrances de la torture, qu'ils avaient assisté au 
sabbat, décrivant, comme si c'était une réalité, les circonstances 
les plus minutieuses et les plus bizarres de leur vision. Pour un 
examinateur impartial, la possession séculière est plus difficile à 
expliquer que la possession religieuse, à moins d'accorder à la 
maladie ou à un compérage bien organisé la plus grande part 
dans l’action. 


Jusqu'en 1682, la procédure suivie pour la poursuite des sor- 
ciers fut à peu près arbitraire. Les lois et ordonnances de Char- 
les VIII enjoignaient de rotir, bruler, sans autre forme de procés, 
les sorciers, magiciens et autres quipullulaient dans le royau- 
me L'ordonnance de juillet 4682 fit révolution dans ce système 
absurde, et, dès que les sorciers ne furent plus poursuivis que 
comme trompeurs , profanateurs ou empoisonneurs , c'est-à-dire 
pour les véritables crimes, leur nombre diminua visiblement. On 
venait d’arracher le masque qui couvrait leurs artifices (1). 


Un juge présidial au bailliage de Laon, Bodin , angevin , a écrit 
plusieurs ouyrages pour prouver l'existence des sorciers, entr’au- 
tres: Colloquium de abditis sublimium rerum arcanis et la 
Démonomanie des Sorciers, un vol. in-3°. Paris, 4681. Dans 
ce dernier ouvrage, il a rassemblé une énorme quantité de maté- 
riaux, cilé nn. grand nombre de faits pour faire prévaloir son 
opinion. , À chaque pas, on trouve des citations relatives à une 
pauvre femme, nommée Jehanne Harvillers, qu'il fut appelé à 
juger à Ribemont, en avril 4578, et qu’il coudamna comme sor- 
cière à être brülée vive. C’est avec les faits cités par Badin (2), 


{1) A. Dixaux. — La sorcière de Préseau. (Archives du Nord, 21e sé- 
rie, tome Ier, p. 230). | 


(2) Bonix (Jean), conseiller dé François, fils de France, comte 
d’Avjou, secrétaire de ses commandements, maître des requêtes de son 
hôtel et son grand-maitre des eaux et forêts, puis procureur du roi du 
Présidial de Laon. Grand publiciste, il est considéré dans son livre 
De la République comme le précurseur de Montesquieu. Grand orateur, 


— 980 — 


dans la Démonomanie, que nous avons essayé de reconstruire 
avet ses incidents le procès de la sorcière de Ribemont, tout en 
nous aidant, pour le surplus, de ce qui s'était passé dans les procès 
analogues qui avaient lieu, à la mêine époque, dans la Flandre 
française. 


On comprend aujourd'hui difficilement jusqu'où des hommes 
respectables, des religieux, des prélats, des gouverneurs de pro- 
vinces, des juges même, ont poussé la crédulité sur ces matières ; 
on ne peut, on ne doit pas leur supposer d’intentions cruelles, 
dès lors, il faut admettre qu'ils se repaissaient d'illusions, et que 
la créance des récits merveilleux trouvait facilement accès dans 
teur esprit. 


Jehanne Harvillers était de cette race de bohémiens que les 
croisés avaient ramenée d'Orient à leur suite, race qui n’avait pu 
se fondre dans celle du pays qui la repoussait  Quoiqu'au mo- 
ment de son procès elle eût déjà cinquante ans, on voyait encore 
des traces de son ancienne beauté On remarquait en elle non- 
seulement le teint sombre, mais encore le caractère et la physio- 
nomie de Bohème. De grands yeux brillant d’un feu dont on 
avait peine à supporter la vivacité et l'éclat, un profil aquilin, 
ane véritable finesse de traits, des dents dont l'émail rivalisait 
avec la perle et des cheveux autrefois noirs comme la plume du 
corbeau, maintenant grisonnants, longs et ondoyants äutour de’ 
ses tempes, formaient une singulière beauté qui, avec l’étrangeté 
de sa mise , tranchait sur les autres habitants du bailliage.” ‘ : 


Depuis peu d'années elle habitait, au faubourg de Suzenvat, 
non loiu de la rivière d'Oise, une mauvaise chaumière, vivant, 
avec 8a fille Rosalie, on ne sait de quelles ressources. Quelle vie 
avait menée Jehanne jusqu'alors? c’est un mystère que nous lais- 
sons à d’autres la mission de vous dévoiler, mais une rumeur 
sourde l'avait depuis long-temps signalée comme sorcière. Per- 


sa mâle éloquence en fit l’oracle des premiers Etats de Blois. Né en 
4530, — mort en 1596. Manuel hist. du départ. de l'Aisne, 193. 


— 281 — 


sonne dans le canton ne savait d'où elle venait, ni même depuis 
combien de temps elle habitait le pays. On avait aperçu quelque- 
fois des lumières pendant la nuit, à travers les huis de sa maison, 
aussi disait-on communément qu'elle avait communié avec L'hostie 
rousse (1). 


Dans une maison où elle était entrée, la pâte s'était gâtée. — 
Dans nne autre la crême avait refusé de se convertir en beurre. — 
Une année, elle avait fait périr les fruits de la terre. — Une autre 
fois, elle avait répandu des germes d'épizootie dans les étables et 
jeté des sorts aux animaux. Avec une pareille renommée, elle 
fut bientôt la bête noire de toute la contrée , et aucun accident 

-n’arriva qu'il ne fût aussitôt attribué à ses maléfices. Les com- 
mères de Ribemont lui attribuérent des charmes d'un autre genre, 
on l’accusait d'envouter et de fabriquer des images de cire pour 
inspirer l'amour, ou donner la mort (2). On disait tout bas 
qu'elle avait envoyé des langueurs à la fille du procureur du roi 
de Ribemont, Claude Dofay. — Le Tabellion du château n'avait 
pas été lui-même à l’abri de ses coups, et les malignes langues 
disaient qu’il avait l'éguillette nouée, et qu'il n’habitait plus avec 
sa femme (5) depuis l’arrivée de Jehanne à Ribemont, quoiqu'il 
eût vainement mangé nombre de fois des piverts rôtis, à jeûn, avec 
du sel béni (4). Enfin on ajoutait bien bas, en se signant, 


(1) C'est une opinion populaire que les sorciers communiaient au 
sabbat avec une hostie rousse. 


(2) Cette espèce de sacrilège était connu des anciens. 
Ovine. Epis. 6, vers 91. — Tisuie. Livre 1, Elégie 9, vers 18. 


(3) J'ai su d'un gentilhomme que sa tante avait empèché la femme 
d'iceluy d'avoir enfants, comme elle confessa en mourant, pour faire 
tomber la succession à ses enfants. Sitôt qu'elle fut morte, la nièce fut 
enceinte, qui est accouchée depuis sa mort, et bientôt après fut encore 
enceinte, combien qu'il y avait onze ans qu'ils étaient mariés. 

, Démonomanie de Bonn, page 256. 
(4) L'oiseau qu’on appelle pivert est un souverain remède contre le 


sorcilège de l’éguillotte nouée, sion le mange rôti, à jeün, avec du sel 
héni... Secrets du Petit Albert, page (5. 


— 282 — 


qu'elle avait fait danser le grave abbé de Saint-Nicolas-sous-Ribe- 
mont, Réné-Hector de Mégrigny, nu-pieds, sa chemise aux dents, 
en lui faisant prendre, en guise de tabac, une poudre mystérieu - 


se (1). 


Tous ces dires, colportés dans les veillées, grossis par les bon- 
nes langues, indisposaient la population contre la pauvre Jehanne, 
lorsqu’uu fait dans lequel elle se trouva impliquée fit éclater con- 
tre elle l'animadversion générale. François Prudhomme, culti- 
vateur fort estimé de Ribemont, fut atteint subitement d'une 
maladie aiguë, en passant par uv sentier qui traversait l'héritage 
de la chaumière de Jehanne. Cette femme eut beau recueillir le 
malade chez elle, lui prodiguer ses soins, employer les remèdes 
les plus efficaces pour le soulager, on ve lui tint aucun compte de 
ses efforts; bien plus, on la menaça de la lapider si Prudhomme 
mourait. 


Voici comment elle raconta depuis au juge cet accident, résul- 
tat d’un sacrilége, au dire de Bodin; — « Un jeune homme, 
André Brûlart, a battu ma fille, ma chère Rosalie, ma pauvre 
enfant, l'unique objet de ma tendresse, la seule joie de mon 
âme, belle sous les haillons comme la filleule d’une fée! — 
Oh! si vous saviez ce qu'on éprouve quand on entend les cris 
de douleur de son enfant, quand on voit briller son œil noir à 
travers les larmes, comme cela remue les entrailles et fait bouil- 
lir le sang!... J’ai couru pour la défendre, mais André m'a 
» repoussée et nous a frappées toutes deux. J'ai juré que nous 
» serions vengées, et, le soir même, j'ai reçu de celui qui venait 


(1) Prenez de la marjulaine sauvage ; de la franche marjolaine, du 
thim sauvage, de la verveine, des feuilles de myrthe, avec trois feuil- 
les de noier et trois petites souches de fenouille ; tout cela cueilli la 
veille de la Saint-Jean, avant le soleil levé. Il faut les faire sécher à 
l'ombre, les mettre en poudre et les passer au fin tamis de soye. 
Quand on veut exécuter ce badinage, il faut souffler de cette poudre 
en l'air dans l’endroit où est la personne, ou lui en faire prendre en 
guise de tabac. et l'effet suivra de prés... 

Secrets du Petit- Albert, page 22. 


— 983 — 


me visiter une poudre (4) qui, placée sur le passage de mon 


» ennemi, sous l'influence planétaire de la lune, devait lui donner 


la mort. J'ai été la répandre, le lendemain, sur les branches 
de la haie qui bordait mon verger, dans le sentier qu’André 


» seul a l'habitude de prendre. Par une malheureuse fatalité, 


François Prudhomme, celui de nos voisins que j'estime le plus, 
est entré dans le chemin empoisonné. En vain j'ai couru vers 
lui en lui criant de se détourner, et lui faisant signe d’écarter 
les branches de la haie, il n'est arrivé à moi que pour tomber 
en défaillance dans mes bras. Si Dieu pardonne à ceux qui 
sont repentants, cette faute ne me serà pas comptée, car j'ai 
employé pour Prudhomme tous les remèdes que je conuaissais, 
même les préservatifs les plus puissants, le citron, la rhue, les 
pilules cordiales, le mithridate, etlathériague(2). A l'in- 
succès de ces remèdes, j'ai compris bientôt que celui-là seul 
qui avait fait le mal pouvait le réparer. Le soir, je lui contai 
ma vive douleur, j'embrassai ses genoux ; il m’a souri d’une 
affreuse manière, et il est resté inflexible à toutes mes priè- 
res... » | 


Le malheureux Prudhomme mourut après deux jours d'horri- 


bles souffrances. Jehanne, sans ressource, sans espérance, 
saisie de frayeur, courut aussitôt par les rues de Ribemont, disaut 
son malheur à qui voulait l'entendre, demandant des secours à 
tout le monde et n’en trouvant nulle part. Puis, comprenant que 
la main de la justice allait s'appesantir sur elle , elle se cacha dans 
nne grange en attendant la nuit; mais elle fut bientôt traquée et 
ratnée, au milieu de la population frémissante de Ribemont , vers 
e siège du procureur du roi, Dofay. Celui-ci fit mettre immé- 


SES 


(1) Arsenic, réalgar, orpiment et sublimé. 
(2) 11 est inutile de prouver l'excellence de ces cinq préservatifs, 


woir du citron, de larhue, des pilules cordiales, du mithridate et de la 


ériaque ; on peut s’en servir sans crainte et suivant la manière pres- 
ite... lis font les plus merveilleux effets dans les maladies dange- 
uses: à la paralysie, epilepsie, apopleæie, hidropisie , à la goutte, à la 


anie, à la pierre, à la lèpre, etc. | 


Les Secrets d'Albert-le-Grand, page 294 et 299. 


_ 984 — 


diatement la coupable sous les verroux, dans la tour de Chiu, et, 
de crainte que le peuple, qui menait grand tapage , ne lapidât 
magistrat et sorcière, il promit bonne et prompte justice (4). 

Des informations prises (2), il résulta que l'accusée avait plu- 
sieurs fois changé de domicile et de nom pour couvrir son origine, 
et que pourtant elle avait. été soupçannée d’être sorcière. Elle 
s'appelait Jehanne Harvillers, née à Verberie, A l’âge de vingt 
ans, elle avait été fouettée, en 1348, sur la place publique, à 
Senlis, comme fille de sorcière, en même temps que sa mère était 
brûlée vive par arrêt de la cour du parlement, confirmatif de la 
sentence du juge de Senlis. C'était là une charge accablante pour 
la pauvre Jehanne, car la fille d’une sorcière pouvait-elle ne pas 
l'être elle-même? Chacun lui attribua hautement tous les mal- 
heurs, toutes les pertes qu’il avait essuyés depuis un temps im- 
mémorial ; le procureur lui-même ne fut pas, malgré sa conscience, 
à l'abri de la prévention que la malheureuse sorcière n'était pas 
étrangère aux langueurs qui, depuis quelque temps, consumaient 
ga fille. 


Le procès s’instrüisit avec l’adjonction de deux commissaires. 
Jehanne parüt devant ses juges , pieds nus , et traînée à reculons 
par l’huissier (3). La grande taille de cette femme avait quelque 
chose de surnaturel ; ses habillements, ou plutôt sa manière de 
les arranger, indiquait je ne sais quoi d’étranger. Une étoffe de 
coton rouge, raoulée autour de la tête, formant turban, faisait 
ressortir le feu de ses yeux et ses traits hâlés par les intempéries 
del'air. Ses longs cheveux grisonnants s'échappaient en boucles 
mélées au travers de sa bizarre coiffure. Quiconque eût observé 


(1) Peu de temps auparavant, à Hargunone, près Laon, deux sor- 
ciers, condamnés au fouet, avaient été arrachés des mains des officiers 
de la justice et lapidés séance tenante. Bonix, livre 4, page 166. 


(2) Démonomanie de Boni, livre 4, page 169. 


(3) Cette ridicule précaution était toujours employée lors de la pre- 
mière apparition d’une sorcière devant ses juges. Ons'imaginait que 
sans cela elle les fascinerait de ses regards. Revue B. pago 397. 


— 285 — 


ses joues creuses, son œil cave et brillant, et, sous leurs noirs 
vêtements, ses formes, quoique bien prises et bien proportionnées, 
mais ayant je ne sais quoi de repoussant ; ses cheveux tambant le 
long de son visage, semblables à des algues marines enchevetrées, 
aurait reconnu qu'elle était visionnaire. Il fut impossible de ne 
pas admirer la singularité de ce visage, dans lequel cependant on 
surprenaît l’expression astucieuse et farouche, que la guerre avec 
la société avait impriméé sur la face du peuple à part qu’elle rap- 
pelait. | | 


On procéda à son interrogatoire : elle répondit qu'elle était 
née à Verberie, près Compiègne. 


Elle nia ensuite la plus grande partie des sacriléges qu’on lui 
attribuait ; mais elle avoua avoir répandu des poudres malfaisantes 
dans la haie près de laquelle Prudhomme était passé, le jour aù il 
_étaît tombé si gravement malade, — ajoutant qu'elle avait fait 
depuis tout son possible pour sauver çet homme innocent. 


Sa voix lente, graye et remarquable par une ampleur, une mé- 
Jodie naturelle ; son maintien taciturne, rêveur, sombre ; ses ma- 
nières empreintes d’une froideur invariable et son air préoccupé, 
tout avait vivement impressionné l'auditoire. 


Nous allons analyser les charges du procès et les crimes imagi- 
naires dont elle était accusée. Ces témoignages feront voir que 
Jehanne, douée d'une imagination exaltée, maladive, était plus 
visionnaire que coupable, et que les prétendus sacriléges qu'on lui 
attribuait se bornaient au débit de quelques drogues insignifiantes 
comme les charlatans et marchands d’orviétan en débitent encore 
aujourd'hui sur la place publique. 


Un gastronome de Ribemont, Grégoire Savouret, argua contre 
la pauvre Jehanne que, l'ayant consultée sur le moyen de pouvoir 
boire beaucoup sans perdre la raison, elle lui avait conseillé, pour 
se garantir de l'ivresse, lorsqu'il serait convié à quelque festin, de 
prendre, avant de se mettre à table, deux cuillerées d'eau dè 
vétoine, — qu'il avait pris exactement cette eau, mais qu’elle ne 
l'avait pas empêché de perdre une grande partie de sa raison. — 


— 986 — 


Il convenait du reste, comme circonstance atténuante, avoir co- 
pieusement bu (1). 


Marguerite Carpentier, femme Michel Lequeux, couvreur en 
la paroisse de Sissy, âgée de quarante ans, déposa que Jehanne 
Harvillers étant venue la voir, lui avait marchandé un coq noir, 
assez beau en plumage, mais qu’elle n’avait pas voulu le lui ven- 
dre; si bien que le dit coq tôt après devint malade et mourut, à 
quelques jours de là, desséché et léger comme une plume. — La 
déposante, s'apercevant que ses poules étaient accidentées du 
même mal, et s'imaginant que c'était par sortilège, a employé 
l'assistance des revérends pères de Saint-Nicolas-sous-Ribemont, 
pour faire exorciser ses poules , comme aussi le reste de ses bes- 
tiaux ; ensuite de quoi lesdits poulets ont été guéris. 


Geneviève Nique, de Senercy, déclare que, n'ayant pu se rendre 
à la Saint-Nouwbre deux ans auparavant, elle avait acheté à Jehan- 
pe Harvillers plusieurs bottes de chanvre que celle-ci disait avoir 
ramenées de Barisis. Maïs ce chanvre , placé sur la quenouille, 
s'était mêlé à n'y pouvoir trouver un bout, et elle, la meilleure 
fileuse de Ribemont, perdait ses peines et ne produisait qu'un fil 
inégal , rempli de bourras et cassant à tout moment — La toile 
faite avec un pareil fil avait été inégale, toujours écrue, quoiqu’elle 
eut été trempée à plusieurs reprises dans l'urine d’un bouc noir. 
— Elle ajoutait que le jour où son mari s'était couché dans les 
draps de ce fil maudit, il avait été paralysé et perclus de tous les 
membres. — Elle avait consulté l’Egyptienne sur ces maléfices, 
et celle ci lui avait répondu : « Le temps est arrivé! — Le destin 


(1) Comme l’homme n’a rien de plus estimable que sa raison, et 
qu'il lui arrive souvent de la perdre par l'excès du vin; si vous crai- 
gnez de succomber à la douce violence de Bacchus, vous boirez, avant 
de vous mettre à table, deux cuillerées d’eau de Bétoine et une cuille- 
rée d'huile d'olive, et vous pourrez boire du vin en toute sûreté. .... 
Vous prendrez garde que le verre ou la tasse dans quoi on vous servira 
à boire ne sente point la sariette ou la rapure d'ongles ; car ces deux 
ingrédients contribuent beaucoup à l'ivresse... 

Les Secrets du Petit-Albert, page 33. 


— 987 — 


» estaccompli! — La roue tourne! » puis elle lui avait donné 
une emplâtre composée d’encens, de myrrhe, de thérébentine, de 
costum, de grains de lauriers, de souchet (eyperus), de miel, de 
fiente de Lœuf, de pigeon, de chèvre, de cheval, etc. (1); mais 
que son pauvre défunt était mort malgré cette emplâtre. 


Un avtre témoin, André Tupignon, vint déposer que Jehanne 
avait, l'année passée, si bien charmé uu jeune homme de Parpe- 
ville, qui sentait déjà le dernier froid dans ses cheveux, qu'elle 
l'avait guéri en lui faisant avaler un bolus purgatif; elle avait 
chassé, de plus, par un talisman mystérieux, la maladie dans le 
corps d’un âne qui était mort incontinent. 


Un cultivateur de Monceau-le-Viel, Mathieu Gordet, déclara 
qu'il s'était moqué de Jehanne, qu’il appelait alors vieille folle, 
radoteuse, bonne à dire la bonne fortune aux enfants; mais il 
ajouta en se signant que, depuis quelque temps, rien ne lui réus- 
sissait : la maladie avait envahi ses étables, ses troupeaux ; — le 
blé qu’il avait semé ne gaiffait plus ; — son pigeonnier était vide ; 
— son verger rongé par des milliers de chenilles. En vainil 
avait suspendu au-dedans du colombier le crâne d'un vieillard 
dans lequel il avait placé le lait d’une femme allaitant une fille de 
deux ans (2), les pigeons n'avaient pas multiplié, et malgré la 
grosse nourriture qu’il leur avait donnée, ils avaient déserté Île 
colombier. — Chaque jour l’acheminait vers sa ruine, les gens de 
loi avaient planté des pieux garnis de paille dans toutes ses em- 
pouilles pour en annoncer la vente: — le collecteur des tailles, 
qui n'était point payé, menaçait de saisir ses meubles et d'empor- 
ter au besoin les huis et les fenêtres. — Enfin, il ajoutait que Ca- 


(1) Recette indiquée par Ambroise Paré. Voir ses œuvres, page 
300. 

(2) Si vous suspendez au-dedans du colombier le crâne d’un vieil- 
lard dans lequel on mettra le lait d'une femme qui allaite une fille de 
deux ans, soyez assuré que les pigeons se plairont dans le colombier 
et y multipliront abondamment... 


Le: Secrets du Petit-Albert, page 28. 


— 988 — 


therine Moutier, la plus jolie fille du bailliage, avec qui il avait 
échangé la bague de fiançailles , repoussait maintenant ses ca- 
deaux et ses avances, quoiqu'il eut pendu à son bras gauche l’a- 
quilaire (1). 


Les charges s'accumulant ainsi de toutes parts sur Jehanne, on 
lui imputait à crime tous les indices les plus ordinaires. 


Le juge voulut ensuite faire constater, comme pièces de con- 
viction, les marques (2) que Satan avait déposées sur le corps de 
Jehanne. Jean Herem, officier de justice des hautes-œuvres à la 
résidence de Laon, pour ce expressément appelé, déclara « avoir 
* trouvé sur la prisonnière, une marque de forme ovale, d’une 
» couleur tirant sur le jaune, au bas de l'épaule gauche ; qu'ayant 
» fait diverses piqures tant à ladite marque qu'aux environs, il 
avait reconnu qu'après avoir fiché une épingle jusqu'à la tête 
dans la marque, la prisonnière était restée insensible , ou du 
moins avait fait semblant de ne rien sentir. Pour le plus grand 
apaisement et assurance du juge, on fit appeler pour cette 
visite MM. Jehan de Langellerie (3) et Robert Lartizien, tous 


(1) Si on veut donner de l'amour, on prend l'aquilaire , pierre qu’on 
trouve ordinairement dans le nid de l'aigle... Cette pierre, étant 
pendue au bras gauche, donne de l'amour, ... etc. 

Secrets d' Albert-le-Grand , page 107. 


(2) Les démonographes prétendaient que le diable marquait les per- 
sonnes qui s’enrélaient à son service ; il les touchait sur une des par- 
ties principales du corps, et dès lors il s’y imprimait, en couleur livide, 
des figures de crapauds, de lièvres, de hiboux, de serpents, quelque- 
fois de petits chiens noirs. La première cérémonie du sabbat consistait 
à s'assurer que les sorciers présents portaient des marques. 

Les endroits stygmatisés devenaient insensibles. Quand le diable 
abandonnait un de ses serviteurs accusé de magie, s'il voulait le per- 
dre, il faisait disparaître les marques. Voilà pourquoi, dit la chronique, 
les stygmates n'ont pas toujours été retrouvés sur les individus qui 
3'étaient d'eux-mêmes déclarés sorciers. 

Démonomanie de Bonix. Liv. 2, fo 80. 


(3) Langellerie, décédé en 1585, a été enterré dans l’église de Ribe- 
wont, où l'on voit encore son épitaphe sur un pilier. 


— 989 — 


» deux physiciens (1) à Ribemont et Origny, lesquels déclarèrent 
» sous serment que le rapport de l'officier était véritable en tous 
» points, ayant vu faire les piqures et vu aussi l'insensibilité de la 
» prisonnière. » 


La prisonnière, interrogée d’où cette marque lui provenait, 
n'a su répondre autre chose sinon qu’elle a eu autrefois un assez 
fort clou à l'épaule gauche. 


Le juge se levant soudain, s’approcha de Jehanne et, lui sépa- 
| rant les paupières: Voyez, ie t-il, un signe qui ne me‘trom- 
pe jamais (2). 11 montrait én même temps une petite tache que 
l'accusée avait sous la paupière droite et qui ressemblait beaucoup 
à une cicatrice qui serait demeurée après la guérison d’une taie. 
— Tu vois, dit le jige, le démon t'a marqué le corps et l'âme, 

et ccochdin tu persistes à mentir au Saint-Esprit ! mais ceci ne 
te profitera point et ta punition n’en sera que plus lourde. nn 


Le lendemain , Bodin voulut voir par lui-même la marque im- 
primée par Satan sur l'épaule de Jehahne, mais elle étaiteffacée (3). 
Sur cétte nouvelle preuve de sacrilège, la cour décida qu’il exis- 
tait contre ellé ce que les légistes appellent indicia legitima, 
prϾgnantia, et sufficientia ad torturam ipsam , l'honorable 
cour citait à l'appui de son arrêt une vingtaine d'auteurs. 


. Après lecture de l'arrêt, le juge éleva la voix pour exhorter 
Jehanne à confesser spontanément la vérité qu'elle ne pouvait plus 
espérer de tenir cachée, mais elle répondit simplement que les 
mensonges étant aux yeux de Dieu aussi coupables que la sorcelle- 
rie, elle ne pouvait se résoudre à mentir, et pour ce, devait dé- 
clarer, comme par le passé, qu'elle se sentait innocente. Bodin 


(1) Médecins. 

(2) Voir; entr'autres autorités, sur les indices auxquels on recon- 
fjaissait les sorciers , Dario, Disquisstiones magicæ. Liv. V, tit. XIV; 
n° 28. 

(3) Démonomamie de Bonix, livre second, page 80. 


— 990 — 


se leva, Ôta le bonnet de laine noire qu'il portait toujours, et, 
saluant la cour, il dit à haute voix : Nous faisons savoir à l'hono- 
rable tribunal que les questions ordinaire et extraordinaire vont 
être appliquées à Jehanne Harvillers, cette sorcière entêtée et 
blasphématrice. Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. 
Amen. 


lei toute la cour se leva et passa dans un caveau voûté qui ser- 
vait de chambre de torture (1). Deux torches y étaient allumées. 
Au moment où la prisonnière fut remise au bourreau, elle frémit 
et demeura en proie à une indécision qui se traduisit d’abord par 
une alternative de rougeur et de päleur sub'tes; puis, à l'aspect 
des chevalets, brodequins, coins, roues, tenailles, pinces, appa- 
reils effrayants de supplice, dont le moindre était cent fois pire 
que la mort, elle fut saisie d’un tremblement nerveux, sa main 
alla chercher la muraille, et elle fut forcée de s’asseoir. Sa res- 
piration, lente et pénible, fut bientôt fréquente et rapide comme 
quand la poitrine se dégage après un moment d’oppression. 
L'infortunée, fatiguée d'une pareille émotion, épouvantée des 
horreurs qu’on lui préparait, se jeta aux pieds du magistrat, de- 
mandant grâce d’une voix suppliante : « Hélas! dit-elle avec un 
» douloureux accent, je vois bien à quoi vous songez; j'ai mené 
» une vie indigne, je suis la plus misérable des femmes: Je suis 
+ née en pleine Bohème : le premier fruit qu'on a porté à mes 
» lèvres a été le fruit défendu. Je ne sais pas quelles affreuses 
» passions, quels terribles caprices ne m’out pas battue de leurs 
» aîles. Des aveux! je vous en ferai dont vous frémirez vous- 
» même!...» 


Alors, sur de nouvelles questions du juge, elle déclara s’être 


(1) On supposait alors que siles sorcières enduraient la gêne avec 
une patience extraordinaire, et, — ce qui arrivait souvent, quoique 
cela puisse sembler étrange, — venaient à s'endormir pendant l’opéra- 
tion — c’est que le diable les rendait insensibles à la souffrance au 
moyen d’une amulette qu'elles avaient sur elles, cachée en quelque 
endroit secret. 


Leæique universel de Zevzer, vol. XLIV, art. Torture. 


_ Di —- 


rangée dans la bande des sorciers depuis sa plus tendre jeunesse, 
à cause des pertes qu’elle avait faites par suite des guerres 
qui lui avaient enlevé tout ce qu'elle possédait; que la marque 
qu'elle portait sur l'épaule gauche était en effet celle que le diable 
lui avait imprimée la première fois qu’elle s'était trouvée à l’as- 
semblée des sorciers. « Voilà qui est avoué, s’écriait-on autour 
» d'elle. — Tu ne diras plus que tu n’es pas sorcière. — Ce 
» serait pêcher que dire que tu ne l’es pas! » 


Le jour suivant, Jehanne fut ramenée devant Bodin pour ob- 
tenir acte de ratification des déclarations et confessions qu’elle 
avait faites la veille ; mais, après la lecture, elle déclara, au milieu 
d’imprécations et d’injures contre le magistrat, qu’elle avait oui 
quelque bruit qu'on devait la brûler, et que pourtant tout ce 
qu’elle avait confessé n’avait été dit que dans la crainte d’être 
torturée, et qu’il n’y avait pas dans sa déclaration un seul mot de 
vérité. Ramenée, par ordre du juge, dans la chambre de la tor- 
ture, qui, semblable à la Gehenne peinte dans l'Evangile, n’en- 
tendait que les sanglots et ne voyait que les grincements de dents, 
la pauvre femme, effrayée, ratifia la confession qu’elle avait faite 
le jour précédent et déclara la reconnaître véritable en tous points. 
Elle avoua en outre, sur de nouvelles interpellations du juge, des 
crimes qui ne pouvaient être: que l'illusion d'une imagination 
exaltée. Etrange existence qui était pour ainsi dire an rêve 
continue dans lequel les sens même, à force de finesse, deve- 
naient les complices de l'imagination, et où l’âme, plongée dans 
un monde fantastique, finissait par ne plus distinguer l'illusion 
de la réalité. 


Sa mère, dit-elle, l'avait livrée au diable sous la figure d’un 
homme maigre et noir, lorsqu'elle eut atteint l’âge de. douze 
ans (4), lui disant : Foiïci ma fille que je vous ai promise, et à 
elle: Poici votre amy qui vous rendra bien heureuse. Une 
liaison commença dès lors, et, depuis ce temps, quoiqu'il y avait 
trente-huit ans de oela, le diable n'avait jamais cessé de la visiter. 


(1) Démonomanie de Bonix, livre 4, page 212. 


__ 999 — 


Pour faire le pacte avec son diable , elle ayait renoncé à son bap- 
têéme, à Jésus-Christ, à la Vierge Marie et aux sacrements de 
l'Eglise. Le diable se présentait à elle quand elle le voulait, 
toujours avec je même visage et le même vêtement uoir que la 
première fois. .1l était éperonne, botté et avait une épée au côté. 
— Son cheval était à la porte, et cependant personne ne le voyait. 
— Que, dans ses embrassements, le diable avait les lèvres froides. 
— Jehanne confessa encore qu'elle avait été transportée par le 
diable aux assemblées des sorciers , après s'être oint tout le corps 
d'uu onguent appelé la graisse. d'enfant sans baptéme (1). — 

Qu'elle montait un bouc noir qui allait d'une vitesse si grande et 
si loiu qu'elle était ensuite toute lasse et foulée (2). Toutes ces 
révélations n'étaient que le produit d’une imagination malade, 
dont lé moral, affaibli par le jeûne et l’abstinence qu'on lui faisait 
souffrir, exprimait des. visions éphémères (5). Elle indiqua les 
sorts dont elle se servait pour faire mourir les bestiaux , et qui 


Fe 
. e =. . La 


di La chronique de saint Denis rapporté que l'un des chefs d'accu- 
sation invoqués contre les templiers par Philippe IV, en 1309, fut: s’il 
naissait un enfant d’un templier et d’une fille, ils le faisaient rôtir et se 
servaient de la graisse pour s'oindre. L 


(2) Les vrais médecins, qui, comme il n'est: pas besoin de le _ 
. ne reconnaissent dans la nature rien-de suruaturel ; n'en confessent pas 
moins qu'il existp dans çertuines, maladies, dahs la catalepsie, par 
exemple, certains phénomènes qu "il n est pas permis à nos connaissap- 
ces actuelles d'expliquer. S'il fallait nier l'existence de tous les faits qui 
se dérobent actuellement à nos explications, ce serait retrécir beau- 
coup le champ de là science philosophique ; il faudrait nier, par exem- 
ple, le sommeil, sorte de fonction RÉBAye dont la CALMEPSIS n’est 
peut-être qu'une lésion. 1 
Dict. de méd. 5° voi. page 16. 


(3) Sylvestre Priéras rapporte que l'Official, inquisiteur de la foi, 
ayant un grand nombre de sorcières en prisou, en la ville de St.-Côme 
et ue pouvant croire les choses étranges qu’elles disaient, voulut en 
faire la preuve et se fit mener au sabbat par l'uue des sorcières. Il vit, 
en se tenant un peu à l'écart, toutes les abominations, hommages au 
diable, danses, copulations, et puis, pour terminer la vision, le diable 
qui faisait semblant de ne pas l'avoir vu, le battit tant et si long-temps 
qu'il en mourut quiaze jours après: 


— 993 — 


consistaient dans une composition qui (dit Bodin) était si remplie 
de sacriléges, d’impiétés et de profanations, qu'il vaut mieux l’en- 
sevelir dans l'oabli que d'en rappeler les idées. Le seul récit en 
feraithorreur. Cette composition, mise dans un pot de terre, 
était enterrée sous le seuil de la porte des étables ou dans les 
chemins où les bestiaux passaient le plus fréquemment, et, tant 
que ce sort demeurait en ce lieu, ou que celui qui l'avait posé 
était en vie, la mortalité des bestiaux ne cessait point. Dès lors, 
on l’accusa de toute la sorcellerie arrivée dans le village, et de 
tout elle convint, si ce n’est d'avoir donné la mort au vieux Prud- 
homme. Après ces aveux Cont la eour fut satisfaite, Jebanne se 
repentit, requérant pardon à Dieu. 


L'extérieur extraordinaire de cette femme, le mélange de bi- 
zarrerie et d'enthousiasme qui régnait dans ses discours avaient 
produit la plus vive impression sur les juges. Ses paroles, sou- 
vent entrecoupées, étaient trop claires et trop intelligibles pour 
qu'on püt la soupçonner d'une véritable folie ; et cependant il s'y 
trouvait en même temps trop de désordre, trop de véhémence, 
pour qu'on pt les regarder comme sorties d’une tête bien orga- 
nisée. Elle semblait avoir agi sous l'influence d'une imagination 
exaltée, plutôt que dérangée, et il était hors de doute que ces 
aveux produisaient un effet très différent sur l’esprit des juges. 
Sans ajouter foi à tous ceux arrachés par la grainte de la torture, 
plusieurs juges se trouvaient sous l'impression de la commiséra- 
tion. Les magistrats soucieux étaient en proïe à une évidente 
préoccupation. — Il fallut toute la conviction et la sévérité du 
président Bodin pour entrainer la condamnation à mort de la 
pauvre Jehanne.. Il y eut un juge d'un caractère plus doux et 
plus appitoyé qui fut d'avis qu'il suffisait de la faire pendre , mais 
les autres, après avoir examiné les crimes détestables qu’elle avait 
commis et consulté les peines fixées par les lois divines et hu- 
môines, ct même la coûtume établie dans toute la chrétienté et 
gardée en France de toute ancienneté, furent d’avis qu’elle devait 
être condamnée à être brûlée vive, quia plus est occidere veneno 
quam gladio. Ce qui fut ainsi jugé par la majorité. 


Le lendemain de ce jugement, vers dix heures du matin, Île 
grefñer criminel se transporta, accompagné de plusieurs archers, 


21 


_. 394 — 


dans la prison de Jeanne qu'il trouva disant ses oraisons à genoux ; 
elle vit entrer sans émotion le greffier criminel et sa suite, et se 
leva d’un air calme st résigné pour entendre l'arrêt suivant qui 
lui fnt lu à haute voix : 


« Vu par la cour les procès, charges, confessions et affirma- 
» tions, etc.; attendu que la dite Jehanne Harvillers, tant par 
» ses confessions que par les témoignages des sieurs.... etc., 
» est convaincue d'être sorcière ; confessant que, pour s’enrôler, 
+ elle a été obligée de renoncer au baptême, à Jésus-Christ, à la 
» Vierge Marie et aux sacrements de l’Eglise ; avouant s'être ren- 
» contrée plusieurs fois aux assemblées nocturnes de sorciers, 
” avouant aussi avoir eu commerce avec le diable. Nous ordon- 
» nons que l’accusée sera brûlée dans le feu, jusqu’à ce que mort 
» s’ensuive, Comme un juste châtiment pour elle, et un salutaire 
» avertissement pour les autres, quia plus est occidere veneno 
» quam gladio. 


» Prononcé le jugement en public le 26 avril 4578. » 


Amen! répondit Jehanne en faisant le signe de la croix, et 
continuant sa prière. 


A quelques jours de là, le 59 avril 4578, le peuple de Ribemont 
était effrayé à l'aspect d’un genre de supplice rare dans la contrée. 
Le pendeur et ses aides avaient fait élever un vaste bûcher sur la 
place du Vieux-Marché. 


Une agitation extraordinaire se manifestait dans la rue princi- 
pale de la ville de Ribemont et dans les alentours du château. 
Dés le matin de ce jour, les crieurs publics parcouraient les rues 
et les carrefours, en proclamant à son de trompe l'arrêt , et appe- 
lant les bonnes gens de Ribemont à l'exécution de la sorcière, qui 
devait avoir lieu à deux heures de relevée. 


Tous les habitants de Ribemont étaient en émoi, les marchands 
avaient fermé leurs boutiques. Une foule immense des villes et 
des villages environnants, d'Origny, de Moy, de Vendeuil, de 
Bohain, de Lafère, de Saint-Quentin et Guise, se pressait aux 


—.295 — 


portes de Suzenval, de Suzemont de la ville de Ribemont, à la 
poterne de Saint-Quentin, pour arriver à temps pourle supplice 
de la sorcière. 


Vers une heure, le triste cortège, parti de la prison du château, 
se mit en route processionnellement et à pas lents. A la suite de 
Lambert de Louens , lieutenant-général au baillage de Ribemont, 
qui tenait à la main la fatale sentence, marchait une femme, la tête 
et les pieds pus, la hart au col, et tenant de la main droite un 
cierge ardent, c'était Jehanne Harvillers. A ses côtés, on aper- 
cevait un religieux de Saint-Nicolas-des-Prés qui lui faisait baiser 
de temps à autre un crucifix qu’il tenait à la main. Un nombreux 
clergé, une escorte plus nombreuse encore, fermaient cette mar- 
che funèbre. 


Dès que le cortège sortit, on entendit crier de toutes parts : 
voyez la sorcière! voyez la sorcière! Pendant le trajet, qui fut 
lent à cause de la foule. grossissant à chaque pas, car le monde 
sortait de plus en plus des chaumières et des cabarets, les uns 
regardaient Jehanne d’un air de pitié, d’autres lai montraient le 


poing. 


Une station eut lieu devant le grand portail de l'église Saint- 
Pierre pour l'amende honorable et la demande de pardon à Dieu. 
L'officier lut ensuite la sentence à la victime et le clergé entonna 
des cantiques. | j 


La place du Vieux-Marché, encombrée de curieux, présentait 
au loin une surface animée , ondoyante et tumultueuse: partout 
des têtes qui se dressaient et des yeux qui regardaient. Au 
milieu de la place, au-dessus de la foule, apparaissait l'échafaud 
à côté duquel on apercevait l’exécuteur avec ses habits rouges. 


Jehanne , pendant toute la marche et le défilé du cortège, in- 
sensible à tout ce qui se passait autour d’elle, avait constamment 
cherché des yeux quelqu'un dans la foule.  Placée sur le bûcher, 
ses regards interrogeaient encore les assistants, cherchant an 
milieu d'eux celle à qui elle voulait faire un éternel adieu ... sa 
fil'e sbcente! 


— 996 — 


A mesure que le moment fatal approchait, les chants lugubres 
s’affaiblissaient et se confondaient en un murmure. Bientôt un 
silence morne et anxieux se fit de proche en proche et tous les 
regards se dirigèrent vers le bûcher. Jehanne était montée et 
faisait entendre ces dernières paroles : 


« Adieu, que le Ciel vous pardonne! Pendant ma vie j'étais 
une égyptienne ; une fille, une vagabonde; j'ai été bannie, 
frappée de verges, marquée d’un fer chaud , j’ai mendié mon 
pain de porte en porte , j'ai été chassée de village en village 
comme un chien égaré. Qui alors aurait ajouté foi en mes pa- 
roles? mais auiourd hui, attachée au bûcher, prête à mourir, 
mes paroles ne tomberont pas à terre, ajoutez foi à ce cri de 
la vérité: Je suis innocente des crimes qu’on m'impute, je n'ai 
» rien fait pour mériter tous les maurais traitements qu'on me fait 
» subir! » 


… Elle eessa de parler, mais sa figure portait encore cet air d’en- 
thousiasme sauvage qué donnent aux traits une imagination exal- 
tée, un caractère de physionomie expressif, des gestes bizarres et 
imposants. La foule , sous l'impression de ces dernières paroles, 
était restée muette d’étonnement et comme troublée sous le regard 
douloureux de Jehanne. Le son de sa vaix vibrait encore sur la 
foule , que le signal donné au bourreau fit briller tont-à-coup la 
flamme... Le tourbillon pétille et s’élève dans Les airs, la victime 
pousse un criétouffé... c'en est fait! 


CH. GOMART. 


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VOYAGE DE PHILIPPE-LE-BEAU EN ENPAGNE 
par ANTOINE DE LALAING. | | 
(1801-1502 ) 


AVERTISSEMENT. 


Dans la seconde moitié du XVe siècle, la maison d’Autriche déjà 
en possession de l'empire d'Allemagne, s’éleva à une plus haute for- 
tune encore, par le mariage de Maximilien fils de l'Empereur 
Frédéric ILT, avec Marie de Bourgogne, fille unique de Charles-le- 
Téméraire. De cette union rompue au bout de cinq ans par le tre- 
pas prématuré de Marie, naquirent un fils el une fille, Philippe dit le 
beau et Marguerite. PES | 


A' peine âgé de 18 ans, Philippe épousa Jeanne appelée à recueil- 
lir la magnifique succession de Ferdinand roi d'Aragon et d'Isabelle 
reine de Castille. Déjà en possession des Pays-Bas, il venait de po- 
ser sur son jeune front cette double couronne espagnole, quand une 
maladie rapide l’enleva en 1506 ; il n'avait que 28 ans. 


Ainsi, à l'aurore méme de cette immense prospérite autrichienne 
qui éblouit et fit trembler le monde sous son fils Charles-Quint, la 
Providence se plaisait à frapper un de ces coups terribles et inatten- 
dus qui avertissent les faibles humains de la fragilité des grandeurs 
d’ici-bas. Plus infortunée que son mari, qu’elle adorail sans étre 
payée de retour, Jeanne, déjà faible d'esprit, perdit entièrement la 
raison. Elle resta sur la terre près d’un demi siècle encore, comme 
une ombre désolée ; et l’histoire conserve sa mémoire sous le nom 
de Jeanne-la-folle. Philippe, si tôt enlevé, n’a pu se faire une grande 
place dans nos Annales. Quelques démélés avec son beau-père, quel- 
ques négociations ; c’est à peu près tout ce qu’elles ont à raconter de 


— 998 — 


fui. Mais nous ne manquons pas de détails sur sa vie privée. Il ex- 
iste entr'autres une sorte de mémorial de son voyage à travers la 
France, l'Espagne et l’ Allemagne, en 1501 et 1602, rédigé par un 
seigneur de sa suite, Antoine de Lalaing, et renfermant des délails 
curieux el instructifs. Ce mémorial, dont on possède plusieurs ma- 
nuscris, va étre pour la première fois édité par les soins de la Com- 
mission royale d'Histoire de Belgique. A ses doctes membres appar- 
tient d'accompagner cette publication des recherches, éclaircissemens, 
commentaires qui .en'feront ‘une œuvre digne d’étre offerte aux amis 
de la science historique. Nous nous garderons d'entreprendre sur 
leur labeur, et nous bornerons à mettre ici sous les yeux de nos lec- 
. teurs quelques extraits anecdotiques, pris sur un exemplaire de notre 
bibliothèque. Ces extraits seront textuels, et dans leur simplicité fa- 
milière, nous fourniront un specimen intéressant du français que 
l’on parlait à la cour de Bruxelles, il y a 350 ans. 


Disons seulement un mot de l’auteur. 


Il était le fils puiné de Josse de Lalaïing, premier seigneur de La- 
laing de la branche cadette, et de Bonne de la Viesville, dame de 
Sains. Il fut sire de Montigriy, de Merbes et d'Estrées, premier comte 
de Hoochstraate près d'Anvers, seigneurie qui venait de sa femme 
Isabelle de Culembourg, chevalier de la Toison d’Or, chef des finan- 
ces, Lieutenant général en Hollande, Zélande et Utrecht. Il mourul 
à Gand, le 2 avril 1540, en l’âge de 60 ans, n'ayant point eu d’en- 
fans de sa femme qui était de beaucoup plus âgée que lui, et institua 
héritier son neveu Philippe, fils de Charles de Lalaïing, son frère 
aîné. 


I eut trois enfans naturels. La faveur dont il jouissait & la Cour 
de Marguerite d'Autriche, tante de Charles-Quint, gouvernante des 
Pays-Bas, donna lieu à quelques conteurs d’anecdotes d2 dire que 
cette princesse fut leur mère. Les vertus bien noloires de Marguerite 
démentent cette calomnie. Le premier et le plus connu d: ces enfans 
naturels, Philippe, tige des Lalaing d’Audenarde, les sculs evistans 
aujourd’hui, né.en 1523, était fils d’'Isabeau, bâtarde d'Haubourdin. 
M. Le Glay en a trouvé la preuve dans un acte transcrit au registre 
22, des chartes de la chambre des Comptes de Lille, fo 109. 


Quoique devenu depuis un personnage politique, Antoine de La- 
laing n'en affecte nullement les allures dans le narré que nous avons. 
sous les yeux. Il a l’air de ne savoir grand chose des affaires, soit 
prudence, soi qu’il y fût encore étranger. De fait, quand il se. mit 


L. 1. Chap. 1. 


— 999 — 


en route avee Philippe d'Autriche, il n'avait que 21 ans, et le 
prince 23. 


Donc « ainsi que M. l’Archidue et Madame son espouse, se prépa- 
roient pour aller en Espagne, environ le quinsième jour de septembre 
(1501), le seigneur de Belleville envoyé par leroi de France Louis 
XIIe de ce nom, arriva à Bruxelles, vers mondit Sr l’Archiduc, de- 
vant lequel il proposa fort élégamment, en le persuadant faire son 
voyage par terre, et que le Roi lui faisoit offre de 400 lances, pour 
le c’nduire seurement partout et outre les limites de France, promel- 
tant le protéger et défendre contre tous ennemis. » 


Louis XII était alors en bons termes avec l’Archiduc. Ils venaient 
d’arréter le mariage de leurs enfans en bas dge, Mademoïselle Claude 
de France, et le jeune prince Charles, depuis Charles-Quint. Le 
Roi désirait fortifier celte amitié, et se prémunir ainsi contre les 
mauvais vouloirs de Maximilien, père de l’Archiduc, et de Ferdinand 
le-Catholique, père de Jeanne. Il y réussi. 


Le message du sieur de Belleville ful l’objet d’une sérieuse discus- 
sion dans le conseil de Bruxelles. Les uns, rappelant les longs et 
sanglans démélés entre les maisons de France et de Bourgogne, crai- 
gnaïent une arrière-pensée perfide, et trouvaient peu sage d'aller se 
mettre ainsi à la discrétion du roi de France : les autres, jugeant 
mieux le caractère et méme l'intérét de Louis XII, opinaient pour 
prendre la route de France, et éviter ainsiles dangers el la fatigue 
d’une longue navigation. Ce dernier avis, soutenu fortement par F. 
de Busleyden, archevéque de Besançon, ancien précepleur du prince, 
et chef de son conseil, prévalut. 


Le prince et la princesse quittèrent Bruæelles le 4 novembre 1501. 
Leur suite, ou plutôt leur cour, était magnifique. On y voyait l’ar- 
chevéque de Besançon , l’Evéque de Cambrai (Henri de Berghes) , 
plusieurs Ecclésiastiques, quatre Chevaliers de l'Ordre, 18 chambel- 
lans et pensionnaires, 40 gentilshommes. L'Archiduchesse avait en 
outre pour elle douze gentilshommes, 30 à 40 dames belges, 5 espa- 
gnales. 


Les noms les plus illustres de nos provinces figurent dans ce cor-- 
tége ; les sires de Berghes, d'Egmoni, de Croy, de Melun, de Mailly, 
de Halewyn, de Trazegnies, de Longueval, de Laviefville, de Lannoy, 
de Quievrain, de Souastre, de Licques, de Noircarmes, elc., ele. 


— 300 — 


Les services de bouche, d’écurie, et même de vénerie étaient à 
Pavenant. Les augustes voyageurs emmenaient même leur musique 
et leur chapelle. 


Un pareiltrainne se pouvait mouvoir que bien lentement et dispen- 
dieusement. Aussi le narrateur remarque quelque part « qu’il le 
fallait séparer, sinon en bonnes villes. » Il n’y a guère de rapport 
entre les voyages à la vapeur du 19e siècle, et ceux d’un prince du 
16°. Notre Archiduc faisait de cinq à huit lieues par journée, s’ar-. 
rétant à mi-chemin pour diner. Ces courtes étapes étaient mélées de 
séjours. Entre Bruxelles et Mons il y eût deux couchées ; Hal et 
Soignies. On avait quitté Bruxelles le & novembre ; on entrait à 
Paris le 25. 


Le roi Louis XII qui était alors à Blois, tint religieusement et 
splendidement sa promesse. Partout l’Archiduc fut reçu avec de 
grands honneurs, et traité comme prince souverain. C’est à Saint- 
Quentin, le 16 novembre, qu’il mit le pied sur le territoire français. 


G. M. 


Chap. 2. 


EXTRAIT 
DU VOYAGE DE PHILIPPE-LE-BEAU EN ESPAGNE, 


par ANTOINE DE LALAING. 


« Le comte de Ligny , accompagné de nobles hommes fran- 
çois le reçut noblement, et l'évesque de Lodeve venu avec ledict 
comte le bienveigna par-une joyeuse proposition. A laquelle le 
Prevost d'Arras donna response. Puis Monsieur de Moy , gou- 
verneur de la ville vint avec ceux de la Justice offrans la ville à 
son commandement , de laquelle à l'entrée l’Estat ecclesiastique 
le receut et conduisit non sans croix et confannons et multitude 
de torches à l'Eglise de S. Quentin. Et illec donnerent à 
baiser à mon dict sieur et a ma dicte dame le chief de Mgr. 
S. Quentin. Et estoyent les rues tendues , et y furent faits feus. 
de joye par les carrefours et histoire de la légende de leur pa- 
tron. Puis descendu à son hostel, Madame de Vendosme avec 
autres Damoiselles envoyées du Roy de France pour conduire 
Madame l’Archiduchesse jusqu'a Blois les honora , et grande- 
ment se humilia. Et quand il eust ( comme il feit par toutes les 
villes de France où il passa), donné graces et remissions et deli- 
vré prisonniers, comme la personne du Roy faict à ses pre- 
mieres entrées , il partit ,et arrivé à Hem, le capitaine du 
chasfeau luy offrit la place. »..…. 


«a De Compiegne issu, Monsieur (1) disna à Verbrie et alla repo- 
ser à Senlis , où il fut receu du Bailly et des autres courtoise- 
ment. Et l’Estat de l'Eglise le mena a la grande Eglise , et puis 
à son hostel où vindrent douze des gouverneurs de la ville , qui 
luy presenterent le vin. L'un d'iceux feit une harangue , di- 
sant : Très haut tres excellent , et tres poissant seigneur, veci 
la ville de Senlis, qui tres humblement se recommande à vostre 


(1) Ant, de Lalaing designe ainsi ordinairement l'Archiduc. 


— 302 — 


noble grace , comme a l’un des douze pairs de France (1) , et 
aussi comme au doyen d'iceux. Car se vous n’en estiez que l’un 
vous ne ariez si grande quantité. On cuidoit qu'ils deussent pre- 
senter dix ou douze chariots de vin du moins à cause de la pai- 
rie, mais iln'y en eut seulement que douze cannes. Monsieur 
néantmoins les remercia grandement. Et lors plusieurs com- 
mencerent à rire à cause de la barangue qui fut si grande et si 
sclemnele pour si petite offre. » 


Le Roi n'était point à Paris. Voici comment de sa part on 
s'évertua à y divertir l’Archiduc : 


a Le jeudy 25 tira Monsieur vers Paris, où le regard de ses 
douze paiges bien montez, veslus de robes de velour cramoisy 
et de pourpoincts de satin brochié noir, ayant chascun un: 
chappeau blanc et hache ou arbalestre au poing , estait plaisant. 
a merveilles. MM. de l'Eglise le solemniserent a l'entrée de læ 
ville , et le menerent descendre à N. D. où Te Deum fut de voix 
humaines et de orgues melodieusement resonné , comme pour 
la personne du Roy. Lendemain vindrent aucuns seigneurs du 
parlement vers l'Archiduc qui lors alla au Palais. Auquel assis. 
jouxte la place du Roy, le premier Président par le animer a: 
verlu parla une petite heure , declara a son possible les vertus, 
la noblesse , et les vaillants faicts des progeniteurs des Roys de. 
France et des Roys et ducs de Bourgogne , dont l’Archiduc estoit 
descendu. Puis fut plaidoié une cause entre Madame de Dunois. 
et Madame de Vendosme. Laquelle entendue, le premier Prési- 
dent se leva , et feit demander par l'Archiduc les opinions , 
comme il euist faict a la personne du Roy. Lors alla en la cham- 
bre des enquestes , où il fut assis comme en parlement. Puis 
alla ouyr la messe a la Ste.-Chappelle. Auquel retourné à son 
logis , ceux de la ville présenterent vin et espices. Aprés disner, 
le Prevost des marchans accompagné de plusieurs hommes hon- 
norables luy feit une proposition tousjours perlifiant la maison 
de France et de Bourgongne. A laquelle prudentementl’Archiduc 
mesme non sans grand honneur respondit. Ce faict ceulx même 
allerent vers l’Archiduchesse faire tout ce qu'ils avoyent faict de- 
vant l’Archiduc. Le 27, MM. de l'Université tres vertueuse- 
ment conjouissans l'Archiduc , magnifierent moull la descente 
des Rois et des Princes, moult louant celle de Monsieur , à la 


(1) Il était pair à cause du comté de Flandre. 


Chap. 3. 


— 9303 — 


mise avant desquels le Prevost d'Arras respondit. Puis fut faicte 
une procession des Escoliers devant son hostel.. Puis alla Mon- 
sieur a la Ste.-Chappelle ouyr la messe , où on luy monstra un 
des cloux . et la couronne espineuse de Nostre Redemapteur , et 
plusieurs saincts reliquaires richement decorez. Puis entra en 
la Chambre des comptes , où it fut fort festoyé de MM. les Prési- 
dens , et M. l’'Evesque de Lodeve premier président d'enx tous 
feit une proposition en latin , laquelle l'Archiduc retint et res- 
pondy en francois. Puis luy mosstrerent les seigneurs des comp- 
tes toute leur maniere de besongnier. Au soir les comtes de 
Nevers et de Ligny le menerent a l’hostel du président Tribout, 
là où estoyent plusieurs Dames nobles et belles, et y furent 
faictes danses et morisques. Et avant partir, Monsieur donna 
graces et remissions comme dessus est déclaré. »...… | 


Nous voici a Blois, où comme nous l'avons dit, habitait alors 
Louis XII (7 décembre (1501). « A l'entrée de la ville , les pages 
du Roy vindrent au devant chascun une torche ès mains ; 400 
archiers et 100 Suisses estoyent à l'entrée du chasteau rengiez 
au long de deux grandessales. En l’une desquelles estoit le Roy, 
Tous les gentils hommes de Monsieur entrerent premierement. 
Et puis Monsieur, qui à l'entrée feit un honneur jusques a terre, 
et le Roy osta son bonnet , et en feit aussi un. Puis marcha Mon- 
sieur cinq ou six pas , et feit un autre honneur, et le Roy feit. 
comme devant. Puis marcha Monsieur encore deux pas, et en’ 
faisant son troisiesme honneur, le Roy marcha au devant de luy, 
et l'embrassa. Les paroles pacifiques dictes entre eux nous sont 
absconsées.…. Madame l’Archiduchesse au descendre jus de læ 
hacquenée , les comtes de Nevers et de Dunois, avec autres plu- 
sieurs Dames et Pamoiselles la reçurent très liement , et la me- 
nerent jusques à la chambre de Madame de Bourbon. Et a l'en- 
trée de la sale où le Roy estoit en faisant les honneurs comme: 
Monsieur , le Roy marcha au devant d'elle, et luy feit très 
bon accueil... Madame de Bourbon mena Monsieur et Madame 
devers la. Roine. Elle incontinent que Monsieur entra en sa 
chambre, se leva de sa chaiïere, Monsieur de Rohan la prit par 
les bras, et marcha au devant de Monsieur , et a la troisiesme: 
honneur le baisa et l’embrassa ; pareillement feit elle de Ma- 
dame. Et quand la Roine eut baisé M. le comte Palatin , Mon- 
sieur et Madame allerent baiser plusieurs Dames et Damoiselles… 
Après soupper Monsieur neissit de sa chambre , a cause que le 
Roy jeusnoit ce jour ; par quoy chascun se meit à son aise. Et 
faut scavoir que devant l’Archidue entrast à Blois, le Roy avoit 


Chap. 4. 


Chap. 6. 


— 304 — 


commis partout maistres d'hostels, clercs de despense , cuisi- 
niers, et autres officiers pour deffrayer à ses despens tout le 
train de l’Archiduc du plus grand jusques au moindre : ce qui 
fut faict. » 


« Le 8 la Roine et l’Archiduchesse allerent ensemble à la 
messe. La vesture de la Roine estoit d’un drap d’or frisé , et 
pleine de bonnes martes. Les Dames estoient vestues de drap 
d'or. Après , plus de 30 Demoiselles jeunes avec robes de ve- 
Jours tanné pleines de laitices.... Les joustes finies, le Roy et 
l'Archiduc soupperent ensemble, puis jouerent ensemble au 
flus. Et la Royne manda le Roy venir vers elle , Jà où il dansa aa 
facon de France et d’Alemaigne, et mena Mademoiselle de Can- 
dale , puis reprint chascun son quartier... Le lundi 13, le 
Roy et Monsieur ouyrent la messe et disnerent ensemble. Et 
après le disné allerent a la grande messe , qui fut chantée entre 
XI et XIL heures (1) par l'Evesque de Digne ; où vint la Royne 
atout son train... les femmes de Madame soupperent avec 
celles de la Royne. La Royne estoit vestue de satin violet broché 
fourré de martres, et Madame et cinq ou six de ses demoiselles 
estoyent accoutrées de-drap d’or à la façon d’Espagne. Et estoit 
Madame ornée de plusieurs bonnes bagues. Le svupper faict, six 
gentils hommes de Monsieur, habillez richement a la façon 
d'Alemaigne vinrent danser a la dicte façon... Après, Mr. 
d'Avesnes mena Madame danser a la mode espagnole. »....…. à 


Nos voyageurs quitterent Blois le 15 , et finirent l'année à 
Cognac. Le 22 janvier seulement ils entraient à Bayonne. Le roi 
de Navarre (Jean d’Albret) vint les y saluer. « Après le disner 
arriva le Roy de Navarre, au devant duquel Monsieur alla qui 
le mena soupper avec luy. Au soupper laverent ensemble. Chas- 
cun d'eux avait maistre d’hostel, eschançon , escuyer tranchant, 
et plat couvert. Puis alla le Roy dire a Madame le Dieu gard, 
sans la baiser à la mode d'Espagne. » 


- Le sire de Lallaing signale un peu crument un étrange usage 
des Bayonnais : nous lui laissons la responsabilité de l'anecdote : 
« La coustume de Bayonne touchant mariage est que homme et 
femme fiancez ensemble different leur espousement tant qu'ils 


a ) 


(1) On voit par là quele diner d'alors etait fort matinal , et que bien 
des gens dejeunent aujourd’hui plus tard que ne dinait le roi Louis XIE 


Chap. 7. 


= 395 — 


veulent ; mais ils couchent ensemble, et ne se peuvent allier 
a autre partiese l’un ne meurt. Dont il advint que le bourgeois 
sur lequel M. de Cambray logeoit , s'espousa : nous sejournames 
illec , et sa femme le jour de son espousement , laquelle il avoit 
fiancée deux ou trois ans auparavant , accoucha d'enfant. » 


Le 27 janvier, on était à S. Jean de Luz, « la fin de France. Par 
quoy au départir de là le mareschal des logis envoyédu Roy de 
France print congié , auquel Monsieur donna 80 marcs de vais- 
selle. Et a chascun des 4 fourriers le compagnant 40 escus d'or. 
Et le capitaine Oudet venu avec remunera d'une robe de velours 
avec un bon cheval. Au partir de Bayonne furent renvoyez les 
chariots et charettes de Flandre , qui avoyent amené les bagues 
de Monsieur. Car ilsne pouvoient plus avant pour les montagnes. 
Et furent amenés grands mulets de Biscaye par le commande- 
ment du Roy et de la Roine d’Espagne... M. de Boussu , qui est 
chose digne de mémoire , feit passer sa charette outre les mon- 
tagnes de Biscaye , ce que jamais n'avoit esté veu de souvenance 
d'homme. Dont les paysans qui n’avoyent jamais veu charettes 
en leur marche furent tant esmerveillez que rien plus... Les 
femmes de ce pays sont belles , et portent en lieu de couvre- 
chiefs 20 ou 30 aulnes de toile. Les jeunes filles y sont tondues, 
et ne peuvent porter couvre-chiefs se elles ne sont mariées. Les 
gentilles femmes mariées et nulles autres les portent en saffre- 


A Fontarabie , le grand commandeur et le comte de Mirande 
« accoustrez de moult notables gens à la façon d’Espagne, vin- 
rent au devant de Monsieur, auprès duquel meirent pied à terre, 
et baisant les mains de luy et de Madame, feirent la reverence 
à la mode d'Espagne... Le commandeur envoya par tous les 
logis des seigneurs et gentils hommes, chairs , vins , torches, 
etavoynes , etles deffraya autant que Monsieur y fut, et fes- 
toya tous les seigneurs qui estoyent avec Monsieur en son logis. 
Après disner le comte de Mirande avec 20 à 30 gentils hommes 
montez sur leurs genets (1) et couverts de leurs targes, jetterent 
les cannes devant Monsieur , auquel retourné a son logis avec 
Madame , le grand commandeur vint et feit par cinq ou six 
gentils hommes apporter grands plats pleins de chucades et dro- 


(1) Sorte de chevaux. 


Chap. 8. 


— 306 — 


gueries. Car quand on a jetté les cannes on apporte de coustume 
vin et espices aux dames. »...….. 


« Le gras dimanche, 6 février , le connestable festoya M. de 
Cambray et le comte Palatin ; et est leur service le plus nect 
quej'aye veu. Car ils ont un escuyer qui tranche sur une table 
auprès de l’autre table pour tous séans a la dicte table , et l'ap- 
porte en une escuelle d'argent a chascun Ia sienne , et deux ou 
trois fois Île disner et le soupper, qui durent deux ou trois 
heures , rechangent de servietes. »..., 


Le 12 février , l’Archiduc arrivait à Burgos. « Quand il vint 
ès portes, les fermerent , puis les ouvrirent par l'admonition des 
grands maistres qui étoïent avec luy , et Monsieur jura d'en- 
tretenir leurs privileges , comme font tous les autres princes à 
leurs entrées. Et quand il fut dedans on lui donna un poille de 
drap d’or pouf porter dessus luy et Madame au long de la ville, 
avec grande multitude de torches, et estovent les rues tendues 
de tapisseries et ornées de torches , comme font en tel cas les 
villes de nos pays. Devant l'Eglise N. D. toute tendue de tapis- 
series et de pieces de drap d'or , où il descendit, avoit un grand 
buffet chargié de vaisselles. Et trouva l'Evesque et les chanoines 
richement revestus à l’huis de la dicte Eglise. Et a Monsieur et a 
Madameestoyent empres du grand autel leurs sieges richement 
ornez. L'Evesque leur bailla baiser les reliques , et leur donna 
bénédiction ,etles prebstres chanterent Te Deum. Après des- 
cendit au bien accoustré hostel du connestable , où sa chambre 
estoit parée et tendue de drap d’or et d'autre tres riche tapisse- 
rie. À l'entrée de la sale le buffet estoit chargié entour trois 
mille marcs de vaisselles dorées. Le grand escuyer portoit au 
long de la ville l'espée devant Monsieur , et ses trompettes son- 
noient comme si ce fust en ses pays...... En l'une des cha- 
pelles de N. D. les pere et mere du connestable d'Espagne gisent 
richement enterrez , en laquelle ils fonderent mille ducats de 
rente pour rachepter les chrétiens prisonniers aux infidèles. Et 
faut que chascun rachepté dudict argent vienne rapporter en si- 
gne de cela une chemise de drap jaune à N. D. de ladicte Eglise... 
Cettecité de Bourges metropolitaine du royaume de Castille 
est moult marchande , comme Valenciennes en grandeur , mu- 
rée de doubles murailles , bien pavée, et de belles maisons. 
L'on y apporte toutes les laines que nous appelons d'Espagne 
que l’on ameine en Flandre , et y nombre on aucunes fois ? cu 
3000 ouvriers. » ....... 


Chap. 12. 


Chap . 13. 


Chap. {4. 


-- 307 — 


« Le cardinal de Mendoce à fondé depuis peu de temps à 
Valladolid un college qui est tout neuf , et l’un des plus beaux 
que l'on peut veoir. 22 escoliers y estudient medecine , phisic- 
que , descret , «t autres sciences. Leur librairie excede l’autre en 
beauté et enrichesse. Chascun des estudiants a sa chambrette à 
part , et ne peuvent vuider sinon deux à deux. Et issus dehors 
ont chascun une cornette de drap rouge. Et pour enseigner ces 
sciences eslisent un Recteur qui dure un seul an , ne n’y peu- 
vent les estudiants estre que huict ans. Au bout desquels nou- 
viaux reviennent. Pour l'entretenement sont fondez par an mille 
Castillans qui valent en monnoye de Flandre 2,500 livres. Pour 
provision quand les bleds sont à bon marché ils en font sibonne 
provision que tousjours faut qu'il en demeure 500 hancghes. Et 
quand il est cherté de blez au pays ils sont tenus en livrer a 
pauvres gens a juste prix. Neantmoins ils n’en peuvent tant de- 
livrer qu'ils n’en retiennent lesdicts 500 haneghes pour leur pro- 
vision. Chascun des vingt-deux escholiers a par an pour chaus- 
ses et soliers deux castillans de 50 solds , et sont tenus de man- 
ger ensemble. Chascun a sa maison pour coucher et estudier à 
son plaisir , eteux retirer à part. Et ne peuven.: aller par la 
ville que eux deux ornez de robes et de chaperons. ».... 


On arriva à Madrid pour la semaine sainte. « Le dimanche 
jour de Pasques florie , ne toute la sepmaine peneuse, ne se hou- 
gea Monsieur de son hostel. Les jours du blanc jeudy et du Ven- 
dredi Sainct tendent par toute Espaigne et accoustrent les églises 
le plus richement qu'ils peuvent , et sont pleines de gens armez 
toute la nuict pour garder le sepulchre, et ne voidt que gens 
aller par la ville tout nuds, qui se battent de verges celuy 
jour. »..... 


Î 


Le 27 avril le duc de l’Infantado fit visite aux princes. Il etait 
accompagné de plusieurs grands personnages , de 300 chevaux, 
de 60 a 80 mulets. L’archeveque de Besançon , le comte Palatin, 
le jeune comte de Nassau , etc., allerent au devant de lui. 
« Vintledict duc sonnant trompettes , tambours, et chalumeaux 
descendre en court , feit la reverence a Monsieur et a Madame. 
Puis remonta a cheval , et les predicts seigneurs le convoyerent 
à son logis. » 


Le 30 avril , nos voyageurs etaient parvenus a deux lieues de 
Tolede , où se tenaient le roi Ferdinand et la reine Isabelle, 
pere et mere de l’Archiduchesse. Mais l’Archiduc se trouva ar- 


Chap. 15. 


… 308 — 


reté par une éruption dé rougeole. « Incontinent quele Roy le 
sceut , vint le mesme jour veoir Monsieur , avec luy le cardinal 
de Ste. Croix en Jérusalem qui est de ceux de Mendoz, l’une 
des plus grandes maisons d’Espagne. Au devant du Roy descendu 
de cheval, vint Madame sa fille en une galerie et l'embrassa et 
baisa , et luy feit le meilleur recueil qu'elle peut, et le mena 
par la main à la chambre de Monsieur. En laquelle entré osta 
incontinent son honnet, et vint au lict de Monsieur , qui de 
son lict bouger ne pouvoit, mais osta son bonnet et print la 
main du Roy , et la baisa à force , pour ce que le Roy ne Je vou- 
loitsouffrir , etavoyent tous deux le bonnet à la main. LeRoy, 
après la reverence sesiet en une chaiere à dos , et deviserent 
long espace ensemble , et estoit la treuchemante entre eux. Apres 
le Roy retourna à Tolede où il y avait deux lieues. Le mardy 3 de 
may , Monsieur envoya M. de Besançon , M. de Ville et le sei- 
gneur de Voyre devers la Roine , priant qu'ellele contentast de 
ce qu'elle vouloit venir veoir Monsieur à toute force. Ce que 
Monsieur ne vouloit consentir, pour ce qu'elle estoit mala- 
dieuse. ».....…. 


Le’ may , le prince était assez bien retabli pour faire son 
entrée a Tolede. « Au sortir du village les fauconniers du Roy 
en nombre de six-vingts, vestus de vert avec une manche grise 
se presenterent à Monsieur ; puis à une lieue de la ville ceux de 
la chapelle du Roy nombrez six vingts feirent ainsi. Et à une 
lieuette de la ville vinrent l’alcade avec les seigneurs de la loy et 
plusieurs bourgeois vestus de robes d’escarlate à la façon du 
pays , en pourpoinct de satin cramoisy , chascun la chaisne d'or 
au col , approchant Monsieur se meireut a pied , et baiserent les 
mains de Monsieur , et après de Madame. Et un quart de lieuc 
moins loing de la ville deux Evesques et les chanoines, avec 
autres gens d’Eglise feirent la reverence a Monsieur et a Ma- 
dame ; et a demye lieue vint le Roy a dextre de l'ambassadeur 
de France , et à senestre de l'ambassadeur de Venise ; avecestoit 
le cardinal de Mendoz et plusieursautres grands maistres du pays. 
Ses trompettes et tambourins precedans sonnoient , et ses rois 
d'armes n'y failloient, ne cinq ou six mille hommes à cheval 
accoustrez a la mode du pays. Sitost que Monsieur vit le Royil 
meist pied à terre. Le Roy lui manda qu'il ne marcheroit point 
s'ilne remontoit. Ce qu'il feit, non sans commandement royal. 
Lors tous chambellans et grands maistres, qui marchoient devant 
le cheval de Monsieur se meirent a pied , et allerent en grande 
reverence baiser Ja main du Roy. Après marcha aussi à cheval, 


Chap. 17. 


- —’ G0ÿ-— 


elks-alla ainsi. baiser, -€e que le Roy differoit, qui tousjours 
comme Monsieur atoit lé bonnet en la main, puis vint Mada- 
me baiser ka main du Roy sôn pere. Puis le Roy et Monsieur mar- 
chetrent ensemble: , et Madaire apres , el apres le cardinal ; et puis 
les deux: etnbassadeurs. À la porte de la cité les bourgeois por- 
terent sur eux trois unpoille de drap d'or armoyé des armes d'Es- 
pagne , et de Monsieur , sous lequel Monsieur, chevauchoit à 
dextre-du Roy., et Madame à la senestre. Les rues par toute la 
Cité estoient tendues, êt plusieurs belles dames se poussoient 
aux fenestres. Etquand Monsieur fut descendu devant le grand 
autel de la grande Eglise , FEvesque et tous les chanoines riche: 
ment vestüs le vinrent saluer. On y chanta Te Deum , et sonna 
on les orgues. Les deux maistres d’hostel de Monsieur allerent 
devant. Puis tous les gentils hommes de sa maison et chambel- 
Jans après , et vinrent tous attendre Monsieur a la court... Mon- 
sieur et Madame trouverent la Roïne en une grande sale assise 
sur une Chaiere avec laquelle estayent la fille bastarde du Roy , 
la marquise de Moye ,et plusieurs autres dames et damoiselles, 
vestues de'velourscramoisy, fourrées d'ermines et les autres 
d'autres fourrurés , bien accoustrées de chaisnes et d’autres ri- 
ches bagues. Fous les gentils hommes, ghambhellans et grands 
maistres de l’hostel de Monsieur baiserent la main de Ja Roine 
assise sur la chajere. :Etsubit qu'ebe:vit Monsieur venir ,se leva 
et marcha une partie de la sale au devant de luy. Monsieur ge 
voyant s'avança et luy baisa La main. Ce qu'elle ne vouloit souf- 
frir. Puis luvy feit Madame egale:reverence, et la Roine le baisa 
et embrassa. Tous les Dieux :ghrds - faicts. accomplys, je Roy 
‘prinst Monsietr . et la Roine print Madame, et se alerent. de- 
‘viser ensemble en une grande chambre. Puis conduisirent Mon- 
sieur et Madame le Roy. et la Roine jusques à leur chambre. Ce 
faict Monsieur alla à sa chambre , et Madame à Je signne , et 
soupperent chascun a part. La maison où ils logerent est au mar- 
quis de Moye. Les chambres de Monsieur et de: Madame , et 
deux ou trois autres estoyent tendugs de.d rap. À or et de riches 
brodures , et-est la pluspart audict marquis , et. l’autre àJa 
Roine.… Des habillements du Roy et de la Roine je me tais ; car 
ils ne portent que draps de laine. Et Monsieur avoit une robe de 
-#atin broché violet ; et Madame une robe de.velours violei pleine . 
de drap d’or. À lendemain Monsieur avoit ung robe ‘de salin noir, 
pleines de martres de sabliyes , LE Madame. une robe de drap 
“d'or. pleine de satin cramoisy. »..,... 


' à 
1 O1; 


Le22 mai Fe y eut grande cérémonie pour la TS 
on . 


Chap. 18. 


— 310. — 


l'Archidué comme prince de Castille. Les serments réciproques 
prètés, « le prince dé Castille’ alta baiser Jes maips du Roy et 
après de la Roine’; qui 1esouffrirent bien envis , puis -alla Ma- 
dame la princesse de Castille baiser aussi. les mains du Roy et 
de la Roine , qui tous deux ta baiserent à la bouche... Quand 
Fheure vint du soupper , le Roy la Roine, Monsieur, le prince 
‘de Castille et la princesse soupperent au chasteau de la ville, le- 
quel est fort magnifique. La donna le‘Roy le soupper comme il 
‘est accoustümé en tel cas, et soupperent eux quatre à une ta- 
ble , et a quatre autres tables mangeoient dames et damoiselles., 
seigneurs et gentils hommes. Je vis en celieu une des plus belles 
demoiselles de la place contenter trois de ces gentils hommes, 
“qui pour ce soupper qui dura:deux :a trois heures , estoyentses 


“serviteurs. Elle parla:bien heure et demie à-l’un , qui fut a ge- 


noux a teste nue ledict espace de temps, au second un quart 


“d'heure , et'au troisième une bonne heure. Elle parloit à l'un, 
“elle bailluit des œ.Hades à autre, et avoit sa. mairi sur l’espaule 
‘du tiers. Ainsi lés contenta elle tous trois.. Car à cause qu'ils ne 


es voyeñt souvent , ils sont aussi contents de veoir leurs dames 
par amour qu'ils sont en autre paysde parler. Un de nos gentils 


“hommes luy demandà après soupper comment elle pouvoit ainsi 
traicter ces gentils hümmes qui:luy vouleient si grand bien. Elle 


respondit : Noës prénons noëtre plaisir en temps que sommes a 
marier à les traictér en cette sorte. Ear quand nous sommes ma- 

riées on nous énferme en chambre eb:en chasteau , ainsi est on 
bien vengé de nous du bon temps que avons eu à marier, Et es- 


“tot ce soupper anobly dé cinq'buffets. L'un appartenant au Roy 


contenoit dé 8 à 900’pleces de vaisselles tant d'argent doré que 


d'autres. Le sécond au duc d'Alve avoit 700 pieces de vaisselles 
tänt dorée’, que avec six grandes tasses d’or. Le troisiesme estoit 
‘äu ddcde Vesb , oftié de 700 pieces de vaisselles. Le comte de 
‘Bevalcaché avt decoré le quatriesme de 6 a 700 pieces de 


vaisselles. Et le comte d'Orpeze avoit perlifié le cinquiesme de 


‘+00! pièces dé vaissælles’ Quarid on:servoit on venoit querir la 


Väissélle de cuisine sür ées Küffets." Et après le service faict., on 
Ics répôrtoit ec, On faire ph grande monstre. >... ::: 


!Le 95 mai était fa Fète-Dieu. « On porta le Sacrement très 
reveremment en ün vaissel d'argent de cinq a six pieds de haut, 
: façonné en formelle feretre, et par dessus‘ün poille de drap dor 

cramoisy ; et le compaignerent le Roy et Monsieur et le caidi- 
nal par toute la ville. Ce jour estoit la procession de la ville, par 
‘quoy plusieurs personnages furent fais, remonstrans plu- 


sieurs mistores selon la facon du pays. ».... 
. / 


,‘s# 


Chap. 19 


Chap. 91. 


— 311 — 


« Lelundy 13 jour de juin furent faictes les jousies royales 
sur le grand marché de Tolede, presens le Roy . la Roine , Mon- 
sieur et Madame , ettoutes leurs Dames, là .où estoient seize 
coureurs bien goriasement accoustrez sans draps de soye , entro 
lesquels le bastard de Cleves feit bon depvoir , et y eut maintes 
lances rompues. Dom Diego de Coyne y gaigna le prix. Leur 
coustume est que un gentilhomme allant à la jouste a tousjours 
une douzaine de lacquais ou plus habillez de ses couleurs , qui 
au retour des joustes. se leur maistre a rompu quelques lances , 
portent les tronçons , etles autres portent torches.. Et les jous- 
teurs qui courent en tout le jour vont toute la nuict par la ville, 
et passent devant leurs dames aux fencstres. Et font ce afin que 
elles les voyent. Car impossible leur est parler à elles. Car le 
plus du temps sont enfermées en leurs chambres , et ne vuident 
si le Roy ou la Roine ne font quelque feste. Cela peut advenir 
trois ou quatre fois l'an seulement. Et ces laquays crient par la 
ville : Vecy un tel qui rompu a tant de lances. ».... 


« Le dimanche3 juillet, pour passe temps trois Castillans 


- portans en leurs escus la croix S. Andrieu, et le fusil avec la de- 


vise de Monsieuren hawt , qui vouldra , se trouverent auprès du 
palais aux lisses faictes de bois , et jousterent pour 300 paires de 
gants de oguaigne ; et les deux premieres courses ceux de dehors 
rompirent leurs lances-et la toile pendante aux lisses, et les 
deux courses ensuivantes perdirent leurs lances en tombant en 
terre, les cuidant mettre en l'arrest , et finalement perdirent 
lesdicts gants, qui furent distribuez aux dames, et ailleurs. »… 


« Le samedy 9 juillet fut pendu sur le marché de Tolede pour 
larcin un homme de 22 ans , et fut piteusement estranglé : car il 
pendit en air bien demye heure avant qu'il fust mort. Et les 
gens quand il fut mort venoient a grande presse bäiser ses pieds, 
et mettoient croix de paille et de bois en ses soliers. Et cil fut 
lendemain despendu etenterré. On n'en fait gueres pendre en 
Espagne , mais onlie les malfaiteurs digne de mort en une at- 
tache , et leur mect on une marque de papier blanc à l'endroit 
du cœur , puisla justice ordonne aux meilleurs arbalestriers 
que on treuve tirer après celuy tant que mort s'ensuive. Et se le 
malfaiteur scait aucun de ses amis estre bons arbalestriers , il 
requiert a la justice de le faire tirer , afin d'estre plus tost mort. 
Et s'on ne les faict ainsi mourir , on les couche par terre , et leur 
mect on [a teste sur un bloc , et la couppe on d’une doluire. Ils 
n'ont coustume de la aire coupper d’une cspée. »..,... 


Chap. 93. 


Chap. 95. 


Chap. 29. 


— 312 — 


_ « Le samedy 30 juillet trespassa Anthoine de Herrimés , gen- 


tilhomme de la maison de Monsieur , l’un de ses escuyers tran- 
chans; il tomba jus de son cheval a terre , dont il en mourut : 
il eut tous ses sacrements requis à la Mort. Quand on porte le 
sacrement d'Extreme-Onction en Espagne , gens de bien portans 
torches ou chandelles de cire ardant le conduisent jusques au 
lieu où est le patient , et attendent le retour du prestre , et re- 
conduisent le sacrement jusques à l'Eglise. Et si en temps que 
J'on porte le sacrement par les rues, le Roy ou autre des 


plus grands maistres du pays le voyent , il descendent de leurs 
chevaux ,et approchent le sacrement ; lors gens de bien leur 


‘baillent torches ou chandelles , et vont accompagner ledict sacre- 
ment , lequel on ne porte jamais que grande compagnie de gens 
ne le suivent. Jamais je ne le vis porter si reverremment qu'en 
Espagne. »..... 


« Notés occasionnellement que quand un Espagnart est tres- 
passé , la veusve au jour de son service solemnel ou sa plus pro- 
chaine parente faict mettre sur la sepulture un lict et un couver- 
toir le plus somptueux qu’elle peut avoir , deux oreillers, et sur 
iceluy met pain et vin avec aucuns cierges ardans ; et elle est au 
derriere , et illec au long des services pleureet lamente , et tire 
ses cheveux criant : O Dieu pourquoy m'as tu osté cest homme 
qui estoit des meilleurs du monde ? et continue mille autres 
paroles vaines , folles et perdues. Et sielles ne font ce d'elles 
mesmes elies louent femmes a ce ordonnéss , lesquelles menent 
le semblable deuil qu’elles meneroient. II semble que leur deuil 
est plus grand à leur maintien qu'a cœur. »..... : 


Pendant que l'’Archiduc séjournait à Tolede, Antoine de 
Lalaing eut permission de faire avec Ant. de Quievrain, une ex- 
cursion dans le midi de l'Espagne. Avres avoir visité Seville et 
ses merveilles , ils étaient en septembre à Grenade, conquise de- 
puis dix ans seulement sur les Mahométans. « Pour ce que la 
ville de Grenade fut prise par appoinctement qui portoit que les 
habitants demereroïent en leur loy , ils tindrent longtemps leur 
maudicte loy depuis ; mais depuis furent contraicats de prendre 
notre loy ; car ils fourfirent leur appoinctement par une rebel- 
lion commise contre la majesté royale du Roy et de la Roine. 
Ce qu'ils firent non tant pour l'amour de leur sreateur que ‘pour 
crainte de perdre ieurs biens ; etest bien mal possible que les 
anciennes gens , tant qu'ils vivent , sceussent estre fermes en la 
foy. Ces deux gentils hommes en virent bien l'apparence , car le 


Chap. K] . 


— 313 — 


jour qu'ils y arriverent , fut pris un petit enfant fils d'un chres- 
tien , à qui ils coupperent bras et jambes , et luy {arracherent le 
cœur. Et dict on qu'ils font souvent des cassemblables ; et sont 
les facteurs ignorez , tant font ils leurs faicts secretement. — Je 
trouve les habillements des femmes de Grenade fort estranges ; 
car elles ne portent que blanc linceul qui leur traine jusques à 
terre , et couvrent allant par les voyes la moytié de leur risage , 
et ne voit on d'elles qu'un œil ;: etont chausses grandes qui leur 
tripent sur les jambes , et ont des autres chausses de toille, 
comme un maronnier, qu'ils attachent devant à une eguillette. » 


Valence était alors dans toute sa splendeur. « Elle est fort 
peuplée , etcontient, comme on dict, bien 1500 maisons appar- 
tenantes aux seigneurs et grands maistres du royaume. Car peu 
yena quin’y ait sa maison : avec ce plusieurs bourgeois y ont 
leurs maisons dorées , et bien accoustrées..... Au regard des 
Dames , elles sont les plus belles et goriases et mignones que 
on sache ; car le drap d'or et satin broché et le velours cramoisy 
leur est aussi commun que velours noir et satin en nosire pays. 
On dict que quand le Roy et la Roine d'Espagne se trouvent 
illec , les gentils hommes et femmes de la Cour, quelque gaure 
qu'ils facent , nesont à comparer à la gaure des gentils hommes 
et femmes de Valence... Entre le jour de S. Michel et le jour de 
S. Denys , en recordation qu'un roy d’Arragon prit cette ville, 
et l'osta des mains et possession des Mores etinfidèles, fontgrandes 


_allumeries par toute la ville chacun soir , et celebrent danses et 


autres joyeux passetemps; et se pourmenent les Dames par toute 
la ville , et sont en liberté : ce qu'elles ne sont en tout autre 
temps, car elles sont tenues subjectes à la mode italienne. »... 


Le mardi 10 octobre , nos deux touristes etaient à Segorbe. 
« Illec aucuns jurez dela ville vinrent a la table où ils disnoient 
lesquels cognoissant que ceux avoient apporté la chair qu'ils 
Mangeoient du lieu où ils avoient couché le soir, la voulurent 
peser , disant qu'ils payeraient le dixiesme denier de ce qu'elle 
avoit cousté, comme s'ils eussent acheté en la ville. Bien est 
vray que par tout le royaume d'Espagnese paye au Roy et a la 
Roine le dixiesme denier de tout ce que l'on y vend et achepte, 
C’est ce de quoy ils levent les plus grands deniers. Ce droict 
aussi se cueille en terres des seigneurssubjects , à leur profit, du 
consentement du Roy et de la Roine. Mais les princes et les 
grands maistres sont pour ce poinct obligezdetenir certain'nom- 
bre de gens pour servir a leurs despens le Roy ct la Roine en 


Chap 32. 


Chap. 33. 


-. 314 — 


guerre , loutcsles fois qu'ils en auront besoin , sans ses frais, 
fors qu’ils sont tenus de donner 25 maravedis à chascun homme 
d'arme , ct le seigneur sous qui cest homme d’arme milite paye 
Je reste , à cause du droict dessus dict. Cela se nomme en leur 
langue l'alcavale , et tous autres seigneurs subjects tenant ce 
droict sont tenus payer ct servir chascun à son advenant. »... 


« Peu de villes en Espagne sont pavées, ect disent que sest 
pour contregarder leurs mulets et chevaux ; car ordinairement 
ne vont par ics rues sans cheval ou mulle , se ne sont pauvres 
valets et mechaniques. »..... 


Antoine de Lalaing ne pouvait ne pas etre frappé des grandes 
qualités de la reine Isabelle de Castille. « Je tiens , dit-il, que 
depuis 500 ans n’a eu sa pareille sur la terre. Apres la mort du 
roy Jean son pere, tous ses pays demeurerent. embrouillez pour 
les discordes , debais , dissensions , envies des princes et grands 
maistres de Castille. Plusicurs Roys et grands princes requirent 
avoir cette Roire , unique fille et heritiere de son pere en ma- 
riage , et entre les autres le roy d’Aragon , qui alors n’estoit pas 
a lavant, mais on l'estimoit sage. Cil prit esmerveillable dili- 
scnce pour y parvenir ; elle cognoissant qu'il estoit prince ver- 
tueux , et que le royaume d’Aragon tenoit au sien , et qu'elle en 
pourroit avoir plus grande assistance que du plus loingtain lui 
envoya pour scavoir faire sil estoit homme d’entendement un 
neud d'amour a cause que c'est une chose fort entremeslée et 
touillée, en signification que ses pays estoient lors de cettesorte. 
Le Roy d'Aragon receut ce neud d'amour, et non scachant la 
cause pourquoy clle luy avoit envoyé , pensa beaucoup que ce 
vouloitestre ,etenfin conceut l’entendement de la Roïine, que 
son rovaume estoit entremeslé et embrouillé de dissensions de 
ses grands maistres les uns contre lesautres ; et que mal estoit: 
possible à les bien demesler ; par quoy il prit couteau , et tran- 
cha le nœud d'amour en deux , le renvoyant en cette sorte , 
disant qu'il ne scavoit autre moyen pour le desmeller, luy signi- 
fiant pour ce qu'il n’estoit possible par amour desmeller les di-: 
visious de ses grands maïistres , mais qu'il y falloit aller par l'es- 
pée à force, Icélle Roine voyant telle response conneut que ce 
prince cstoit homme pour luy aider a garder. son pays. Apres 
plusieurs cnvoyes et renvoyes faicts, elle le manda venir vers 
elle, ce qu'il fit. Et apres qu'eurent communiqué ensemble tou- 
caantleurs affaires ils espouserent l’un l’autre, et puis tost apres 
‘eduisirent {ous les debats et dissensions qui lors estoient en ce 


Chap. 34. 


— 315 — 


royaume..….£a Roine a tousjours porté depuis en sa devise une 
trousse de fleches avec le neud d'amour comme on voit.en plu- 
sieurs lieux etaux monnoyes ‘blanches qu'elle a faict forger ;.et 
le Roy a tousjours porté depuis le jouet son mot aientour tantost 
monta ; un jou est ce de’ quoy on: attoile. les bœufs..... Co- 
gnoissont que son aage croissoit:,. la Roine- fit un édict par tout 
son royaume , que des lors en avant homme quelqu'il fut.ne 
porteroit drap de soye en robbes ni en sayons ,.ny les femme s 
pareillement , si leurs maris ne tenoient.un cheval en l’estable- 
Ce fit pour ce que paravant les gentils hommes de son rovaume, 
dilapidoient leurs heritaiges et patrimoines pour porter dmps de, 
soye ; car ils en faisoient si grands-excez que c'estoit .despance 
inestimable. Et quant & elle en.son temps jamais princesse ne 
fut si goriase ny si bien accempagnée.. de Dames et de: Damoi- 
selles bien accoustrées qu'elle 'estoit. Voyant. que ses gentils 
hommes chevauchoient la pluspart mulles, et quand il les çon- 
venoit armer et monter à cheval, que ils esloient adextres le pis 
du monde, considerant donc que journellement attendoit la 
guerre contre les François ou contre les Mores, ou contre les 
deux parties en un mesme temps , par quoy elle ordonna que 
nul quelque grand maistre qu'il fut, s’il n'estoit prestre ou 
homme d’Eglise , ne chevaucheroit mulle, mais chevaucheroit 
chevaux , et les chevaux seroient de quinze pslmes ou plus, afin 
d'estre mieux induicts à la guerre. Elle avoit 3000 hommes d'ar- 
mes d'ordonnance à ses gaiges , et 4000 qui se tenoient a leurs 
maisons a demy gaiges ; mais iceux estoient prests de servir à la 
guerre sitost qu'elle les mandoït, et lors avoient leurs pleins 
gaiges. Et pour ce qu'elle avoit ordonné queles femmes ne porte- 
roient draps de soye si leurs maris n avoient cheval à l'estable, 

chaque femme s’efforçoit de faire avoir à son mary un cheval , 

afin de porter drap de soye....-Item il y a en Espagne qu'ele 
a missurun nouvel exercice de justice quise nomme Allaman- 
dat ; c'est que quand un malfaicteur se rend fugitif pour quelquo 
mesur que ce soit , subitement les alcalles et les alguasilles qui 
sont comme prevost et sergens en nostre pays, s'ils ne les peu- 
vent apprehender sonnent les cloches de village en autre, etcha- 
cun à diligence va apres le fugitif, qui ne se peut sauver qu'en 
trois pays , France , Portugal et Navarre ; et en chacun de ces 
trois passages sont gardes commises pour non laisser aucun sans 
sçavoir quiil est. Et est cette Ailamandal si ordinaire que dedans 
24 heures ilest sceu par tous les pays d’Espagne. Laquelle loysa 
si bien entretenu que l’en y a trouvé peu ou point de faute... … 


Chap. 35. Plus avant declarer les vertus et triomphes d'icelle n'est ina 


; — 316 — 


matiere et propos : pourtarit atant mettray fin. a cela , comme 
elle à este obeye par tout son regne ; et n'y a eu si grand mais- 
tre qui d'elle mandé, et fut par son moindre serviteur , ayt 
ôsé refusér ; car elle punissoit si grievement les refusans que les 
autres s’exemptoient. Sa mort'a causé telle perte a la chrestien- 
neté que tous les chrestiens se dussent vestir de noir pour mons- 
trér deuil. Et affin qu'elle ne monstra quelque grandeur a la 
mort , mais humilité , elle pour tout triomphe requist seulement 
quedu lieu où elle trespassa estre menée etensevelie en la ville 
de Grenade , au moindre estat que faire'se pouvoit . a cause que 
e’estoitson principal triompire et conquéste. Et ordonna avoir 
entour elle en son enterrement non plus que douze où quatorze 
torchés; et veutesire ensepülturée non ptus excelléntement que 
la moindre gentille femme de:ses pays, sans faire mention 
d'elle. Par quoy on là couvrit: d'une. pierre: platté sans figure 
aucune. » A 


LE COMTE DE FERNIG. 


DOS 


FERNIG (3æan-Louts-JosePH-cÉSAR , comte pk), naquit le 
49 août 1772 à Mortagne (Nord). Volontaire dans la garde na- 
tiénale de Valenciennes le 44 juillet 4789 , il devint l’année sui- 
vante major de celle de Mortagne. Sous-lieutenant dans le 12° 
régiment d'infanterie , ci-devant Auxerrois (1792), il fit les cam- 
pagnes de l’armée du Nord. Le 16 juin 1792 , il franchit le pre- 
mier , à la tête d’un peloton de 45 hommes, les retranchements 
établis en avant de Menin par les Autrichiens : blessé de deux: 
coups de haïonnette à la poitrine , il allait succomber , lorsque 
4 soldats de son détachement vinrent le dégager. Après s’étre dis- 
tingué à la bataiHe de Valmy , il passa , dans le mois d'octobre 
suivant, adjoint aux adjudans-géniéraux. Ilcombattit à Jemmapes,. 
et obtint, le 45 novembre , le brevet de capitaine-adjoint sur le 
champ de bataille d’'Anderlecht. A la tête d’un escadron de chas- 
seurs , il culbuta et poursuivit l’arrière-garde autrichienne , lui 


— 318 — 


prit 2 pièces de canon , un drapeau , et lui fit un grand nombre 
de prisonniers : il faisait alors partie de l'état-major du général 
Dumourtez. Le lendemain , l’armée française entrait triomphante 
dans Bruxelles. 11 assista à la prise de Liége , d’Aix-la-Chapelle , 
de Bois-le-Duc , de Klunder et de Berg-op-Zoom , et se signala 
à la bataille de Nerwinde le 48 mars 4795. Dans le fort de cette 
dernière action , et après un mouvement d'’hésitation de la part 
des troupes , le jeune Fernig vit que la cavalerie ennemie 
portait tous ses efforts contre le centre ; il rallia de son propre 
mouvement environ 500 hommes, chargea trois fois les cuiras- 
siers autrichiens etles dragons de la Tour , parvint à arrêter 
l'ennemi , et donna ainsi le temps à la division de se reformer. 
Cette affaire, dans laquelle il reçut trois coups de sabre , lui va- 
lut le grade d'adjudant-général lieutenant-colonel , que le géné- 
ral en chef et les représentants du peuple à l'armée du Nord. lui 
conférèrent sur le champ de bataille. 


« Louis XVI venait de périr ; la reine courait le danger de 
mort , aucun frein ne peut désormais s'opposer à la rage des éner- 
gumènes ; la délation ct l'anarchie triomphent ; les cachots dé- 
bordent ; la guillotine se dresse partout ; aux armées seules rè- 
guent encore l’ordre etla discipline : là s’est réfugié l'honneur de 
la France. 


» Prévoyant les malheurs qui vont accabler son pays , Dumou- 
riez veut couper le mal dans ses racines ; il prend une grande 
résolution, celle de marcher sur Paris avec son armée , d'en chas- 
ser les démagogues , et de rétablir la constitution de 4794. 


» Le prince de Saxe-Cobourg adhère à ce noble dessein, nous: 
promet sa coopération en cas de hesoin , conclut une PHpEDEEN 
d'armes , ets neres à ne pes dépasser nos frontières. :: ‘°°. : 

| 

.». La proclamation du aénéral est accueillie par Les. troupes. 
avec. délire; elles veulent à l'instant marcher vers la ‘capitale. 
Malheureusement quelques jours sont nécessaires à Ja révrga - 
uisation. 


» Pendant ce temps , des émissaires de la Moutagne arrivent , 


1 


— 319 —. 


se réparident dans le camp, travaillent l'esprit des volontaires 
et parviennent à faire des prosélytes.  : 


a : È 


» Le 4 avril 1793 ,le ministre de la guerre Beurnionvillé-et 
les commissaires Quinette, Bancal , Camus et Lamarque , s'étaient 
rendus chez Dumouriez , à son quartier-général des Boues-de 
Saint-Amand. Là , en présence de l'état major, ces derniers 
avaient lu un décret qui le destituait et le mandait à la barre dela 
Convention. Pour toute réponse , il les fait arrêter eux-mêmes et 
les envoie comme otages sous bonne escorte à Tournay. 


. » Les, de grand matin , Dumouriez monta à cheval pour. 
aller inspecter la citadelle de Condé. it est accompagné des gé- 
néraux duc de Chartres, Valence et Thouvenot, son chef d'état- 
major , des colonels Montjoie et Fernig, de quelques aides de- 
campetoffieiers, etsuivi de J'escorte ordinaire. 


.», On cheminait depuis un quart-d'heure , lorsque le général 
Thouvenot remarqua un bataillon de l'Yonne, commandé par te 
citoyen Davoust , depuis maréchal et prince d'Eckmübhl, qui avait 
prisles armes et se mettait en marche. Aucun ordre semblable 
n'ayant été donné ; il envoie s'informer des motifs de cé dépla- 
cement. L'officier est reçu à coups de fusil. Dnmouriez s’avance : : 
aussitôt une décharge tue et blesse plusieurs hommes. Ce batail- 
lon , excité par de modernes Brutus , fond sur le : quartier-gé- 
néral et redouble son feu. Sa position devenait de plus en plus 


critique : engagé dans des marais impraticables à la cavalerie, 
sans nul moyen d'en sortir , ilfallait , ou se laisser massacrer ou 


parvenir jusqu’à l'Escaut , fleuve profond et rapide, aux bords 
escarpés , et pouvoir le traverser. Reureusement le colonel Fer -. 
nig , qui connaît très bieu le pays, dirige les attaquéssur la Bou - 
caulde ; seul bac existant à proximité , laissant derrière les che-. 

vaux qui ne peuvent franchir les fossés remplis d'eau qu'on rcun- 
contre à chaque instant. 


» Ainsi furent sauvés les généraux Dumouriez , duc de Char- 
tres et partie de l'état-major. | PR 


, 
ts 


» fe 6 au matin , Dumouriez rentre au camp , passe les trou- 


it 


— 4320 — 


pes eut revue. Les uns l’aecueillent par des bravos , les autres 
par un morne silence. Dès lors, prévoyant les obstacles qui s'op- 
poseront à l'exécution de son projet, et voulant surtout éviter les 
malheurs d’une guerre civile, il se retire. | 


». Le colonel Fernig, fatalement entraîné hors de France, n’ac- 
cepte pas du prince de Saxe-Cobourg le service qu'il lui offre avec 
son grade dans l’armée autrichienne (1). » 


ll parcourut l'Allemagne, la Pologue , la Russie, la Suède et le 
Danemarck ; et, lorsque la France lui parut jouir enfin de la paix 
intérieure , il s’empressa d'y revenir et de rentrer dans les rangs 
de l'armée. Il fit avec distinction, comme volontaire et comme 
officier d'état-major sans solde, les campagnes de l'an VI à f’an 
IX, près des généraux Hatry, Hoche, Jourdan, Mascéna, Lecourbe 
et Moreau ; tandis qu’il prodiguait de nouveau son sang pour la. 
patrie, et qu’il se signalait à Ostrach, à Engen, Maœskirch, Bibe- 
rach, Memmingen, Neubourg, Ampfingen, Lambach, Roveredo, 
Trente, et, dans plusieurs combats d'avant-garde, son nom eue 
rait sur la liste des émigrés. | 


Après la bataille de Hoheulinden, le général Moreau lui décerna 
un sabre d'honneur. Passé à l'état-major du général Macdo- 
nald, il acheva près de luila campagne d'Italie. 11 obtint alors 
sa radiation de la liste des émigrés. Appelé le 4 frimaire an 1X 
au commandement de la province de Coire et de l'arrondissement 
des Grisons, nommé le 6 germinal suivant ehef de bataillon à la 
suite de la 2° demi-brigade auxiliaire helvétique, il prit le 20 
fructidor même année le commandement de la ville de Saint-Gall, 
et le 27 frimäire an X celui de la ville de Bâle. Le 8 messidor, 
il alla reprendre le commandement de la place et du canton de 
Saint-Gall. Le premier Consul le nomma chet de bataillon au 


(1) Extrait des notes communiquées par le général comte de Fernig. 


Nous avons donné le texte même de ces notes, dont nous laissons 
d’ailleurs toute la responsabilité à son auteur, parce qu’elles sont un do- 
cument à l'appui des faits rapportés dans l'affaire Frégeville (Fastes de la 
Lég. d'Honneur , t. 1, p. 226 et 228). Ces faits et ces notes sont de na- 
ture à éclaircir un des événements les plus importants de l’année 1795. 


_— 391 — 


119° de ligue, pour prendre rang du 4° frimairé an X, major de 
ce corps le 40 nivôse an XII, et membre de la Légion-d'Honneur 
le 4 germinal suivant. Le Qu septembre 1807, il reçut la grand’ 
croix de l’ordre équestre de Saint-Joachim, appartenant à la 
confédération germanique, et passa avec son grade, le 21 février 
4809, dans le 66° régiment de ligne. Lors de l'attaque des 
Anglais contre notre station et l'enlèvement d'un bâtiment de 
guerre au bas de la Gironde (1809), le général commandant la 
. division fit partir à la hâte le major Fernig avec quatre compagries 
d'élite. Cette petite coloune couvrit Saint-André de Cubzse, 
Blaye et Bordeaux, menacés par l’ennemi, et le força à reprendre 
la mer. De retour de cette expédition, il présida le conseil de 
guerre qui devait juger Île capitaine commandant la corvette 
capturée par les Anglais, et qui était absent de son bord au mo- 
ment de cette prise. L'Empereur, peu habitué aux revers, voulait 
un grand exemple, et des instructions sévères avaient été expé- 
diées au général commandant la 44° division militaire. D'un autre 
côté, le prince de Neufchâtel et Je ministre de la guerre pressaient 
l'information et le jugement à intervenir. Cependant le président 
du conseil de guerre, qui avait compris la haute responsabilité de 
sa position, arrivait lentement à la découverte de la vérité, et 
facilitait le prévenu dans ses moyeus de défense. L'accusé se 
renfermait dans l'autorisation verbale de s'absenter pendant vingt- 
quatre heures qu'il avait reçue de son chef; celui-ci, effrayé pour 
lai- même des suites de cette affaire, niait avoir donné cette au- 
torisation , .et le ministère public persistait dans l’application de la 
peine de mort. C’est sous l'empire de ces opinions diverses que 
le conseil allait délibérer. Les juges, bien qu'éclairés par le 
président, n'osaient prononcer l’acquittement, dans la crainte 
d'encourir la disgrâce du chef de l'Etat. Cependant, la convic- 
tion d'accomplir uu devoir sacré inspire le major Fernig , le rend 
éloquent, persuasif, et un verdict d’acquittement est rendu à 
l’unonimité. Chacun des membres s'attendait à une destitution, 
lorsque, huit jours après, l'Empereur fit témoigner au président 
et aux membres du conseil toute sa satisfaction pour leur coura- 
geuse indépendance. 


À la descente des Anglais en Zélande, en octobre 4809, le 
major Fernig alla preudre le commandement d'une brigade qui 


— 322 — 


contribua puissamment à l'évacuation de l’ile de Walcheren. Le 
22 janvier 14810, l'Empereur lui confia le commandement du 1° 
régiment provisoire d'infanterie, avec lequel il entra en Espagne. 
11 fut successivement employé dans les gouvernements. de la 
Navarre méridionale, de l'Aragon, des provinces de Guadalaxara 
et de Tolède, et soutint avec succès la guerre de partisan de 4810 
à 4814 contre les guerillas, depuis les Pyrénées jusqu’à Cadix. 
Dans la forêt de Roncal, il mit hors de eombat plus de 3,910 in- 
surgés, et prit le fameux chef Mina (octobre 4810). 


Nommé adjudant-commandant le 16 mars 1812, et appelé à 
faire partie de l'état-major général de l’Empereur, il quitta immé- 
diatement l'Espagne, et rejoignit le grand quartier-général à 
Berlin. Il reçut, le 8 juin suivant, la grand’'croix de l’ordre 
d'ancienne et illustre noblesse des quatre Empereurs, fit la 
campagne de Russie en qualité de sous-chef d'état major, et 
assista à toutes les affaires de cette expédition. A la bataille de 
Smolensk, une batterie de quinze pièces de gros calibre, qui 
séparait le centre de la ligne d'attaque, faisait de grands ravages 
dans les rangs français Le colonel Fernig, porteur d'ordres de 
l'Empereur au prince d’Eckmühl, ne voulant pas se détourner 
dans la crainte de perdre un temps précieux , fut renversé avec 
son cheval à cent pas de la muraille, au moment où il franchissait 
ce dangereux passags ; ce ne fut qu'avec peine qu’il parvint à se 
dégager et à achever sa mission. À Borodino, un boulet frappe 
la poitrine de son cheval et l'étend raide mort; enûa, il perd son 
second cheval à la bataille de la Moskowa, en attaquant la grande 
redoute. Le 11 octobre 1812, l'Empereur passant une revue 
dans le Kremlin, détacha de sa boutonnière sa croix d'officier de 
la Légion: d'Ronneur et la remit au colonel Fernig (4j; ül l’admit 
ensuite dans l’ordre de la Couronne- de-Fer, et le dota de 40,000 
francs de rente en Westph:lie. Blessé d’un coup de lance à la 
bataille de Malo-Jaroslawetz , il n’en fit pas moins partie de 


e 
+ 


(1) Le décret ayont été perdu pendant la retraite, avec une partie 
des archives de la maison de l'Empereur, la Restauration refusa de 
reconnaître cette nomination, Il ne fut officiellement nommé officier de 
l'Ordre que le 24 août 1814. 


a- 323 — 


l'escadron sacré qui entoura Napoléon pendant la retraite jusqu'à 
Smolensk, où uu décret impérial du mois de décembre 1812 le 
nomma chef d'état-major de la cavalerie réunie sous les ordres 
du général Latour-Maubourg. Ce fut cette cavalerie qui protégea 
le passage de la Bérésina. 


Nous mentionnerons ici un épisode intéressant de la campagne 
de Russie, qui honore le caractère de M. le géuéral de Fernig. 
Nous le puisons dans ses notes communiquées. 

« Pendant la terrible retraite de Moscou, entre Smolensk et la 

Bérésina, au crépuscule du matin, il s'approche de la lueur mou- 
rante d’un feu de bivouac autour duquel paraïssent dormir une 
trentaine d'hommes enveloppés de canotes et de manteaux; il ar- 
rive avec précaution près de ces militaires, qu'il trouve serrés les 
uns contre les autres. Au silence lugubre, à l'immobilité qui 
règne dans ce groupe, il devine une partie de Ja vérité et cherche 
.à réveiller le plus rapproché : ce n’était qu’un cadavre; il renou- 
velle vingt fois la même tentative, qui est toujours suivie du même 
résnltat. Frappé de cet affligeant espectacle, il allait se retirer, 
lorsqu'un léger cri attira son attention Il aperçut deux petites 
mains soulevant la l&urde capote qui les retenaient. Il s’en em- 
pare, les réchauffe, et reconnaît une fille d'une rare beauté. Cette 
enfant était dans les bras d’un soldat au teint cuivré, aux formes 
athlétiques, mais dont les muscles déjà glacés étaient presque sans 
mouvement. Il lui parle, fait d inutiles efforts pour le mettre sur 

‘son séant, et l'exhorte à sauver le petit être qu’il paraissait pro- 

Léger ; un sourire amer, un signe négatif furent d'abord son 
unique réponse ; les instances du colonel redoublent: Laissez- 
moi mourir en repos, s’écria-t-il enfin, je veux épargner à ma 

fille les longues souffrances qui ont dévoré sa mère, son fils et 
tué mes trois frères. Allez, que Dieu vous protège. A peine 
ces mots étaient-ils prononcés, qu'il se replie sur lui-même, 
presse la faible créature sur son cœur et s’endort du sommeil 
éternel. Le colonel dégage l'enfant qui semble deviner son 
malheur, regarde son père, pousse un cri plaintif, et se jette au 
eou (le son protecteur. * Emportée par lai, il la confie à une fer- 
mière des environs du Niémen, qui promet de l’élever comme sou 
“enfant. L’ercellente femme a tenu parole : la jeune fille, proté- 


— 924 — 


gée par les bienfaits de son libérateur, adoptée par ses pères 
nourriciers, est aujourd'hui heureuse épouse et tendre mère. «* 


Après le départ de l’Empereur pour Paris, le colunel Fernig fut 
attaché comme sous chef d'état-major au roi de Naples, et servit 
en la même qualité auprès du prince Eugène. Employé au 18° 
corps de la grande armée le 1°" janvier 4815, le roi de Bavière 
lui conféra, le 4 avril suivant, la grand'croix de l’ordre de Saint- 
Hubert. 


Au bruit de la cononnade de Lutzen, le vice-roi, qui venait de 
hattre l'ennemi à Leipsick, arrête immédiatement sa marche et 
donne l'ordre au colonel Fernig de faire porter le corps du ma- 
réchal Macdonald dans la direction du canon. 11 exécuta cette 
wission avec autant d'audace que de bonheur, et conduisit Ini- 
même les troupes sur les derrières de la réserve ennemie, qui fut 
forcée d'abandonner ses positions. 11 assista ensuite à la bataille 
de Bautzen, .et fut nommé général de brigade, pendant l'armistice, 
le 44 juin 4313. Le prince de Neüfchâtel et de Wagram s’expri 
mait ainsi en l'informant de cette nomination : « Mon cher Fernig, 
je vous annonce avec Île plus vif plaisir que l'Empereur, en ré- 
compense de vos bons et loyaux services, vient de vous nommer 
général de brigade. Je ne doute pas qu’à la tête de votre brigade 
vous ne prouviez à l'Empereur que son état-major fournit des offi- 
ciers de bataille supérieurs aux autres. » 11 reçut la mission dé- 
licate de poursuivre la colonne commandée par le colonel Lütsow, 
qui parcouraïit la Saxe en partisan. L'Empereur, pour faciliter 
cette opération plus diplomatique que militaire, lui délivre un 
blanc-seing qui l’autorisait au besoiu à requérir le nombre de 
troupes qu'il croirait nécessaire à l'exécution complète de ses 
ordres. Lütsow et ses 3,000 hommes furent forcés de repasser 
l'Elbe et d'évacuer le territoire saxon. Il reçut à cette occasion 
la croix de Saint-Henri, se rendit ensuite à Hambourg comme 
chef d'état-major et commandant supérieur, emplois qu’il -con- 
serva jusqu'au moment de l'évacuation de cette ville par l'armée 
Française. Louis XVIII le nomma chevalier de Saint-Louis le 24 
octobre 4814. 11 était en non-activité, lorsque, le 16 mars 1815, 
on l’attacha en qualité d'aide-major-général au corps du duc de 
Berri, qui commandait les troupes réunies sous Paris pour être 


— 395 — 


opposées à la marche de Napoléon sür la capitale. . L'Empereur, 
revenu aux Taileries le 20 mars, envoya le gérréral .Fernig dans la 
16° division militaire pour y organiser quatorze. bitaillons. de 
gardes nationales saldées. I At-la campagne de Waterlos à la 
tête d'une. brigade de ces troupes; et fut phéé, sous‘à Seconde 
Restauration, dans la: 44° des fameuses  eélégories du duc de 
Feltre.-  Lé 145 juillet 4846, il reçut la grand'croix de l’ordre du 
Lion de Holstein. : Le comte de Fernig resta oublié jusqu’au:.25 
jain 4823, époque à laquelie le gouvernement lui donna le:com- 
mandement d’une brigade du 5° corps de l’armée des Pyrénées. 
Le 3 septembre, le maréchal Lauriston lui avant ordonné'de re- 
fouler l’ennerni devant Pampelune , il exécuta ce mouvement avec 
promptitude et habileté, 8e mit: à la tête d’une compagüib. de 
grenadiers du 40° de ligne, et s’empara du fort del Principe et de 
la redoute de Z'Infante. Blessé, le 15, d'une balle au bras 
gauche, le général en chef le mentionna ‘honorablement dans les 
deux bulletins de ce siége. . Il signa , conjointement avec. le géné- 
ral Ricard, lacapitulation de Saint-Sébastien, et alla prendre part 
à taprisé de Lérida. Il obtint, le 3 novembre 1823, la croix de 
commandeur de la Légion: d'Honneur, et, le 28, la plaque de.4° 
classe de l'ordre de Saint-Ferdinand. Déjà; le6 du méme mois, 
le roi lui avait conféré les dis de SORÉRENE ” ja place et 
des forts de PArSIORe: Fe LE 


Prévenu, dans la nuit du 6 au 7 janvier 4824, qu'à la suite 
d’une violente tempête, un brick périssait en vue de Batcelonette, 
il sé rend aussitôt sur le port et prend immédiateinent toutes les 
dispositions convenables pour sauver l'équipage. ‘ Cépendant 
l'orage augmente ‘avec violence, et bientôt l'espoir qu on a formé 
va s'évanouir. L'offre des récompenses, la prière, la menace, ne 
peuvent rien sur des hommes que le danger intimide. Le gou- 
verneur, n’écoutant alors que la voix de l'humanité, s'élance dans 
une tréle embarcation, accompagné d'un aide-de-camp, d'un 
enseigne de vaisseau et de quelques marins, et parvient au milieu 
des plus grands périls, à sauver le capitaine Lavarello et les six 
hommes qui composaient l'équipage du brick sarde Za Conception. 
Le 14 décembre de cette même année, le prince de Salin lui donua 
la grand'croix de l'ordre de £tanislas. 


25 


— 396 — 


Après dix-huit mois d’une sage administration, le général 
Fernig déposa ses pouvoirs aux autorités du pays et rentra en 
France. Il mit à profit les années de paix dont jouissait l’Euro- 
pe, et conçut le. projet d'aller faire des explorations lointaines. 
De 1826 à 48928, il visita Constantinople et la Turquie, l'Egypte, 
la Nubie, l'Arabie Pétrée, la Mésopotamie, l'Arménie, la Min- 
grélie, là Géorgie, le Caucase, la Crimée, la Caramanie, les tles de 
l'Archipel, la Grèce, la Bulgarie, la Moldavie, la Valachie, la 
Transylvanie, la Hongrie, l'Autriche, et toute l'Allemagne. C’est 
pendant son séjour en Terre- Sainte, le 40 avril 1896 , qu'il fut 
reçu chevalier du Saint-Sépulcre, armé de l'épée et chaussé des 
“éperôns de Godefroy de Bouillon par l'évêque de Jérusalem, au 
pied même du tombeau du Rédempteur du monde. Le 20 no- 
vembre de cette année, il sauva, au péril de sa vie, une jeune fille 
tombée dans le Bosphore. En 1827, il eut encore le bonheur 
de sauver un Arabe qui se noyait daus le Nil, au-dessus de la 
troisième cataracte, dans le Dongolah. 


Dans le cours de ses longs et périlleux voyages ,le général Fer- 
nig a rédigé des notes consciencieuses et intéressantes sur la géo- 
graphie , la statistique , l’histoire naturelle , les antiquités , les 
mœurs et les habitudes des différents peuples qu'il a visités. Quel- 
ques-uns de ses précieux documents ont servi au colonel Lapie 
pour refondre et corriger la carte d'Egypte en 1828. 


Le 16 avril 1829 , il se rendit à Naples , chargé par le mninis- 
tère des affiires étrangères d’une mission particulière. Il était 
de retour à Paris à la fin de la même année. La révolution de 
Juillet 18350 trouva le général Fernig fidèle à ses principes. Placé 
comme disponihle , le 22 février 4851 , dans le cadre d’activité 
de l'état-major général , il a été nommé grand-officier de la Lé- 
gion d'Honueur le 8 mai 1835 , et mis à la retraite par ordon- 
uance royale du 414 juin suivant. Le général Fernig consacrait ses 
loisirs à Ja publication des intéressants matériaux qu'il a recueil- 
lis sur l'Orient et les autres parties du globe qu’il a explorées. Il a 
dessiné sur les lieux une immense collection de vues, de monu- 
ments et de costumes, qui ajouteront un puissant intérêt à ces do- 
cuments, SICARD. 


- 397 — 


Nota. — Le général comte Fernig, qui avait occupé dans la 
capitale les plus hauts grades de la franc-maçonnerie , fit aussi 
partie de la Société des Enfants du Nord à Paris, composée 
de toutes les célébrités scientifiques, littéraires, artistiques et 
militaires appartenant au département du Nord et réunies à Pa- 
ris. Cette patriotique association , fondée en 18925 , fut présidée 
par le maréchal Mortier , duc de Trevise , et par M. Martin ( du 
Nord) ,-garde-des-sceaux. À la mort prématurée de ce dernier, 
Ja Société nomma pour lui succéder M. le général Fernig , qui ne 
réunit qu’une ou deux fois , chez lui , les membres de l'Associa- 
tion. Dans l'été de 4847 , la première année de sa présidence , il 
fiten Egypte un voyage à la fois de plaisir et d’étude, car il pré- 
parait alors une publication sur l'Orient qu'il connaissait déjà, 
mais qu’il désirait parcourir une dernière fois encore avant de 
mettre la dernière main à son ouvrage. Il voulait aussi rendre 
une visite au temple et à l’hospice du Mont-Carmel, pour la 
restauration duquel il avait fait en France de grands et généreux 
efforts. Le général Fernig se trouvait le 24 août 1847 sur les bords 
du Nil quand il fut, pour ainsi dire, surpris par la mort qui le 
frappa au milieu de son voyage, lorsqu'il semblait que tout lui 
souriait dans sa patrie : honneur , gloire , fortune et bonheur. 


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SIÉGE DE DUNKERQUE, 
PAR LE DUC D'YORCK. 


(1793.) 


.Un événemént mémorable , qui fourhit aux Dunkérquois l'oc- 
casion de faire éclater leur bravoure et leur patriotisme , vint ap- 
porter quelque relâche à des scènes hideuses d'anarchie , à une 
tyrannie démocratique parée du nom de liberté. L'armée des puis- 
sances coalisées contre notre révolution avait entamé le centre de 
nos frontièrés de l'Est. Condé , Valenciennes étaient en son pou- 
voir, etsi, profitant de l'insuffisance des forces qui lui étaient 
opposées , elle eût franchi les dernières barrières et marché sur 
Paris , c'en était fait peut-être de la Convention et de la Républi- 
que. Mais cette prompte restauration n’eût pas rempli les vues am- 
bitieuses de l'Angleterre : Dunkerque , qu’elle regrettait d’avoir 
autrefois abandonné et qui , depuis , n'avait cessé d'être pour 
elle un objet de convoitise , pouvait devenir le prix des trésors 
qu’elle prodiguait pour soutenir la coalition. Elle acquérait ainsi 
une position importante sur le continent, ou , si l’Europe lui re- 
fusait ce dédommagement à ses efforts , elle sacrifiait de nouveau 
ce port , toujours fatal à son commerce , dès que la guerre sur- 
gissait entreles deux pays. C'était donc sur ce point qu’il fallait 


— 329 — 


porter l'attaque , et ce fut pour cette conquête intéressée que l’ar- 
mée ennemie , en divisant ses forces , resta dans l'impuissance de 
profiter de ses avantages. La France dut peut-être alors son sa— 
lut à Dunkerque , comme naguère la ruine de cette place lui avait 
donné trois fois la paix. 


Le projet de s'emparer de Dunkerque ne pouvait manquer 
d'être accueilli à Londres avec enthousiasme. C'était pour le peuple 
britannique une entreprise nationale qui devait venger l'honneur 
de la vieille Angleterre. Mais elle devait , en même temps , rani- 
mer l’ancienne animosité des Dunkerquois , tant de fois victimes 
de la politique perfide de leur éternelle ennemie. Aussi , tandis 
que, d’une part , on déployait un grand appareil de forces pour 
assurer le succès de l'attaque , de l’autre , on s'apprétait à une 
défense vigoureuse. 


# 


Plus de trente mille hommes, détachés de l’armée coalisée , fu- 
rent destinés, sous le commandement du duc d’Yorck , à cerner 
Hondschoote , Bergues et Dunkerque en même temps qu’une 
flotte , sous le pavillon de l’amiral Mackbridge, se réunissait dans 
la Tamise pour prendre part au siége de cette dernière place. Le 
duc d’'Yorck, qui avait partagé ses forces en deux corps , fit mar- 
cher l'un, composé de dix-huit bataillons d'infanterie hano- 
vrienne et de trente-huit escadrons de cavalerie , aux ordres du 
général Freytag , sur Poperingue et Rousbrugghe , et se dirigea 
avec l’autre , fort de vingt-huit bataillons et de dix-huit esca- 
drons , sur Furnes , dans le dessein d'y attendre la flotte pour 
combiner la double attaque , par terre etpar mer, contre Dun- 
kerque. Mais les circonstances ne devaient pas favoriser ces efforts 
simultanés : les forces navales tardèrent à se rallier , et cette len- 
teur , qui fit destituer l'amiral Mackbridge , sauva la ville et, sans 
doute causa la défaite de l’armée anglo-hanovrienne à la bataille 
décisive d’Hondschoote. 


Dunkerque , entouré d’un simple rempart de sable , avait été 
mis à l'abri d’un coup de main sur les points où une attaque était 
te plus à redouter. Dès l’année précédente , quelques travaux 


— 330 — 


avaient été commencés, et l'on avait suecessivement , du 
côté de l’est , élevé à une grande hauteur deux cavaliers destinés 
à eouvrir le feu des assiégeants ; construit un mur crénelé dans 
cette partie de l'enceinte pour ménager aux assiégés ‘les moyens 
de capituler; creusé des poternes pour aboutir à quelques ouvrages 
extérieurs; enfin, réparé ces ouvrages et rétabli le chemin couvert. 
La place était défendue par quatre vingts bouches à feu en bronze, 
disposées principalement , à l'est aussi, depuis l’estran jusqu'à 
l’embranchement des canaux de Furnes et des Moëres , et des 
batteries garuies de mortiers avaient été établies sur deux buttes à 
l'intérieur du rempart d'enceinte, non loin de l'extrémité des 
rues du Moulin et du Magasin à poudre. Pour couvrir le pays 
contre une invasion , on avait , pendant l'été de 1793, fait cam- 
ver au village de Ghyvelde un corps de troupes , d’abord aux or- 
dres du général Pascal , depuis à ceux du général Oméara , qui 
commandait aussi la place. Le camp était protégé par quelques ou- 
vrages de campagne qui facilitaient la retraite des troupes par le 
Rosendael , sur Dunkerque. A part ce corps d'observation, alors 
composé de trois mille cinq cents hommes , la ville n'avait pas 
mille hommes de garnison , dépôts de divers eorps , dont quatre 
cent vingt malades, et sa garde nationale forte d'environ deux 
mille hommes. La place était, d’ailleurs, dépourvue de muni- 
tions , de fourrages et presque de subsistances}, tant avait été im- 
prévue la diversion que l’armée coalisée opérait sur notre fror . 
tière maritime. 


Le 21 août , le général Freytag s'étant rendu maître d'Ocst- 
cappel, le due d’Yorck ,sur l'avis qu'il reçut d’un mouvement 
pour l'évacuation du camp de Ghyvelde , résolut de ne plus atten- 
dre la flotte , et fit avancer une partie de ses troupes aux ordres 
du général Alvinzi , dans le dessein d'empêcher la retraite des 
Français. Une escarmouche d’avant- poste eut lieu dans la matinée 
du 22, mais ce fut le soir seulement que l’action s’engagea. 


Déjà les Dunkerquois avaient pris des mesures pour soutenirle 
siége ; les hôpitaux avaient été préparés ; les pompes à feu dispo- 
sées en prévision d'incendie ; les abords de la place dégarnis des 


— 331 — 

arbres , des haies , des maisons qui pouvaient servir d’embusca- 
de ; des traverses de sable étaient élevées à l'extrémité des rues, 
aboutissant aux remparts , pour empêcher leur enfilade par le ca - 
non des assiégeants ; enfin , les nombreuses marchandises de 
toutes espèces qui se trouvaient dans la ville , et qui étaient éva- 
luées à plusieurs millions , avaient été dirigées sur St.-Omer et 
Calais. Dès que le bruit de l'artillerie annonça l’approche de l’en- 
nemi , le conseil de la commune s'établit en permanence, un con- 
seil de guerre fut créé par le général Oméara ; et , à huit heures 
du soir , la ville fut déclarée en état de siège. Vers minuit, on 
vit arriver de Ghyvelde lespremiers blessés , qui furent pansés à 
la porte de Nienport , où une ambnlance avait été installée. Mais 
bientôt on apprit que les troupes du camp , craignant sans doute 
d’être enveloppées par les Anglais , s'étaient repliées jusque sur 
les glacis de la place , et en demandaient l'entrée. Cette. nou- 
velle consterna la population , qui redoutait , presqn'à l’égal de 
l’armée anglaise , ce corps indiscipliné composé de gendarmes de 
nouvelle création , dont la mutinerie avait été plusieurs fois 
jusqu’à menacer de devancer l'ennemi dans le pillage de la ville. 
Néanmoins , ces craintes ne furent pas justifiées , et nos soldats , 
contenus dans Le devoir en présence du danger , prirent unepart 
glorieuse à la résistance de la place. 


Pendant que l'avant-garde du duc d'Yorck, ne rencontrant 
plus d'obstacle , prenait position entre Leffrinckhoucke et Tete- 
ghem , on battait la générale dans les rues de Dunkerque. La 
garde nationale accouraîit avec zèle à la défense de ses foyers, et 
bientôt , assemblée sur l’esplanade Ste.-Barbe , le maire la passait 
en revue , applaudissant au courage des uns, animant l'ardeur . 
des autres , et prescrivant à tous la discipline la plus sévère. Tous 
marchèrent avec enthousiasme , ay chant national de la Marseil - 
laise, vers le poste qui leur était assigné ; les uns, c'était les 
moins valides , à l’intérieur de la ville poury maintenir l'ordre ; 
le plus grand nombre vers les cavaliers et le rempart d’enceinte , 
et, près de leurs pièces , ce corps exercé de trois cents artilleurs 
citoyens , qui avaient choisi pour chef Laurent Philippe , l’un de 
leurs plus habiles pointeurs. 


— 332 — 


Peu d'instauts apprès , le duc d’'Yorek sommait la ville de sé 


rendre ; sa lettre au maire était ainsi conçue : - 


Y © 5 v y 1 Y 3 Y 4 5. 


SE 


a Du quartier général de l'armée combinée devant 
» Dunkerque , le 23 août 1793. 


» L'amour de l’humanité. qui caractérise la nation anglaise, 
me fait chercher toutes les occasions de diminuer les fléaux de 
la guerre ; cette puissante considération , l’insuftisance des 
moyens que vous avez pour résister à l’armée formidable que 
je commande, qui entraînerait, si vous aviez la folle pré- 
tention de vous y livrer, l’anéantissement de votre ville et 
la destruction du peuple nombreux qui l'habite, m'engage à 
vous sommer de vous soumettre aux armes victorieuses de S. 
M. Britannique , et de recevoir une eapitulation , qui, en vous 
faisant profiter des avantages et des douceurs que le gouverne- 
ment de la Grande-Bretagne offre à tous les peuples qui vivent 
sous ses lois, raménera le bonheur et l'abondance dans une. 
ville autrefois florissante , mais qui gémit maintenant sous le . 
poids des calamités qui l’accablent. 


» Je dois vous prévenir en même temps que, si vous étiez 
assez aveuglés pour vous refuser à une proposition que me dicte 
le seul désir d’épargner le sang humain, si vous écoutez , au 
contraire , les conseils funestes de ceux qui cherchent à vous 
égarer , et qui sacrifieraient l’existence de votre ville à leur in- 
térêt particulier , je n’emploierai plus alors que la force irré- 
sistible des armes , et à la douceur qui me guide dans ce mo- 
ment succèdera l’extrême rigueur de la guerre , dont Valen- 
ciemmes a ressenti les effets , et qui pourrait être encore plus 
terrible pour la ville de Dunkerque, dénuée de défense. 


» Je vous accorderai un délai de vingt-quatre beures pour re- 
cevoir votre réponse. - 


» FRÉDÉRIC, duc d’Yorck, 


» Commandant l’armée combinée devant Dunkerque. » 


2000 


Le commandant de la place reçut une sommation dans le même 
sens , à laquelle il fit cette réponse , concertée avec le conseil de 
guerre : | 


« Investi de la confiance de la République française , j'ai reçu 
» votre sommation de rendre une ville importante. J’y répondrai 
» en VOUS assurant que je saurai la défendre avec les braves ré- 
» publicains que j'ai l'honneur de commander. 


» OMÉARA. » 


Le conseil communal , animé des mêmes sentiments, jugea ne 
devoir rien ajouter à cette réponse , et, bravant les. menaces du 
duc d’York , poursuivit avec ardeur les préparatifs de la défense, 
aux applaudissements de la population , qui , de toute part, ex- 
primait le vœu d'une résistance opiniâtre. L’exaspération était telle 
même que la populace , toujours cruelle dans sa haîne , voulut 
massacrer les prisonniers que l’on amenait dans la place. Plusieurs 
ne durent leur salut qu’à l’énergique intervention tantôt du pro- 
cureur de la commune , tantôt du conseiller municipal Mazuel. 
Ce dernier , en reparaissant au conseil , après une de ces scènes 
déplorables où sa voix avait été long-temps méconnue , démontra 
la nécessité pour tous de conserver partout en public les insignes 
de leurs fonctions, et , s'entourant de son écharpe , il jura de ne 
s'en séparer qu'après la levée du siége. Ses collègues l’imitèrent 
aussitôt, et, de plus, on réclama du conseil de guerre un arrété 
condamnant à mort quiconque attenterait à la vie des prisonniers. 


Cependant , le duc d’Yorck formait son cordon d'investisse- 
ment qui bientôt ne fut distant que d'environ cinq cents toises deg 
ouvrages avancés de la place, et s’étendit depuis les dunes , dans 
le Rosendael , jusqu’au canal de Furnes , et de là jusqu’à celui 
des Moëres , au-dessous du pont de Steendam. Son quartier-gé- 
néral, ses approvisionnements , son parc d'artillerie, se trouvaient 
au-delà de cette ligne jusqu’à la hauteur du sas de Leffrinck- 
houcke ; ses poudres étaient sur l’arrière jusqu'à Zuydcoote. Les 
assiégés , craignant que l’ennemi ne s’avançât aussi du côté de la 
Basse-Ville , en passant entre le fort Louis etle canal des Moëres , 


— 334 — 


prirent le parti d'introduire les eaux de la mer dans le pays. 
Cette mesure , que la sûreté de Bergues réclamait également , fut 
exécutée dans la nuit du 23 au 24, par l'écluse de l’arrière-port, 
où les eaux , secondées par une forte marée , furent introduites à 
pleines voies. En moins de deux heures , elles montèrent de six à 
sept pieds au- dessus du niveau qu’elles avaient auparavant dans 
le canal de Bergues , et, par des coupures faites dans les digues 
des canaux , elles s’étendirent entre le fort Louis et le pont de 
Steendam , en avant du canal des Moëres , et à la gauche de celui 
de Furnes , de manière à rendre les approches impossibles. On 
tenta aussi d’inonder le Rosendael par le canal de Furnes, mais 
l'élévation du sol y rendit cette tentative à peu prés vaine. Un dé- 
tachement de trois cents gendarmes , avec deux pièces de cam- 
pagne , fut établi au pont de Petite-Synthe , sur le canal de Bour- 
bourg , afin d’empécher les postes ennemis de tourner Bergues 
par la Colme , et d'inquiéter les convois qui seraient dirigés sur 
la place par la route de Gravelines. 


La tranchée fut ouverte le 24 août, et les premières batteries 
élevées par l'ennemi canonnèrent la place, où ses boulets vinrent 
tomber jusque sur le port. Un détachement anglais, aux ordres 
du général d’Alton, occupait le hameau du Rosendaël, d'où son 
feu nuisant aux assiégés, ceux-ci résolurent de le débusquer de 
cette position. La sortie d'une partie de la garnison fat en con- 
séquence ordonnée, sous le commandement du chef de brigade 
Lanoue. Jaloux de saisir aussi l'occasion de se signaler, plu- 
sieurs grenadiers de la garde nationale accourureut au conseil, 
sollicitant, au nom des neuf compagnies de cette arme, la faveur 
de s'associer à la gloire de nostroupes. (Cet élan courageux fut 
accueilli, et les braves citoyens dunkerquais, ayant à leur tête 
Maurin, commandant en second du 9° bataillon, prireut part à 
l'expédition. Tandis qu’un feu nourri des remparts protégeait 
cette sortie, et que l'artilleur Laurent Philippe se distinguait en 
démontant une batterie ennemie, la colonne française attaqua 
vivement les Anglais, et deux fois le hameau fut pris et repris, 
mais des renforts arrivant successivement pour en disputer la pos- 
session à nos troupes, celles-ci furent contraintes d'abandonner la 


— 335 — 


partie haute, exposée au canon de l'ennemi, et de ne conserver 
que la partie basse, défendue par l'artillerie. de la place. Dans 
cette action. qui dura depuis neuf heures du matin jusqu'à la 
nuit, les Anglais eurent cinquante à soixante hommes hors de 
combat, etle général d’Alton fut blessé mortellement. La perte 
des Français fut à peu près égale ; la garde nationale compta deux 
morts et plusieurs blessés. 


Une canonnade animée continua toute la journée du lendemain. 
La nuit y avait fait trève depuis plusieurs heures, lorsque la po- 
pulation entendit tout-à-coup gronder de nouveau l'artillerie du 
rempart et battre le tambour d'alarme. Soupçonnant quelque 
surprise de la part des assiégeants, et craignant qu’ils ne se fussent 
introduits dans la place, chacun, pour éclairer la lutte, si elle se 
poursuivait jusque dans les rues, plaça spontanément des flam- 
beaux aux croisées de sa maison, et, en quelques instants, la ville 
se trouva illuminée comme aux jours de réjouissance. Les Anglais 
avaient effectivement tenté de surprendre les assiégés en se glissant 
à la faveur de l'obscurité, jusqu'au chemin couvert qu'ils cher- 
chaient à gravir, lorsque les factionnaires , qui les entendirent, 
firent feu et donnèrent l'éveil. Quelques décharges d'artillerie et 
de mousqueterie, des grenades et autres pièces d’artifices, lancées 
des remparts, obligèrent promptement les Anglais à la retraite et 
firent échouer leur ruse. Le duc d'Yorck perdit ainsi l'espoir 
qu'on lui attribua de s'emparer de Dunkerque le jour de Saint- 
Louis, comme pour solenniser, par cette conquête, une fète jadis 
chère à la France. 


Les jours suivants furent encore marqués par un feu continuel 
des deux parts, et par de nouvelles sorties des assiégés qui ralen- 
tissaient les travaux du siége, sans cependant en empêcher les 
progrès. La position de la place devenait des plus critiques ; 
vainement elle attendait les secours promis par les représentants 
du peuple près l'armée du Nord; elle avait reçu les munitions, 
les vivres, les fourrages des localités voisines; Calais et St.-Omer 
y avaient dirigé leur faible garnison; après l’envahissement 
d'Hondschoote, la garde nationale de cette ville, conduite par 


— 336 — 


M. Herrewyn, son colonel, était arrivée à Dunkerque , tambour em 
tête, enseigne déployée, et avait été atcueillie avec acclamation ; 

mais ces secours étaient impuissants contre les forces considérables. 
du duc d'Yorck. Le conseil communal, oubliant, dans son impa— 
tience, cette immense supériorité, et ne voyant adopter par le 
conseil de guerre ducune mesure décisive pour faire lever le siége, 

accusa le général Oméara, sinon de trahison, du moins de faiblesse 
ou d’incurie, et députa secrètement deux de ses membres vers le 

général Houchard et le cowité de salut public, pour leur exposer 

la gravité de la position. La disgrâce du général Oméara ne se 

fit pas attendre. Obligé de se retirer à vingt lieues de la frontière, 

il fut remplacé dans le commandement de la place par le général 

Souham, dont le premier soin fut de resserrer les liens de la dis- 

cipline parmi les troupes de la garnison, mais qui ne parvint non 
plus ni à faire reculer l’armée anglaise, ni à empêcher ses prépa- 

ratifs Disgrâcié à son tour, et remplacé par le général Ferraud, 

ilse justifia cependant et reprit ses fonctions qu’il conserva jus- 
qu’à la fin du siége. 


La ville avait jusque-là peu souffert du canon des assiégeants, 
leurs boulets n’arrivaient guère au-dela des remparts ou des habi- 
tations qui y font face, mais tout présageait une attaque prochaine, 
et l’on redoutait à la fois l’assaut et le bombardement. Dans 
cette dernière prévision, ont fit transporter à Gravelines les archi- 
ves du tribunal du district et celles du greffe du Groel ; on pré- 
para à la marine les caves du magasin-général pour l'installation 
des bureaux des administrations civiles et militaires. La question 
du dépavement des rues trouva les opinions partagées ; ou pré- 
tendit que la plupart des bombes se briseraient dans leur chôûte sur 
un corps dur, et causeraient moins de dommage que sur le sable 
où elles auraient le temns d'éclater ; mais cet avis ne prévalut pas; 
la place Royale et les rues à l’est de la ville furent dépavées. L'en- 
nemi n’adopta cependant aucune mesure énergique et se borna à 
continuer ses travaux de siége, tant était grande son ignorance de 
la véritable situation de la place, 11 la jugeait tellement défendue 
par une garnison nombreuse et abondamment pourvue de muni- 
tions et d’approvisionnements que, s’il faut ajouter foi à une anec- 
dote qui trouva croyance alors, il fit pendre à un arbre un mal- 


— 337 — 


heureux paysan, dont il accusait de mensonge le récit trop véri- 
dique sur la faiblesse numérique et le dénüment des assiégés. 


Le temps qu'il perdit ainsi à fortifier ses lignes d'attaque lui 
devint funeste.  J1 laissa le général Itouchard rassembler son 
armée, qui, grossie par les troupes du camp de là Madeleine, 
‘forma an ensemble de quarante mille hommes, dont le centre se 
trouvait à Cassel, la droite vers Steenvoorde, et la gauche au-delà 
de Cassel, vers la Peene. (Carnot s’était rendu lui-même au 
quartier-général, porteur des ordres du gouvernement pour agir 
contre les forces coalisées et dégager Dunkerque et Bergues. 
L'armée française se mit en marche le 6 septembre, et dirigea son 
attaque contre le corps d'observation du général Freytag dans le 
bat de le tourner et de resserrer le duc d’'Yorck entre Dunkerque 
ctla mer. Duraut trois jours de mouvements et de combats 
meurtriers, «ui aboutirent à l’un des beaux succès de nos armes, 
‘Ta garnison de Dunkerque, que des renforts avaient alors portée 
à près de dix mille hommes, seconda vigoureusement l’action 
principale par des sorties continuelles qui inquiétèrent les assié- 
geants et les empéchèrent de secourir le point attaqué par le gé- 
néral Houchard. Pendant ces sorties, qui s’opéraient sur plu- 
sieurs colonnes par les portes de Furnes, de Nieuport et de 
l’Estran, et qu'appuyait le feu des remparts, nos troupes combat- 
tirent vaillamment; les lignes des assiégeants furent plusieurs fois 
entamées, et, dans une de ces luttes partielles, sanglantes surtout 
dans le Rosendael, où l’ennemi fut débusqué de plusieurs maisons 
que les Français incendièrent ensuite, treize de nos grenadiers 
attaquèrent un poste de vingt-quatre hommes, en tuërent dix-sept 
et firent le reste prisonnier, Ce fut là aussi, dans un combat où 
le régiment anglais Jordis eut plus de trois cents hommes tués et 
blessés, que le jeune Hoche; alors adjudant-général fit des prodi- 
ges de valeur et mérita, de la part des commissaires conventionnels, 
le grade de général de brigade. 


= Le duc d'Yorck, pressentant sans doute, d'après les avis du 
général Freytag, l'issue de la lutte engagée, et le péril où se 
trouverait son corps d’armée s'il ne parvenait à se rendre mattre 


— 338 — 


de Dunkerque, résolut enfin utie entreprise sérieuse ‘contre cette 
place. Vers midi de la journée du 8 septembre, il fitcommencer ane 
canonnade sur toute la ligne, et principalement par trois batteries 
élevées entre le Rosendael et la mer. Pendant qu’une partie de 
son infanterie, bordant la crête des dunes, faisait un feu soutenu 
sur les assiégés, un corps considérable de sa cavalerie , côtoyant 
la plage, chercha à s’avancer vers le chenal, probablement dans le 
but de pénétrer par la porte de l'Estran, où l’on supposait la ville 
moins fortifiée. Mais huit canonnières, aux ordres du capitaine 
Castagnet, qui, bien avant le siége, stationnaient en rade pour en 
défendre l'approche ,: s'étant embossées près de terre , vers les 
gorges des dunes, les premières décharges de ces batteries flot- 
tantes, foudroyant la cavalerie anglaise par le travers, la firent 
reculer précipitamment et renoncer à son dessein. En, même 
temps, le feu redoublé des assiégés et leurs sorties simultanées sur 
tous les points, contribuërent à faire échouer une tentative que 
l'ennemi exécuta cependant avec vigueur. Les pertes de part et 
d'autre furent encore considérables ; on évalue celles des assié- 
geants, pendant les trois dernières journées, à plus de huit cents 
hommes, parmi lesquels se trouva le colonel du génie Moncrif, 
qui dirigeait les travaux dn siége. Celle des Français fut moindre ; 
néanmoins les deux hôpitaux de la ville, l'hospice du couvent des 
Pénitentes et la vaste église Saint-Eloi, que l'on avait installée en 
conséquence, suffirent à peine à recevoir leurs nombreux bles- 
ses. , 


Pendant cette attaque infructueuse contre Dunkerque, les Fran- 
çais triomphaieut à Houdschoote, Le général Houchard, après 
les combats les plus acharnés, avait repris cette place, et , s'il eût 
poursuivi les vaincus qui fuyaient en désordre, tout.porte à croire 
que l’armée du duc d’Yorck eût tombé en sa puissance ; mais, 
plus brave qu'habile, it ne sut pas profiter de la victoire, et paya 
de sa tête une faute que, néanmoins, l’histoire n’attribuera ni à la 
pusillanimité, ni à la trahison. Ne pouvant prévoir que cette 
faute sersit commise , Le duc d’Yorck, craignant avec raison de se 
trouver cerné, assembla en hâte son conseil, et le danger fut jugé: 
si imminent, que la résolution de lever le siège fut prise à l'unani- 
mité. L'ennemi, abandonnant son artillerie et ses munitions, 


— 339 — 


opéra, vers minuit, sa retraite précipitée. Son atle droite, aux 
ordres du général Alvinci, suivit le canal de Furnes ; l’atle gauche, 
commandée par le général Biela, marcha par Leffrinckhoucke, et 
le général Warneck conduisit l’arrière-garde. L'armée entière 
prit position, le 9, à dix heures du matin, dans le camp de Fur- 
nes, qu’elle avait déjà occupé. 


Ce fut seulement aux premiers rayons du jour que les Dunker- 
quois connurent leur délivrance inespérée. Ils apprirent à la fois 
la levée du siége et l’arrivée, pendant la nuit, d’un million en nu- 
méraire que la Convention consacrait à en réparer les désastres. 
leureuse d'échapper au péril qui la menaçait, la population se 
porta en foule aux lieux où se livrèrent les combats des jours 
précédents, et partout les cadavres qui jonchaient la terre attes- 
taient les pertes nombreuses de l’armée fugitive. On put juger 
alors combien étaient formidables les travaux exécutés par le duc 
d’Yorck devant une ville à peine fortifiée, et que, dès l’abord, il 
lui eût été facile, sans doute , d'enlever de vive force. Au milieu 
des dunes s’élevaient les trois batteries qui, la veille, avaient servi 
à l'attaque principale. Elles étaient à barbette, construites soli - 
dement en fascinages et gabions, et se trouvaient protégées par 
une autre grande batterie placée sur un large plateau à quelque 
distance en arrière. Les batteries d'attaque étaient liées entre 
elles par une chaussée de quatre à cinq pieds de hauteur, bordée 
d’un fossé large de six pieds, et s'étendant en zig-zag dans le 
Rosendael jusqu'au canal de Furnes, que des batteries placées 
sur les digues enfilaient dans sa longueur. La chaussée se pro- 
longeant ensuite à gauche de ce canal, servait de liaison à cinq 
redoutes à flancs, distantes entre elles d'environ cent toises, et 
dont la dernièrese trouvait voisine du canal des Moëres, au-dessus 
du pont de Steendam. Les habitants aidèrent avec une telle ar- 
deur à la destruction de tous ces ouvrages, que bientôt il n’en 
resta plus detraces. Dans la crainte même que le duc d’Yorck, 
remis de sa panique, ne revint investir la ville, on s’occupa immé- 
diatement d'opposer un cbstacle à son approche, en relevant l'an- 
cien camp du Rosendael, détruit en 1743, et dont une partie des 
massifs subsistait encore. Ce travail fut poursuivi jusqu'en 1796, 


— 340 — 


mais en se ralentissant à mesure que .le danser devensit moins 
imminent. 


La Convention décréta que Dunkerque avait bien mérité de la 
patrie, pendant ce siège mémorable où, devant une place presque 
sans moyens de défense, des forces imposantes avaient été tenues 
dix-sept jours en échec. Chacun y avait payé son tribut de zèle 
et de dévouement : jour et nuit le conseil communal était resté en 
permanence, étendant à tout sa vigilante sollicitade ; sans cessé la 
garde hationale avait été sur les remparts, ou s'était adjointe aux 
sorties de la garnison; les femmes même avaient fait preuve de 
courage en même temps que d'humanité, en demeurant la plupart 
daas la ville, nonobstant la faculté qu'elles earent d'en sortir, - 
en prodiguant leurs soins aux blessés dans les hôpitaux ; “enfin, 
population entière avait, dans cette occasion glorieuse, justifié 8 son 
anique réputation de bravoure et de patriotisme. 


À. DASENBERGH. 


rs 0 re T ü RE dé Re L à ve L Lt AT ee RER Ce TE, SN S S miruu. 1 LS 
os : 


ECEECERERERELE PEER 


| "& Ÿ LUS PONS 


: BANNIÈRES or 


des. villes, des corps de métiers et Des-ronfriries des 
archets, des arbalétriets et des arduébnsters 


DANS LE NORD DE LA FRANCE:, AUX ii ET LAS  SHÈCLES. 


L : . e ve é , « AIT A 
fu Va . à. . La Same Lis LU AE il LUE ue 


“ Û 


. Chan sait le rôle important que jouaient ,. .aumorén-d, les 
bannières (4), alors que, précédées par elles, les compagnies 
d'archers, d’arbalétriers, d’arquebusiers, ainsi que les corps de 
métiers, apparaissaient aux processions, aux entrées des rois, des 
gouverneurs. 

. Aux premières années de la guerre civile excitée par les fac-. 
tions des Armagnacs et des Bourguignons, MM, de Sorel, . Brifaut 
de Sorel et de Chin s'étant rendus à Péronne, afin d’aviser aux 
moyens de la défendre, lesofficiers municipaux décidaient le 48 
août 4411, que bannières aux plaines armes du roy, seroient mië 
as or (2). . _—_—— 


re « D, 65 e 
Aire t Let 


(1) Voyez le chap. bannières , pp. 41-49 de notre cité picarde. — 
Un inventaire de la cathédrale de Noyos (1639) mentionne trois grandes 
bannières neufves de taffetas par bandes rouge , jaune et bleu , avec 
les bastons qui se portent aux processions des Rogations. 


(2) Arch, de Péronne : fol. 78 r°. — Par nos églises , dit Louis 
Guyon { Les diverses leçons, p. 934 , t. 1), on voit des enseignes de 
Capitaines , qui ont pillez les biens des vefves et orphelins. 


24 


— 349 — 


Lorsqu’après la mort de Charles-le.Téméraire Louis XI prit 
possession de la ville d'Arras, Jacquin Polet, peintre , paintura 
sur sept bannières, les six de taffetas et l’autre de bougran, les 
armes du roi, de bon or fin. 


Ces bannières, aussi bien que quatre tableaux ornés des armes 
de France , furent appendues aux portes (1). 


: À Béthune, c'était Jehan de Marques qui avait peint les ban+ 
niéres placées aux portes et à la maison de l’échevinage, ainsi 
que le pennon des compaignons de guerre qui allèrent au- devant 
du monarque. 


En 4521, Jehan Dupont, drapier, demandait xvi 1. 1vs. 
pour une bannière à picquenaiche de thoille ghane (2), ayant, à 
chaque lez, croix sainct Andrieux , à forme d’estocq , bien large 
de drap rouge , de dras de Paris. 


En 1544, il fallait douze aunes de taftaf rouge, jaulne et 
hlancq (sans ycomprendre celui que le gouverneur de la ville 
avaît-donné) pour l’enseigae de gens de pied, destinée aux jones 
fits et compaignons à marier. Trois quarts de bougran jugés né 


, vessaires, coûtérent 44 s. , la façon xxxr 8. (3). 


Les villes cuntribuaient aussi aux dépenses qu'occasionnait la 
confection de l’étendard des archers. Contentons-nous de dire ici 
que Béthune allouait, en 1498, vr L. aux confrères monseignéur 
St.-Sébastien, pour les aider à supporter le despence à avoir fait 
faire ung nouvel estendart de dras de Damas, pour porter aux 
joveuses nouvelles que l'on espoire avoir à le rendicion du pays 
d'Artois à nostre très redoupté seigneur et prince mons l'Archiduc. 


Cette même ville contribuait grandement aussi (1506), aux 


(*) Arch. d'Arras ; —Voy. notre Beffroi de Péronne , p. 11. 


(2) 1583. Une aulne de sarge d’ascot blanche pour faire une. ban- 
nière. | 


t5) Arch. de Béthune , fol. xvin r”: 


— 343 — 


énorines dépenses qu'avait causées aux arquebusiers la confection 
de leur grand étendard et de leur guidon, puisqu'elle allôuait 
Hits. à Germain , tisterant, pour sept aunes de bougran pers; 
payait les xxvr aunes de frinches de diverses couleurs, nécessaires 
à leur ornement, ainsi que les deux esthuis de fldron à lrendre 
(sic) leëdicts estandart, guidon et frinches. Elle faisait aussi 
compter x s. au cousturier Nicolas Pagnier, alors même que, 
par son ordre , l’habile Michiel le Thieulier (4) recevait Lxrrr 5. 
pour avoir paint à l’olle ledict estandart, qui est grant, et y fait, 
à chascun les, une saincte Barbe, les armes de monseigneur 
V'archidacq , mons. le gouverneur et de la ville; une grosse 
bombarde des haquebutiers en crois saint Andrieu , aucune es- 
cripture , et Le tout averonné de fuzis, brandons de feu, ainsy 
qu'il est contenu en leurs chartres (2). 


_ Ces objets, si hautement appréciés, n’excitaient plus que le 
mépris des confrères en 4519, puisque, par leur requête, ils re- 
montraient aux échevins que ceux de Lille, d’Arras, de St.- 
Omer ont couronne, collier et estendart, tant d’argent comme 
desoye, tandis qu'eux ilz onthonte montrer leur couronne, collier 
etestendard, lorsque les confrères du dehors viennent à Béthune 
la couronne estant bien simple et de petitte valeur, le coller an- 
coires moindre, et sy n’y a pasde caisne d'argent à le porter, 
comme font ceulx des archiers et arbalestriers de le ville ; l’estan- 
dart n’est que de bougran, viez, despaint et casi tout deschiré. 


Touchée de leur supplique , et eu égard à l'engagement qu’ils 
prenaient de dépenser cent écus pour l’acquisition d'une couronne, 


(1) Au sujet de ce peintre , voy. nos artistes , pp. 92, 102, 106, 
107, 409, 137. | 


(2) Arch. de Béthune , fol. vrxxxvm vo. — Dans les premières an- 
pées du xv{® siècle , le fameux peintre italien André del Sarte peignit 
pour la confrérie de St.-Jacques la figure de ce saint, destinée à la ba- 
nière. (Rio; forme de l'art, p. 424 bis.) Elle se trouve à la galerie de 
Florence. — De son côté, Ferino del Vega fit souvent des pennons, des 
bannières, des pentes de baldaquins , des SPHDTeN OR, des portières. 
(Vasari. ) 


— 344 — 


d'un coilier et d'un étendard de Damas , la ville leur accordait 
XLVHI À. (4) 


A Péronne (1526), nous voyons les. magistrats municipaux, 
toujours généreux , octroyer 11 À. aux archiers de Ste.-Chris- 
tine pour vu étendard où ils placeront les armes de la cité (2). 


Deux ans après, ils sollicitaient de nouveau quelque somme de 
deniers pour les aydier à payer une ymage et estendart. 


Fortement obérés, les échevins se contentaient de répondre : 
que, pour le présent, ne leur seroit donné aucune chose , attendu 
que la ville est à l’arrier d'argent ; mais, quant aux xx 8. qu'ils 
ont accoustumé d'avoir, ordonné est qui seront entretenus esdicts 
XX 9. (3) 


Lors de l’entrée du duc de Vendôme à Péronne, les confrères 
. de St.-Sébastien firent confectionner ung estandart de la livrée du 
prince qui, étant moult riche, leur coûta de xxv à xxvi |. 


Sur celui des eonfrères de St.-Géorges, de taffetas rouge, ou 
remarquait les armes du roi et de la ville (4). 


Les vorps de métiers qui d‘siraient p'acer sur leurs bannières 
les armes du roi et de la cité, devaient en obtenir la permission 
de l'autorité municipale. 


(1) Arch. de Béthune, fol. vini** vi ro. 
(2) Id. de Péronne, fol, 302 rd. 


3) Ibid , fol. 347 vo. —1552. Les enseignes des hauls allemans.— 
On parle des Anglais sauvaiges.— Chez les Romains, le nom de l'em- 
pereur était gravé sur les boucliers, les hastes, les enseignes. — Les 
divers corps de profession, nommés collegia, avaient leur bannière, 
vezillum. Pollion en parle dans la vie de Gaillien {c. 8). 

(4) 1350-60. À M. J. de Péronne, peintre , cvin 3. vi d. pour le 
fachon de le bannière de sauvire , et livrer l'or et les fringes et pour 
lo fachon de 11 banières de toille pour le maison de le pais, et pour 
XVI Punquerichiens (Arch. de St.-Quentin, comm. par M. de Chau- 
veRot., 


+ 


de 


Cette permission , les poissonniers de sorbantescluze, con- 
frères de St.- Pierre, la sollicitaient, en 1520, puisque les re- 
gistres nous font connaître qu’on leur accorda la faculté d'y em- 
praindre (1) les armes du roi et de Péronne (2). 


Dans les villes du Nord de la France, à Béthune, par exem— 
ple, quelques marchands devaient apposer à leurs fenêtres cer- 
taines baunières. 


Que tous ceulx marchans et marchandes de sel (3) disent les 
bans , soient tenuz de mettre à vendre le sel qu'il ne sera de le 
fachon de Breviller, une vermeille banière escripte de grosse 
lettre, le pris que on le vendra, aveuc le monstre dudict sel, 
et pareillement au grenier où sera ledict sel. 


DE LA FONS-MELICOCQ. 


Douvrin , le 17 janvier 1851. 


(1 1531. Bastien Defflagues reçoit Lx s. pour une enseigne estant à 


St.-Fursy (Arch. de Péronne , fol. 59 vo.) 
(2) Ibid., fol. 108 ro. 


(3) 4463. Péronne ne paie pas de gabelle, parce qu’elle est mar- 
chande du sel qu’elle baille aux habitants au prix de xu s. le minot. — 
1480. Oudart Souaire demande à ne plus être chargé de recueillir les 
deniers venans de la recepte du grenier à sel, pour ce qu'il est mar- 
chand publicque, et aussi qu'il ne scait bonnement escrire (fol. 265 re.) 
— 1467. Louis X] retire au sire de Croy les terres de Vassy et de St - 
Dizier , dont il lui avait fait don en 1464, pour en gratifier le marquis 
de Pont, fils du duc de Calabre, Comme dédommagement, Croy re- 
çoit 600 1. de rente et la jouissance des greniers à sel de Château-Por- 
cien , de Cormicy et de Noyon. {Mlle. de Lussan, histoire dc Louis XE, 
tu, pp. 422-253.) 


6e 
LR NW 


À MM. VAN-HASSELT , ET ABOLPHE MATHIEE , POÈTES BELGES. 


BRUGES. 


« Cette ville brillaïit d'une telle splendenr’ 
que, pendant le XVe siècle, OEneas Sylvius 
n la mettait parmi les trois plus belles du 
» monde. n 

Alfred Michiels (Histoire de la 


peinture flamavde). 


Salut, Bruge, 
Doux refuge, 
Où des siècles d'autrefois 
La peinture, 
La sculpture 
M'apparaissent à la fois ! 
Ville encor toute espagnole, 
Mon caprice , mon idole, 
Dans tes vieux murs le temps vole, 
Çomme l'oiseau dans les bois (1). 


Se 


— J4Y — 


Là, l'ogive 
Svelte et vive, 
Et les trèfles des balcons 
Se dessinent 
Et lutinent 
Sur de gothiques maisons ; 
Des halles la tour s’élance 
Dans les airs!... faisons silence... 
Un joyeux concert commence : 
C’est la voix des carillons. 


% 


- Damoiselles 

Chastes, belles, 
Pages au si doux parler, 

Sur les dalles 

De ces salles 
On croirait vous voir errer ; 
Chärles-Quint vers moi s’avance, 
Révant aux lys de la France, 
Çue son aigle, en sa vengeance, 
Voudrait pouvoir dévorer! (2). 


% 


Ces antiques 

Basiliques , 
Véritables diamants, 

Dont la pierre 

Statuaire 
Offre à l'œil mille ornements : 
Leur orgue, à la voix puissante, 
Comme un torrent menaçsnte, 
Comme un soupir caressante, 
Ont charmé, ravi mes sens!... 


X 


— 348 — 


Vrai poète, 

Interprète 
Des légendes de la Foi, 

Créature | 

Noble et pure, | 
Artiste plus grand qu’un Roi, 
Van-Eyck, auü pinceau sublime : 
Dans le transport qui m’anime 
Des cieux je gravis la cime 
Pour m'ncliner devant toi! (3). 


M 


D'un mystère 
Qu’'à la terre 
Dieu jusqü’alors dérobait, 
Perçant l'ombre 
Froide et sombre | 
Van-Eyck ravit le secret ; 
O miracle du génie, 
L'huile à la couleur unie 
Donna la force et la vie 


$ 


Aux chefs-d'œnuvre qu'iltraçait!... (4). 


Xe 


Humble hospice , 
Lieu propice 
Au talent, vaincu du sort, 
Ta chapelle 
Nous révèle 
Un admirable trésor !.., 
Pour le fini, pour la grâce, 
Maitre Hemling, non, rien n'efface 
De Sainte Ursule la châsse... 
Elle vaut son pesant d'orl!... (5). 


%€ 


— 349 — 


Quand l'étoile 

Luit, se voile, 
Ou quand brille le soleil ; 

Quand l'orage 

D'un nuage 
Couvre l'horizon vermeil, 
Comme à Venise, à Séville 
Ton aspect, coquette ville, 
Te distinguant entre mille, 
Pour moi n’a point son pareil ! 


Adieu Bruge, 
Doux refuge, 
Où, des siècles d'autrefois, 
La peinture, 
La sculpture 
M'apparaissent à la fois ; 
Ville encor toute espagnole ; 
Mon caprice, mon idole, 
Dans tes vieux murs le temps vole , 
Comme l'oiseau dans les bois! 


P. HÉDOUIN (de Boulogne), 
membre de la Société aca- 
démique des Enfants d’A- 
pollon, et de celle de Sainte- 
Cécile de Paris. 


— 350 — 
NOTES. 


(4) De toutes les villes de Belgique, Bruges est celle qui a le plus 
çonservé la physionomie du moyen-âge, des premières années de la 
renaissance, et de l’accupation espagnole. J'y ai passé en 1844 dix 
jours dens un ravissement continuel. et c’est dans la nuit précédant mon 
départ, au son des carillons de la tour des Halles, que j'ai fait ces vers. 


(2) La salle du Franc, maintenant le Palais de Justice, renferme 
une immense cheminée en bois et marbre, ehef-d'œuvre de sculpture. 
Elle est ornée des statues de Charles-Quint, Maximilien et Marie de 
Bourgogne, entourés des personnages les plus célèbres de leur cour. 
— On a fait le moulage en plâtre de cette cheminée pour la France, et 
ce moulage est monté dans une salle du rez-de-chaussée du Louvre. 
— Je m'étonne qu’on n’ait point employé nos jeunes sculpteurs, qui, 
la plupart du temps, sontprivés de travaux, à reproduire ce monument 
si remarquable! C’eût été à la fois une bonue aetion et un moyen de 
eonserver cette cheminée qui, dans l’état où on l’a reproduite, ne dure- 
ra pas. Je suis persuadé qu’en triplant.le prix de ce qu’on a dépensé 
pour ce moulage, on eût eu du bois et du marbre. Lorsqu'il s’agit 
d'art, depuis quelques années surtout, nous faisons de bien tristes éco- 
nomies ! ! 


(3) Van-Eyck, peintre admirable, né à Bruges. dont le musée possè- 
de plusieurs de ses ouvrages. Son chef-d'œuvre, le tableau de 
J'Agneau, est dans l’église de Saint-Bavan, à Gand. 


(4) Van-Eyck passe généralement pour être l'inventeur de la pein- 
ture à l'huile. Quelques personnes ont cru trouver dans le manuscrit 
du moine Théophile sur les arts, l'indication de ce procédé , mais le 
peintre brugeois est le premier qui l'ait employé, en le perfectionnant. 


(5) Hemling, ou plutôt Memling, peintre non moins admirable que 
Van-Eyck, entra à l'hôpital Saint-Jean de Bruges pour s’y faire guérir 
des blessures reçues au service de l'Etat Il y resta pendant plusieurs 
années, et y fit une partie de ses plus beaux ouvrages. Dans l'une des 
salles de cet hôpital se trouvent la fameuse châsse de Sainte Ursule et 
le Mariage de Sainte Catherine. — J'ai publié. dans le 6° volume des 
Annales ærchéologiques, une étude sur la vie et les œuvres de ce grand 
peintre, avec le catalogue complet de ses tableaux. Le musée du 
Louvre n’a rien de lui. La vente dela galerie du roi de Hollande nous 
offrait dernièrement l’occasion la plus favorable de combler cette lacu- 
ne, et on n’en a pas profité. Nous avons un grand nombre de tableaux 
et de portraits de Rubens, et au lieu de songer à nous doter d'un Hem- 
ling, on a acheté à grand prix un portrait peint par le premier, étant 
loin d’avoir la valeur de ceux que nous possédions. — On conviendra 
que c’est jouer de malheur ! 


HOMMES ET CHOSES. 


{Médailles des familles de Ligne et à Arenberg. 


Les membres des grandes familles de nos provinces des Pays- 
Bas ont fourni l’occasion de battre plusieurs médailles aujourd’hui 
fort recherchées ; les Croy. les Lalaing figurent dans les collec- 
tions numismatiques locales : les de Ligne, les d’Arenberg tien- 
nent également leur place dans les médailliers du pays Nous 
allons décrire quelqnes pièces entr'autr'es, fort appréciées des cu- 
rieux. 

On voit au chôteau de Bel-OŒEïùl, résidence d'été des princes 
de Ligne, un joli tableau exécuté pour conserver le souvenir de la 
vice-royauté de Sicile de Claude Lamoral, prince de Ligne et 
d'Amblise, à laquelle il fut promu en 1669. Uue médaille fut 
également frappée pour constater cet événement. Elle représente, 
d’un côté, le buste du vice-roi, orné da collier de la Toison - d'Or 
et entouré de cette légende : CLAVDIVS PRINCEPS À LIGNE, ET 
Sacri Komani Imperii, SiciLiæ PROREX. Au revers, un vaisseau 
de guerre à la voile présente sur sa poupe et sur son pavillon les 
armes de la maison de Ligne: d’or à la bande de gueules. La 
même bande traverse toute la médaille. Autour on lit l'inscrip- 
tion suivante, tirée d’un vers virgilien pour le commencement, et 
dont la fin fait allusion au nom et aux armes du prince : Qvo RES 
CVMQYE CADVNT, SEMPER LINEA RECTA. (Toujours en droite 
ligne, quoi qu’il en puisse advenir). 

En 14675, le même prince ayant été nommé gouverneur du 
Milanais, la même médaille fut refrappée avec cette variante dans 
la légende : CLaAvDpivs PRINCEPS A LIGNE ET Sacri Romani Im- 
perii MeproLani Gusernator. 

Le spirituel prince de Ligne , aussi connu par ses triomphes en 
littérature, que par ses succès militaires, obtint, en 1770, le droit 


— 352 — 


de battre monnaie dans 3a terre de Fagnolle, près de Mariem- 
bourg. Il en résulta une émission de ducats fort peu nombreux 
et aujourd’hui très rares. Ils portent le buste du prince en habit 
de ville, avec la décoration de la Toison et cette légende : Caro- 
LVS Princeps Sancti Imperii Romani Comes FAGNOLENSIS. A 
l’exergue : L. H Aurevers, les armes de Ligne, entourées du 
cordon de la Toison, surmontées de la couronne de prince et ap- 
puyées sur un manteau d'hermine. A l'exergue : C. W. 


Nous possédons un ducat d’or, trouvé récemment dans la terre, 
au territoire d'Aubry, près Valenciennes , et qui se rattache à la 
maisou d'Arenberg par alliance. La pièce présente d’un côté 
une belle figure d'homme portant toute sa barbe et richement 
vêtu. Ce buste, finement exécuté, est entouré de ces mots : 
Sazentinus Dei Gratia Ezector Ecclesiæ Cozoniæ ET ADMinis- 
trator Paperburnæ Le revers offre un écu héraldique, coupé 
et échancré suivant la mode germanique , et recevant dans ses 
divers cantons les blasons de l'évêché de Paderborn, de l'arche- 
véché de Cologne, de la principauté d’Angrie et du comté d’A- 
rensberg. L’écu du comté d’isembourg brochant sur le tout. 
La légende se lit ainsi: Moneta nova aurea Tuitien. 75. Ce 
chiffre indique l'année 1575, que le monnayeur a abrégée en 
supprimant les centaines, ce qui arrive souvent dans le dernier 
quart d’un siècle. Cette monuaie provient de Salentin , comte 
d'isembourg, élu archevêque de Cologne en 1567, qui acquit 
aussi l'évêché de Paderborn en 1573. Il renonça à ces dignités 
en 1577, pour épouser Anthoinette-Wilhelmine, duchesse d’A- 
renberg. On ne s'explique la trouvaille d'une telle pièce sous le 
sol du Hainaut que par l'effet des guerres qui amenèrent dans nos 
contrées des Reîtres et des Lansquenets allemands à la fin du XVI° 
siècle. 

On connaît une médaille frappée en l'honneur de Charles de 
Ligne, comte d'Arenberg. mort à Enghien en 1616, et marié à 
Anne de Croy et d Arschot, princesse de Chimay La médaille 
représente le buste de ce seigneur d’un côté, et, au revers, un 
vaisseau voguant à pleines voiles avec ces mots: Tempore perf- 
citur (Avec le temps il fait son chemin). Charles de Ligne avait 
adopté, en outre, une devise personnelle bien difficile à soutenir, 
elle portait : Toujours constant, et sa femme, renchérissant sur 
lui, y ajoutait : en fidélité. 

Philippe-François et Charles-Eugène, deux frères de la 
maison d’Arenberg, ayant été successivement gouverneurs du 
Hainaut, le premier en 4663, le second en 1675, il fut frappé des 
piéces à leur nom et à leurs armes d'un côté, avec un aigle tourné 
vers le soleil au revers, et cette légende : Suo intenta soli (les 


_— 355 — 


yeux fixés sur son soleil), allusion courtisanesque à l'obéissance 
dévouée des gouverneurs au roi d'Espagne 

Enfin, nous avons recueilli dans notre médailler un iriique 
ducat, à la date de 1783, avec la tête du duc d’Arenbetg, à l'an- 
tique, quoique coiffée à la moderue, àvec cette inscription : LYDo- 
vicus Encleberiuws Dei Gratia Dvx ARENBERGÆ Sacri Romani 
lmperü Vrinceps. Au revers: Dvx ARCHOT ET Croy pr. Porc. 
ET REB. 4785. (Duc d'Arschot et de Croy, prince de Porcéan, 
etc.). Cette dernière légende entoure les armes de la maison 
d'Arenberg, qui sont: de gueules à trois fleurs de néflier d'or, 
entourées du grand collier de la Toison-d'Or, timbrée d’une 
couronne de prince, et abritées par un manteau d'hermine. 

A. D. 


Monnaies obsidionales. 


Les annales des provinces des Pays Bas, qui contiennent tant de 
villes fortes, sont remplies de relations de siéges importants et ter- 
ribles. La défense prolongée des places de guerre a Aù nécessai - 
rement provoquer la fabrication de monnaies de nécessité dont il 
reste aujourd’hui des exemplaires recherchés des antiquaires. On 
en frappa pour Tournai en 1521 et 15814 ; pour Valenciennes en 
4567 ; pour Bruxelles en 4379 à 80 ; pour Cambrai en 1584. Le 
maréchal de Bälagny en fit faire de diverses espèces dans la même 
ville en 4595 ; mais les plus curieuses du pays, tant pour la ma- 
tière que pour les circonstances qui s'y rattachent, sont celles que 
que la nécessité fit fabriquer dans quelques-unes de nos cités at- 
taquées pendant la guerre de succession. 

Le 27 juin 1709, la ville de Tournai est investie , puis assiégée 
par le duc de Malborough , ayant avec lui les généraux comte de 
Lottum, de Schulembourg et Fagel. Le gouverneur, M. Haute- 
court de Surville, étant sans argentpour payer sa garnison pen- 
dant le siége, sacrifia sa vaisselle plate et celle des principaux 
bourgeois, et en fit faire des pièces de monnaie d'un caractère 
bien singulier. Celles en argent représentaient le gouverneur en 
buste , couronné de laurier, avec cette légende : M. de Suroille; 
au-dessous du buste on voyait une petite four pour rappeler les 
armes de Tournay, et au-dessusle chiffre 20 , valeur de la piêce 
de necessité Les plus graudes monnaies de bronze portaient les 
armes du gouverneur surmontées d’une couronne de marquis 
ét entourée de palmes, et au revers ce chronogramme : MONETA 
In obsiDIonE ToRNACENSI CVsA (monnaie frappée au siége de 
Tournai. 1709) Les plus petites montraientune tour , armoiries 


— 35 — 


de la ville avec les mots : Tornaco obsesso (Tournai étant as- 
siégé) et la date de 1709 en exergue; les premières par le chiffré 
8 et les secondes par celui de 2, désignaient qu'elles avaient cours 
forcé de huit et de deux sous. | 
La capitulation fut signée le 29 juillet 4709 et la garnison se re- 

tira dans la citadelle qui ne se soumit que le 2? septembre suivant, 
après avoir fait subir de grandes pertes aux alliés. Cependant cette 
belle défense de Tournai qui retint plus de deux mois une arméé 
formidable commandée parle prince Eugène et Malborough, faillit 
coûter cher au gouverneur Hautecourt de Surville. Louis XIV, très 
rhatouilleux sur ses droits régaliens , ne lui pardonna pas d’avoir 
empiété sur la royauté en faisant figurer sa tête sur des pièces d’ar- 
gent, même quand il s'agissait de monnaie dé nécessité. De Sur- 
ville , sans y songer, avait usurpé le pouvoir suprême : où 
oublia son dévoûment , sa valeur , le sacrifice de sa vaisselle d’ar- 
gent, et on lui fitune grosse affaire à la cour de la liberté grande 
qu'ilavait prise, Heureusement l'Académie des Inscriptions con - 
sultée déclara, par l'organe du président de Boze, que ces signes 
représentatifs que l’on nomme piéces obsidionales n’étaieut pas à 
proprement parler des monnaies , et que le gouverneur de Tour- 
nai n'avait commis aucune usurpation. Les savans, comme on le 
voit , sont parfois bons à quelque chose. De Boze sauva de Surville 
qui conserva sur ses épaules cette tête qu'il avait imprudemment 
livrée au monétaire tournaisien , et couronnée de laurier encore! 
Louis XIV, on le sait, ne badinait pas avec le respect et la dé- 
férence qui lui étaient dus et qu’il exigeaitimpérieusement. Il était 
alors aigri par ses revers et peut-être aussi par la quantité de me- 
dailles que les Alliés firent frapper sur la prise de Tournaÿ. Au 
reste, la soumission à sa cour dégénérait en une espèce de culte. 
Ou lit dans un livre du temps, eu quelque sorte officiel , dédié à 
re,même mouarque , la phrase suivante : Quand les grandes da- 
mes , surtout les princesses du sang , passent dans la chambre 
du Roi, elles font une grande révérence au lit de S. M Com- 
ment donc , ajoute un auteur moderne , tant de grandes dames 
n’auraient-elles pas prisle parti d'y entrer ? On voulait échapper . 
à la révérence | | 

La leçon que Louis XIV donna au gouverneur de Surville servit 
à plusieurs de ses frères d'armes. Le 42 août 1711 , Bouchain 
ayant été cerné par le général Fogel, malgré les efforts de Villars, 
cette ville se rendit le 44 septembre suivant. Le gouverneur fut 
forcé de payer ses troupes avec une monnaie improvisée ; il ne 
donna ni sa vaisselle, ni celle des bourgeois, et il se garda bien 
même de prêter son buste. La monnaie obsidionale de Bouchair 
fut faite sur de petits morceaux de cartes à jouer , coupés carré- 
Ment, et sur lesquels on voit l'empreinte en cire rotige d’un ca- 


— 355 — 


chet représéntant un amour nu portant une lanterne sourde avec 
ces mots : sans esclat ! On n’est pas plus modeste ni pour le foud 
ni pour la forme. Le revers portait le nom d’Affry M. avéc le 
chiffre XXV répété aux quatre coins. Une autre pièce de même 
matière: présentait d'un côté les armes du gouverneur , ét de 
l’autre son même nom avec le chiffre III répété quatre fois. Ainsi 
les petits amours représentaient des pièces de 25 sols, et le blason 
de M. d’Affry des petites pièces de 5 sols. Tout cela ne coûtait pas 
cher:;-on les paiëérait davantage aujourdhui. 

" ‘L'anhée suivarité te gouverneur du Quesnoy pour les Alliés , 
étant pressé par le maréchal de Villars , fut obligé de se rendre à 
merci le 4 octobre 14742. Durant le siege il fabriqua aussi une 
sarte de monnaie plus-économique encore que celle du gouverneur 
de Boüchain. Cé sont des morceaux de cartes à huit pans ; d'un 
côté on voit les armes du gouverneur sur du pain à cacheter 
rouge ‘eouvert de papier ; et de l’autre ces mots écrits de sa pro- 
pre main : 4&.sols. Quesrioy. Gouvern {eur) Lvoy. Il parait que 
Ja cire môme manquait dans la ville assiégée. 

 "Toas ces souvenirs historiques sont aujourd’hui très recherchés, 
et on voit les amateurs se les disputer comme certains assignats de 
localité qui ont retrouvé en ce moment une valeur décuple de cèlle 
fort précaire qu’on leur attribua jadis. A. D. 


fusée de Lille. 


L'origine du Masée de Lille, comme celle de la plupart je 
Musées de province, nei remonte pas à une haute antiquité, et 
peu d’années nous séparent de l’époque où personne en ce lieune 
songeait à l'utilité des collections publiques ; elles seules, cepen- 
dant, peuvent.conserver intactes les productions des grands maîtrës 
que les particuliers éparpillent selon leurs caprices , ou laisseut se 
perdre par incurie. C’est par des soins assidus et des dépenses sa- 
gement combinées que la ville a pu parvenir à la conservation et 
à l'accroissement d’une collection de tableaux dignes de fixer 
l'attention des amateurs, et qu'elle s’est mise à même d'offrir a 
sa nombreuse et inteltigente population un moyen facile de nour- 
rir son goût pour les beaux-arts par l'aspect incessant dés chefs- 
d'œuvre du génie. 

Notre Musée , fondé en 1793 sous le titre de Musée départe- 
temental , se composa d’abord de toutes les œuvres d’art recueil - 
lies dans les couvents devenues propriétés nationales, et de crlles 
que délaissaient les émigrés en fuyant le sol français. Le peintre 
Louis: Watteau père , chargé par la commission des arts dont i? 


356 — 


faisait partie de dresser un inventaire détaillé des. tableaux et es- 

tampes provenant de ces diverses sources, réunit, dans l'ancien 

couvent des Récollets, toutes les richesses sur lesquelles devaient 

se concentrer ses soins et ses études. Le ré:ltat de son travail mex- 

tionne 583 tableaux et 53 gravures parmi lesquels 538% tableaux 

et 15 gravures furent particulièrement désignés comme decanit 
étre conserves pour l'instruction. 

Ce que la chapelle des Recollets ne pouvait contenir futentass 
péle- mèle dans les corridors et les greniers jusqu'au jour où 97 
tableaux furent enlevés pour être distribués aux églises: de 
Lille et des environs , soit à titre de don, soit sous forme de vente, 
moyennant une taxe presque uniforme de 6 à 48 fr. © ’' :: 

Un arrété des consuls en date du 47 fructidor an IX (4°*-sep- 
tembre 4304) dota le Musée de Lille de quarante-six tableaux 
dont la majeure partie arrivait d'Italie, d'Allemagne on de Bel- 
gique , à la suite de nos armées victorieuses ; mais :les-restaura - 
tions qu'exigeaient ces toiles , dont plusieurs étaient en mauvais 
état , vinrent apporter de grands retards dans leur expédition, et 
ce ne fut que l’au X1-(1803) que la ville put entrer en joimrence 
da don qui lui avait ete fait deux ans auparasant, . . 

De 4803 à 4845, les archives du Musée de Lille neparleut d'au- 
cun changement qui y ait été apporté; à cette époque, M. lebaront 
Duplautier, alors préfet du Nord , nomma une commission char- 
gée de dresser deux inventaires : l’un, composé des ouvrages 
dignes de figurer dans un Musée ; l’autre , désignant les tableaux 
jugés d’une valeur minime ou qui auraient exigé des frais de res- 
tauration trop considérables. 

Le travail ordonné fut-il exécuté ? les inventaires farent'ils 
dressés ? aucune trace ne l'indique; mais toujours.est-il que, grâcé 
à un procès-verbal de la vente retrouvé dans les archives dela 
ville, nous avons acquis la certitude qu'on vendit 544 tableaux 
pour la somme de 1,365 fr. 50 c. (3 fr. 90 c: la.piéce ) | 

11 nous restait alors bien peu de ces ouvrages que Watteau dé- 
siguait comme bons à conserver pour l'instruclion / et le Musée, 
dépouillé d’une grande partie des toiles remarquables dont cet 
artiste recommandait la {conservation , serait devenu peu. digne 
d'une ville aussi importante que Lille , si le noyau assez restreint 
qu'on lui avait laissé n’eût été, capable , par son mérite , d'illus- 
trer à lui seul n'importe quelle ville de province. Les œuvres de 
maîtres tels que Kubens, Van Dyck, Craeyer, Paul Véronèse ; 
André del Sarte, Bassan, etc., et celles non moins estimables 
d’Arnould de Vuez suffisaient pour nous assurer à jamais une 
place au premier rang dans ces sortes de collections , et-l’on eut 
ainsi un peu moius à déplorer le vide désastreux que laissait le 
don ou la vente des tableaux du Poussin , deJordaens, du Gueri 


ss re 


chin , de Gérard Dow, de Teniers, de Wouvermans et d’autres 
peintres d’un grand mérite. 


Si nous étions alors au bout de nos pertes , nous n’en avions 
pas encore fini avec lés craintes de voir notre Musée s’amoindrir, 
Une lettre de M. Pradel , direeteur-général de Ia maison du roi, 
en date du 24 février 1816, réclamait, pour les rendre à l’étran- 
ger, huit des quarante-six tableaux que le gouvernement consu - 
laire noas avait donnés-en 1801. Cet ordre malencontreux por- 
tait un coup sensible au conservateur M. Van Blarenberghe , qui 
avait été chargé de faire- lui-même le choix des chefs-d’œuvre 
donnés à la ville , aussi mit-il plus que de la lenteur à l'exécuter, 
mais il avait reculé jusqu'aux dernières limites du retard possible, 
et il allait enfin être réduit à satisfaire aux exigences du pouvoir , 
lorsque le 5 mars, une lettre de M de Vaublanc;' ministre de l’in- 
térieur, vint dissiper toutes ces craintes. Ce bienheureux contre- 
ordre laissa la ville paisible propriétaire des tableaux dont il lui 
coûtait tant de se séparer l'A dater de cette époque , le Musée ne 
fit plus queée développer et prendre de l'importance. De 1829 à 
4827, des dons successifs du gouvernement et des particuliers , 
des achats bien conseillés , ont ajouté chaque jour aux richesses 
antérieurement acquises. | 


La révolution de 484$ trouva notre collection prête à s’ins- 
taller dans les magnifiques galeries que notre habile concitoyen , 
M Benvignat, venait de lui construire ; des idées nouvelles se 
firent jour , et touten maintenant la centralisation des pouvoirs 
dans le cœur de. PEtat comme môyen de conserver l’unité dans le 
corps de la nation, on se décida à reconnaître que la décentrali- 
sation des œuvres de génie est indispensable pour procurer à tous 
les membres de la société les avantages que produit la culture des 
arts ei des sciencés. C’est par son contact incessant avec les beau - 
tés artistiques que l’homme cultive et perfectionne toutes ses fa- 
cultés ; aussi voit-on toujours les peuples vivant au centre des 
chefs-d'œuvre s'identifier bien mieux que les autres à ce que l’art 
et la nature produisent de plus beau. 


Grâce au zèle infatigable et intelligent du maire de Lille, M. 
Bonte-Pellet, grâce à sa persévérance dans des démarches qu’au- 
cun obstacle n’arrétait , et qui lui ont acquis la reconnaissance de 
la population , notre Musée s'est enrichi depuis deux ans d’une 
grande quantité de tableaux de toutes les écoles ; désormais , il 
peut prendte rang para les plus favorisés , et servir de complé- 
ment aux richesses ne uous a léguées notre célèbre compatriote 
Wicar. : | REYNART. 


25 


— 358 — 
Guantovic. 


Enfin la véritable position de Quantovic , Quantovicus ou Vicus 
Quantiæ, cette antique ville , vient d'être exactement déterminée 
dans une savante dissertation qu’a publiée tout récemment la So- 
ciété des Antiquaires de la Morinie. 

Comme l'auteur l’a parfaitement démontré , Quantovic setrou- 
vait non à Etaples , ainsi que plusieurs savants l'avaient avancé , 
mais sur le territoire de la commune de Saint- Josse-sur-Mer , ; 
vis-à-vis d'Etaples, sur la rive gauche de la Canche. 

A l’époque de l'invasion romaine, Etaples ne formait qu’un poste 
militaire, un simple hameau, qui n'acquit quelque importance 
qu’au commencement du ouzième siècle. 

L'auteur du mémoire, M. l'abbé Robert, curé de Merck-Saint- 
Liévin, démontre de la manière la plus lucide, la plus complète 
qu’Etaples n’était pas Quantovic , et que ce dernier lieu, la ville 
romaine , se trouvait assis de l’autre côté de la Canche, où furent 
élevés depuis l’abbaye et le village de Saint-Josse , à peu de dis- 
tance de Montreuil, dans le département du Pas de-Calais. 

La question est donc définitivement résolue. Nous en félicitons 
de cœur le savant antiquaire. L'auteur appuie non-seulement son 
opinion de raisonnements justes , rationnels , puisés dans l’étude 
approfondie qu’il a faite sur les lieux, maïs encore de la puissante 
autorité d’une foule d'écrivains , parmi lesquels nous lisons les 
noms de Lequien et Luto , historiens inédits du Baulonnais ; Al- 
cuin, Bucherius, Bouteroue, Eccard, Labbe, Harbaville, etc. La 
question était d° autant plus délicate É traiter , que l auteur du 
mémoire avait à ménager certaines susceptibilités, à lutter contre 
des hommes érudits, honorables , qui s'étaient occupés du même 
sujet. 

La ville de Quantovic, qui fut fondée dans les premiers temps de 
l'occupation romaine , exista durant neuf siècles. Elle disparut de 
ce monde, par une invasion de Normands, entre les années 868 
et 882, lorsque Montreuil fut mis en possession de l’atelier mo- 
nétaire que possédait Quantovic. Une abbaye sous le patronage 
de Saint-Josse , existait en ce lieu, devenu un vaste tombeau. Les 
cénobites de ce monastère surent heureusement refaire, du moins 
en partie, ce que le vandalisme des barbares avait détruit sans 
pitié. Peu à peu des habitations s’érnigérent autour de leur sainte 
maison Plus tard, enfin, un village s’y forma ; celui que nous 
voyons aujourd hui. 

Quelque complet que paraisse un ouvrage littéraire, il est tou- 
jours facile d'y ajouter quelques lignes qui en augmentent l'intérêt. 


= 359 — 


Noas-sommes done heureux de pouvoir augmenter la série des au 
torités citées par M. l'abbé Robert, du sentiment de l’un des hont- 
mes les plus laborieux, les plus érudits de son siècle : Charles 
Dufresne, seigneur du Cange , auquel sa ville natale, reconnais+ 
sante, Amiens, vient d'élever une statue : 

Ducange. qui vivait de 4610 à 1688, écrivait tout, à-fait de 
le sens du mémoire dont nous venons de rendre compte. Dans sa 
savante dissertation sur le port Itius ou Iccius, dissertation qui 
est devenue d'autant plus intéressante qu’elle est restée, croyons- 
nous, à l’état de manuscrit, et dont nous devons la communica- 
tion à la gracieuse obligeance de l'honorable avocat M. Louis Cou- 
sin, Ducange s'exprimait ainsi sur Quantovic : es 

« Je ne saurais me dispenser de vous faire faire une remar- 
que considérable sur ce que l'annaliste de Calais (Bernard) nous 
dit que, quand Charlemagne vint à Etaplesen 799, cette ville s'ap- 
pelait Quantovicus, Vicus ad Quantiam; il se vante ailteurs. d’avoir 
trouvé cette rare découverte dans plusieurs manuscrits très an- 
ciens. et très curieux ... Je défie, cependant, M. Bernard, de me 
citer aucun de ses anciens et curieux manuscrits où il ait trouvé 
qu’on appelait Etaples , du temps de Charlemagne , Quantovic, 
Vicus ad Qriantiam. Nous apprenons bien de l’histoire que Saint 
Josse, à la sollicitation du duc Aimon, se vit obligé de sortir de 
son désert... pour venir s'établir dans une forêt sitnée entre la 
rivière d’Authie et la Canche, que l’on appelait en l'an 630 Wic. 
Ce fut dans ce désert que Saint -Josse bâtit deux chapelles , l’une 
à l’houneur de Saint-Pierre, et l’autre en l’honneur de Saint- 
Paul. Un habile écrivain (le père Sirmond)(1) prouve ce que j’a- 
vance ici par des paroles tirées d’Alcuin, précepteur de Charle- 
inagne, qui fut, en 789,‘premier abbé régulier de l’abbaye de 
Saint-Josse... La charte de Dagobert fait aussi mention de cet en- 
droit ... Nous voyons encore que Charles-le-Chauve appelait ce 
lieu Quantovic, comme qui dirait village ou demeure bâtie sur le 
bord dela. Canche, où l’on battait monnaie... C’est à présent 
l'abbaye qui porte le nom de ce grand saint, où il reçut l'honneur 
de la sépulture en l’an 668. » 

Plusieurs auteurs ont placé à Saint Josse, déjà assez célèbre par 
son antiquité sous le nom de Quantovic, le fameux port Iccius dout 
parle Jules-César dans ses immortels Commentaires ; d’autres 
écrivains l’ont placé à Etaples. Ducange, dans la dissertation citée, 
et l'abbé Robert, dans son mémoire, ont parfaitement démontre 
le ridicule d'une pareille opinion. L'éloignement de Quantovic ou 


{1) Anoales de Calais. 


_ 960 — 


Saint-Josse , et d’Etaples, qui n’eût jamais d'autre dénomination, 

du rivage de l'Angleterre, doit la faire nettement rejeter. 11 de- 

meure certain inaintenant que le Portus lecius était à Mardick, qui 

a porté si long-temps le noi de Portus Mardiccius ; il ya en sa 

faveur une immense majorité d'autorités. R. D. B. 
Dunkerque, le 23 février 4850. 


Artistes Artésiens. 


L’Artois a fourni une foule d'artistes que les biographes ont 
beaucoup trop méprisés. Il en étcependant plusieurs dent les 
noms méritent d'être relevés en signalant les ouvrages qu’ils ont 
mis au jour. Déjà M. de la Fons-Mélicocq a parlé de beaucoup 
d'artistes du moyen-âge ; nous tâcherons de rappeler peu à peu le 
souvenir de quelques autres d'une origine plus récente , et qui, 
vivants dans le siècle dernier, ne devraient pas encore ètre oubliés 
dans les lieux qui les ont vu nattre. 

ANSELME FLAMEN , dit Flamen pére , né à Saint-Omer vers 
le milieu du XVIL° siècle, reçu membre de l’Académie royale 
de peinture de Paris le 26 avril 4684, élu adjoint-prefesseur le 
60 octobre 4694 et professeur le 6 août 47014 , avait composé un 
beau médaillon en marbre , en ovale , de 2 pieds 419 sur 2, re- 
présentant Saint sérôme, nu de la ceinture à la tête, et frappant 
d'’on caillou sa poitrine de la même main dont le bras plié em- 
brasse un crucifix. Le sculpteur a rendu le saint sousla figure 
d'un vieillard vénérable , mais affaibli par les travaux Je la péni- 
tence qu'il faisait dans une solitude près de Jérusalem. Ce mé- 
daillon ornait, dans le siècle dernier, un des côtés de la 58° croi- 
sée de la première grande salle de l’Académie royale de peinture 
et sculpture dont Anselme Flamen faisait partie. Dans l'allée royale 
duparc de Versailles, on voit du même artiste une statue en 
marbre de 7 pieds de hauteur , représentant un satyre portant 
. un chevreau sur ses épaules. C'estune copie d'aprés l’antique qui 
8e trouvait à Rome chez la reine Christine de Suède. 

L'artiste audomarois eut un fils, né à Paris, portant aussi le 
nom d’Ansecme FLAMEN , dit Flamen fils, élève deson père, 
qui fut reçu académicien le 27 octobre 1708. Il décora la salle 
d’assemblée de l’Académie d’une statuette en marbre , de ronde 
bosse , de deux pieds de haut , représentant Plutus , dieu des ri- 
chesses , tenant une corne d'abondance d'où sortent des joyaux 
et des pièces d’or. On connait de lui plusieurs autres œuvres dissé- 
minées dans les musées et cabinets des curieux. 

Simon HURTREL, autre sculpteur artésien, né à Béthune, fut 


— 361 — 


reçu à l’Académie de peinture et de sculpture le 314 mars 1690, 
élu adjoint professeur le 5 juillet 4906 , et professeur en 1707. 
On lui doitun groupe en bronze d’un pied quatre pouces de hau- 
teur, qui ornait jadis le saton de réunion de l’Académie. Il re- 
présentait la Vierge au pied de la croix après la descente du corps 
de Jésus-Christ. Un ange la soutient ; deux autres , sous la figure 
de jeunes enfants , pleurent et tiennent la couronne d'épines. Ce 
groupe annonçait un vrai talent. D’autres ouvrages importants 
sont sortis du ciseau de Simon Burtrel. : 
Bauprin Ÿ VART , peintre , né à Boulogne-sur-Mer , fut reçu 
académicien à Paris, le 44 avril 4668 ; il est mort le12 décembre 
4690, à l’âge de 80 ans. Cet artiste avait décoré l’Académie 
royale de peinture, dont il était membre, d’un tableau de 5 pieds 
sur 4, représentant la Sculpture , la masse et la pointe en main, 
travaillant au buste du roi Louis XIV. Plusieurs vestiges de l’art 
antique gisent au pied de la Sculpture, comme si ce génie per- 
sonaifié avait conçu le dessein de s'inspirer de ce que l'antiquité 
presente de plus excellent pour perfectionner le portrait au- 
quel il travaille. Les productions du peintre Baudrin Yvart, quoi- 
que très nombreuses, puisqu'il n’est mort qu’étant octogénaire, 
ont été peu répandues dans les galerieset collections des eurieux. 
On les trouve rarement citées dans les catalogues. Un illustre bou - 
lonnais de la même famille, M. YvarT, agriculteur et botauiste 
distingué, a été nommé membre de l’Institut, A. D. 


Académie d'Arras. 


L'Académie d'Arras est pent-être aujourd'hui la plus ancienne 
gaciété littéraire du Nord de la France. Elle fut fondée en 4737 et 
Louis XV autorisa ses assemblées par une lettre de son ministre, 
du 45 mai 1758. La compagnie s’occupa dès lors de toutce qui a 
rapport à la laugue française et à l'histoire de la province d'Artois. 
Elle avait déjà produit de bons mémoires , elle possédait vue bi- 
bliothèque et une collection de médailles et de monnaies ancien - 
nes , lorsqu'en 1773, M. Harduin, son secrétaire, à qui ce corps 
littéraire dût tant d'illustration , adressa requête au Roi pour 
obtenir des lettres-patentes accordant à l’Académie le titre de 
Royale, et lui permettant de fixer ses membres ordinaires au 
nombre de quarante . d’avoir un sceau, une devise , etc. Ces let- 
tres patentesfurent obtenues etsignées par le Roi Louis XV, à Com- 
piégue , le 9 juillet 4775, coutresignées Monteynard , portant 
le visa de M. de Maupeau, et enregistrées à Arras, au conseil su- 
périaur, le 24 août suivant. Les statuts agnexés aux lettres-pa- 


— 369 — 


tentes n'autorisèrent que la nomination de trente académiciene 
ordinaires , dont vingt au moins devaient résider à Arras. £e 
nombre des membres honoraires n'était pas fixé. Le sceau de 
l’Académie représentait un génie atlé étendant une guirlande de 
fleurs au-dessus de deux cornes d’abondance d'où sortaient des 
fruits et qui embrassaient un écusson portant ces mots : #cadémie 
royale des belles lettres d'Arras. La légende Flores fructibus 
addit annonçait que le but de lasociété était de joindre utile à 
l'agréable. L’exergue montrait la date de 1773, époque de l'ob- 
tention des lettres-patentes. 

Les secrétaires perpétuels du siècle dernier qui laissèrent le 
plus de traces de leurstravaux furent MM. De la Place, Harduin 
et Dubois de Fosseux , qui resta jusqu'à la révolution. Les pro- 
tecteurs ordinaires de l’Académie étaient les gouverneurs de la 
province d'Artois, tels que le prince d'Isenghien, le maréchal duc 
de Levis , ete. Le premier directeur fut M. d'Ærtus, en 1758, 
auteur de recherches sur les personnages célèbres de l’Artois. 

Le titre d'Académicien d’Arras n'était pas honorifique ; nous 
voyons les plus beaux noms de l’Artois inscrits dans la liste de 
eeux qui envoyaient des mémoires. Ce sont MM. Le Gay de Ra- 
mecourt, Enlart de Grandval, Ansart de Mouy,le comte de 
Mirabel, Lesergeant de Ransart, Dubois de Duisans, de Cres- 
piœul, de Gouve, Cauet de Baly, Dupré d' Aulnay. Foacier 
de Jouy, de Ruzé, le comte de Couturelle, le marquis de la 
Fertée, les abbés de Gaston et de la Borere, le marquis de Bé- 
thune d'Esdignæul, le baron Deslyons, le Pippre de la Val- 
lée, etc., etc. 

D' antres noms moins connus das les fastes nobiliaires , mais 
peut-être plus célèbres dans la république des lettres , ont beau- 
coup aidé à fonder, dés le siècle dernier, la réputation de l'Acadé- 
mie d'Arras. Tels furent ceux de Bauvin , Beauzée, Gosse, 
dom Taïillandier et dom Berthod, auteur de l' Eloge de Richard, 
récemment publiée; du P. Lucas, des abbés Delys, Galnaut 
et Jacquemont : de Camp, Dénis, Wartelle, d’Açarg, Le Gay, 
Dumarquez, Carnot et de Robespierre qui siégèrent comme 
académiciens ordinaires, tandis que Droz, de Sacy, Filassier, 
la Diximerie, Soulavie; Piis, Beffroy, Gaïl, Delandine, Ve- 
nance, Couret de Villeneuve et Millin de Grandmaison figu- 
raient comme membres honoraires et correspondants. Il y avait 
certainement dans ces différents groupes une réunion de talents 
et de génies assez. divers et assez puissants pour glorifier une Aca- 
démie de province. 

En 1760, la société reçut de l’Electeur Palatin une médaille d'or 
à son effigie d’un côté, et à celle de l’Electrice de l’autre, avee 
ces mots gravés: [d læti musis damus Atrebatensibus ambe. 


, 
—— — 
N , 
ic) dre 


Cet hommage rendu. aux muses artésiennes était une réponse aun 
éloge des deux princes” cotipose en-vers:par M: Harduin. De- 
puis les trouvères jusqu’à nos jours , les souverains ont toujours 
pris.chez le orfèvres les réponses à: fsire anx épitres. poétiques. 
Après'avoir chanté le mariage de l’Electeur, Harduin :erut:me: pas 
devoir oublier lapremière grossesse de. l’Electrice : nouvyelle..ré- 
ponse du généreux Palatin. puisée à la même source : il envoya 
à l’Académie d'Arraa trente:médaillons d'argent forwant-la suite 
de tous les prinves revétua de. la dignité. d'Electeur, jusques et. y 
compris bi: éme: prinee:régnant. Cette. ,dernièré médaille por- 
tait : Afrebatum. musis meque moosque dedi. 4764.:Les.vers 
at. les pièees qui les none sont insérées Je le. Heesee 
Au temipass ee crue 

«Les. Etats. de: la pecsinpe d'Artois 9 ont puit ewourager Je zèle 
des acadéiciens. d'Arras. Dans leur gsspmblée générale,.tenne eu 
govembre À 382 silsiont. décidé que. chaque.année il serait remis à 
Ja Société une.médaille. d'en :de:000;érauus pour. être, déçernée 
par elle à l'auteur du meilleur oûvrage sit utpujet dovré .d'his- 
taire, d'économie rurale, ou de commerce ; leitoui ,se rapportant 
à la province-et pouvant d'illustrer ou.-ta rendre plus. florissante, 
Le premier aura de .sette, fondatian, us A. Harman s' seal à- 
Arras. os TH ie 1 He MC ÉD Re 

. Dans le dècle derniers. peu de sociétés proue ae 
des mémoires annuels comme apjourd'hui. .Les registres de deli-. 
bérations contenaient beaucou}s plus de pièces: 't iles inprimes en; 
renfermaient beaueoup:mnius. Quire quelques morçeaux déta- 
chés, an vonuait sur les premiers travaux 4e l’Académie uyebro-: 
chure devenue assez #are , intitulée :. Letti'es patentes:et qutres 
Pièces cancernant. l'Académie royule des belles-lettres & Arras: 
Arras, Michel Nioodus;.1778.in-8° de 41 pp. Supplément aux 
Miéces,etc. Arras, :t,,de Michel Nidolns, 1786,,: in. 5° de:, 19 
pages. Ces brochures. résument très sommairament les premiers 
travaux ; ontronve dansles, Mémoires de la Société: de 1544 un 
rapport de M. 4. d'Aériconrt sur les manuscrits de. l'ancienne 
Académie, qui complète jusqu’à-un certain : point. ces documents 
impatfaita. M. Aépétaud, aolonel et président de la. Société, a 
dressé, eh népanse à ‘une einculaire du gouvernement, une-his- 
toire cnncise de. cette compagnie savante. Nos neyeux ne, seront. 
pas aussi'embarrassés que nous pour disserter.sur des travaux con-: 
temporains de l’Académie d' Arras Ses œuvres du siècle présent 
ont été régulièrement publics ; ün, imprime en ce moment le 
vingt- cinquième valume de ses Mémoires D | 


LE LOMME sors j'aie WA Ë 17 si . 


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TDR CDS DR ON SE LU SNA ET 
in Œaricature contre Alberh ed Denbelle er 
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-“Fa:tavicature politique n’est-pas:chose-houvelle } on' en trouva 
sous tous les rèdnes , et sur tousles personnagés ên ‘évidence 
méme suriceut wue leur bexe, leurs vertus ‘'anraieht di exemptei 
de ces sûrtes d'éttaques. Nous possétions'uné gravure‘ extrémie:: 
mènt rarëiaejodrd’hui , qui n'est: qu'une: piquante :épibrarme 
faite en Eräticé contre les Archidncs Albett:et Isabelle, souveräine 
des provinces des Pays-Bas; au commencenvent:du XVUH°- siècle) 
Gette sutyre gravée, que nous regardées : cornmé:.sôrtie du burisi 
exercé d'Abraham Bosse, a du'moins'|dinérite d’umeexéçuatioir 
parfaite, ce qui n’est pas commun chez les caricaturistes monérhes 
A cause 'dü titre d”AÆrchiducs que prennient vélontiertle couple 
demi-Germain: et semi-Erpagnot::qui (régutit. Sur:tes :Paÿs:Bas ; 
te dessinäteur ctut devoir-les représenter sousla! tonne de rois-deÿ 
hibour, de’ces tristes oiseaëx de nuit qu’on. nomine:vulgatremérit 
grands dues : en effet, de grand: Duc’ à Archiduvila métaimot- 
phose de nom est à peine sensible ; .et comwme:la æour d’Albert'et 
d'{sabelle, prinées pienx, sévères ‘et-miéthédistes;. était soutarai 
nement éennuyeuse, d'application de: ld gvavurd né’ s'arrétait ‘pas 
seulement au nom, elle atteignait parfaitement les personnes: ‘ 

L'auteur donc représente deux'énormes gradds' ducs ‘aetostés 
l’un contre l’autre, eomine les monnaies” momtrent les :effgies 
d'Albert et d'Isabelle, et_ il les habuië ‘enhômme:.et en femme, 
fort pauvrement du reste, puis il leur lis‘aux-serres deb patins Aa- 
mands pour rappeler lés Pays-Bas où:ils séjéurnent. Le hibout’ 
lsabèlle est recouvert de la grande faille noire: qu'elle nié quitta: 
plus sur la fin de son règne ; elle: porte la fraise espagnole et ufr 
tablier blane sur lequel $e ‘délache. un coréen: soutenant nn rat 
placé tomrné on voit -la Toison - d’Or:busperidueau collier de cet: 
ordre: Lé hibou-‘Albert tient au Deë:ur bout du votdon. de sa com 
pagne auquèl “edt. suspendu parle éoû ‘un'autre rat'Il esl'vétu 

d'une: :agsèz maivaisé casaque et éoiffé: d'anè plate et courte 
__pérruque romdé en formedè oalottes 5 ‘ile Dot © 17. 

: Au bas de L'estampe on lhitcéeuanrainfort faible duns-lequel l'au- 
teur n'osh, du ne:put pus, s'expliquer ‘franchementsur le but de’ 
so œavre, déntié voile est assez transparent par la prysionomie- 
qu’il a su dotiser à ses figures d'oiseaux : «1: «ei: L'ieut n 

A dr D  e 
« L'excez est à tel point qu’en çe temps où nous Euros | 
» On ne peutdiscerner qualité ‘ny degrez, 
» 
> 


_# ) 4 13 de . “4 jrée ‘ Vase x Ve 
Estats, rangs , diguitez'; profanéé où sacrés," CRE 
Et mesmes les hyboux y sont parez en hommes. 


On lit au-dessous : Le Blond, excudit. Avec privilège du Roi. 
L'inventeur et le graveur n’ont pas signé. À cette époque, on com- 


— 365 — 


prenait qu ‘in "était pas prudent d’irisulter les têtes couronnées , 
méme de loin, à visage découvert. Les mots avec privilège du Roi 
sont peut-être [a cause de la belle réception qu'isabelle fit à Marie 
de Médicis lorsque, brouillée avec son fils Louis XIIL , elle se ré- 
fugia dans les Pays-Bas où elle fit une entrée vraiment triom— 
phale à Mons, Bruxelles et Anvers. 

Au reste, sous le règne suivant, les Flamands et surtout les 
Hollandais se vengèrent bien de cette épigramme gravée, par les 
médailles et les estampes satyriques qu'ils lancèrent dans le monde 
contre Louis XIV et sa cour : nous passons sous silence les libelles 
qui formeraient à eux seuls uue petite bibliothèque. 

| A. D. 


Deux de balle et de l'arc. 
Re Se Sr Re ‘ ; | 5 
Les jeux de balle et de l’aré ont êté de tout temps en honneur 
dans les provinces des Pays-Bas. L'arc fut‘ l’arme principale des 
gens des communes de la Flandre, qui s’y exerçaient dès leur jeune 
âge et dans leurs jours de plaisir, afin d'en user avec plus de force 
et d'adresse durant les temps de guerre. Les fameuses compa- 
gnies d’archers flamands, avant, pendant et après la domination 
des ducs de Bourgogne, sont assez connues dans l'histoire sans 
qu'il soit besoin d’en rappeler les hauts faits, Après que l'arque- 
buse fut substituée à l'arc dans les combats, les flamands conti- 
nuëèrent à se servir de leur arine favorite, mais pour leurs jeux 
seulement. Ils étaient si enthousiastes du tir à l’are, qu'il n’y avait 
pas jadis et qu'il n’y a pas encore aujourd'hui de bonne fête sans 
ce divertissement. Le personnage le plus éminent, assistant à toute 
réjouissance publique, était invité à à inaugurer le ; jeu en tirant la 
première fleche, et c’est ainsi qu'un seigneur de la maison de 
Croy, présidant à un tir à l'arc qui eut lieu à Condé, ville où ce 
jeu est encore en grande vénération, abattit du premier coup 
l'oiseau formant le but. et fut proclamé Roi... dutir. On fit 
fondre un oiseau en métal relatant le jour de ce coup adroit ou 
heureux, et l'on y grava la date de l'événement. Cet oiseau, 
suspendn à une chaine, est conservé au château de l'Ermitage 
rès Condé, appartenant au duc de Croy-Dulmen, en souvenir 
. cette royauté éphémère d’un des seigneurs du lieu. 
_ Parce que les voyageurs ont vu les espagnols et surtout les 
basques sé livrer à l'exercice de la paume. avec une adresse que 
leur agilité naturelle a rendue proverbiale, on a prétendu que les 
habitants de la Flandre et du Hainaut avaient emprunté le jeu de 
balle à leurs dominateurs pendant que les espagnols régnaient 


— 360 —. 


daus les Pays- Bas : c'est à tort. Cet exercice fut beaucoup p'us an- 
ciennement pratiqué dans nos contrées On trouve dans les 
Annales du Hainaut, par Finchant, üne citation qui fait remon- 
tèr bien plus haut la culture du jeu de balle par ‘nos ancétres. 
En 14929, tandis que Philippe Le -Bon, duc de Bourgogne, resida 
durant trois semaines à Paris , une forte virago de vingt-huit ans, 
née à Mons, qu'on appela en France Margot de Hainaut , se 
rendit dans la capitale pour y jouer à la balle, talent dans lequel 
elle excellait, ne craignant pas de se mesurer avec tel jouenr que 
ce fût « Icelle estant en habit de femme, dit Vinchant, elle jouait 
» de l’avaut-main et de l'arrière très-puissamment, très- mali 
» cieusement (ce sont les teïmes d'un cértain auteur); à raison 
» de quoy, elle fit grand bruit ès France, et fut fort caressée tant 
» des petits compaignons que seigneurs, lesquels la volurent in- 
» duire de se revestir d'habit d'homme pour estre plus hahile ; 
» mais ne volut y entendre. Elle retourna au pays de Hainaut ; 
» avec bonne somme d'argent qu’elle gaigna par ledit jeu de 
» paulmes. Elle se transporta depnis en Flandres et en Brabant ; 
» eufin s’estant rendue au pays de Namur, se rendit illec reli- 
» gieuse, n’ayant jamais été mariée » C'était alors le conclusum 
de beaucoup de carrières. 

Bien avant Philippe-le-Bon, on jouait à la balle dans les pro- 
vinces des Pays-Bas, où presque tous les déduits de l’Europe fu- 
rent connus par ces riches et populeuses communes, si avides de 
fêtes et de réjouissances publiques. Le bon duc Philippe, fort 
ami lui-même des plaisirs de tous genres, se délassait des affaires 
en jouant à la balle ou à la paume au milieu de sa cour. Se trou- 
vant, en 1434, à Mons, oùil tint un chapitre de la Toïson-d'Or 
en l’église de Sainte- Waudru, il s'esbatoît au jeu de paulme 
avec ses seigneurs, lorsqu'il lui fut donné avis que les mahométans 
se portaient vers Constantinople pour en faire le siège. Depuis 
lors ce divertissement public est resté populaire dans nos com- 
munes, où l’on a vu jadis les seigneurs se. mêler à leurs teuan- 
ciers pour prendre ce délassement. Aujourd’hui encore le Hai- 
naut est la terre classique du jeu de balle pour lequel les villes 
offrent des prix considérables en argenterie aux jours de fête 
patronale. Il n'est aucune église ou chapelle de nos contrées où 
l'on ne voie suspendues aux pieds du Christ ou aux bras de la 
Vierge d'énormes balles d'argent, qui sont des ex- voto offerts en 
souvenir d'autant de triomphes obtenus par les joueurs du lieu 
et apportés joyeusement, musique entéte, à la maison de Dieu, 
honoré aussi bien comme souverain juge des luttes de plaisir que 
comme Dieu des combats. .. . AD. 


{ 


i n 
li, 


Ve 
Election d'une abbesse de Maubeuge. 


1 n'est pas sans intérêt de voir quelle était la forme suivie au 
siécle dernier pour procéder à l'élection d'une abbesse d'un de 
ces nobles chapitres de Dames qui existaient dans nos provinces à 
l'instar de ceux d'Allemagne. La lettre suivante, pièce officielle 
émanée de Louis XV dans sa minorité ou plutôt du régent, trou- 
vée daus les manuscrits de M. Ferdiuand-ignace Malotau de Vil- 
lerode , ancien prevôt Jde Valenciennes , et dont nous devons la 
commuuication à l'obligeance de M. Duthillœul, bibliothécaire 
de Douai , indique assez complètement les formalités à suivre 
pour remplacer l’abbesse de Noyelles de Ruddere. 


A. D. 
LETTRE DU ROY, 
Du 12 juin 41719, 


Adressante à M. le prince de Tingry pour assister avec les 
autres comissaires à l'élection d'une abbesse pour l’abbaye 
royale ou chapitre des Dames chanoinesses à Maubeuge en 
Hainaut. | 
. « Monseigneur de Tingry, l'abbaye royale de Maubeuge, règle 
de St.-Augustin , diocèse de Cambray étant vacante par le décès 
de Madame de Noyelles Derudere abbesse, arrivé le 8 du mois de 
mars deruier, et devenant nécessaire tant pour le bien spirituel que 
temporel de ladite abbaye de pourvoir à ce qu’elle soit incessa- 
mentremplie d’une personne qui ait les qualitez requises pour la 
bien administrer , je vous ay choisi pour, conjointement avec le 
sieur Meliand , conseiller en mes conseils, maître des requêtes or- 
dinaires Jde mon hôtel, et intendant de justice, police et finances 
en Flandres, eu l'absence du sieur Doujar, aussi conseiller en mon 
conseil, maître desrequestes et sous-intendaut en Haynaut , et le 
sieur abbé de Liessies, assister en qualité de commissaire de ma 
part à l'élection qui doit se faire en cette occasion du nombre né- 
cessaire des demoiselles chanoinesses du chapitre de ladite ab 
baye qui doivent m'estre présentées et qui seront estimées les plus 
capables d'estre élevées à la dignité d’abbesse ; et vous fais cette 
lettre de l'avis de mou très cher et trés amé oncle le duc d'Orléans, 
régent, pour vous dire que mon intention est que vous vous 
rendiez pour cet effet avec lesdits sieurs commissaires en ladite 
abbaye au jour et à l'heure que vous conviendrez, afin qn'y étant 
avec eux vous fassiez de concert assembler le chapitre des dames, 
demoiselles chanoinesses pour procéder en votre présence et en 
la manière accoutumée à ladite élection , vous recommandant de 
tenir la main à ce qu’il y ait une entière liberté de suffrages, et 


— 368 — 


qu'il n'y soit admis que des personnes affectionnées à mon service, 
ensuile de quoy je desire que vous m’envoyiez le procès verbal de 
la dite élection signé de vous pour pouvoir, apres l'avoir veù, faire 
le choix que j’estimeray convenir au bien et a l'avantage de ladite 
abbaye, et la présente n'étant à autre fin, je prie Dieu qu'il vous 
ait Monseigneur de Tingry en sa sainte garde. » Eserit à Paris le 
douzième jour de juiu 1749, signé Louis, et plus bas Phelypeaux 
avec paraphe. 

La superscription à M. de Tingry, gouverneur de ma ville et ci- 
tadelle de Valenciennes, mon lieutenant-général en Flandres et 
commandant en chef pour mon service audit pays. 


La croix miraculeuse d'Arras. 


Pendant le carême de l'année 175$, le révérend père François. 
Xavier Duplessis, de la compagnie de Jésus, et missionnaire 
apostolique , précha une mission à Arras au profit de la garnison 
de cette ville ; le 149 mars il fit planter une grande croix sur le 
rempart en un lieu qui prit le nom de calvaire. Les affligés, les 
malades, les béquillards ne tardèrent pas à se rendre au pied de 
cet instrument de la passion du Christ et y retrouvérent souvent, 
sinon la santé et le repos, du moins la confiance et la force de 
supporter leurs maux. De là vint le nom de croix miraculeuse 
qu’on lui donna, Cette croix, portant de grandes fleurs de |ys à ses 
trois extrémités, fut bientôt couverte de cœurs d’or et d'argent et 
d’une foule d’ex-voto des fidèles. On avait inserit au-dessous de sa 
base : C'lamari ad te et sanatime (Je L’ai imploré et tu m'as guéri.) 

On a fait graver plusieurs estampes qui constatent cette éléva- 
tion de la croix du P. Duplessis. Deux d'entre elles, différentes de 
dessin, portent au bas ce quatrain plus dévot que poétique : 

O croix miraculeuse où cette âme fidelle 

Vient chereher le remède à son iufirmité, 

Accablé sous le poids de mon iniquité, 

Je viens comme elle à vous, guérissez-moi comme elle. 


Une médaille ovale avec annean , d'une assez grande dimen- 
sion, a eté frappee pour perpétuer le souvenir de cette pieuse 
fondation à Arras. D'un côté on voit la croix avec le P. Duplessis, 
au pied, en habits sacerdotaux : autour on lit: Croix-de-la-mis- 
sion. De l’autre côté la même croix reçoit les hommages de fidè- 
les affigés et malades ; la légende est: La croix miraculeuse 
d'Arras. Le pied du calvaire montre la date de 4738. 

Cette médaitle mieux exécutée que ne le sont erdinairementles 
amulottes , est devenue assez rare. nn 


— 369 — 


Le P. François-Xavier Duplessis, jésuite, est né à Québac ,.en 
Canada, le 43 janvier 4694. 11 estconnu pour ses démélés avec le 
spirituel et impie Du Laurens, de Douai. Il avait gagué dans uos 
provinces une grande réputation de prédicateur intrépide et zélé. 
Son portrait a été gravé, en buste, dans un médaillon ovale. 

A. D. 


Dutérieurs dD' Ateliers. 
CARLE ELSHOECT. 


Au nuwéro 16 de la rue de l'Ouest, au fond d'une longue 
cour, sc cache dans le coin gauche une maison haute et large, per- 
cée dans le bas de quatre grandes portes, et dont les fenêtres spa- 
cieuses semblent inviter tous les rayons du jour. A. voir cette de- 
meure presque transparente, on se rappelle ce philosophe de l’an- 
tiquité qui voulait habiter une maison de verre. Cette maison est 
une ruche d'artistes. La longue cour qui mène à ce bâtiment est 
elle-même, tant à gauche qu'à droite, p-uplée de sculpteurs. Ce 
ne sont, devant toutes les portes, sur toutes les fenêtres, que blocs 
de marbres, que torses tronqués, que bras etjambes en marbre et 
en plâtre , gisant çà et là sans trop de soin ni d'honneur. — Et 
pourtant de ce bloc informe sortira peut-être un nouvel Apol- 
lon, et ce pied dédaigné porta peut-être jadis le beau corps élan- 
sé d'une Diaue- chasseresse ! Mais ne nous arrêtons pas aux 
poétiques conjectures. Les mille bruits de scie et de marteau qui 
retentissent autour de nous prouvent assez que des artistes fer- 
vents travaillent là sans relâche à revétir de beauté des formes 
nouvelles. N'est-ce pas aussi un pressentiment fécond en émula- 
tion, une légitime espérance qui a décidé cette laborieuse colonie 
de sculpteurs à venir installer ses ateliers en face de ce Luxem- 
bourg où tant de statues en ruines, qui de toute manière ont subi 
l'outrage des ans, semblent altendre avec impatience que de jeu- 
nes rivales viennent les remplacer sous ces ombrages, impuissants, 
hélas ! à cacher leurs rides. 

Nous vous conduirons aujourd’hui à la grande porte n° 2 de 
la maison, au fond de la cour. Un C. etun E., tracés à la craie 
sur cette porte, compusent toute l'enseigne de Carle Elshoëct. Srap- 
pez avec confiance ; l'artiste vous recevra avec cordialité. Il suffit 
que vous aimiez l’art pour que vous soyez le bienvenu. Etes. vous 
un critique intelligent ? tant mieux ! Carle Elshoëct , qui ne fait 
passer sa personnalité qu'après le culte désintéressé de son art, 
ne dédaigne pas les conseils ; illes provoque avec sollicitude, et 
ce n’est pas desa part modestie feinte, car si l'avis lui semble por - 


-- 370 — 


ter à faux, 1l sait le combattre avec autant de-cpnvenance que de 
logique naturelle et de bon sens. Chez lui l'artiste est toujours 
.unhomme sincère, un cœur loyal. Si vous êtes un poëte, tant 
mieux encore ! Il aime, comprend, et partage toutes les nobles 
inspirations, tous les enthousiasmes de bon aloi. Il a conservé 
l'âme candide des vieux sculpteurs sur bois de Gand et de Bruges, 
le pays de son père et de son grand-père, qui, eux aussi, n'é- 
taient que des sculpteurs sur bois naïvement enthousiastes. Dites - 
lui quelques vers de uos grands poëtes, qu'il n’a guère eu le 
temps de lire, et vous verrez briller ses yeux Son seul livre à lui, 
lelivre qui d’ailleurs renferme et remplace tous les autres, c’est la 
Bible. C’est dans la Bible que sa mère lui apprit à lire; aussi ce 
souvenir lui rend-il le saint livre deux fois sacré. — Maïisparlez- 
lui surtout avec chaleur des belles œuvres de la sculpture qui ho: 
norent notre époque et toutes les époques, notre pays ettous Îles 
pays, et vous arriverez au plus beau, dois-je dire au plusrare des 
beaux spectacles, au bonheur édifiant d'un artiste qui s'oublie 
lui-même dans un sentiment d’admiration' pour ses émules et 
pour ses maîtres. Cette qualité généreuse, que Carte Elshoëct pus- 
séde à un haut degré, prouve non seulement un beau caractère, 
mais encore cette conscience du talent réel qui n’a besoin que 
des occasions pour $e signalet. Carle Elshoëet a justifié ce que 
j'avance dausles diverses circonstances (et l’on doit regrettér 
qu'elles aient'été si rares) où ve travaux importants lui ont été 
confiés. 

Avant de parler des ouvragesprincipaux de Carle Elshoëct, 'sa- 
luons au passage quelques uns desbustes, des médaillons et des sta - 
tuettes que renferme son atelier. Commençons, comme il convient, 
par les femmes. Voici d’abord Léontine Fay : merci pour tout le 
beau passé que ce buste rappelle Alors, Ô Léontine ! vous n'aviez 
pas encore eu l'honneur d'être reçue au Théâtre-lFrançais, cette 
autre académie où l'on n'arrive qu'après avoir perdu ces char - 
mants défauts qui sont les irréparables qualités de la jeunesse et de 
la poésie. Voici Mlle Lavoie, (de Dunkerque) qui pose là plus vail- 
lamment que sur la scène, compensation que le sculpteur devait 
bien à la cantatrice, puisqu'il ne pouvait reproduire son chant. — 
M. Thoré s'appuie sur sa canne de l’air rêveur d’un homme à la 
recherche de la liberté. Mais passons plus rapidement, car le temps 
nous presse ; souriez seulement à la laideur spirituelle d’an- 
drieux ; vous avez plus d'une fois vu lemarbre de ce buste au 
foyer de la Comédie- -Française. — À ce front qu'un rayon de 
peusée éclaire, je reconnais Jouffroy. — Cette tête empreinte de 
gravitéet de fermeté, c'est M, Hippolyte Passy : il pense sans doute 
à l'abolition del’ esclavage, etle sculpteur a trouvé la véritable 
expression — Un salut ‘de respectueux regret au duc d'Orléans, 


A 2e 


que je retrouve là dans toute sa noblesse bienveillatiie. _ - Quelle 
énergique éhanche de Jean Bart et de quel air de hiravoure l'in- 
trépide marin menace l'Angleterre !. N'en parlez pourtant pas à 
l'artiste ; l’histoire de cette statuette est pour lu: uu pénible sou- 
venir. Quand il s'est agi d'élever un monument à son grand hom- 
me de mer, Dunkerque n’a pas voulu se souvenir que M. :Carle 
Elshoëct est un de ses enfants; hâtons-nous de dire que Dunkerque 
u’a oublié Carle Elshoëct que pour choisir David. 

Carle Elshoëct est né à Dunkerque, le 10 août 1797, d'une 
famille d'artistes originaire de Bruxelles. Son grand-père vint le 
premier s'établir en France ; il exécuta à Lille, pour plusieurs 
églises, des autels et des statues de saintes et de saints. L’estime 
que lui valurent ses travaux le fit nommer doyen des sculpteurs 
de Lille. Le département du Nord possède plusieurs œuvres de 
cet aïeul de notre Carle Elshoëct, et nous ne devons pas oublier 
de mentionner, à l'honneur de cet artiste modeste, qu'il a été le 
maltre du célèbre Rolland, qui devint lui-même le maître de 
David. | 

Le père de Carle Elshoëct se fixa plustard à Dunkerque, où il 
reçut le titre de sculpteur dela marine. Il y exécuta, en cette qua- 
lité, un. grand nounbre de figures pour des proues de frégates. Il 
travailla beaucoup aussi pour les églises, etla ville d'Aire est fière 
de posséder un calvaire de cet artiste. Le jeune Carle apprit 
chez son père les secrets de la sculpture sur bois ; mais sa passion 
pour l’arts’exaltant avec son désir de contempler les merveilles 
entassées dans les musées de Paris. il partit un beau matin sous 
prétexte d’aller en visiter les monuments. A peine arrivé dans la 
capitale, le jeune homme fut saisi par la fièvre de l'admiration, et 
l'étude l’absorba bientôt si complètement, que toutes les instances 
de son pére pour le rappeler à Dunkerque furent désormais 
sans résultat. 

A cette époque, Carle Elshoëct entra à l'atelier de Bosio et à 
l'école des beaux-arts ; Bosio était alors occupé à faire le Louis 
XIV de la place des Victoires. Le jeune Carle, encouragé par son 
maître, exécuta une copie de cette statne équestre, et en fit hom- 
mage à sa villenatale. Le conseil municipal de Dunkerque alloua 
en retour, à son intéressant concitoyen, une pension de 600 francs 
qu'il continua pendant six ans 

Dès 1823, Carle Elshoëct exposa une statue de l'innocence, 
qui lui valut une médaille d'or. En 4827, on remarqua de lui, au 
salon, une statue de la Vierge, qui a été plaçée à l'église de St.- 
Ouen, à Rouen. Sept statues en bois, commandées sur ces entre- 
faites par la ville de Tourcoing, attirérent l'attention de M. Lebas. 
architecte de l'église de Notre Dame-de-Lorrette, et du préfet 
de la Seine, qui commanda au sculpteur de Dunkerque deux sé- 


= 072 — 
raphins en bois destinés à soutenir la chaire, ainsi que deux anges 
pour le maître-autel de la nouvellé église. Les éloges ne manquèérent 
pas à Carle Elshoëct pour le caractère chaste, pur et plein d’ado - 
tatin naïve til ae revêtir ses deux séraphins. Le nom 
du jeune sculpteur commençait à se répandre ; il eut alors l’idée 
de symboliser, dans ur marbre gracieux, la poétique Eloa de M. 
Alfred de Vigny. Une felle œuvre présentait des difficultés de toute 
sorte ; la nature toute idéale du sujet n’en était pas la moindre. 
Carle Elshoëct modelà son Eloa avec une si heureuse expression de 
grâce attrayante el’ pudique, il trouva si bien le juste mélange de 
spiritualisme chrétien et de beauté plastique, qui pouvait seul 
rendre la création charmante du poëte, que M. Bosio, écrivant au 
ministre de l’intérieur pour solliciter un bloc de marbre en faveur 
de sonélève, annonçait quele jeune artiste venait de terminer le 
modèle d'une statue qui ferait honneur à l’école moderne. 

Au salon de 1854, on admira les têtes de Faust et de Margue- 
rite. C’est à l'estime que conquirent ces deux bustes que Carle 
Elshoët dut la commande, par la maison du roi, du buste du 
duc de Berry, petit-fils de Louis XIV, travail qui figure avec dis- 
tinction dans la galerie de Versailles. Entre beaucoup d'ouvrages, 
qui tous se distinguaient par la conscience du talent, nous citerons 
encore un Triton et une Néréide, coulés en fonte pour les fon- 
taines de la place de la Concorde, et les bas-reliefs en bois repré- 
sentant la Paix, la Victoire, la Guerre navale, la Guerre conti- 
nentale, l'Abondance et la Renommée, dont il a décoré la moitié 
du grand hémicycle de la nouvelle salle des séances de la chambre 
des Pairs. oo 

En 1841, la ville de Lyon chargea Carle Elshoëct des sculptu- 
res de la façade de son grand hospice, dû äux plans de Soufflot. 
Le programme désignait deux groupes, l’un représentant l'écus- 
son de la ville de Lyon accolé de deux figures allégoriques du 
Rhône et de la Saône, et l’autre, l'écusson des hospices aux figu- 
res allésoriques de la Maternité et de l’Indigence. Dans le pre- 
mier groupe, le sculpteur a donné à la figure du Rhône l'expres- 
sion de la compassion et du regret ; il détourne les flots qui cou- 
lent de l’urne sur laquelle il s'appuie ; la Saône aussi refoule 
d’une main les eaux avec précaution. Tous deux semblent pro- 
mettre depréserver désormais la ville des ravages qu'ils ont causés. 

Dans le second groupe, l'artiste a personnifié la Maternité et 
l'Indigence. Une mère, quipresse son enfant sur son seia, con- 
temple avecun morne désespoir un morceau de pain et une cruche 
d’eau déposés à ses côtés. L’indigent est un homme jeune au corps 
épuisé par les veilles Sa tête exprime une douleur réfléchie. une 
poignante résignation. C’est la personnification de la misère in- 
telligente. À ses pieds se presse un chien, le seul ami que la con- 
tagion du malheur n'ait pas écarté. 


_ Parmi les trois hnstes, du baron Delcambre, de Rondeiet et 
de Soufflot, qui figuraient à l'exposition du Louvre, les deux der- 
niers avaient été commandés par la ville de Lyon , comme uu 
témoignage de reconnaissance envers le sculpteur qui s'était ac- 
quitté de la grande tâche qui lui avait été confiée, de manière à 
justifier toutes les espérances. | 

Nous ne commettrons pas l'indiscrétion de décrire une œuvre 
importante à laquelle Carte Elshoëct travaille et qui, nous ne crai- 
gnons pas de nous tromper, .lui fer4 beaucoup d’ honneur au salon, 
L'artiste a eu la bonne inspiration de choisir un de ces sujets 
où le sentiment et Ja ‘grâce naïve, ces deux qualités prédomirniantes 
de son talent, trouveront l’occasion de s'unir une fois de plus 
dans une poétique image. Cette prédiction, nous tenons d'autant 
plus à la faire au sculpteur plein de zèle et d'amour pour son art, 
qu'ilest depuis long-temps oublié dans les travaux dont le gouver- 
vement se réserve la distribution. Espérons que cet oubli serà pro- 
chainement réparé. Heureusement que Carle Elshoëct est une de 
ces natures que des contrariètés passagères ne sauraient abattre, 
et qui, en dépit des obstacles, poursuivent leur but à l’aide de cette 
boussole intérieure que je nommerai l’héroïsme de la volonté per- 
sévérante. 


N. MARTIN. 


£ilusée AMoillet. 


Le 3 janvier 4830 est mort, à Lille, un homme qui a passé sà 
vie a réuuir une collection à laquelle on ne connaît qu'une seule 
rivale au monde. Cet homme a voyagé en Hollande, en Angleterre, 
en Italie, en Algérie ; il s’est mis en rapport avec les généraux, les 
diplomates, les consüls, les capitaines de navires, les voyageurs 
de tous les pays; et cela toujours dans un but unique, qui l’a 
préoccupé jusqu'à ta dernière heure de sa trop courte existeuce i 
enfin, arrivé au terme de sa carrière, cet homme a légué à sa ville 
natale le résultat prodigieux de ces recherches, de ces démarches, 
de ces correspondances sans nombre, tentées, accomplies, entre- 
tenues d'un pôle à l’autre dans tous les sens de notre planète. 

Et-voilà comme, au décès de M. Alphonse Moiïllet, la ville de 
Lille est entrée en possession du Musée si curieusement original 
dont nous allons essayer de vous donner une idée. 

D'abord, ce sont les tribus sauvages de l'Amérique que nous 
trouvos fidèlement représentées ici par leurs vêtements, leurs 
armes, leurs meubles, leurs ustensiles de ménage, de chasse et de 
pêche, c’est-à-dire ‘tonte une prier de haches à silex, de casse 


24 


— 34 — 
têtes monstrueux, de javelots et de flèches armées d'une arrête de 
poisson à la pointe, de boucliers en peaux de tigre ou de buffle, 
de hamacs, de calumets, de nattes emplumées, et jusqu'à des mo- 
dèles de pirogues façounées par des argonautes antropophages 

La toilette des dames sauvages a livré à M. Moillet les plus sin- 
gulières inventions de la coquetterie primitive ; les turbans de plu- 
mes multicolores, les anneaux qu’on porte au nez, les colliers , 
les bracelets, les mille colifichets enfin dont les élégantes , Les 
lionnes des archipels indiens, chargent leur corps sans le cou - 
vrir..… Et ceite fourmilière de curiosités viriles et féminines est si 
bien conçue, si bien rangée que, d’un seul éoup -d’æil, d’un seul 
élan de la pensée, on peut ressusciter, mettre sur pied et faire 
marcher devant soi tout ce monde sauvage dont la civilisation 
achève, ence moment même, d'étouffer les derniers vestiges , 
d'effacer les dernières traces sur le sol américain. 

Des forêts vierges de l'Amérique, nous allons à Java, à Lahore, 
en Chine... En effet, voici tout une population d'idoles indien- 
nes, de magots chinois, les uns en porcelaine coloriée, les autres 
en pâte de riz chargée de dorures, affectant presque tous et 
toutes des formes hideuses ou bizarres. Certes, il serait difficile 
de rencontrer ailleurs une mythologie aussi grotesque, des dieux 
aussi mal élevés ; celui-“i vous montre les dents, et quelles dents ! 
celui-là louche affreusement des deux yeux ; cet autre vous tire 
la laugue, et se permet d’avoir, à lui tout seul, trois paires de 
mains armées de griffes énormes. 

Des dieux nous passons aux hommes que ces divins créateurs 
ont eu, cette fois, le bon esprit de ne pas faire à leur image... 
et nous trouvons une interminable suite de costumes de brahmes 
et de mandarins de toutes les classes , où s'eutremélent sur un 
fond de soie des fantasques broderies en fil d'or serpentant parmi 
des figures d'oiseaux impossibles et de fabuleux quadrupèdes. 
Cette garde-robe originale se complète par un assortiment d’ar- 
mes , affectant des formes d'une bizarrerie inimaginable. Enfin, 
pour que rien ne manque à cette solennelle évocation du Céleste- 
Empire, voici qu’on wet sous nos yeux les œuvres de ses peintres 
les plus habiles. S'il faut en juger par les tableaux de la collection 
Moillet, l’école chinoise ne paraît pas encore avoir pris définitive- 
ment parti dans cette guerre acharnée des dessinateurset des co- 
loristes qui partage en deux camps notre peinture européenne. Du 
reste, les peintres chinois ont certains procédés d'exécution très 
curieux à observer. 

En quittant toutes ces chinoiseries, on n’est pas fâché de ren- 
contrer, en manière de contraste, les élégants costumes turcs et 
albauais. En effet, si la robs du maudarin affecte l'air empêtré 
d'un vêtement magistral, la veste turque et la courte jupe alba 


haise ont la tournure dégegée et coquette d'un cos!me tout mi: 
litaire , sans compter queles riches poignards et les sabres re- 
vourbés qui accompagnent ces dernières ne laissent pas que d’ajou- 
ter éncore à leur effet pittoresque. 

Mais en fait d'armes, nous ne sommes pas au bout der richesses 
que contient le musée Moïillet. 

” Voici d’abord une carabine allemande de la fin du XV° siècle, 
richemeut damasquinée et incrustée de nacre ; vient ensuite une 
seconde carabine, ou plutôt une arquebuse, et celle à offre, pour 
nous autres Lillois, un intérêt tout particulier ; en effet, cette arme 
est un prix d'adresse décerrré à nos canonniers bourgeois «u XVIe 
siècle, et l’on voit sur sa crosse la glorieuse image de sainte Barbè 
sculptée en relief et coloriée de la façon la plus originale. 

Puis ce sont des armes égyptiennes, trophées de la campagne 
du général Bonaparte ; puis encore des costumes, dès armes, des 
selles et autres merveilles arabes, dépouilles très opitnes de la 
Casauba d’Alger, prise en :850 ; puis enfin une multitude d’au- 
tres curiosités de tous les temps et de tous les pays, dont la des 
cription détaillée ferait non plus une notice comme celle-ci’, mais 
un volume assez gros. 

Au demeurant, le Musée Moîillet offte par lui-même l’explica- 
tion la plus naturelle, la plus complèté que comporte une pareille 
collection ; car, à côté de ces armes, de ces costumes, de ces us- 
tensiles de peuplades inconnues et de nations étrangères, nous 
trouvons toute une bibliothèque de voyages autour du monde qui 
donne le mot de chacune des énigmes proposées par les objets 
réunis dans son voisinage. 

Nous trouvons là d’autres livres encore ; mais ceux-la rencon- 
treront peu de lecteurs parmi nous : ce sont de beaux manuscrits 
: indous, arabes, chinois, devant lesqnels un professeur de l’ins- 
titut perdrait son latin. 

Le Musée Moillet ne tardera pas à être installé dans le nouveau 
local où l'administration municipale lilloise doit le loger , c'est-à- 
dire à l'Hôtel-de.Ville, dans une salle voisine du Musée de pein- 
- tureet du Musée Wicar. . Henry BRUNEEL. 


Ê . 
L 3 


BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. | 


+ e 


À à Cas , ess, 
“ LL k ; FA , 


288 — RECHERCHES SUR LES MONNAIES des comtes de Hai- 
naut, par Rénier Chalon. Bruxelles , à la librairie scientifique 
.et littéraire (imp. de Æm.. Devroye et Cie ) 1848, iu-4° 
.  de:xtrét 242 pages, .une carte et 26 planches de J. Vanden- 
que > 


,* 


M. R. Chalon, président de la société des Bibliophiles belges , l’ün 
des principaux promoteurs ét rédacteurs de la Reuus de numismatique 
belge, e préludé à l'important ouvrage que nous annouçons par plusieurs 
productivns antérieures qui annunçaient son goût et la profondeur de ses 
connaissauces. En 1836, il mettait au jour des Observations sur un traité 
fait entre Guillaume 1°, comte de Hainaut, et Jean NI, duc de Bra- 
bant, le dimanche gras 1336-1337 , pour la fabrication ‘d'une monnaie 
commune. En 1847. if publiait d autres Observations sur quelques char- 
Les eb anciens documents relatifs à l'histoire des monnaies des. comtes 
de Hainaut et de Flandre. Dix ans plus tard il donnait des Recherches 
sur lesm:nnaîies dé Walincourt en Cambrésis, le tout sans préjudice à 
divers documents qu'il a rendus publics et qui ont propagé et étendu 
le goût de la uumismatique en Belgiquo. Pour satisfaire au désir de la 
Société belge qui avait confié à quelques-uns de ses membres le soin 
de publier des monographies monélaires de nos anciennes provinces , 
M. Renier-Chalon a réuni le fruit de ses longues et intelligentes re- 
cherches, et il a composé l'histoire des monnaies du Hainaut. Né à 
Mons, amateur de médailles et de monnaies ancienues, bibliophile dis- 
tingué , paléographe par occasion, dessinateur et graveur au besoin , il 
élait un des hommes le mieux placé pour mener à bien cette grande et 
difficile entreprise dont S. AÀ.-lv prince de Ligne , ami chaleureux et 
éciairé de la numismatiqôe du pays, a bien voulu accepter l'hommage. 

Aussi a-t-il parfaitement réussi : non pas que le dernier mot soit en- 
core dit sur les monnaies de l'antique et noble province qui ne relevait 
‘que de Dieuet dusoleil tant s’en faut ; on peut attribuer avec certitude 
un denierfrappé par un de nos princes particuliers, Albert III, comte 
de Namur, qui régnait en 1037 et années suivantes, taudis qu'on ne 


— 371 — 


congait pas encora de monnaies du Hainout , avec nom de souverain, 
avant celles de Marguerite de Constantinople qui arriva à la suzerai- 
neté en 1244. Îl existe bien des pièces de cette province antérieures en 
date, mais elles sont mueftes et l'on n'a pu jusqu'ici les attribuer avec 
succès. Get état de la science ne durera pas ainsi long-temps. Le pro- 
grès en numismatiqne locale a été tel depuis un quart de siècle , qu ‘il 
est permis d'espérer que nos savante n’en resteront pas là. Ce qu'il y 
a de certain, c'est que M. Rénier Chalon aura beaucoup contribué, 
pour sa part. à éclairer cette partie importante de notre histoire , et 
qu'il 4 ouvert aux investigateurs uue carrière brillante où leurs pas se- . 
ront uaturellement guidés. Que de chartes, que de documents anciens 
parlent de la monnaie blanche de Valenciennes, des pièces forgées en 
Hainaut, à des époques dont ilne nous reste paint de preuves matérielles 
de la numismatique du pays ? Est-il bien certain qu'il n'existe pas de 
monvaie frappée eû Hainaut après Philippe-le-Bon ? Ces pièces sont à 
trouver, et on peut espérer encore qu’il ensortira un jour de terre. Au 
jourd'hui qu'une valeur vénale assez fortea été donnée aux petites mon- 
paies gothiques, on ne les détruit plus : l'orfèvre gagne davantage à les 
mettre numismatiquement en circulation qu'à les jeter brutalement au 
fond d’un barbare creuset, et chaque trouvaille nouvelle apporte ainsi 
un resseignement nouveau à la science. Il est à remarquer aussi que 
toutes les fois qu'une monographie a été publiée, les efforts des re- 
chercheurs, des collectionistes ont été plus particulièrement dirigés 
pour donner un supplément à cet ouvrage spécial. Le travail attire le 
travail, et c’est à l’aide de toutes ces recherches réunies qu’un sujet finit 
par être traité à fond et qu’il se perfectionne par des travaux continus. 
M. Réuier Chalon a déjà beaucoup fait : son livre est à la hauteur des 
connaissances actuelles ; il est riche de faits, de découvertes, de ren- 
seignements et de preuves ; ses 26 planches d'empreintes, bien ren- 
dues et exactes, contiennent 200 pièces , lesquelles , avec leurs revers, 
forment environ 400 dessins très curieux. À leur aspect, on est de 
l'avis de l’auteur qui proclame ce fait que si la collection des monnaies 
du Hainaut est une des plus difficiles à former, elle est du moins une 
des plus belles pour les types et la finesse de l'exécution des piéces, 
Elle a aussi un caractère d'originalité qu’elle doit à l'usage spécial du 
monogramme formé par un H historié , espèce de transformation d'un 
portail de temple carlovingien, faite à dessein et de manière à produire 
la lettre initiale, ornée ou doublée du mot Hannonia : telle est du 
moins l'opinion. du savant Lelewel à laquelleM. R. Chalon s'est rangée, 
en renvoyant bien loin l'explication donnée parle trop naïf d'Outre- 
man, historien de Valenciennes, qui formait le mot hoîère des premières 
lettres des quatre comtés dont Guillaume IT de Hainaut était suzerain, : 
et qui donnait ce.nom. wallon à la figure dont nous venons de parler. 

On apprend beaucoup de choses dans cet ouvrage modestement inti- 
tulé REcHERCHES ; et, depuis le sceau ou bulle d'or de Baudouin de 
Constantinople qui décore le titre du volume , jusqu'à l'empreinte du 
rare ducat de Fagnolle que le prince de Ligne fit frapper, on y trouve 
une série de curiosités qui formeraient une bien préciense collection à. 
celui qui les posséderaient en nature. A. D. 


936. — Bisroime de Sainte Berthe et de l’abbaye de Blangy, 
par M. l'abbé Parenty, chanoine d'Arras, membre de plu- 
sieurs sociétés savantes. frras, Brissy, 4846, in-16 de v et 
454 pp. plus 2 f° de tables. 


H n’existoit qu'un livre fort imparfait contenant l'Histoire abrégée de 
la vieet miracles desainte Berthe, fondatrice, première abbesse el pa- 
tronne de l'abbaye royalede Blangy en Artois, recueillie par don Char- 
les Roussel, prieur, avec permission de François de la Fosse, abbé, pu- 
bliée à Lille, ve. Danel, 1135, in-12 de 116 pages, qui, quoique réim- 
primé plusieurs fois , ne se trouvait plus communément, et d’ailleurs 
n'était plus à la hauteur des connnaissances historiques actuelles. M. 
l'abbé Parenty, à qui l’on devait déjà une Vie de Ste. - Angèle, fonda- 
trice de l’ordre de Ste. Ursule, et qui consacre sa vie à l'histoire ecclé- 
siastique du diocèse d'Arras, a eu l'idée d'écrire une histoire de Ste.- 
Berthe et de l'antique et célèbre abbaye de Blangy; qui fournit dès le 
7e siècle au monastère de St.-Vaast son premier abbé. Dom Koussel 
pe citaitautune source, et il faisait suivre chaque chapitre de réflexions, 
très pieuses sans doute, mais coupantsingulièrement sa narration. L'au- . 
teur moderne , au contraire, n’a pas failli au devoir de démontrer l'au- 
thenticité de ses documents qu’il a enrichis de notes historiques pleines 
d'intérêt et d’érudition où l'on trouve de véritables notices sur le comté 
de St.-Pol et Hesdin, sur les abbayes d'Auchy et de Ruisseauville. Le 
catalogue des abbés de Blangy est très complet et d’autant plus précieux 
pour l’histoire eéclésiastique que le Gallia chrishana montre des lacu- 
nes non comblées, et que le tome IV du Ciergé de France, par l'abbé 
Hugues du Tems, qui traite de l’archevèché de Cambrai et de ses auf- 
fragants, passe complètement sous silence le diocèse de Boulogne dont 
dépendait anciennement l'importante abbaye de Blangy qui se décorait . 
du titre de royale et portait le même écu que le Roi de France. Dom 

, dernier bénédictin survivant de ce -monestère, est mort en dé 
cembre 1450, âgé de 93 ans. 4. D. 


237. — Hisrore de Ste.-Bertille et de l’abbaye de Marœuil, par 
M. l'abbé Parenty. Arras, Brissy , 1847, in-16 de v et 154 


pages. Fig. 


Cette petite histoire a les mêmes mérites que celle qui précède : in- 
térêt, lucidité, exactitude, concision. L'œuvre débute par la légende de 
$te.-Bertille, dont la châsse est gravée au frontispice ; légende tirée de 
Bollandus et de Ghesquière, quiréforme Malbrancq sur ce point. Vien- 
” nent ensuite les documents historiques surl'abbaye de St-Amand de Ma- 
rœuil, de l'ordre deSt.-Augustin et de la congrégation d’Arrouaise, située 
sur la Scarpe, près d’Airas. Là encore nous trouvons d'excellentes no- 
tices sur St.-Vindicien, sur Alvise, évèque d’Arres ; sur l'abbaye d'Ar- 
rouaige à laquelle celle de Marœuil était afäliée et dont le prieur Gosse 


nous a donné l'histoire; sur François Richardot . évêque illustre d’Ar- 
ras , etc.. etc. La chronologie donnée par l’auteur va jusqu’à dom Eloi 
Dorlencourt, né à Anzin , que l’auteur classe comme le quarañte- 
huitieme et dernier directeur de cette maison. Suivant d’autres, les abbés 
de Marœuil auraient été au nombre de 50; mais on sait corabien il 
est difficile, dans ces temps reculés , de ne pas faire de double emploi 
et d’être d'accord sur des noms mal écrits et mal placés dans l’ordre 
des années. Cependant , M. l'abbé Pareuty avoue (p. 126) n’avoir pu 
découvrir la date précise de la mort de dom Williard, qu'il trouve 
remplacé le 23 janvier 1757 par Charles Blanchard; et, s’il faut en 
croire Le clergé de France (t. 1v. 189) il faudrait placer entre ces deux 
abbés celui portant le nom de Mestiviers et florissant en 1747. C’est 1à 
un erratum que nous soumettons à la sagacité et à l'érudition de M. 
Parenty qui aura peut-être d'excellentes raisons pour le repausser pré- 
remptoirement, A. D. 


288. — Mémornes de l'Académie d'Arras. Tome xx1v. Arras | 
_ typ. de Madaine veuve Degeorge. Août 4849. in-8° de 226 p. 


Nous avons signalé autre part l'ancienneté , l'importance , l’activité 
et l'utilité de l'Académie d'Arras. 11 nenous reste ici qu’à parler du con- 
tenu du 24° volume de ses Mémoires, dont le chiffre annonce asses 
quelle quantité de matériaux ont été mis en lumière avant ceux que 
muus énumérons aujourd'hui. Ce volume présente d'abord, suivant 
l'usage, un discours d'ouverture de M. le colonel du génie Répécaud , 
président, qui contient des notions astronomiques très attochantes et 
mises à la portée des gens du monde. Suit un rapport sur le concours 
de poésie par M. Coste, qui conclut à la non distribution des couronnes 
offertes. En compensation de cet échec poétique, le recueil que nous 
annonçons contient des fables et contes composés par M. Derbigny , 
membre résident, dont la verve toujours jeune anime et égaie toutes 
les compagnies savantes pour lesquelles il veut bien monter sa lyre 
spirituelle. M. l'abbé Parenty a inséré ensuite un rapport détaillé sur la 
charmante église du Saint-Sacrement d'Arras, construite ‘sur les plans 
de M. Grigny (Voir plus haut 2° livraison, page 257) auquel l'Acadé- 
mie décerne une médaille. La pièce capitale de ce 24° volume est 
l'Histoire de l'enseignement dans la ville d'Arras par M. l'abbé Proyart, 
chanoine, précédée du rapport de M. Colin, qui demaude qu'on lui dé- 
cerne la médaille d'or affectée au prix d'histoire. Ce travail, comptant 
plus de cent pages d'impression, est fait avec méthode, lucidité et cons- 
cience. On nesait trop ce qu'on doit le plus y louer dela clarté dustyle, de 
l’'arrangement des faits , ou des saines doctrines qui y sont émises avec 
le caime et l'autorité de laraison. Enfin, le recueil que nous analysons est 
terminé par une dissertation historique et critique, dont le titre : Napo- 
léon à Ligny et le maréchal Ney aux Quatre-Bras montre suffisamment 
que l’auteur, M. le colonel Répécaud, vient apporter son contingent de 
lumières pour dissiper les ténèbres qui enveloppent encore les causes. 
stratégiques de la graude catastrophe de Waterlo). L'histoire se ser- 


— 380 — 


vira un jour de tous ces documents peur expliquer un événement im 
mense dont la modification pouvait changer la face de l'Europe. 
‘ A. D. 


289.— Douar ET LiLLE au XIfI° siècle. Par H.-R. Duthillœul, 
d’après des manuscrits originaux, reposant aux Archives de la 
Flandre orientale à Gand. Douai. Adam d'Aubers, 1850, 
in-f° de xrit et 200 pages , 1 carte et 1 fig. | 


-M. Duthillœul, bibliothécaire de Douai, a pris pour devise : Chaque 
jour apporte son œuvre. C’est un des écrivains les plus laborieux du 
nord de la France. À peine un de ses ouvrages est-il livré à l'impression 
qu'uu autre est sur le métier, et son bagage littéraire s'augmente d’au- 
tant. Nous sommes heureux de coustater que tous ses efforts ont été 
consacrés à l'avancement de l’histoire de la contrée et à mettre en lu- 
mière les œuvres ou les faits’, les titres à la gloire de ses concitoyens. 
La ville de Douai lui doit une bibliographie et une biographie locales, 
la mise au jour des petites histoires des eommunes des environs, et 
une foule de publications sur les arts et les lettres du pays. Voici 
maintepant une production nouvelle d’un intérêt complexe : it touche à 
la fois à l’ancien droit, à la philologie, à l'archéologie et à la linguisti— 
que. C’estunu monument de vieux langage, une peinture des mœurs 
antiques et des coûtumes d'autrefois. .La série des pièces authentiques 
publiées par M. Duthillœul, avec une traduction et des notes de sa 
façon, contient l’histoire des procédures arrivées à la suite d’une lutte 
acharnée par suite de rivalités citadines entre Lille et Douai, à dater 
du mois de mai 1284. Cet immense procès criminel est donc anté- 
rieur à celui des Templiers, et, sans être d'un intérêt aussi général, il 
est comme lui une sorte d'enquête singulièrement curieuse sur l’histoire 
des rites, des mœurs et es usages. Nous pouvons ajouter que c’est 
un bon enseiguement sur le moyen-âge, et que les familles du pays, 
telles que les Warenghien, les Beaufremez , les La Phalecque, les 
d'Hangouart, les de Landas, y trouveront des titres d'ancienneté au- 
thentiques et irrécusables. L'œuvre est couronnée par une figure 
représentant le gothique et fort château de Rupelmonde qui a conservé 
dans ses flancs les vieux titres originaux qu'on vient de publier pour la 
première fois: on lui devait bien cet hommage. A. D. 


290. — BuLLETIN de la commission des Antiquités départemen- 
tales (Pas-de-Calais). Arras, impr. d'Aug Tierny, 1849, 
gr. in-8° de 68 pages. 


Le 3 mara 1846, M. Desmousseaux de Givré, préfet du Pas-de- 
€alais, fonda, dans son département, une commission des gntiquités 
départementales à l'instar de celle qui existait dans le département du 


Nord. Le %4 juillet suivant, 1a commi:sion organisait sou bureau et 
normmait M. Harbaville vice-président (le préfet étant président de 
droit). La commission continua à fonctionner et à’ enregistrer ses 
découvertes et les documents qui lui parvenaient; jusqu'à la révolution 
de 1848, dont le contre-coup la priva immédiatement des allocations 
dont elle disposait. Elle s’est ‘ainsi vue forcée d'interrompre son œu- 
vre et d'ajourner la publication de la statistique archéologique et de 
l'Album départemental que le conseil général avait confiés à ses soins. 
En attendant des jours plus heureux, le comité central'a jugéutile , en 
4849, de publier un Bulletin dans lequel on trouve un compte-rendu 
concis des travaux de la commission depuis son origine jusqu'à sa 
séance du 6 juillet 1849. Son but était de faire connaître les résul- 
tats matériels obtenus et le sommaire des documents découverts, Ces 
prémisses donnent une excellente idée de ce que sera la grande statis- 
tique monumentale du département, dont une première livraison vient 
de paraître. A. D. 


294.— STATISTIQUE MONUMENTALE du département du Pas-de- 
Calais, publiée par la commission des Antiquités départemen-— 
tales. — 4"° livraison. — Arras. chez Topino, libraire, rue 
Saint Aubert. 1850, in-4° papier fort (4 figures). 


La savante commission des antiquités du Pas-de-Calais a entrepris 
une Statistique monumentale qu’elle compte terminer eu cinq années, 
si elle est favorisée par le calme , l'ordre et la paix que demandent les 
travaux d'art et d'érudition. Cette première livraison annonce un ou-. 
vrage grandiose, solide et élégant. Le texte émane d'écrivains qui 
ont fait leurs preuves; les figures sont dessinées et gravées sur pierre 
par M. Léon Gaucherel. Ce premier cahier contient d’abord les noms 
des membres de la commission, suivis d'une introduction dans laquelle 
M. Harbaville esquisse à grands traits le plan de l'ouvrage entier. 
Dans une rapide pérégrination en Artois et dans le Boulonnais, i{ parle 
sormmairement de ce qui reste des vingt-deux maisons religieuses 
d'Arras, des trente-quatre abbayes de la province, des châteaux féodaux 
laissés sur le sol artésien, des temples restés debout, de ceux que l’art 
moderne vient d'élever ou d'achever. Ce morceau court, mais bien 
nourri de faits et de pensées, est à la fois profond et brillant. Vient 
ensuite une notice, par M. C. de Linas, sur l’église collégiale, aujour- 
d'hui paroissiale de Lillers, l’un des rares monuments d'architecture 
romane conservés dans le nord de la France. La description assez 
difficile d’un tel édifice, est fort bien faite et aidée par deux bonnes 
figures. M. le chanoine Parenty termine cette livraison par un ta- 
bleau. du portail de l’église de Saint-Michel-du-Wast, en Boulonnais, 
également d'origine romane, et que l'on attribue à sainte Îde, comtesse 
de Boulogne. qui fonda un prieuré au Wast vers 1070. On voyait en- 
core, il y a vingt ans (disait en 4839 le dernier éditeur de l'Histoire de 
Notre-Dame de Boulogne, p.54), près de l'église du Wast une cha- 
pelle où se trouvait une partie des restes de sainte Ide. Une tradition, 


— 383 — 


rapportée par M. Parenty, mettrait le lieu de naissance de Godefroy 
de Bouillon, revendiqué par les belges et les lorrains, au château du 
Wast, résidence passagère des comtes de Boulogne et de sainte Ide, 
mère ‘de Godefroy. 1ln'est pss douteux que le château du Wast ait 
existé, mais il est plus problématique que le libérateur de Jérusalem 
y ais vu le jour: Guillaume de Tyr, le père Luto, et un autre chroni- 
queur boulonnais du XVIIs siècle, le font naître avec quelque raison 
dans le palais du comte de Boulogne, son père, au lieu où s'élève au- 
jourd'hui la mairie du chef-lieu du Boulonnais. Un mémoire lu , le 15 
septembre 1832. en séance publique de la Sotiété des arts de. Bou- 
logne, par M. P. Hédouin, établit d’une manière plausible le lieu de 
naissance du héros chanté par le Tasse, que les Boulonnais peuvent 
désormais, et jusqu'à de nouvelles découvertes , regarder comme leur 
plus belle illustration. a. D. 


9993. — FLORE de l'arrondissement d'Hazebrouck, ou descrip+ 
tion des plantes du pays. Livre portatif et utile aux herborisa- 
tious (sic), par F’andamme (Henry),, pharmacien. A Haze- 
brouck, chez l’auteur, Grande Place, n°9. (imp. de Guermon- 
pres), 1850. in-8° de vur et 202 pp. 


Le goût de la botanique a presque toujours été très répandu dans le 
département du Nord où il fut encouragé et excité par les ouvrages des 
Lestiboudois, des Drapiez, des Fée, des Desmyttère, des Hécart, etc 
Aujourd'hui, en dépit des préoccupations politiques, cette science utile 
et agréable compte ercore de nombreux adeptes. Voici venir M. Henri 
Vandamme, pharmacien à Hazebrouck, qui vient de faire paraître la 
Flore de son arrondissement , livre portatif et utile aux herboriseurs,, 
qui y trouveront les notions élémentaires sur les organes des végétaux, 
leurs noms en latin, en français et en flamand, le temps de la floraison 
et l'indication des vertus de toutes les plantes qui croissent naturelle- 
ment dans le pays ou que l’on y cultive communément pour l'usage de 
la médecine et de l’économie domestique. L'auteur a disposé son 
travail selon le système de Linnée, avec la concordance des familles 
naturelles de Jussieu. Le bel et vaste herbier formé habilement par 
M. Maurice Vandamme, . père de Henry, mort en 1843, a servi de 
base à coue Flore de l'arrondissement d'Hazebrouck, qui sera désor- 
mais d’un grand secours pour tous les amateurs de cette charmante 
science de la botanique, qui instruit la jeunesse en l’amusant et en la 
fortifiant par des excursions gymnastiques. | A. D. 


993. — HISTOIRE de la dentelle par M. de ***. Paris, au dépôt 
belge, maison Frascati, 19 , boulevard Montmartre (Impr. de 
Béthune et Plon) 1845, in-42 de 86 pp. orné de figures (8). 


Ce mignard volume, dont le texte estencadré, illustré et tiré sur pa- 


+ 383 — 


papier vélin, a toutes les conditions voulues pour traiter un sujet ausai 
fastueux et aristocratique que la dentelle , et former une élégante pla- 
quette destinée à figurer sur les tablettes d’une bibliothèque de bonne 
maison. 1l est d’origine belge, mais il a la forme française, et, comme la 
légère parure dont il décrit l'histoire, il s moins de solidité que de 
brillant, moins d’utilité que d'agrément : e’est de la côuleur locale au 
suprême degré ! La dentelle est originaire de Flandre ; les villes de 
Bruxelles, Malines, Valenciennes et Lille revendiquent checune l'in- 
véntion d'un point particulier et d’une fabrication spéciale. La dentelle 
de Valenciennes est la plus solide et la plus recherchée ; elle se fait au 
fuseau, d’une seule fois, fond et broderie, tantôt à maille ronde , tan- 
tôt à maille carrée. Cette dentelle, riche, fine et égale, résiste à l'usage 
et passe de la mère à la fille et quelquefois à la petite-fille ; aussi est. 
elle recherchée et fort chère. La guerre a brisé presque tous les car- 
reaux de dentelle de Valenciennes ; et cette belle fabrique s’est retirée 
à Ypres, Bruges et Courtrai. Le petit traité que nous annonçons, après 
avoir été vendu à un prix assez élevé, est tombé bien bas à mesure que 
les dentelles et les gens qui les portent étaient frappés par les révolu- 
tions : mais c’est là une affaire de mode ; ce joli opuscule remontera 
en même temps que le luxe : Habent sua fata libelli. AD. 


994. — Norice sur Frédéric-Auguste-Ferdinand-Thomas, ba 
rou de Reiffenberg , conservateur de la bibliothèque royale de 
Bruxelles, etc., publiée par la Société des Bibliophiles. belges, 
séant à Mons. Mons, typ. d’Emm Hoyois, 4850 gr. in-8° de 
40 pp. — Le BARON DE REIFFENBERG, notice biographique 
par Xavier Heuschling, chef de division au ministère de l’in- 
térieur, etc. Cologne, Bonn et Bruxelles, 1850, in-8° de: 
87 pp. — Norice sur le baron de Reiffeuberg, par M. J. G. 
A. Luthereau, rédacteur en chef dela Renaissance, etc. Bru- 
æelles, impr. des Beaux-Arts. 4850, gr. in-8° de 46 pages. 


Les lettres belges ont fait une perte irréparable dans la personne de 
M. de Roiffenberg que ses compatriotes estimeront de plus en plus à 
mesure que le vide immense qu'il laisse en mourant sera mieux aper- 
çu. Ne nous étonnons point si l Académie de Bruxelles attend avec 
impatience son buste, sisa ville natale fait frapper sa médaille , si les 
notices biographiques et les discours funéraires pleuvent de toutes parts, 
On ne saurait rendre trop d’hommages à l'homme éminent qui sera 
long-temps l'honneur et la gloire de sa patrie. M. Adoiphe Mathieu, de 
Mons, ami et confrère du défunt, a été chargé par la Société des bi- 
bliophiles belges, de faire la notice nécrologique de son compatriote ; 
il s'est acquitté de cette noble charge avec un double mérite : il a chanté 
lillustre mort en prose et en vers. En prose , il a traité de sa généalo-: 
gie , de ses titres honorifiques et littéraires, et il a donné la longue liste 
de ses œuvres aussi variées que nombreuses , aussi diverses qu'uni- 


— 384 — 


verselles ; en.vers , ila redit les qualités du cœur et. de J’esprit du 
noble écrivain, et là aussi il y avait beaucoup à raconter. L'auteur a 
unila méthode et l'exactitude à l'enthousiasme et l'élévation. poétique : 
l'hommage est complet. 

Dans sa Notice, M. X. Heuschling a ee chaudement l'accusa- 
tion faite à la Belgique par les étrangers et par. maints nationaux de. 
n'avoir pas d'écrivains ; et il avait sous la main un fameux thême 
pour prouver qu'il existait-une Belgique littéraire, comme une Belgique 
artistique et industrielle. M. X. H. a inséré cette biographie daus le tome 
vu du bulletin du Bibliophile belge, publicauon qui, plus qu'aucune 
autre, porte le deuil de la mortde son érudit et spirituel fondateur. 

Enfin M. Luthereau a essayé de sonder les profondeurs de l'esprit et 
du caractère de l’illustre académicien de Bruxeïles, et, s'écartant un 
peu de la nomenclature des œuvres littéraires, il a adroitement touché 
quelques-uns des reproches que les envieux adressèrent au défunt , et 
il à presque rendu sa notice anecdotique. Ge plan était sans contredit 
tgacé d’une manière attachante et il eut été piquant de le pousser ainsi 
jusqu'aux dernières limites ; mais latombe du regrettable Pic de la Mi- 
raudole belge, se trouvait peut-être trop récemment fermée pour en 
agir ainsi: attendons. Pour nous, ce que nous désirerions voir ac- 
complir dans l'intérêt de la haute réputation d'esprit, d’amabilité 
et de science dont jouit avec tant de succès mérité l'homme que nous 
regrettons , ce serait la publication de sa correspondance littéraire 
avec les savants de France, d'Angleterre, d'Allemagne, de Hollande 
et de son propre pays. On verrait dans cette œuvre qui devien- 
drait colossale si on la _complétait, quel fut celui qui soutint pendant 
plus de trente années une bonne part de l'honneur littéraire de la Bel- 
gique, qui gagna constamment de nouveaux amis sans perdre les an- 
ciens, et qui futun savant appartenant pour ainsi dire à toutes les na- 
tions par ses connaissances variées des langues mortes et vivantes, des 
mœurs et des littératures des deux hémisphères. Qu'on s'étonne sprés 
cela que cette encyclopédie vivante fut chevalier de dix-sept ordres et 
membre de cinquante Académies ! A. D. 


: -NOUVELLES LITTÉRAIRES 


ET | - 


DÉCOUVERTES HISTORIQUES. 


— Dans un de ses récents voyages en Belgique, M. Louis de Baec- 
ker, de Bergues , a eu l’occasion de feuilleter le cartulaire inédit de 
St.-Pierre, de Gand. Il y a remarqué une quantité d’actes et de char- 
tes concernant le nord dé la France, et notamment Terdeghem, près 
Cassel ; Boesinghem, surles confins de l'arrondissement d’Hazebrouck; 
| * Noyelles, Camphin, Douchy. Anetières et Carvin. 

L'ivtelligent voyageur a relevé lestitres relatifs aux. troïs derniers 
_ Villages ; les voici : 
I. Pulcra concordia super Dominio de Douchy. 
11. De separatione prochiæ Douchy et de Noyelle. 
IL. Confirmatio Ottonis imperatoris super libertate de Douchy. 
IV. De libertate ville Douchy facta per Balduinum comitem. 
V. De Dulchiaco et de Snelleghem. 
VI. De invediatione terre apud Douchy. 
VII. De redditibus personnatus de Carvin. 
VIH, De decimâ de Carvin. 

IX. De ectlesiâ de Carvin. 

X. De quadam parte decie in Carvin. 

XI. Pe conventione factä inter Ecclesiam et Hugonem de Hanetières. 
XIL. De villico de Hanetières. 

La charte d'émancipation de Douchy accordée par Baudouin, comte 

de Flandre, mérite d'être citée”  - 
"« In nomine sancte et iidividue Trinitatis, Balduinus Dei gra , mar- 
» chisus , etc. 
. » Judex nullus advocatus vel exactor potestatem habeat quippiam 
 juris faciendi in e4 vel tollen vel precationes facere vel placatum te- 
nere. Sed abbas memorati loci vel quem ipse sub se constitueri om- 
nia in ppà_ potestate et jure teueat, ques‘ agenda vel exigenda in pre- 
dicta villa. Excepto quod tria gensralia placita que sunt agenda per 
annum. Hoc est post natale Domini, post pascha, post festum sti 
Johannis per advocatum sunt transigenda in quibus ipse tantum de- 
narium accipiat, opérarii autem hoc est homines de villa facient ser- 
vitium comitis ad castrum Valentianas vel ubi Jens ad mesuram 
siout antiquitus est eis- constitutum. 
» + Aëtum publice spud castrüm Isla nomine XHI al. februarii. » 
(Sans indication d'année.) 


CREER) 


— 386 — 


«— M. l'abbé Jules Corblet, place des Vosges, n° 29, à Paris , fait 
paraître en ce moment le Glossaire étymologique et comparatif du patois 
picard ancien et moderne, précédé de recherches philologiques et litté- 
raires sur ce dialecte, en un fort volume in-8°, Cet ouvrage important, 
qui a été couronné par la Société des Antiquaires de Picardie, dans la 
séance publique du 19 août 1849, est divisé en deux parties : la pre- 
mière traite des origines de l’idiome picard, de ses variétés, de s6s 
Yormes grammaticales, de ses rébus, de ses sobriquets, noms d'hom> 
mes et de lieux, de ses locutions proverbiales et dictons historiques, 
etc.; la seconde comprend un glossaire étymologique ët comparatif de 
plus de 6,000 mots. Cé travail philologique intéresse au plus haut 
point tout le nord de la France et le pays wallon de la Belgique, dont le 
vieux langage a la même origine que le patois picard; il sera d’un 
excellent secours pour lire et comprendre les œuvres de nos naïfs et 
spirituels trouvères, dont l'étude, aujoürd’hui plus populaire que jamais, 
dévoile tous les arcanes du moyen-âge. 

— La ville de Mons est la ville aux Almanachs; nous en avons trois 
à annoncer pour l’an de grâce 1851. Savoir : 1° la sixième année dé 
YArmonaque de Mons, imp. de Masquillier éié Lamir, in-16 de 64 pp. 
2o La toisième année des cont’ dé quiés, almonach montois pou 1851, 
chez Th. Leroux, in-16 de 69 pp. 3° Le véritable Almanach historique 
du Hainaut pour l'année 51 du XIXe siècle. 4e année , Mons. Emm: 
Hoyois, in-12 de 72 pages. [Les deux premiers sont en patois; le 
second a la prétention d'être écrit eñ français, et il en dit plus qu'il. 
h'est gros, car on trouve, dans ses 72 pages, une foule de données 
historiques bievu plus profitables à fournir au peuple que les pernicieu- 
ses doctrines que les almanachs populaires français cherchent à vulga- 
riser. 

— C'est uhe cousolation, par le temps de révolution qui court, dé 
voir fonder une entreprise littéraire de quelqu'importance. Aussi 
annonçons-nous avec plaisir l'apparition du 1€r cahier des Annales 
Boulonnaises, recueil d'archéologie, d'histoire, de litlérature, sciences et 
beaux-arts, consacré à la ville de Boulogne-sur-Mer et au territoire de 
l'ancien comté de ce nom. Boulogne, Berger frères, 1851, in-8° 40 pp. 
fig. Ce début, à pareilie époque, annonce une grande foi dans l'avenir 
et une confiance illimitée dans le goût littéraire des Boulonnais. Puisse 
l'espoir des éditeurs n'être pas trompé! Nous aimons à constater, 
dans un premier aperçu, l’uüulité de cette publication, et le courage et 
le talent de ses rédacteurs. Nous citerons en premièré ligne M. Fran- 
gois Morand, avocat et correspondant du ministère de l'instruction 
. publique, qui a enrichi cette première livraison d'éphémérides bou- 
lonnaises intéressantes, et d’un excellent article sur. Mathdolus et son 
traducteur Jehan Lefèvre. M. Morand paraît appelé à être la plus fer- 
me colonne de la nouvelle revue : elle sera bien soutenue, 

— Fables. Lille. imp. de L. Danel. 1850, in-12 de 59 pp. Tel 
est le titre d’un migvard recueil qu'un anonyme lillois vient de faire 
paraitre sans le livrer au commerce, et pour le plaisir de ses amis et 
de quelques bibliophiles. Ce livret coquet, conteñant 33 fables, est 
imprimé avec luxe et formera une charmante plaquette que les amis de 
la douce philosophie mise en vers agréables, réchercheront désormais. 


— 387 — 


— M. Baligand père, de Mortagne, ancien notaire et metibre du 
vonseil d'arrondissement de Valenciennes, vient d'offrir à l’administra- 
tion municipale de cette ville, pour être déposées dans sa biblio- 
théque publique, un ancien manuscrit in-folio provenant de sa famille 
et renfermant une foule de pièces et documents intéressants pour l'his- 
toire etle vieux droit coûtümier du pays. On y remarque les anciennes 
et seules coûtumes authentiques de Mortagne ; les coùûtumes de Valen- 
ciennes décrétées par Charles-Quint , au château de Binche, le 23 mars 
1540 ; les lettres-patentes du même Empereur en faveur des Roi, 
connétable et membres de la compagnie des Arbalestriers de Valen- 
siennes, à la date du 11 juillet 1533, et une foule de pièces très im- 
portantes sur les droits, flefs, priviléges et seigneurs de Mortagne , qui 
fut jadis une ville fortifiée, dépendant de la chatelleniede Tournai. Ces 
documents historiques se trouveront très bien placés à la bibliothèque 
publique de Valençiennes. 

— Un ouvrage très important va être publié à Londres par deux 
artistes belges auxquels leur beau talent à valu une réputation euro- 
péenne, MM. Charleset Louis Haghe. Cet ouvrage est un album de 
25 planches représentant dans tous ses détails la magnifique mosquée 
de Sainte-Sophie, à Constantinople. On a publié, il y a quelque 
temps, des détails fort intéressants sur la restauration de ce monument 
par M. Fossati, grâce àla sollicitude éclairée du sultan Abd-ul-Medjid. 
Cette admirable basilique, œuvre d’Athénius de Tralles et d'Isidore de 
Millet, qui pendant 918 ans avait servi au culte chrétien avant d’être 
transformée en mosquée, va, grâce à nos deux célèbres compatriotes, 
être connue de tous les amis des arts. Dans l'ouvrage de MM. Haghe, 
les merveilleuses mosaïques sur fond d'or, mises au jour en 1847 par le 
chevalier Gasparo Fossati, seront reproüites avec une grande fidélité. 
Get ouvrage sera publié en deux éditions, une grande et une petite. Î 
paraitra au mois de juin. 

— M. Duthillœul, bibliothécaire de Douai, va mettre à exécution un 
projet littéraire formé, il y a bien longtemps et conjointement avec feu 
M. Guëlmot, son prédécesseur ; il est question de la réimpression, avec 
tous les éclaircissements désirables, du voyage à Jérusalem de Jacques 
Le Saige, de Douai, au commencement du XVIe siècle, et qui fut impri- 
mé deux fois à Cambrai par Bonaventure Brassart, en 1518 et 1524, 
sans pour cela être moins recherché et moins rare. Ce livre a passé 
loug-temps pour être le premier produit de l'imprimetie dans le nord 
de la France ; il n’est déchu de ce rang que depuis la découverte des 
ouvrages imprimés à Valenciennes, vers 1499 et 4%00, par Jehan de 
Liège, qui reste définitivement le père de la typographie dans nos pro- 
vinces. 

— M. Félix Robaut, habile lithographe de Douai, s'occupe de la 
confection des planches qui doivent orner l'Histoire de l'abbaye d'An- 
chin, par M. le docteur Lescalier. Cet intéressant ouvrage ne tardera 
‘pas à paraitre. | 

— Le 13 jenvier 1881 et jours suivauts, on a precédé à Mons à la 
vente des bibliothèques de feu M. Fremiet, sncien greffier provincial 
du Hainaut , et de feu M. Delobel, ancien bibliothécaire de la ville de 

Mons. La mauvaise rédaction du catalogue de cette collection n'a pas 
empêché que les livres n'aient été vendus à un prix élevé, surtout lors= 


— 388 — 


Œu'ils étaient enrichis de figures. Il reste encore à vendre uhb suite 
assez considérable de dessins originaux et douze à quinze portefeuilles 
de gravures délaissés par M. Fromiet, amateur très fervent. 

— M, le docteur P.-J. Davoine. président de la Société des sciences 
médicales et naturelles de Malines, a lu, le 30 mai 4848, dans une 
séance solennelle de cette compagnie, une Notice sur Jean Storms, 
docteur et professeur. à l'Université de Louvain, chanoine de la métro- 
pole de Cambrai et de la collégiale Saint-Pierre de Louvain. : Cette 
notice a été imprimée depuis /Walines, J.-F. Olbrechis, 1848, in-8° 
27 pp.) Avec Joachim Roclans et Thomas de Rye, Jean Slorms forme 
üne trinité médicale qui fait honneur à Malines, sa patrie. J. Storme 
y naquit le 29 août 1559. Malgré ses nombreux ouvrages en physique, 
botanique , médecine et versificätion latine, ce savant-n'a pe obtenu 
d'article dans la Biographie dite universelle. 

— M. André Van Hasselt, l'un des meilleurs poètes dela Belgique, 
a publié, en 1840, une bonne Vie de P.-P'jRubens, in-8°, terminée par 
le catalogue des œuvres du prince des peintres flamands. On y trouve, 
page 243, une asserlion qui mérite d'être relevée en faveur de la vé- 
rité. L'auteur y dit que le Martyre de Saint-Etienne, peint par Rubens 
pour l’abbaye de Saint-Amaud en Flandre, tomba plus tard dons la 
possession Au comte de Cobenizl ; qu'il appartenait en 1830 à S. M. 
le Roi des Belges, alors prince de Saxe-Cobourg, et qu'ila été gravé 
par Tassaert. De ces quatre propositions, la première et la dernière 
sont seules incontestables : le Martyre de Saint-Etienne a été fait par 
Rubens pour l'abbaye de Saint-Amand et fut gravé par Tassaert. Quant 
au tableau original, il passa à Valenciennes, après la fermeture des 
maisons religieuses ; il orna l'église St--Géry de cette ville au rétablis- 
sement du culte. et fit ensuite _partie de son musée, dont il est aujour- 
d’hui le plus bel ornement. Si le comte de Cobentzl et le-rol Léopold 
ont possédé un Afartyre de Saint-Etienne peint, c'est que’ Rubens en a 
fait deux, ou qu'ute copie de cette belle œuvré circule sous son nom. 
Ce qui a pu induire l'honorable M. Van Hasselt en erreur, c'est que la 
gravure du tableau de Rubens faite par Tassaert est dediée au comte de 
Cobentsl : ou a pu inférer de là que ce seigneur avait en sa pôssession 
le tableau, tandis que peut-être il conservait chez luile dessin du mai- 
tre, oula première esquisse qui servit de donnée primitive à Rubens 
pour l’œuvre magnifique que possède la ville de Valenciennes. . 

— La belle et nombreuse biblothèque de feu M. Aimé Leroy, der- 
nier bibliothècaire de Valenciennes, vient d’être acquise , en masse. 
par M. Louis Boca, élève de l'école des Chartes, nommé récemment 
archiviste du département de la Somme à Amiens. La bibliothèque de 
M. Aimé Leroy était surtout remarquable pa une collection curieuse de 
Jivres et de pièces sur l’histoire de notre contrée, collection rassemblée 
avec soin et dévouement par son dernier possesseur pendant près de 
quarante années. Les amis des lettres et de l’histoire apprendront avec 
plaisir que cette bibliothèque ne sera pas dispersée. Elle va être transi 
portée intégralement à Amiens, résidence de son nouveau propriétaire. 


ut, 


JEANNE LA FOLLR ET SA PLUS JEUNE FILLE. 


—@—— 


é. 
f 


FRAGMENT HISTORIQUE EXTRAIT D'UN. OUVRAGE INÉDIT, INTITULÉ : 
He 4 ‘à 4 à , e 


} 


LA MÈRE ETLES SŒURS DE CHABLES « QUINT) 


Re _ Par M.LE GLAY. 


Catherine d'Autriche, fille de Philippe -le- Beau ; archidüc 
d’Aatriehe et de Jeanne d'Aragon, teine de Castille, naqüit le 44 
juin 4507: Elle ne: -conuut pas sott père qui était mort depuis 
plus:dehaït mois lorsqu'elle vint'at' monde. Jeanne, sa mère, 
dont Eétprit Etait déjà affaibli avarit le décès de Philippe, devint 
tout.à:fitféllé quad elle eut perdu ce prince inôpinément, le 25 
seplemtise 4506, :à Burgos. On essaya en vain dé lui enlevér 
l'anfant-à: qui ellé-avait donné naissénée ; on ne put la lüui arra- 
clier, non plus qué le tadavré de son mari qu'elle conserva près 
d'ele pendant plusieurs années, mhalgré les prières, les menaces, 
les 'rusos a Lt Lo pour vaincre soh sDRGnARoR touchante. 

Ud CE LE. % 

«Lors même qu’on fut parvenu à ôter de sa présence le tercueil 
qui rentérmait les restes de Philippe, on.ne réussit pas à éloigner 
d'elle: ta'pauvre enfant qui partägeait les tristesses de sa cellule, 
les enmuis.de son deuël, les privations de tous genres di pie 
cette reine: malheureuse s "était condamnée. ï à 

Le 


27 


— 390 — 


La jeune Catherine ne sortait jamais de la chambre de sa mère ; 
elle avait pour toute société les deux -femmes qui la servaient et 
pour tout délassement la vue d’un petit préau où quelques enfants 
venaient jouer sous 8es fenêtres. C’est ainsi que s’écoulait l’en- 
fance de cette jeune princesse dont le frère, alors roi de Castille, 
fut plus tard l’empereur Charles-Quint, et dont les sœurs se nom- 
maient la reine de Danemarck, la rèine de ‘Hongrie, la reine de 
Portugal. Elle était âgée de dix ans lorsque son frère, le roi 
Charles, se rendit en Espagne afin de prendre possession de ses 
états. Reléguée dans le triste château de Tordesillas, elle savait 
à peine à quelle famille elle appartenait. 


Un jour, on annonce l’arrivée du roi. ‘* La reine Jeanné, qui 
ne souffrait pas le moindre ornement dans sa chambre et qui 
affectait même de s’y tenir dans l'état lé ptus négligé, consentit à 
tout ce qu’on lui demanda pour recevoir dignement son fils et sa 
fille atnée, madame Eléonore, reise de Portugal. On leur prépara 
donc des appartements aussi somptueux qu’il fut possible. La 
chambre du roi fut tendue de drap d’or rehaussé de trois couleurs, 
éramoisi, vert et blanc. Quant à la propre chambre de Jeanne, 
on n’osa y faire aucun changement. 

ai ds 

Lorsqhe Charles fut arrété à Tordesillss, le. tant de, la, 
Yéine et son. chevalier d'hopueur vinrent lui. demander: si elle : 
voulait bien recevoir le roi son. fils et madame Eléonore sa,fille, , 
ainsi que M. de Chjièvres qui les accompagnait en, qualité. de gouo: 
verneur. Jeanne répondit qu'ellé..avait, honne.. connaisgnes et : 
sauveuance du sieur de Chièvres et qu’elle .serait bipp aise, dé: 
l'entendre. M. de Chjèvres,se présenta donc; .et.après.ayait fait : 
sa révérence êt demandé, à la reine des nouvelles de sa santé , :ili ; 
lui parla de la réception gloriense de ses enfants dans le royaums:; 
de Castille; puis il ajouta que, grâce à Dieu, tons..ses enfants 
étaient bien conditiounés et de bonne nature. « Eten vérité, 
» Madame, dit-il, je dois gsandement .me;touer d'eux; : car, à 
» mou avis, on n'en saufoit trouven de meilleurs, tant äls1sont, 
* vertueux, sages.et de bonne affaire, Et comme vos: .béns.et':. 
» hwübles enfants, ils m'ont chargé de vous dire:que ceiqu'ils : 
s désirent le plus au monde , c’est de vous voir et de vous.fire. la 
# révérence. » La reine ; éentendant parler ainsi M. de Chièvres, 


— 39€ — 


tnanifesta, une joie inaecoutumée et: dit qu’elle seraib fort aise de: 
voir seslenfants. Fr p ere 6 up te 
: . M dns er aie 
Charles et sa sœur, accompagnés d'un petit Sn onbes de person 
nes, se rendirent chez leur mère. Admis devant elle, ils firent 
d’abord une profonde révérence ; puis, s’avançant jusqu'au milieu 
de la chambre, ils s'inclipèrent-à peu près jusqu’aterre.. Après, 
quoi le jeune prince voulut prendre la main de sa wère pour la, 
baiser ; maisda. reine retira, brusquement. sa main pt saisit son fils, 
dans ses bras, ainsi. que sa file Eléonore. « Madame ,. lui dit. 
». Charles, nous , vos humbles. enfants , merveilleusement joyeux. 
»+, de vous voir en bonne santé , Dieu merci, désirions depuis 
». » long-temps vous faire la révérence et vous présenter honnenr,. 
». serwice et soumission. « La reine ne répondit mof ; mais elle. 
soupira , branla la tête et leur prit les mains à. tous. deux. . Après, 
un silence assez' prolongé et les avoir regardés avec: étonnement. 
elle leur dit: « Mais êtes-vous bien mes enfants? »p — « Oui, 
», madame,» dit le roi. Algrs Jeanne se, Signa le front. en 
disant : 43. Que vous, êtes devenus. grands en peu d'années. Eh. 
» biep,. AR bonne. heure! Que. Dieu. en. soit. loué! Certes,‘ 
» enfants, vous avez eu grande peine et trévail de venir de si, 
». loin ; aussi je n6 m'é "étonne pas si, vous êtes foulés et fatigués. 
» Et éorume il est déjà tard, .-Yous ferez bien pour aijjurd'hai de. 
w vous retirer et d’aller vous repoggr jusqu'à demain. Le roi. 
et sa sœyr comprirent ce que voulaient dire ces paroles; : ils pri- 


rent congé de leur mère. ë 


‘M.'de Chièvres . dans l'appartement avec te’confesseur | 
et le chevalier d'honneur. Voyant que la reine l’écoutait volon- 
tiers, il lui fit de rechef l'éloge de ses enfants. « Vraiment, 

» madame, lui dit-il encorë, iln'ya point de prince ni princesse 
» en ce monde à qui Dieu ait fait plus de grâce qu’à vous pour 
» cause de vos bons enfants, et surtout de ce que monsieur votre 
fils est déjà homme pour entreprendre en votre nom la char ge 
de vos royaumes ‘et seigneuries', afin de vous soulager de cette 
peine ‘et que désormais vous soyez tant mieux à votre aise. 
C’est pourquoi, madame, sous votre correction, il me semble: 
que vous ferez sagement de ui en donner la chârge dès ä pré- 


E: ST 4 


— 399 AL nent 


». sent, afin que, de votre vivant, il apprenne à régif et gouverner. 
» vos peuples. » L'habile négociateur parla si bien qamtlareine 
donna son consentement à tout ce que l’on demandait. 
Catherine avait assisté à cette entrevue. Le chroniqueur, Ail- 
rëut Vital, à qi nous emprantons tes détails, parle de cette jeune” 
prinéesse avec enthonsiasme. «Ses sœurs, dit il, éont belles; 
C2 bonnes et bien gentilles, mais eï beanté , ‘celte di est l'outre- 
m passe. C'est elle qui ressemble lé “plus au roi dom Philippe : 
» son père ; mais élle n’est pas’ tant seulemient béflé; elle est” 
* ‘encore douée de bonnes mœurs'et conditions, et quand ele ne’ 
«_seroit pas extraite de si haut lieu’, on l’aimeroit encorëé pour sa 
» bonnegrâce. Bien qu’elle n'ait que douze ans d'age, elle est 
» toute sagete, peu partante, et bien‘grâciense en tout. Aussi 
» disoit-on que c’ estoit 000 dommage qu' . lost âtusi tenue 
» lose ét solitaire » | ad 
Le, JA LE : RUE DPONUNÉ ue ue NOR ai 
Depuis pei dé témps, Le chevalidr d'honneur art Ébtér'a OT ‘on 
pr atiquât à fa chaïnfre à une fenêtre ‘four donier dû piste Stenips a” 
la princesse. Elle prenait ‘plaistr à voir les passänts aléra F éclise" 
et les paltréniers conduire leurs chevaux à l'abréuvoir ; eñé aimait 
surtont à voir jouer les enfants; et pour les âttirèr, ‘elle eut j jetait” 
quelques pièces d'argent. Voûr toùtes darts d'honneur, elle 
avait deux vieilles servantes. “Élle n'était pâréé paë dessus sa côtte 
que d’une peluche d'Espagne qui pouvait valoir environ déux 
eucats. Son parement de tête était un linge de molleton où tôt- : 
lette blanche jetée sur son front et sur ses cheveux qui per: gaient 
en queue. 


“i 


Quand le roi fat retourné à Valladolid, il se prit à regrelter ” 
que sa jeune sœur fût ainsi relenne captive et privée de toute édu- | 
cation. Il pensa douc à la retirer de cette solitude On lui rap 
pela que l'archiduc Ferdinand, son frère, avait été ainsi gardé 
long- temps par la reine; mais que le roi d'Aragon, son aïeul, 
l'avait fait enlever un jour pour le soigner près de lui. Jeune. 
qui s’en émut d’abord, finit por n'y plus songer. On crut qu'il 
en serait ainsi pour la princesse Catherine, et l’on s'occupa des 
moyens de la soustraire clandestinement. 


— 393 — 


Parmi les anciens serviteurs de la reine se. trouvait un nommé 
Bertrand, natif d'Anvers, en qui Jeanne mettait sa pleine confiance. 
Bertrand avait ses entrées à toute heure dans la:chambre de la 
reine et de la jeane princesse. Ce fut à lui qu’on s'adressa pour 
la réussite de cette opération, Quand le vieillard fidèle eut dregsé. 
toules ses batteries, il en informa le roi qui envoya à Tordesilla! 
le seigneur de Trasignies. accompagné d’un certain nombre de 
gentilshommes, de dames et d'une escorte de deux cents che- 
vaux. É 


Or, il est bon de savoir que la chambre à coucher de Catherine 
d'Autriche n'avait d'issue que sur celle de la reine; mais elle 
aboutissait à une grande galerie où personne ne passait. Ber- 
trand pratiqua, pendant la nuit, une ouverture dans la muraille 
de terre qui séparait cette galerie de la chambre. Il le fit avec 
tant de dextérité qu'il ne fut ni vu ni entendu ; il y avait d’ailleurs 
au-dedans de la chambre, une tapisserie épaisse qui amortissait le 
bruit. À | 


; Î 

La nuit, vers une heure, Bertrand, informé que les gens da roi 
étaient arrivés auprès du château pour emmener Ja jeune infante;, 
s’introduisit tout doucement dans la première chambre, prit la 
lumière qui brûlait sur une table et s’en alla à petits pas éveiller la 
gardienne de madame Catherine. Cette femme, apercevant un 
homme au milieu de l'obscurité, fut tellement perplexe et étonnée 
qu'elle allait jeter un cri pour appeler du monde, si Bertrand ne 
se fût fait connaître en lui disant à voix basse: « Segnora , soyez 
» contente et ne vous étonnez de rien; écoutez cé que je vous 
» dirai, car si vous me voyez ici, c’est par l'ordonnance du roi 
» qui m'a commandé de vous dire que vous vous gardiez bien de 
» faire bruit ou empeschement à son bon plaisir, et au contraire 
- devez m'assister en ma charge. Pour quoi sera bien que vous 
» éveillez Madame, notre petite, maîtresse; et alors je lui dirai la 
» volonté du roi. » 


La bonne femme tout ébahie alla donc éveiller sa jeune mattres- 
se. Bertrand lui fit la révérence d’un air joyeux et lui dit qu'il 
avait ordre du roi de la délivrer de la captivité où elle était déte- 
nue depuis si long-temps. « Il vous envoie quérir, ajuuta-t-il, 


— 394 — 


+ par le sieur de. Trasignies, chevalier d'honneur dé madame 
» Eléonore, votre borne sœur, lequel seigneur vous attend tà- 
» bas auprès du pont, depuis plus d’une grosse heure, avec beau- 
». coup-de geñs de bien et.quantité de à ames'et damoisglles poar 
» gous conduire auprès du roi, votre bon frère. Partant, ma- 
» dame, il est besoin de vous habiller et pi at pour. venir 
» avec NOUS sans mpIUs noie » : | 


Les femmes de chambre entendant ces Role n ‘osèrent ré 
sister ni faire semblant de rien. La; jeune dame désirait fort d’être 
délivrée et d'aller rejoiridre le roi son frère .et la reine sa sœur ; 
mais touchée d’un grand amour filial et eraignant: d'offenser sa 
mére, elle répondit en ces termes :.« OQui-da ! Bertrand, je vous 
» ai bien entendu ; mais que dira la reine, ma mère, quand elle 
» me demandera et ne saura plus où je suis ? Certes, je désire 
» bien faire ce que veutle roi; mais il me semble qu'il vaudrait 
» mieux ne pas m’éloigner pendant trois ou quatre jours et me 
» mettre secrètement en un logis voisin afin de voir comment 
“ la reine, ma mère, se contentera quand ellene me verra plus. 
» Si elle le supporte légèrement, alors je m'en iraï vers mon frère ; 
»: si, au contraire, elle se mécontente trop, on lui donnera à enten- 
» dre que j'ai étéun peu malade pendant quelques jours et que les : 
» médecins m'ont fait changer de lieu et d'air. » Ainsi parlait le: 
raisonnait la jeune et bonne. dame ; mais quand elle vit qu'on ne. 
voulait pas ouïr ses remontrances, elle se résigna à partir, non 
sans pleurer beaucoup. | 


Lorsque Bertrand l’eut conduite sans bruit par l'ouverture dont : 
nous ayons parlé, il la remit entre les mains de M. de Trasignies 
qui la fit placer sur une litière auprès des dames et damoïiselles 
qui devaient l'accompagner et qui se mirent à chanter fort agréa- 
blement pour lui faire oublier son ennui. On arriva le lendemain 
vendredi de bonne heure à Valladolid et l’on descendit au logis de 
madame Eléonore auprès du palais du roi. « Je la vis entrer, dit 
» Laurent Vital, etaller en la chambre de madame sa sœur par 
» une galerie. Le seigneur de Trasignies la tenoit par une main et 
» madame de Chièvre par l’autre, et la segnora dona Auna de 
» Beaumont , gouvernante de ses sœurs, lui portoit la queue. 
» La princesse estoit alors vêtue d’une robe de satin brochée d'or. 


— 395 — 


» de couleur violette, et elle ‘estoit coiffée à la mode du pays de 
» Castille, ce qui toi sied fort bien, éar c est une fort belle fille 
» ét plos belle qu'ancune’autre de ses sœurs et qu'aucune autre 
» Que'j'aie ‘jamais vue » , dit encore le bon Laurent Vital. 
"Le ‘dimanche suivant, madame Catherine assista aux joûtes bril= 
läntes qui furent dénnées à Valladolid en l'honneur des dames et 
qui durèrént depuis midi jusqu’à minuit. Mais tandis que l'on me- 
nôit «insi joyeuse vie à la cour, la reine Jeanne demandait à cha- 
cun où était sa fille ; et niles femmes ni Bertrand ne savaient que 
répondre. Alots la bonne mère devint fort plaintive ét désolée ; : 
elle alfait de chambre en chambre, de coin en coin, avec une ser- 
vante cherctier si sa fille ne s’ yÿ trouvait pas; elle l'appelait à 
grauds cris dans son langage castillan ; elle déchirait les tapisse- 
ries pour voir si sa bonne fille n’était pas derrière. Et son deuil 
devint si grand et si piteux qu'elle ne |voulut ni Eboire, ni 
manger, ni dormir. « Je maugerai, disoit-elle sans cesse, quand 
j'aurai recouvré ma fille. » Bertrand essaya de la consoler, mais 
ce fut en vain. « Hélas, Bertrand, crioit-elle, on m'a dérobé mon 
enfant. » — « Madame, reprit Bertrand, je vous prie de cesser 
» votre deuil, cat je m'en irai vers le roi votre fils pour l'avertir; 
» et quand il saura combien vous êtes en peine, il fera faire en- 
» quête de tous côtés, etje suis sûr que par ce moyen vous aurez 
+ bientôt bonne nouvelle.» Nonobstant ces paroles de Bertrand, 
la reine passa deux jours et deux nuits sans boire, manger ni 
dormir. 


Cependant le vieux serviteur s'était rendu auprés du roi Charles 
qui, désolé de savoir sa mère en ce triste état, consentit sur-le- 
champ à ce que la jeune infante Catherine fût rameuée à Torde- 
sillas, Mais afin qu'elle püût y vivre d'unefaçon plus assortie à son 
rang et aux goûts de son âge, il lui composa une petite cour de 
dames et damoiselles espagnoles ; ce à quoi la bonne petite prin- 
cesse consentit bien volontiers. Le roi voulut la reconduire lui- 
même. Il se présenta d'abord tout seul dans la chambre de sa 
mère et lui parla ainsi : « Madame, je vous prie de cesser votre 
» deuil et ennui ; car je vous apporte bonne nouvelle de ma 
» sœur. On vous l'avoit ôtée par le conseil des princes et grands 
+ maîtres de ma maison, attendu qu’ils sout mal-contents de ce 


— 396 — 


que vous ne tenez pas un train royal comme il'appartient à ane. 
grande dame, telle que vous êtes, et ils disent que ma-sœur 
dépérira auprès de vous, parce que vous la tenez en chambre. 
solitairement et sans nulle récréation. Mais afin qu'ils n'aient. 
plus cause de murmurer ainsi , j'ai projeté, pour votre hon- 
neur, de vous donner un gracieux état de maison, si vous le 
voulez accepter, et permettre que ma sœur aille de chambre à: 
autre dans le palais et qu’elle puisse quelquefois se divertir aux 
champs, pour le bien de sa santé et par l’ordre des médecins. :» 


# + % V6 + a » .s 


Jeanne, qui avait écouté silencieusement son fils, leva enfin les 
yeux sur lui, et après l’avoir cantemplé fixement pendant une mi-, 
nute ou deux, elle laissa tomber quelques larmes sur ses joues 
desséchées ; puis, comme sortant d'un rêve, elle sourit, se leva 
résolument et dit qu’elle était disposée à tout et même à être reine 
encore, si l’on voulait lui rendre sa compagne, sa fille bien-aimée. 


L'infante Catherine qui, avec les quatre dames d'honneur, at- 
tendait dans l'appartement voisin, entra aussitôt et se jeta en' san- | 
glottant aux pieds de sa mère. Et la pauvre Jeanne, si malheu- 
reuse depuis douze ans, fut presqu'heureuse ce jour là. 


POUR SERVIR A L'HISTOIRE -DU PROTESTANTISME: 


Li) a 
À: 


‘| banS LÉ NORD DE LA FRÂNCE, . 


Dès 1554, Luther comptait à Béthune de fervents adeptes, 
puisque, cette même année, ses magistrats envoyaient au prési- 
dent etaux gens du conseil d’Artois aulcuns livres trouvés chez 
Je huchier Guillaume Quennefix, préténdant qu'ils contenaient les 
doctrines de fa luterie. 

Ces vexations n'en restèrent pas là, car l’argentier accuse une 
dépense de xxv s. faite à l'hôtel de la Clef par le doien de St.— 
Barthélemi et le curé de St.-Vaast, le jour -que sire Jehan Que- 
nefix (1), noté de lutererye, lut examiné, et aulcuns livres trou- 
vez en la possession de son frère, veus et visités. 


Dans ces frais était comprise la canne de vin envoyée au Pater 
de l’Annonciade, qui avait assisté à l'examen (2). 


Long-temps après (1540), les franciscains Benon et Sagens, 
accompagnés de gens savans et lettrés, visitaient les boutiques des 


(4) Il est à croire qu'il était prêtre. 
(2) Arch. de Béthune, fol. xuvir v°. 


— 398 — 


libraires et t d'antres personnes pour veoir sy On ne trouveroit au- 
cuns livres sentans herésie. 


En 1550, le messager sa transportait à Pernes, à l'effet d'y re- 
mettre au maïeur et aux échevins, la requête de cenx de Béthune, 
tendant à faire captionner et appréhender ung nommé Roullein 
Crespin, suspecté d’avoir apostillié en marge certain livre intitulé ; 
le bouclier de la foy, de plaisseurs hérésies perverses et meschan- 
tes, contre l'honneur du vénérable Sainct Sacrement. 


Se conformant aux désirs de leurs confrères, les ie de 
Pernes employèrent trois jours à inventorier les livres de Crespin 
èt d'autres suspects. 


Cette même année, Adrien de Pittain et Jehan Hanebecque, 
chergiés de la sept lutérienne, étaient incarcérés, et on allouaïit, 
l’année suivante, vr s. à sire Pierre Cailliet, pbre, tt 8. à Phi- 
lippe Billet, pareille somme à Claude Bassenghme, qui avoient esté 
oys en certaine information faite contre le premier de ces pré- 
venus. 


| plus sévères encore envers un mâlheureux tanneur, natif d’Ar- 
ras (4), les magistrats de Béthune le condamnaient (18641) au 
dernier supplice par l'espée (27. 


Au carme du couvent d'Arras qui l'avait interrogé, où pfésen- 
tait deux cannes de vin, tandis qne te prevôt, les ‘échevins, te 
mafeur, le-gouverneur, le gardien des Cordeliers, le doyen dé 
St.-Barthélemi et le curé de St.-Vaast prenaient, après l'exécu- 
tion, part à un repas dont la dépense s’éleva à xt L. x11 8. 


Malgré la séverité des lois et le zèle du clergé Noyonnais, Âes 
apinions hétérodoxes d’un des plus célèbres hérésiarques, auquel 


(1) Jehan le Clercq. — 1547, À Me Jehan le Douch vi s. pour 
avoir confessé un malade et pour avoir administré Martin. .…, quy fust 
lors exécuté par l’espée (Arch. de la Bassée.) 


(2) Deux femmes (la mère et la file) sont exécutes par le feu. 


— 899 — 


Pont-Levéque (4) aytit donné le‘ jour,| étaient goûtées et profes: - 
_ par Les: ‘hommesles pus hüdorables de Noyon. ME 


Chacun a déjà prononcé le nom de Caine TE 


.… Obligéde se rétugier à: Genève, il y'avait été suivi par: nôtibre 


de’seseoncitoyens, et, entre autres ; Par Gollemont et de Norman + 
die, lieutenant civil. HE ” 


Nous avons fait connaître dans un autre ouvrage (2) les Noyon- 
nais ; que les, de av vent Fa sl suspects. 


Dès 1547 (3) sr voyons la plupart d'entre eux, François 
Bergeron, Pierre le Clerc, Mathieu Le Noir, Jehan de Hervily, 
Gilles Potier, Philippe de Vrely, tenir tête à l’orage soulevé.par . 
le sacrilége commis sur un crucifix. S 


Nous ignorons comment ils détournèrent les accablantes accu- 
sations portées par les zélés. catholiques de l'assemblée contre 
d’aucuns de la ville qui allaient et communicquaient aucunes fois 
à Genève avec les Noyonnais suspects et notés: d'hérésie, réfugiés 
dans cette ville, et contre les détenteurs de livres défendus, qui, 
selon les direa du maire des maréchaux leur étaient fournis par 
un libraire (4) de la rue St.-Jacques, dont les. fréquents voyages 
à Genève et en Allemagne étaient bien connus (5), 

Rien, tagtefoig, ne fut révélé, lorsqu'un nouveau sacrilége, 
commis le 19 février 1554, nécessita unejautre assemblée, dans 
laquelle nous voyons figurer le fougueux chanaine Anthoine de. 
Monckhy (6), dit Démocharès. 


(1) Voy. nos Rech. hist., pp. 65-68. 
(2; Ibid. p. 73. Notes. 
(3) Cette proscription eut lieu en 4562. 


(4) Après les professeurs et les ministres, les hommes que Calvin re- 
cherchait avec le plus de soin étaient les imprimeurs ct les Hbraires 
(Garnier, hist. de France, t. xxv, p. 370.) 


(3) Arch. de Noyon, fol. czxx v°.—cLxxi r°, 
(6) Ibid. fol. nc. xaix r°. et v°. — Voyez nos rech. hist, p. 72. 


r- 400 — 


Enhardi par l'impunité, le fanatisme, l'année suivante, se mon-. 
trait plus audacieux : ne se contentant plus de briser. l'image véné-. 
rable du Sauveur, il avait l’infamie de l’attacher au pie Srou 
per les pieds. à 


Le pilori est. aussitôt abattu, on y substitue. une croix, eton or- 
donne que les imaiges quy sont sur larue seront remises en 
lieux haulx, que les malheureux n'y puissent aftaindre (1). 


Quelques années après (15641), le maire et'les échevins se 
voyaient forcés d'enjoindre ‘au peuple (qu'ils merraçaieut dé 14 co-' 
lère du roi) de respecter le domicile du lieutenant Louis Chastel- 
lain, où étaient descendus Laurent de Normandie et Lancelot de 
Montigny, despieça retirés à Genève Jugez à mort et bruslez par 


effigie (2). 


Le peuple remontrait, peu de jours après, que, depuis l’arrivée 
des deux hérétiques, blusieurs crucifix et ymaiges avaient été bri- 
sés. Il'ajoutait que M° Loys Chastellain, lieutenant du bailly de 
Vermandois, Robert Martine , prévôt royal, et les autres officiers 
du roi, vivant selon les nouvelles opinions, favorisaient les sectai- ‘ 
res, profitant d’ailleurs de leur autorité pour faire emprisonner, 
sous de vains prétextes, les bons catholiques qui déploraient tous 
ces scandales. Il demandait, en conséquence, que les suspects 
fussent privés de leurs places, ainsi que de leurs armes et bastons. 


De son côté, le chanoine de la Vacquerie voulait que, suivant 
les ordonnances, le lieutenant et les autres suspects’ fussent con - 
traints d'aller, de trois dimanches l’un, à leur messe paroissialle, 
pour oster et éviter tous scandalles, suspitions et séditions (3). 


L'année suivante (Jehan de Macquerel , seigneur de Tangrie . 
étant capitaine de Noyon), on dressait la fameuse liste sur laquelle 
Charles de Caisne était qualifié prince de jeunesse. 


(1) Ibid. fol. n c. Lvunt ro. ot vo. 
(2) Ibid. fol, 413 1s.— Ailleurs : bruslez ot enesfigyés. 
(3) Arch. de Noyon, fol. 114 ro etv? ; — 121 r0 et va. 


0 
0 


— â0i — 


Presque: tous les protcritsseratinérent À Varennes 0; ent 4 896 13 


‘se trouvaiententote. un grand-nombre de protestants; si 4i0ur ef 


croyons le testament de Nicolas Millet, maréchal, mort à Varen- 
nes cette mêthe années, :et qui-désire Y'être' iüihumé party ceulx 
quy dévédent'en la:résuragtioh Dee a not po 
en capbrance de lé résurrecttori on ui AU 
an pe COUDE TA Sp 
-Non content d'infliger à des ctiroi énorahlés toutes ces vexa - 
tions; kefanatistie: les contraignait. encre : ia aire”pabliquéent | 
pp de l' rofheial:-eu 1oùt deiplèy 1; eu te dé foi: 
ee dote LS AO rer de abs cat he in 
ouieuz de revenir sur leurs pas, les! sdibtiés” h'ccordéient 
qu'à regret l'entrée de la ville à Anthoine Dartois C3), avocat, alors 
quil leur retnettait’ lesléttres'de M: de Maryvaulx , “données sbr 
l’éttestätfon deicälhôlidité ‘obtènué de éoH'uté SU nd Le | 


} 
,*e 
+. ; 5! à 'i 
2 


Ceux de Péronne ne rougissaient pas (559) d’ordonner aux 
hostéllairis devenir "dhädue joir/appoiter au ‘Hidiehr, “lofsatit 
faïshit l'hssiett ea Bet, fes Hôrks id éurhoiis à de leurs hôtes: ANSE 
que leur domicile. Ils leur +ébdihin 4 die KSFrour dévoile Ton” 


que leurs domestiques et leurs chambri igres AR leur. Lu 

nièté de vivré ef téllis. Enr" leûre Topos G. AD DRE 

Malgré celle aversion ä si profon le, les officiers municipaux se 
. ii: SO res  jatun doi LNORO ZLASIIDE 89, 

- SJLCIRNESTS MENT LEUR 
état es MORE IS ne 0 Ms pe Émis. eh An st 5h 
{}, à du ballage de Noyon hong na ct 4 9f mol9a xsfiout 
(2) En présence du procureur “ lR ville, M. AL. Hi ode.. 

la peinture flamande et hollandaise. t. 1v. p. 176) rapporte que le père 

du grand peintre d'Anvers. (Jean Rubens), soupçonné de favoriser les . 

doctrines. nouvelles, fut obligé de se présenter devant le Conseil. COR: 

munal rétni à l’Hôtel- de-Ville (i 568) afin dy obtenir un certificat de. 
bohnés Mœurs , de respèct inaltérablé ] pour dés’ lois : et ‘1es coutumes du 
pays. 

. (3) Un des ancêtres de MM. Dartois, connus par un grand nombre 
de charmans vaudevilles. — En 15 F2, PI Dartois était, reçu bepr- 
geois. (Livre rouge). ” CE 

(4) Archives de Noos. fol. 450 rl”. ue Arr ne 
(5) I. de Péronne, fol. 175 r°. SR RAR 5 


+ 
—…— 409 — 


treuvaient souvens.dans la dure nécessité de protéger. es baguüä- 
nots. Me cesse  . a N. 

Estordonné re de PERS deal baragiires a 562), 
de-abvier et meltre Reine à apaiser lestesmotienset scéditions. ap 
parentes à estre entre les habitants. de. cette ville allencontre de 
ceulx eulx disans 2 nouvelle css 

Le mére jour, on Saitoit dgnifier À mess de. -Futoy uit 
eugsent à contenir leurs serveurs. ej domestiques, aü ce: qu'ilz: 
eulx ne adviennent aucunes séditions et cuotons sur peine 

de Ren Hraadre Fene CUX + L set tie À 


Peu intimidés, toutefois, les bnguenou EN déclaraient (t 86 TN 
qu'ils n 'acquit{eraient point la taxe de 11m... imposés à.la villé 
par le roi. 


see 
tiliur sd Zhr'e 


.Ceüx des Paÿi-Bge se montraient, encore plus ee. puis 
que ! les villes $e voyaient ans la°triste Doit de ge sancerter ; 
ensemble sur Les RAGE: de un à RTE TE US 

Béthune envoÿait à cet effet, en n 4568, ati les pagiqais 
‘de St.-Omer et d’Aire. | 

‘Ces nouveaux excès ee d’antant plus les étonner que , 
l'année précédente, les Etats convoqués à Arras s'étaient _ occupés 
de la modération des placcartz sur le faict de la secte luterainé, 
modérez selon lé concept où pourgect envoyépär: Madame À fa à das 
ceme de un régente de | per decha. ot 


y 
. + j 


Le idées sélalis avaient, dû reste, bien amoïndri td fut 
fonde védération dés maëses pour les ordres religieux, que les 
franciscains dé Béthune se virent forcés (1566) de dénoncer à 


4 


{ 
+ 


a. ‘Arch. de ne fol: See. r°. 
(2) La compagnie que conduisait, sous M. d’Andelot, le capitaine 


Poiet, tenait garnison à Péronne, en 1963. “Voyez aussi les arch. Ce 
Péronne, fol. 333 r°. 


— Àÿi — 
l'autorité lés excès de plaiseurs maulvais garchons et garnemeis 
qui, profitant de l’écroulement d’une muraille de leur: couvent 
donnant sur le rempart, se faisaient non-seulement'un cruel plai- 
sir de ruer pierres dedens ledict couvent, principallement aux 
verrières de l'église et du dortoir, mais encore cryoieut aprez les 
religieux, gectans. leur veue sur iceulx qu'ifz voyoient jusques 
dedens leurs chambres et estudes, usans de wvillains propos in- 
jurieu!x et scandaleux, tellement qu'ilz ne se seroyent où retirer: 


ee DE LA FONS-MELICOCQ. 


TT PET DIETTRLE Eu) ; 
“FRS | OC SaEts A SAT SO a À a AS. ' 


HRDREAELL EE 


ae 11.4 : 8 


« 
t + 
PETE 


PEINTRES pu 18° * SIÈGE. 


Al EAN Baprisre PATEIR, 


œmimmanmenmrnenmennne 


« La peinture du 48e siècle est 
ñ comme tous les essors collectifs 
n de l'activité humaine, très com- 
à plèxe. 

Pauz Manrz, Salon de 1847. 


À mes amis Pauz ManTz, et Eunore SouLié, conservateur 
du musée de Versailles. 


& 
4 


en 


Dans un ärlicle coloré et cpirituel sur Watteau êt Lancret, ar- 
ticle publié dans la ‘Revue de Paris en 1841, M. Arsène Houssaye 
parait ne point se douter que Pater ait été l'élève et l'imitateur 
du peintre des fêtes galantës, car il n’en dit pas un mot. C'est 
bien certainement une distraction de cet ami des arts et des 
paradoxes, qui lui a fait passer sous silence le nom d’un artiste 
dont le pinceau, bien mieux que celui de Lancret, a approché 
du talent et de la grâce de Watteau. 


Une circonstance assez remarquable, c'est que Pater était né, 
comme son maître, son modèle, à Valenciennes, qui, à diverses 
époques, a produit, dans les lettres et dans les arts, des sujets 


vraiment distingués. Ville heureuse entre toutes les villes. n'à> 
t-elle pas donné le jour à Froissart, le naïf et charmant chroni+ 
queur ? à Rosalie Levasseur, cette belle et puissante cantatrice, 
à laquelle 1e chevalier Gluck confia le voile blanc d'Euridice et la 
baguette d'Armide (1) ? à Saly et Dumont, les sculpteurs ? à 
Eisen, le dessinateur, qui a illustré avec tant d'esprit, de délica- 
tesse, tous les jolis livres du dix-huitième siècle ? à Joséphine 
Duchèsnois, si tendre, si passionnée dans les rôles de Phédre et 
de Marie Stuart? De nos jours, et malgré le bruit, la fumée, et 
les préoccupations intéressées de l'industrie, cette reine un peu 
juive de notre âge, Valenciennés n'a pas moins continué à en- 
fanter des artisies renommés, et, si je ne les nomme point, c'est 
parce que je crains d’alarmer leur modestie, et qu'il y a toujours 
quelque embarras à s'éntretenir des talents vivants, » FÜ6-0 
même pour les louer. 

‘ Quoi qu'il en soit, Pater est né aussi à Valenciennes , sur là 
fin du règne de Louis XIV, en 1695, et c’est lui, oublié, je ne sais 
trop pourquoi, par presque toutes nos biographies, en y com+ 
prenant celle dite universelle, que je vais tâcher de faire connai: 
tre à nes lecteurs. | M nn 


Son père, Antoine-Joseph Pater, appartenait à ‘une famillé 
honnète de la bourgeoisie, et était un sculpteur d’un certain mé- 
rite. On lui doit tous les ornements de la porte de Famars, tra- 
vail dans lequel il fut aidé par l'aîné de ses fs, Jean-François 
Pater. 


Ainsi que Watteau, Jean-Baptiste Patér, notre peintre, mon- 
tra dès l'enfance un goût irrésistible pour le dessin. Loin de lé 
contrarier, son père, charmé de voir se déveiopper en lui les qua- 
lités qui conduisent à devenir. un artiste distingué, l' use 
Gerin, peintre maintenant inconnu, qui habitait alors Valen: 
ciennes. Lorsqu'il fut devenu d'une certaine force, il résolut dé 
l'envoyer à Paris. Jean-Baptiste Pater sortait à peine de l'enfance: 
non-seulement il avait besoin d'être placé sous l'égide d'un boa 
maitre, mais encore de trouver dans ce maître un ami, un pra- 
lecteur qui le dirigeât dans le monde et lui fit éviter les écueils 


Re Aro | Fr 


| (1) M Arthur Dipaux a publié dans les Archives historiques du Nord 
te noties très intéressante sur Roselie Levasseur. : , : . 1,1 :: 
88 


— 408 — 


que présente la capitale aux jeunes provinciaux venant l'habiter, 
Son père crut avoir rencontré l’homme qu’il lui fallait dans sent 
compatriote Antoine Watteau, âgé de quelques années de plus 
que son fils, et en possession déjà d'un talent renommé : il se 
trompait. Il est rare d'abord que celui à qui le ciel a départi le 
génie et l'originalité puisse s'astreindre à donner des leçons. La 
palience.est une des premieres qualités des hommes qui se 
vouent àu professorat, et cette qualité manque souvent à ceux 
que l'esprit de création et la fougue exaltée, cette compagne or- 
dinaire d’un sentiment vif et profond, entrainent constamment 
vers le beau idéal et la recherche de routes jusqu'alors infréquen- 
tées. Le Poussin, Gluck, Mozart, Grétry n’ont point eu d'élèves ; 
ils ont donné des conseils, mais ne se sont jamais pliés froide- 
ment à enseigner chaque jour les règles de l'art dont ils ont été 
les modèles. En second lieu, Antoine Watteau était d’une hu- 
meur morose, atrabilaire, d’un caractère difficile, rempli de con- 
trastes heurtés, ne pouvant s’allier avec la faiblesse, l'étourderie 
d'un pupille, et les soins minutieux, persévérants,- qu'exigent 
son instruction et son avancement. 


J'ai raconté, dans l’Essai sur la vie de Watteau, que l'Artiste (1) 
a publié, les démêlés qui eurentlieu entre lui et Pater. Ils furent 
tels, que ce dernier fut obligé de lé quitter, avec d'autant plus 
de regrets que la nature l'avait créé pour peindre dans le genre 
de ce maître, et, si ce n’était pour l'égaler, du moins pour le 
svivre de très près. . | 


Le voilà donc seul à Paris, abandonné à ses inspirations, et 
'ayant pas une main amie pour le soutenir, une voix dont la 
bienveillance et l’autorité pût le guider dans la carrière qui s'ou- 
vrait devant lui. Combien de jeunes gens, dans une semblable 
Situation, n’eussent point tardé à perdre courage. Mais Pater 
avait de l’énergie, l'amour de son art; il se livra avec ardeur à 
l'étude, qui bientôt le récompensa de son zèle et de ses efforts. 


La capitalé renfermait alors des amateurs riches, distingués, 
se plaisant à réanir dans leurs cabinets les œuvres des peintres 
anciens et modernes, et à venir en aide aux artistes vivants dont 
les heureuses dispositions annonçaient un avenir de succès et 
de gloire. Parmi ceux qui marchaient sur les traces des Mariette, 


(1) L Artiste-Revue de Paris, série, tom, n° 18. , in-4°. 


= 407 — 


des. Julienne, des de Lalive, je doissignalér M. Blondel de Gagny: 
Quelques petites toiles de Pater tombèrent sous ses yeux, et , à 
dater de ce moment, il devint son protecteur, et lui commandà 
des tableaux. C’est pour lui qu'il fit le Bal, l’un de ses meilleurs 
ouvrages, dont la valeur atteignit 2,000 livres, lors de la venté 
après décès de cet amateur. 


La littérature galante, et en particulier les Contes de la Fon- 
laine, éprouvaienten ce moment une réèrudescence de succès, 
due aux mœurs plus que faciles de la Régence et du règne de 
Louis XV, quoiqu'il y ait, dans le talent et la manière de narrer 
del’immortel bonhomme, plusde naïveté érotique que de liber- 
tinage dévergondé. Tous les bibliophiles connaissent la magnifi- 
que édition de cet ouvrage, faite par lés soins des fermiers géné- 
raux, et ornée des délicieux dessins d'Eisen. Pater fut chargé, 
ainsi que Lancret, d'exécuter plusieurs tableaux d'après ces con- 
tes, et peignit ensuite ceux qui composent la collection des prin: 

cipalés scènes du roman comiqué de Scarfon. 


Cependant Watteau, retiré à Nogent, près dé Paris, allait s’é- 
teindre, frappé d’une maladie de poitrine qué le séjour de l’An- 
gleterre avait portée à sa dernière période. Le souvenir de son 
ancien élève ne s'était pas effacé de sa mémoire. Il se reprochait 
de n'avoir pas rendu à ses dispositions la justice qu'elles méri- 
taient, et d'avoir usé envers lui de mauvais procédés. Il allait 
même jusqu’à avouer qu'il l'avait redouté, aveu qui honorait à 
la fois sa franchise et Le talent de Pater. Gersaint, célèbre mar- 
chand de tableaux. arhi intime de Watteau, en racontant ces 
faits, ajoute qu'il fut invité par ce dernier à voir Pater, à lui 
éxprimer ses regrets, et à le lui amener à Nogent. « pour qu'il 
pôt, » ce sont les tefmes dont il se servit, « réparer en quelque 
sorte le tort qu'il lui avait fait, en le faisant proktef des instruc= : 
tions qu'ilétait encore en état de lui donner. » Vivementtouché 
de ces avances de son ancien maître, Pater s'empressa de sé 
rendre près de lui ; mais il né reçut ses conseils et ses leçons qué 
‘pendantun mois : la mort vint frapper Watteau au moment où | 
Sa réputalion brillait déjà du plus grand éclat. Mort à jamais re- 
grettable, car qui sait jusqu'où serait allé l'artiste qui, à trente- 
sept ans, nous a légué tant d'œuvres charmantes ? Pater sentit . 
profondément la perte qu'il venait de faire : « Je devais tout, 
disait-il à Gersaint, au peu de leçons qu'il m'a données ! » Et 
depuis, oubliant les moments pénibles qu'il avait passés pres dé 
lui, en arrivant à Paris, en maintes circonstances, il témianà 


la reconnaissance la plus tendre pour sa méinoire, se montrant 
heureux de rendre justice à son mérite toutes les fois que l'oc- 
casion s’en présentait (1). 


Avec des sentiments aussi nobles, aussi généreux, il serait in: 
concevable que Pater eût été en proie à un vice, dont les ré: 
sultats ont été funestes à son talent et à son existence, si la na- 
ture ne nous offrait pas tous les jours des contrastes qui échap- 
pent à toute explication raisonnable ; ce vice, c'était une avarice 
sordide, et, pour y croire, nous avons besoin de l'attestation de 
ses contemporains, de gens d'honneur. de probité, tels que Ger- 
saint et Mariette. Le premier était son ami, et entre, à cet égard, 
dans des détails qu'il semble rappeler avec peine, tant ils affligent 
son cœur ! Le second, dans des notes manuscrites el précieuses 
jointes par lui à un exemplaire de l’Abecedario pittorico du père 
Orlandi, cunservé au cabinet des Estampes de Paris, s'exprime 
ainsi : « Pater n’était occupé qu'à gagner de l'argent et à l’entas- 
ser ;, ilse refusait le nécessaire, et ne prenait de plaisir qu'à 
compter son or : je n'ai rien vu de si misérable que ce pauvre 
homme !» 


Je me ferais uñ reproche de passer sous silence ce qui peut 
tendre à amoindrir l'impression défavorable pour le caractère 
de Pater, que cette soif extrème du gain pourrait donner à mes 
ecteurs. Il résulte, en effet, de ce que dit Gersaint, qu'une vé-. 
ritable monomanie s'était emparée de son cerveau, et que sans 
cesse 1l élait poursuivi par la crainte d'arriver à la vieillesse 
avec des infirmités, sans avoir les ressources nécessaires pour 
exister, même modestement. À chaque instant le fantôme de la 
misère se dressait pâle et menaçant devant lui; et, afin de se 
trouver dans une position aisée vers la fin de sa carrière, il vi- 
vait pauvrement dans sa jeunesse, ne s’accordant aucune dis- 
traction, aucun plaisir. Dès le lever du jour, son ateliet le rece- 
vait, et iln'en surlait que lorsqu'il y était forcé. On conçoit 
quelle influence fatale cette triste monomanie a dû exercer sur 
son talent et sur sa santé ! Ne cherchant qu'un prompt débit de 
ses tableaux, souvent il en négligeait quelques parties , afin de 


me on 


ES 


(1) La derniére leçon donnée par Watteau d Pater à servi dé sujet 
à M. Ch. Crauk, de Valenciennes, : pour un tableau exécuié il ré 
quelques années. 


— 409 — 


les {erminer plus vite. Il ne se servait point de modèles, parce 
que cela lui aurait occasionné de la dépense. Les rues de Paris, 
les théâtres, la campagne, ne le voyaient pas, comme Watteau, 
le crayon à la main, saisissant sur le faitles allures, les costumes 
de chaque profession, les aspects si variés dela nature, pour les. 
fixer sur ses toiles, qui en seraient devenues le miroir anime. 
Affaibhli par un travail sans relàche, par les terreurs d’un avenir 
malheureux, son sang s’alluma, une fièvre ardente vint le saisir, 
et il succomba en 1736, à peine âgé de quarante et un ans (1), 


Lancret vivait encore, et avec Pater disparut du monde le se- 
cond des artistes formant la triade des peintres des féles galantes , 
dont Watteau avait été le prince. Pater, après la mort de ce der- 
nier, avait, lui aussi, été admis sous ce titre à l’Académie royale 
de peinture, et l’on peut voir au Louvre son tableau de récep- 
tion, l’une des œuvres les plus remarquables AIRES à son 
PIRE 


» €. de ste À . 

| Habitant depuis quelque temps Valenciennes, où j'ai trouvé 
l'accueil le plus honorable et le plus bienveillant, j'ai dû recher- 
cher si Pater y avait laissé quelques traces de son existence. Mes 
recherches, à cet égard, ont été à peu près vaines ; mon ami, M. 
Dinaux, que. son esprit aimable et fin, ses connaissances variées 
et profondes, surtout en ce qui concerne l'histoire du Hainaut, 
ont placé à la tète du mouvement littéraire et artistique de cette 
ville, n'a pu, malgré ses soins, me fournir sur ce point aucun 
document important. Cela s'explique facilement : Pater a quitté 
très jeune la cité qui l'a vu naître. A partir de ce moment, il n’y 

a fait que de rares apparitions, et il n'y existe plus personne de 
sa famille Aui porte son nom.— Toutefois, sur l'indication de M. 
Dinaux, j'ai visité M. Bertin, pharmacien, rue de Famars, dont 
Antoine Pater. était le trisaïeul, etqui m'a reçu avec une extrème 
obligeance. M. Bertin possède deux portraits de famille, celui 
d'Antoine, que Watteau peignit, dans l’unique voyage qu'il fit à 
Valenciennes depuis son etablissement à Paris, et celui de ma- 
demoiselle Pater, peint par son frère, œuvre maniérée, léchée 
et sans correction. Le portrait de la main de Watteau est, au 
contraire, une production sérieuse, réussie du premier coup , et 
accusant un'véritable artiste. Antoine Patér a une physionomie 


(1) Veir le catalogue raisoané du cabinet Quentin de Lorangère, par 
Gersaint. — Paris, J. Barrois, 1744, in-12, 


— 416 — 


très expressive, mais dure, hautaine, et, d’äprès ce que m'a dît 
M. Bertin, en rappèrt parfait avec son caractère. C'était un père 
difficile, inflexible dans ses résolutions et outrant le sentiment 
de dignité, de fterté que son art Jui inspirait. En voici un exem- 
ple : il ne pardonna jamais à celui de ses fils qui suivait sa pro- 
fession d’avoir épousé la fille d’un perruquier et ne voulut plus 
le revoir (1). Seulement, chaque année, dans les circonstances 
solennelles, telles que le jour de l'an, on lui amenait ses petits- 
enfants, qu'ilembrassait et auxquels il faisait quelques cadeaux. 
Que penseraient les coiffeurs de nos jours, en lisant cette anec- 
dote, eux qui ont la prétention d'être aussi des artistes ‘en leur. 
genre ?... ils traiteraient sans doute Aritoine Pater d'homme à 
préjugés ! le siècle actuel leur donnerait raison ; thais, de son 
temps, le sculpteur valenciennois n'avait pas tort. 1} fut enterré, 
ainsi que sa femme, dans l'église de Saint-Nicolas, située sur la 
place Verte, incendiée lors du siége de Valenciennes en 1793, et 
depuis entièrement détruite. M. Bertin a recueilli religieuse- 
ment la table de marbre blanc qui reoouvrait ou restes, el J'Y 
ai lu l IDACHPUOR suivan!e : 

Ici reposent les corps du sieur Re. Bars, . 
marchand sculpteur, bourgeois de celte ville, décédé le 71 L 
feburier 1747, âgé de 11 ans; et de Jeanne-Elisabeth ve -: 
FONTAINE, son épouse, nalive ‘de Bruay, décédée le à fcb- 
urier 1746, âgée de 80 ans. — Priez Dieu pour ne dmes. . 

L'orgueilleux Antoine Pater n'’a-t-il pas dû frétair, dans sa 
tombe, du titre de marchand sculpteur, insctit sur son épitaphe?. : 


Peu de temps avant sa mort, son compatriôte et élève, J. Saly, 
auteur du Faune portant un chevreau, qu'on admire encore dans 
le jardin des Tuileries, fit son buste en terre cuite, donñé il y'a 
quelques années au musée de Valenciennes per M. Sohier- 
Choteau (2). 


(1) Antoine Pater avait un troisième fs qui, sous le titre de dom 
Michel, fut prieur du couvest des Chartreux, de Montreuil-sur-Mer. 


(2) Une lithographie de ce buste, due au crayon de M. H. Teintu- 
rier, qui aime et cultive les arts, a été publiée, il y a quelques années, 
dans les Petites-Affiches de Valenciennes qui préeédèrent le journal 
À Echo de la Frontière. 


.— #11 — 


- On voit que dans tout cela H est ‘pou : question de. notre 

peintre , mais je n'ai pas cru devoir négliger ces détails d’inté+ 

rieur. La vie d’un homme distingué se compose, selon moi, ngn- 

seulement de ce qui lui est personnel, mais encore de ce qui 
concerne sa famille ; surtout lorsque cette famille est vouée aux: 
arts : toutes ces parties, se groupant autour du sujet principal , 

forment un tableau qui n’est pas sans intérêt, et servent à ex- 

pliquer el à compléter ce sujet. Je terminerai par rappeler:une 
circonstance.que je tiens aussi de M. Bertin : après le décès db 

Jean-Baptiste Pater, son frère le sculpteur fit le voyage de Pans, 

croyant recueillir quelque chose de sa succession ; mais il revint 

comme ilétait parti. Le peintre avait tout laissé à une femme 

avec laquelle. il vivait, et As ie Do Lu sa Ruth: 

maladie. Ê - F4 “ : ; . 


n'a 


F ,. Fe me \ , ER à cp 
Je vais maintenant chercher à apprécier ke talent de Pater. 
J'ai déjà dit qu'il me paraissait mériter le second. rang’ dans la: 
triade des peintres des Fékes galantes. La prééminence. de 
Watteau est d'abord incontestable , et ses-deux élèves n'ont 
fait que glaner à sa suite daps le champ où il.a maissonmé Les 
fleurs les plus jolies, les plus -suaves, les plus brillantes. 
Quant à Lancret, dont le dessin est, en général, plus correct 
que celui de Pater, il ya toutefois dans ses figures, celles de 
femmes surtout, une lourdeur, un:défaut de goût, et souvent: 
une maladresse qu'on nesaurait reprocher. au premier, beureux 
possesseur de la légèreté, de l'élégance et de la distinction tant 
admiréees dans-son maître. Sous le rapport de la couleur, sa 
partie la plus forte, il se montre de beaucoup supérieur à Lan- 
cret, et ainsi que l’a très bien fait observer Gault de Saint-Ger- 
main, « avec moins de finesse dans la touche, il a peut-être plus 
de solidité que Watteau (1). » C'est donc aveo raison que Ger- 


LAS ur fe, > de as. sr ne ner er DE à 

(1) Les-irois siècles de, la peinture en France +- Paris, 4808, in-8o. 
L'opinion des critiques. anciens .est-unanime sur l'altération de la 
couleur dans les tableaux.de Watteau. Voici ce que dit, à ,cet égard, 
Lafont de Saint-Yenne, dans ses Réflexions sur la peinture : « Tels 
« sont les tableaux du charmant Watieau,, à qui il n'a manqué que 


— 412 — 


saint a dit: « -Hrétait né: avec pou si näturel aux sue 
maads (1). »: Le — + .: 

VER, 4 L HN At 
+ Qu'on jette en efet lé: nn sur _ Seat de ses iabléaus, et 
l'on est frappé, ébloui de l'éclat-harmonieux, de !a magie, de ia 
transparence dent ils sont empreints : Cela ‘ne: ressemble-t-it 
pas à une douce et mélodieuse musique qu'on entendrait sous 
be feuillage, à travers lequel viendraient percer quelques rayons 
d'un béau soleil de printemps ? Oui, j'aime à l'avouer, j'ai tou- 
jeurééprouvé.un dharmeindiciblé à regarder une toilétde Pater! 
En fait de couleur, rien n'est discordant, rien ne crie:; tout; au 
contraire; se.fond,:$s’harmonise, tout vaus.inonde d'uné lumière 
n'ayant:pas un reflet qui blesse, el partant à l'âme lassensation 
d’une jouissance délicate, d'un bonheur rempli d’une: volup- 
tueuse plaoidité ! 


Ses compositions, si l'on vient ensuite à les examiner dans 
leur ensemble, sont plus variées ‘que celles de Watteau, et M. 
Houssaye me paraît n'avoir été que justeen disant de ce der- 
nier : « Ce qui Le a le plus manqué, c'est peut- -être la pen- 
sée (?). »'H'h'a/ilfaut blén ‘en convenir, que deux thèmes qu'it 
brode d’urnié mañiièré ravissante, les scènes militaires, telles que 
Cantpeñents; Hälies : de troupes, et les Fétés et conversations galan- 
tes dans de eharmants jardins, de’ rlänts' et fantastiques paysa- 
ges. Mais tés céntrâstes, leÿ idées sérieuses, én oppositién avec le 
plaisir, la'science de la vie, manquent presque entièrement dans 
son œuvre. Pater, lüi;-est sorti plusieurs fois des deux thèmes 
dont je viens de parler. Je n'én véux pour preuves ‘que les ta- 
bleaux qu'il a: composés sur les Côntes de K Fontaine, et te Ro- 
man comique de : Scarrôm, tableaux ‘dans lesquels ‘il y a souvent 
de la pensée, de l'esprit à la manière d’ Hogarth, et toujôurs de la 
Yâriété-unie à une aetion dramatique, à la LM et Le 
quant: DEAR ou 


4 , , : : , 4, 1 ARE 
, Na ss È s e ‘ 


‘Chaque inédäille ‘a 'Sofi' FévErs ; Pass Ro ‘fnigeanté Verne 


ÉRAE CPE ti) AR LOVE E 
* , ve su te Cros vo 


+ ee ms Se. om 0 mn are ne um mes = ut nm mme me me em ce me _ 


» cette partie pour être le peintre le plus séduisant et le plus Soient 

» âë tous nos modernes! ii" Quits Vônt'suplurd’ Huy: a ‘plépart dé ses 

» ouvragés % Uni assémb ge Ahféfiné‘dd toutéurs qui détonènt toutes, 

» etne laissent aux figures fi vie ni-vraïsemhlance:t » À 42: 
{1} Catalog Queutih CO Lorsñpore. D 


(2) Watteau et Lancret, Revue de Paris du 31 Sciobre l844. 


— 413 — 


applicable. à Loutes les choses de ce monde , uù la perfection est à 
peu près une chimère. Le rôté faible, très faible de Pater, c'est 
le dessin. Ici, je le sens, j'aborde une question brûlante , en ce 
que de nos jours elle est fort controversée parmi certains artis- 
tes et certains amateurs. Que doit-on entendre par le dessin ? 
J'ai toujours pensé qu'il résidait dans la correction et la pureté de 
la ligne. Ainsi, pour moi, Raphaël, Lesueur et David sont des 
dessinateurs corrects, tandis que Rembrandt, que j’admire sous 
tant d’autres rapports, laisse à cet égard heaucoup à désirer. 
L'opinion que je viens d’ émettre était jadis généralement adop- 
tée, et me paraît encore incontestable. Cependant, il n'en est 
pas ainsi, et aujourd’hui, pour ceux dont j je viens de parler, ce 
qui constitue le dessin, est la vérité du mouvement. Ces novateurs 
ont été mème plus loin, et j'ai en ce moment une brochure, spi- 
rituelle du reste, dans laquelle, à propos d'un grand peintre dé 
notre siècle, que je regrette amèrement de ne pas voir mieux 
dessiner, l'un d'eux invente un genre de dessin qu il appelle de 
création et qu'il affirme être le privilége. du génie (1). Or, j'avoue 
naïvement que je ne comprends pas plus ce langage que je ne 
comprends: certaines théories -politiques prèchées maintenant 
avet une ardeur, un 8seng-froid imperturbables ! Le mouverperit, 
sans nul doute, se traduit par le dessin, maïs il n'est-pas le’ des- 
sin ;.il appartient essentiellement à l'expression, et naît du sen+ 
Himent, de la passion qui anime une figure. En supposant donc, 
par exemple, que, s’il s’agit d’un personmage donnant des ordres 
à ses subordonnés, on ait imprimé à son bras, à sa main, le mou- 
vement, le geste le plus naturel du commandement ; sice bras, 
cette main sont incorrects, vainement on viendraif soutenir 
qu'ils sont bien dessinés. L'expression peut être vraie, animéé, 
mais la correction manqué, et, si c’est la ce qu'on appelle dessin 
de création, je trouvé que eest une création très matheuräuss:, 
et jamais les gens de goût ne s'aviseront de l’attribuer: au génie: 
Conveñons-en de bonne foi : toutes ces nouvelles théories sur 
les arts sont de véritables paradoxes, auxquéls de jeuhes ama- 
teurs se laissent prendre, sans pouvoir en donner une explica- 
tion raisonnable ; tandis que certains artistes ne les soutien- 
nent, quoiqu'ils en sententle vide, que pour masquer leur im- 
puissance. 


Je reviens à Pater, dont le dessin est en général mauvais. 
Ce défaut grave résulte chez lui du manque d'études sérieuses, 


RE SESEE) CESR SE OS  E EEPO DRE CEE ENS 
5 4 , vs, N | i 


"4 ‘Salon de 1846, par M. Baudelaire Dufays. : 


…— dj4 — 


faites d’après nature, et de la promptitude avee laquelle it 
peignaït, afin de gagner, en peu de temps, le plus d'argent pos- 
sible. 


En terminant cette appréciation de son talenit, il ne me paraît 
pas inutile d’entrer dans quelques considérations sur le genre 
qu'il avait adopté. J'entends principalement parler ici de ceux de 
ses tableaux peints à l’imitation de ceux de Watteau. 11 faut l'a- 
vouer, ce genre, tel aimable, tel séduisant qu'il soît, est tout-à- 
fait de convention, de fantaisie. A deux époques différentes, son 
immense succès a été le résultat de la mode et du mérite incontes- 
table des trois peintresqui l'ontexploité. En effet, le servum pecus 
des imitateurs a vainement cherché à suivre leurs traces. Ils 
avaient emporté dans la tombe le secret de cette magie, de cette 
féerie, qui animent les toiles qu'il nous ont laissées. La Motte a 
dit, en parlant des œuvres littéraires : 


Tous les genres sont bons, hors le genre SAoyenx 


Je suis complètement de son avis, et je trouve cette Maxime ap» 
plicable aux arts comrhe aux lettres ;:mais c'est à la condition 
que tous les genres soient traités d'une manière supérieure. 
Pour moi, certaine chanson de Béranger vaut, à son point de 
vue, la plus belle ode de Pindare, et un paysage de Ruysdaël 
égale, en valeur de sentiment, un tableau de Raphaël. Watteau, 
à cet égard, l'emporte de beaucoup sur ses deux émules, et son 
pinceau, dans les sujets de fantaisie, a un côté de vérité, de pro- 
fondeur, quant à l’art, que l'on rencontre, sans aucun mélange 
de mensonge, dans les rares portraits qui complètent son œuvre. 
Toutefois, proclamons-le bien haut, il serait très fàcheux, ainsi 
que l'ontessayé depuis quelque temps plusieurs de nos jeunes 
artistes, que l'on cherchât à ressusciter cette école du dix-hüi- 
tième siècle, enfant charmant, mais gâté, de la Régence, et tombé 
dons la décrépitude lorsque vint la révolution de 1789. Les 00- 
quetteries de la palette ne vaudront jamais sa franchise etsa 
bal 


HI. 


Je ne me dissimule pas en donnant un catalogue des ouvrages 
de Pater, que, malgré mes soins et mes recherches, ce travail 


« 


— 45 — 


sera peut-être très incomplet. Ses tableattxk sont dispersés en 
France, dans plusieurs maisons et cabine!s qui ne sont. pas 
ouverts au public. En Angleterre surtout, il y en a un assez 
grand nombre, enlevés à notre pays, à dater de la paix de 1814, 
À cette époque, les traditions de l'école de David étaient daus 
toute leur force, et Watteau, Pater et Lancret, mis à l'index , 
vendus à des prix très minimes, devenaient l’heureuse conquête 
des étrangers qui visitaient Paris. Il m'a donc fallu prendre des 
informations partout, feuilleter ‘beaucoup d'inventaires ‘et :de 
brochures sur. les arts, rechercher lès gravures faites d'après 
notre peintre, afin de parvenir à composer Ja nomencléture- qui 
“va suivre : 


‘ Ca 


spi 
… 1.—Une Fête galante, avec repas, dans la campagne. 


| Ce tableau, morceau de réception de Pater à l'Académie, est au Mu- 
sée du Louvre. TE dde «6e à 


rat 


. 2.—Une belle Galerie, ornée de Aus et Ssdiures — On yre- 
marque différentes, personnes à table, et quatre autres des deux sexes, 
chantant et jouant de divers instruments, L' architecture est de Bayer. 
AoIs de 22 pouces de haut sur 17 de large. 

Le catalogue Julienne mentionne ce tableau sou te no 246. H a: ds 
vendu, én1747, k M. do Monteciair, la somme de 1 008 Hereë) 


à. Un sujet de récréation. Fe sur toile, de 28 pouces de 
haut sur 38 de large. 
. (N° 244 du même catalogue, — Vendu à M. de Montalet 450 livres. 


‘4, — Un sujet de conversation chenpares — De” 15 Bôucès ds haut 
sur it pouces 114 de large. 
Aus 52 se citalogus Quentin de Lorangère , ” par Gersaint. Paris , 


BD. — Une chasse chinoise. — De & pieds . A pouces do laiiauce sur 
pieds À1. pouces de largeur. , pue se, à 
Ce tableau était placé, sous Louis XY, à Vorseilles, dit une aie 
rie faisant aujourd'hui partie des petits appartements. Maintenant on l'a 
mis en dessus de porte, dans une salle dé billard du palais de Foÿtai- 


nebleau. j Fi peu 
de — Le Bain. 
' 4 \ 5 [a 
"n, La Pêche. ne ; : MC a AA RU Vo : N 
 @.-— Le Balimpôire D 


9, — La Danse. 


40, — Une Féte champétre. 


11, — Un Repas champétre. ! 

Ce sont six dessus de porte placés eu petit Trianon, et énéciaes 
attribués à Watteau. Des connaisseurs distingués, qui les ont exari- 
nés dernièrement, n'ont pas hésité à les reconnaitre pour des Pater, 
malheureusement très endommagés et très repeints. 


12, — Une Halte d'armée. 6 
: Tableau mentionné dans la Description des ouvrages 7. piinture ex- 
posés dans les salles de l Académieroyale, par d’Argenville, 1 vol. in-12: 
Paris, Debure père, 1781. 


13. — Le Bal. — Hauteur, 1 pied 10 pouces ; largeur. 2 pieds 
1 pouce. 

N° 223 du catslogüe de M. Blondel de Gagny. Ce tableau a été 
vendu 2,000 livres à M. de Nogaret, et, au décès de ce dernier, il a été 
porté dans son catalogue sous le n° 95, et a étépayé 1,500 livres.) 


14. — Jeux d ‘enfants. — Tablesu sur bois, de 6 pouce# de hautsur 
# poutes 112 de large. Î représente un’ etifant ‘dans un chariot tratn